SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

1. Procès-verbal (p. 1).

2. Dépôt de rapports du Gouvernement (p. 2).

3. Accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et l'Afrique du Sud. - Adoption d'un projet de loi (p. 3).

Discussion générale : MM. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Jean Puech, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

4. Convention d'entraide judiciaire en matière pénale avec l'Afrique du Sud. - Adoption d'un projet de loi (p. 4).

Discussion générale : MM. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Jean Puech, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

5. Accord euro-méditerranéen établissant une association avec l'Algérie. - Adoption d'un projet de loi (p. 5).

Discussion générale : M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

MM. Claude Estier, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; le ministre délégué.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

6. Accord euro-méditerranéen instituant une association avec le Liban. - Adoption d'un projet de loi (p. 6).

Discussion générale : M. Serge Vinçon, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

7. Convention avec la Suisse portant rectifications de la frontière. - Adoption d'un projet de loi (p. 7).

Discussion générale : M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

M. Didier Boulaud, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

8. Décision du Conseil relative à l'élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct. - Adoption d'un projet de loi (p. 8).

Discussion générale : M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ;Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

9. Convention d'établissement avec le Gabon. - Adoption d'un projet de loi (p. 9).

Discussion générale : M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ;Mme Paulette Brisepierre, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

10. Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale. - Adoption d'un projet de loi (p. 10).

Discussion générale : MM. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, en remplacement de M. Jean-Guy Branger, rapporteur.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

11. Accord avec l'Espagne relatif au tunnel routier duSomport. - Adoption d'un projet de loi (p. 11).

Discussion générale : MM. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Philippe François, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. le ministre délégué.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

12. Traité avec l'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière. - Adoption d'un projet de loi (p. 12).

Discussion générale : MM. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Philippe François, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

13. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi (p. 13).

Suspension et reprise de la séance (p. 14)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

14. Conférence des présidents (p. 15).

15. Archéologie préventive. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 16).

Discussion générale : MM. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication ; Jacques Legendre, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Gérard Delfau, Yves Dauge, Ivan Renar, Philippe Richert, Claude Biwer, Bernard Joly, Mme Marie-Christine Blandin, M. Serge Lepeltier,Mme Françoise Férat, MM. René-Pierre Signé, Henri de Raincourt, Serge Lagauche, Jean-François Picheral.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

Question préalable (p. 17)

Motion n° 34 de M. Jack Ralite. - MM. Jack Ralite, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Suspension et reprise de la séance (p. 18)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

16. Mise au point au sujet d'un vote (p. 19).

Mme Françoise Férat, M. le président.

17. Archéologie préventive. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 20).

Article 1er (p. 21)

Amendement n° 1 de la commission et sous-amendement n° 40 de M. Yves Dauge. - MM. Jacques Legendre, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Yves Dauge, Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement.

Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Yves Dauge. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 1er (p. 22)

Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Mme Marie-Christine Blandin. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2 (p. 23)

Mme Hélène Luc.

Amendements n°s 41 de M. Yves Dauge, 5 à 7 de la commission, 72 de M. Ivan Renar ; amendements identiques n°s 35 de Mme Françoise Férat et 73 de M. Ivan Renar ; amendements n°s 8 à 13 de la commission, 74 à 79 de M. Ivan Renar, 42, 43 de M. Yves Dauge et 87 de M. Philippe Richert. - MM. René-Pierre Signé, le rapporteur, Mmes Annie David, Françoise Férat, MM. Yves Dauge, Ivan Renar, Philippe Richert, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 87 ; rejet des amendements n°s 41, 72, 74 à 76, 42, 77, 79 et 43 ; adoption des amendements n°s 5 à 13, les amendements n°s 35, 73 et 78 devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Article 3 (p. 24)

Amendements identiques n°s 44 de M. Yves Dauge et 80 de M. Ivan Renar ; amendements n°s 45, 46 de M. Yves Dauge, 14 de la commission ; amendements identiques n°s 39 de M. Gérard Delfau et 48 de M. Yves Dauge ; amendements n°s 36 de Mme Françoise Férat, 49, 47, 50, 51 de M. Yves Dauge et 15 de la commission. - MM. Yves Dauge, Ivan Renar, le rapporteur, GérardDelfau, Mme Françoise Férat, M. le ministre, Mme Marie-Christine Blandin, M. Serge Lagauche. - Retrait des amendements n°s 49 et 47 ; rejet des amendements n°s 44, 80, 45, 46, 39, 48, 50 et 51 ; adoption des amendements nos 14, 36 et 15.

Adoption de l'article modifié.

Article 4 (p. 25)

Amendements n°s 52 rectifié de M. Yves Dauge et 16 de la commission. - MM. Yves Dauge, le rapporteur, le ministre. - Rejet de l'amendement n° 52 rectifié ; adoption de l'amendement n° 16.

Amendements n°s 53 de M. Yves Dauge, 81, 82 de M. Ivan Renar, 17 de la commission et 38 rectifié de Mme Françoise Férat. - M. Yves Dauge, Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme Françoise Férat, M. le ministre. - Retrait de l'amendement n° 53 ; rejet des amendements n°s 81 et 82 ; adoption des amendements n°s 17 et 38 rectifié.

Amendement n° 18 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 4 (p. 26)

Amendement n° 19 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Serge Lagauche, Alain Vasselle. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 5 (p. 27)

Amendement n° 54 de M. Yves Dauge. - MM. Yves Dauge, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 6 (p. 28)

Mme Marie-Claude Beaudeau.

Amendements n°s 55 de M. Yves Dauge, 83 de M. Ivan Renar, 89 rectifié bis de M. Jean Arthuis, 20 de la commission, 64 de M. Alain Vasselle ; amendements identiques n°s 21 de la commission et 65 de M. Alain Vasselle ; amendements n°s 66 de M. Alain Vasselle, 22 à 27 de la commission et 88 de M. Philippe Richert. - MM. Yves Dauge, Ivan Renar, le rapporteur, Michel Mercier, Alain Vasselle, Philippe Richert, le ministre, Serge Lagauche, Philippe Nogrix. - Retrait de l'amendement n° 89 rectifié bis ; rejet des amendements n°s 55 et 83.

Suspension et reprise de la séance (p. 29)

MM. Alain Vasselle, Serge Lagauche, le ministre. - Retrait des amendements n°s 64 et 88 ; adoption des amendements n°s 20, 21, 65 et 22 à 27, l'amendement n° 66 devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 6 (p. 30)

Amendement n° 28 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

MM. le président, le ministre, Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles.

Article 7 (p. 31)

M. Claude Biwer.

Amendements n°s 84 de M. Ivan Renar, 29 de la commission, 56 rectifié de M. Yves Dauge, 67 et 68 de M. Alain Vasselle. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, Yves Dauge, Alain Vasselle, le ministre, Michel Mercier, au nom de la commission des finances. - Rejet des amendements n°s 84, 67 et 68 ; adoption de l'amendement n° 29 ; irrecevabilité de l'amendement n° 56 rectifié.

Amendements n°s 57 rectifié de M. Yves Dauge, 30 de la commission et sous-amendement n° 33 rectifié bis de M. Claude Biwer. - MM. Yves Dauge, le rapporteur, Claude Biwer, le ministre. - Retrait du sous-amendement ; rejet de l'amendement n° 57 rectifié ; adoption de l'amendement n° 30.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 7 (p. 32)

Amendement n° 85 de M. Ivan Renar. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 8. - Adoption (p. 33)

Article 9 (p. 34)

Amendements n°s 31 de la commission et 58 de M. Yves Dauge. - MM. le rapporteur, Yves Dauge, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 58 ; adoption de l'amendement n° 31.

Adoption de l'article modifié.

Article 10. - Adoption (p. 35)

Article 11 (p. 36)

Amendement n° 32 de la commission. - Adoption.

Amendement n° 59 de M. Yves Dauge. - Rejet.

Amendement n° 60 de M. Yves Dauge. - Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 11 (p. 37)

Amendements identiques n°s 61 de M. Yves Dauge et 86 de M. Ivan Renar. - M. Yves Dauge, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.

Amendement n° 62 de M. Yves Dauge. - MM. Yves Dauge, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l'ensemble (p. 38)

MM. Bernard Fournier, Ivan Renar, Mme Françoise Férat, M. le président de la commission.

Adoption du projet de loi.

M. le ministre.

18. Transmission d'une proposition de loi (p. 39).

19. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 40).

20. Ordre du jour (p. 41).

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre :

- le rapport au Parlement sur les conditions de mise en oeuvre des agréments fiscaux prévus en faveur des investissements réalisés dans certains secteurs économiques des départements et territoires d'outre-mer en 2002, établi en application de l'article 120 de la loi n° 92-1376 de finances pour 1992 ;

- le rapport relatif aux agréments des établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux à but non lucratif pour 2002 et aux orientations en matière d'agrément des accords et d'évolution de la masse salariale pour 2003, établi en application de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

3

ACCORD SUR LE COMMERCE,

LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION

ENTRE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

ET L'AFRIQUE DU SUD

Adoption d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations)
Discussion générale (fin)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 183, 2002-2003) autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations). [Rapport n° 331 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord du 11 octobre 1999 représente un élément clé du dispositif de normalisation des relations entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud. Il formalise la réinsertion de ce pays dans la communauté internationale, après tant d'années sous le régime de l'apartheid, consacrant le rôle éminent que joue désormais l'Afrique du Sud sur son continent et bien au-delà. On mesure l'importance du chemin parcouru en moins de dix ans !

En effet, l'Afrique du Sud a été l'un des tout premiers dossiers de politique étrangère sur lesquels la Communauté européenne a réussi à définir, au milieu des années quatre-vingt, des positions communes et des mesures de sanction. La libération de Nelson Mandela en 1990 et, surtout, son élection à la présidence de la République d'Afrique du Sud en 1994 ont créé les conditions permettant à l'Europe et à l'Afrique du Sud de construire un nouveau partenariat.

Ainsi, dès juin 1995, sous présidence française de l'Union européenne, le Conseil européen de Cannes a défini les gands axes de la stratégie européenne à l'égard de l'Afrique du Sud, sortie du régime de l'apartheid. Les objectifs fixés ont été atteints depuis lors.

Tout d'abord, le programme européen pour la reconstruction et le développement de l'Afrique du Sud, le PERD, a été mis en place en 1996. Ce programme de coopération est doté depuis 2000 d'une importante enveloppe, qui se monte à 126,5 millions d'euros par an.

Ensuite, en adhérant à la convention de Lomé IV révisée, l'Afrique du Sud est devenue le soixante et onzième pays du groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, les pays ACP, le 1er juin 1998.

Enfin, l'accord sur le commerce, le développement et la coopération a été signé à Pretoria le 11 octobre 1999, après plus de quatre années de négociations.

Le dispositif global de coopération entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud forme donc un ensemble aussi complet par sa gamme d'instruments que cohérent par leur articulation. C'est tout naturellement l'accord sur le commerce, le développement et la coopération qui constitue la clé de voûte de cet édifice.

L'accord soumis à votre Haute Assemblée innove à plus d'un titre. Il met en place un cadre global et ambitieux de coopération, reposant, comme l'accord entre les pays ACP et la Communauté européenne de Cotonou, qui s'en est inspiré, sur trois piliers : un dialogue politique, un volet commercial et un chapitre consacré à la coopération pour le développement.

Parce que le développement n'est possible que lorsque la démocratie, la stabilité et la bonne gestion des affaires publiques sont assurées, l'accord met l'accent sur ces éléments centraux du partenariat entre la Communauté européenne et l'Afrique du Sud.

Ces questions sont abordées dans le cadre du dialogue politique régulier et approfondi mis en place par l'accord, qui traitera également de l'évolution intérieure du pays et des questions de politique étrangère, comme le NEPAD - le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique - la crise des grands lacs, l'Union africaine, le Zimbabwe, etc. Dans ce cadre, l'accord a mis en place un instrument de rencontres et de discussions sous la forme d'un conseil de coopération, qui s'est déjà réuni à trois reprises depuis 1999.

La volonté est de régler les problèmes par le dialogue. Ainsi, pour faire face aux éventuelles situations de crise, une conditionnalité politique pour l'aide accordée à l'Afrique du Sud est prévue dans l'accord, mais la mise en oeuvre de cette clause, dite « de non-exécution », est toutefois encadrée par des procédures précises, qui permettent éventuellement au partenaire de s'expliquer et de redresser la situation.

En matière commerciale, l'accord prévoit la mise en place d'une zone de libre-échange entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud, qui ouvre le marché sud-africain aux exportations européennes. Pour nos exportateurs, le régime est bien plus intéressant que celui dont ils disposent dans le cadre de l'accord de Cotonou, où les préférences tarifaires accordées par l'Union européenne ne sont pas conditionnées à une libéralisation réciproque de la part des partenaires ACP.

Cette ouverture se fera sur une base réciproque, asymétrique et progressive, sur une durée de douze ans au maximum. Il s'agit ici de tenir compte de la différence de niveau de développement entre les deux parties. A la fin de la période de libéralisation des échanges, 95 % des exportations sud-africaines en Europe bénéficieront d'un accès libre au marché communautaire, contre 68 % avant 2000. Inversement, 86 % des exportations européennes en Afrique du Sud bénéficieront d'un accès libre au marché sud-africain, contre 53 % avant 2000.

Malgré l'asymétrie prévue par l'accord, l'effort d'ouverture qui est demandé à l'Afrique du Sud est important : les taux moyens des droits doivent être ramenés sur la période prévue de 2,7 % à 1,5 % pour l'Union européenne et de 10 % à 4,3 % pour la République sud-africaine.

Il faut noter que certains produits demeurent exclus de cette libéralisation, afin de protéger les secteurs vulnérables des deux parties. C'est, en particulier, le cas des produits agricoles et de l'aluminium pour l'Union européenne.

Il est prévu dans l'accord que les vins et spiritueux ainsi que les produits de la pêche feront l'objet d'accords spécifiques. A l'issue de longues et difficiles discussions, les projets d'accords sectoriels sur les vins et les spiritueux ont été adoptés par le Conseil « agriculture » de l'Union européenne du 21 janvier 2002 et signés le 28 janvier 2002 à Pretoria.

Enfin, parce que le commerce ne se suffit pas à lui-même et que la solidarité internationale est une composante essentielle du développement, l'accord encadre la mise en oeuvre de l'aide communautaire prévue par le programme européen pour la reconstruction et le développement, qui représente, je le rappelle, 126,5 millions d'euros par an.

L'Afrique du Sud est ainsi, très nettement, le premier bénéficiaire de l'aide communautaire au sein des soixante-dix-huit Etats ACP. La France, deuxième contributeur au budget communautaire, y compte pour une large part.

Premier partenaire commercial, principal donateur - et de loin -, l'Union européenne est un partenaire stratégique de l'Afrique du Sud. L'accord du 11 octobre 1999 témoigne bien de l'importance accordée par l'Union européenne et l'Afrique du Sud au renforcement de leurs relations dans tous les domaines.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Puech, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'accord sur le commerce, le développement et la coopération signé le 11 octobre 1999 entre la Communauté européenne et l'Afrique du Sud présente plusieurs particularités.

En premier lieu, il constitue l'aboutissement d'un processus de normalisation des relations avec l'Europe, qui a commencé en 1990 avec la levée du régime des sanctions, dès l'instauration du multipartisme, et s'est poursuivi avec un premier accord de coopération signé en octobre 1994, quelques mois après l'élection de Nelson Mandela.

Deuxièmement, cet accord est le reflet de la place singulière de l'Afrique du Sud dans les relations extérieures de l'Europe. Sur certains aspects, il s'apparente aux accords conclus avec les pays dits « du premier cercle », c'est-à-dire les candidats à l'adhésion et les pays méditerranéens, et s'écarte donc du régime général des échanges prévu par les accords de Lomé, bien que l'Afrique du Sud appartienne à la communauté des Etats ACP.

Enfin, l'accord vise à l'instauration progressive d'une zone de libre-échange entre les deux partenaires, ce qui est le cas des autres accords commerciaux signés par la Communauté européenne, mais il se distingue en couvrant tous les secteurs économiques, y compris l'essentiel des produits agricoles.

L'accord comporte de nombreuses dispositions relatives au dialogue politique euro-sud-africain ainsi qu'à la coopération et à l'aide au développement, mais c'est bien entendu le volet commercial qui constitue le coeur du dispositif. J'ai détaillé, dans le rapport écrit, les modalités d'instauration de la zone de libre-échange, qualifiée d'« asymétrique » dans la mesure où le marché européen s'ouvrira un peu plus rapidement et plus largement que le marché sud-africain.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, la question des vins et spiritueux a été l'une des plus difficiles dans les négociations entre les deux parties. Elle n'est traitée que marginalement dans l'accord lui-même, qui renvoie à la conclusion d'un accord séparé. Nombre de pays européens auraient souhaité que les termes de cet accord séparé soient arrêtés avant que n'entre en vigueur l'accord général. C'est d'ailleurs la méthode qui avait été prévue à l'origine, mais qui n'a pas été suivie en raison de l'âpreté des discussions. Notre commission des affaires économiques avait, sur ce point, marqué sa préoccupation voilà un peu plus d'un an, avant que ne soit signé, à la fin janvier 2002, cet accord distinct.

Au total, l'Afrique du Sud, dont l'économie est largement tournée vers l'exportation, retire des avantages non négligeables de l'accord de commerce et de coopération avec la Communauté européenne. L'Europe obtient, pour sa part, de réelles contreparties, même si elles ne sont pas rigoureusement équivalentes d'un point de vue arithmétique.

L'Union européenne est aujourd'hui le principal partenaire économique et commercial de l'Afrique du Sud, représentant près de 40 % de ses importations et exportations, ainsi que 70 % des investissements directs étrangers. L'accord commercial de 1999 va, bien entendu, renforcer le courant d'échanges entre les deux entités, d'autant qu'il est pour l'instant le seul de ce type passé par Pretoria avec d'autres pays développés. Assurément, il faut souhaiter que la France profite de cette situation pour améliorer ses positions, encore insuffisantes au regard du potentiel économique sud-africain.

Cet accord est également destiné à conforter le développement économique de l'Afrique du Sud et son insertion dans l'économie mondiale. Le pays bénéficie d'une grande stabilité politique et d'indicateurs macro-économiques plutôt favorables. En revanche, il demeure fragilisé par le chômage et la pauvreté, la propagation du sida et le développement de la criminalité urbaine. Il est de l'intérêt de l'Europe que ce grand pays de 44 millions d'habitants trouve les moyens de valoriser les nombreux atouts dont dispose son économie.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères et de la défense vous demande d'adopter le projet de loi autorisant la ratification de cet accord. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

« Article unique. - Est autorisée la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations), signé à Pretoria le 11 octobre 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations)
 

4

CONVENTION D'ENTRAIDE

JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE

AVEC L'AFRIQUE DU SUD

Adoption d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud
Discussion générale (fin)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 235 rect., 2002-2003) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud. [Rapport n° 332 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, pour des raisons tenant à la nature du régime d'apartheid qui était en place jusqu'en 1994 en Afrique du Sud, aucun accord bilatéral d'entraide judiciaire n'avait été conclu avec cet Etat. La coopération dans ce domaine s'effectuait donc au cas par cas, sur la base du principe de réciprocité.

Les changements politiques intervenus dans ce pays depuis lors ont levé tout obstacle à l'ouverture de négociations, sur l'initiative, d'ailleurs, des autorités sud-africaines.

Ces négociations se sont toutefois heurtées à la difficulté née de la confrontation de deux systèmes juridiques et judiciaires de tradition différente. Cependant, l'expérience des négociations de conventions avec d'autres Etats où s'applique la Common Law du système britannique, tel le Canada, jointe à une ferme volonté politique bilatérale, a permis d'aboutir rapidement à la signature, au Cap, de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale du 31 mai 2001.

Cette convention, qui fait l'objet du projet de loi qui vous est soumis, a pour objectif principal d'établir un cadre juridique clair et stable, de manière à faire face au développement de la criminalité transfrontière et de lutter contre le trafic de stupéfiants et contre le blanchiment d'argent.

Les parties s'engagent par cet accord, qui reprend les principales dispositions de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale du Conseil de l'Europe du 20 avril 1959, à s'accorder l'entraide la plus large possible.

Ce principe général comporte cependant quelques limites. Ainsi, d'une façon classique pour ce type d'instrument juridique, sont exclues du champ d'application de l'entraide l'exécution des décisions d'arrestation et de condamnation, qui relèvent habituellement du domaine de l'extradition, et les infractions militaires, dès lors qu'elles ne constituent pas des infractions de droit commun.

Le texte détaille les modalités de rédaction des demandes d'entraide judiciaire, les voies de transmission à utiliser, les autorités responsables, la déposition ou la comparution des témoins et des experts, la remise des actes de procédure, les immunités des personnes poursuivies, le transfèrement temporaire, la recherche et la confiscation des produits d'une infraction.

Cet instrument juridique devrait permettre d'approfondir la coopération entre les autorités judiciaires et, d'une façon générale, de renforcer les liens juridiques entre les deux pays.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Puech, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France étend depuis plusieurs années son réseau de conventions bilatérales d'entraide judiciaire en matière pénale avec des pays étrangers.

Ce type d'instrument a démontré son utilité. Il est en effet de moins en moins exceptionnel que des affaires pénales dépassent le cadre strictement national. Par ailleurs, la criminalité transfrontière se développe avec l'action de réseaux, opérant à l'échelle de plusieurs pays, impliqués dans de nombreux types de trafics et dans l'immigration irrégulière.

On ne peut donc que se féliciter de voir une telle convention conclue avec l'Afrique du Sud, car, si les contentieux nécessitant la coopération des juridictions de nos deux pays demeure jusqu'à présent en nombre limité, ils seront malheureusement vraisemblablement appelés à se développer.

Cette convention bilatérale, bâtie sur le modèle de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale du Conseil de l'Europe de 1959, est très comparable à d'autres conventions déjà signées par la France. Elle permettra de faciliter et d'accélérer les procédures d'instruction impliquant de sortir du cadre national. Elle donnera en outre un cadre clair à la coopération judiciaire, ce qui n'est pas le cas actuellement et crée certaines difficultés, en particulier compte tenu des différences de tradition juridique entre nos deux pays.

On peut ajouter que, pour l'Afrique du Sud, la consolidation de l'appareil judiciaire et policier constitue un enjeu très important, étant donné le fort taux de criminalité que connaît ce pays. La France, je le précise, apporte son aide aussi sur ce point, au travers d'actions de coopération et d'assistance technique.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires étrangères a approuvé le présent projet de loi, qu'elle vous demande, mes chers collègues, d'adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud, signée au Cap le 31 mai 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud
 

5

ACCORD EURO-MÉDITERRANÉEN

ÉTABLISSANT UNE ASSOCIATION

AVEC L'ALGÉRIE

Adoption d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales)
Discussion générale (fin)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 184, 2002-2003) autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales). [Rapport n° 329 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord d'association concernant les Communautés européennes et l'Algérie ainsi que l'accord similaire conclu avec le Liban, qui vous sera soumis dans un instant, s'inscrivent dans le cadre du renforcement de la politique méditerranéenne de l'Union européenne. Celui-ci s'est traduit par le lancement en novembre 1995, lors de la conférence de Barcelone, du partenariat euro-méditerranéen, qui rassemble, d'un côté, les quinze Etats membres de l'Union européenne - jusqu'à ce jour - et, de l'autre côté, les douze pays riverains de la Méditerranée.

Si vous m'y autorisez, monsieur le président, et dans le souci de ménager l'emploi du temps de la Haute Assemblée, je présenterai en même temps que le projet de loi concernant l'Algérie celui qui concerne le Liban, puisque, à une modalité près, que j'indiquerai, ils sont identiques.

Compte tenu des événements du 11 septembre 2001, à New York, et de la situation qui découle de la récente intervention anglo-américaine en Irak, la politique de coopération et de dialogue euro-méditerranéen doit plus que jamais constituer l'une des priorités de l'action extérieure de l'Union européenne. La conclusion des accords d'association avec les partenaires de la rive sud de la Méditerranée procède directement de sa mise en oeuvre.

Les deux accords dont il est question visent à adapter les relations contractuelles euro-méditerranéennes à l'évolution des règles commerciales multilatérales qui sont en vigueur depuis l'Uruguay Round, à savoir l'obligation de réciprocité des concessions et de prise en compte du secteur des services, notamment.

Par ailleurs, l'entrée en vigueur du traité de Maastricht a fait ressortir la nécessité d'étendre les nouveaux accords aux questions politiques, qui comprennent notamment la référence au respect des droits de l'homme, considéré comme un élément essentiel de chacun des accords.

Les accords signés avec l'Algérie et avec le Liban sont similaires aux accords euro-méditerranéens déjà conclus avec nos autres partenaires de la région. Ils disposent tous deux que le respect des principes démocratiques et des droits de l'homme constitue un élément essentiel de l'accord dont la violation peut aller jusqu'à la suspension de ce dernier.

Ils s'articulent autour de huit titres, neuf si l'on tient compte du cas particulier de l'Algérie.

Il s'agit tout d'abord d'établir un dialogue politique régulier entre les parties qui porte sur tous les sujets présentant un intérêt commun, plus particulièrement, sur les conditions propres à garantir la paix, la sécurité, le respect des droits de l'homme et le développementrégional.

Il s'agit de fixer les conditions de la libéralisation progressive des échanges de marchandises : l'objectif général est l'établissement d'une zone de libre-échange dont la réalisation progressive doit s'étaler sur une période de transition de douze ans au maximum après l'entrée en vigueur de l'accord, en conformité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC. La libéralisation sera asymétrique, au bénéfice de l'Algérie et du Liban. Je note toutefois que, s'agissant des produits agricoles, une clause de rendez-vous spécifique est prévue.

Il s'agit de définir les modalités du droit d'établissement et des prestations de service : les parties conviennent d'élargir le champ d'application de l'accord au droit d'établissement et à la libéralisation des prestations de services.

Il importe de prévoir les règles de la circulation des capitaux : des règles de concurrence s'inspirant de celles qui sont en vigueur dans la Communauté européenne sont incluses dans l'accord. Les parties s'engagent également à protéger les droits de propriété intellectuelle conformément aux normes internationales en vigueur et à libéraliser progressivement les marchés publics.

Les accords visent en outre à renforcer la coopération économique de manière à accompagner la libéralisation des échanges en général et la mise en place d'un libre-échange industriel avec la Communauté européenne en particulier. Cette coopération favorisera le rapprochement des économies, le développement des secteurs créateurs d'emplois et l'intégration régionale, tout en tenant compte de la nécessité de préserver l'environnement. Une vaste gamme de domaines de coopération est couverte par cet accord. Je ne les énumérerai pas en cet instant pour ne pas prolonger mon intervention.

Il s'agit d'instituer en matière sociale et culturelle, le dialogue et la coopération concernant les conditions de vie et de travail des travailleurs employés légalement, mais aussi les migrations, l'immigration clandestine et l'égalité de traitement entre ressortissants des divers pays.

L'un des titres tend à encourager la coopération financière grâce aux moyens prélevés sur l'enveloppe globale arrêtée par le Conseil européen pour la Méditerranée, soit 5,35 milliards d'euros pour la période de 2000 à 2006. Des domaines d'application prioritaires sont énumérés : modernisation de l'économie et des infrastructures, promotion de l'investissement privé et des activités créatrices d'emplois, accompagnement des politiques sociales, prise en compte des conséquences du libre-échange sur l'économie des partenaires méditerranéens.

Les accords ont également pour objet de renforcer la coopération en matière de « justice et affaires intérieures » : l'accord avec l'Algérie comporte un volet spécifique consacré à ce domaine. En matière d'immigration, outre qu'il comporte une clause classique de réadmission également contenue dans l'accord avec le Liban, l'accord avec l'Algérie précise que les parties veilleront à un traitement diligent des formalités de délivrance des visas, ce qui, nous le savons, est un problème récurrent.

Une coopération assez avancée dans la lutte contre le terrorisme est prévue, sous la forme non seulement d'échanges d'informations sur les moyens et méthodes employés par chacune des parties, mais aussi d'échanges d'informations sur les groupes terroristes eux-mêmes. Cette coopération est également prévue dans le cas du Liban, mais elle a fait l'objet d'un échange de lettres spécifique.

Enfin, dernier point, il s'agit d'arrêter les dispositions institutionnelles permettant la mise en oeuvre de l'accord. A cet égard, un conseil d'association se réunira annuellement à l'échelon ministériel et un comité d'association sera chargé de la gestion de l'accord à l'échelon des experts et des fonctionnaires.

Telles sont les modalités principales de ces accords.

L'Algérie et le Liban sont deux partenaires essentiels de la France en Méditerranée, tant par les liens historiques que par l'étroitesse de la coopération qui nous unissent à eux. Pour notre pays, ces accords revêtent par conséquent une importance primordiale : ils permettront d'ouvrir progressivement les marchés algérien et libanais aux exportations européennes et de renforcer les relations entre l'Union européenne et ces deux pays, non seulement en aidant à leur modernisation et à leur mise à niveau économique, mais également en favorisant leur ouverture politique. Cette dernière dimension est particulièrement importante dans le cas de l'Algérie, qui, après une décennie tragique, s'efforce de se réinsérer sur la scène internationale.

L'Algérie, en raison de son poids politique, démographique et économique, et le Liban, du fait qu'il est situé dans une région plus sensible aujourd'hui que jamais, sont des partenaires essentiels à la réussite du processus euro-méditerranéen. La signature par ces deux pays de leur accord d'association participe directement de la mise en oeuvre de ce processus et en renforce la crédibilité.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les accords euro-méditerranéens établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, la République algérienne démocratique et populaire et la République libanaise, d'autre part, qui font l'objet des deux projets de loi que je propose aujourd'hui à votre approbation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Serge Vinçon au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Estier, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord exprimer au nom de la commission et, je pense, au nom du Sénat tout entier, notre très grande tristesse devant le drame que vient de vivre l'Algérie à la suite des secousses sismiques à répétition qui ont déjà fait plus de 2 000 morts, plus de 10 000 blessés et des dizaines de milliers de sans-abri.

Les populations, durement touchées, ont exprimé une légitime colère en soulignant que l'ampleur du drame était due pour une large part au fait que les autorités ont laissé construire des habitations sans qu'il soit tenu aucun compte des risques sismiques qui existent dans cette région et qui ont déjà valu à l'Algérie de grandes catastrophes.

La colère s'est aussi exprimée devant le retard, la faiblesse, voire l'absence des secours, dont une grande partie est venue de l'étranger - plus particulièrement de France, où un grand mouvement de solidarité s'est manifesté.

Monsieur le ministre, le Gouvernement a annoncé une aide spéciale au profit de l'Algérie pour les secours et la reconstruction ; pouvez-vous nous en préciser les modalités ?

Ce drame a encore accru l'hostilité, voire le mépris d'une grande partie des Algériens à l'égard du pouvoir politique, comme on a pu le constater lors de la visite du président Bouteflika à Boumerdès, d'où il a dû repartir rapidement sous les jets de pierres.

On est très loin de la liesse populaire qui avait accompagné la visite du Président Jacques Chirac à Alger et à Oran du 2 au 4 mars derniers. Présent parmi les invités du Président de la République en ma qualité de président du groupe d'amitié France-Algérie du Sénat, j'ai gardé de cette visite des images spectaculaires de foules massées sur le passage du cortège officiel. J'y ai vu, pour ma part, la volonté des Algériens d'ouvrir une nouvelle page de leurs relations avec la France. Comment ne pas être frappé - même si, à la réflexion, c'est d'une certaine manière attristant - par les cris de ces milliers de jeunes réclamant des visas pour la France ?

Je crains pourtant que, au-delà du spectacle et de l'enthousiasme populaire, les choses n'aient guère changé. Etaient présents dans la délégation présidentielle de nombreux chefs d'entreprise qui ont le désir de développer des relations économiques et commerciales avec l'Algérie, mais qui se heurtent toujours à la lenteur de la mise en oeuvre des réformes annoncées, par exemple celles du système bancaire ou de la fiscalité.

En mettant une nouvelle fois en lumière les profondes difficultés de l'Algérie - je les évoque de façon plus explicite dans mon rapport écrit -, cette catastrophe naturelle a finalement souligné l'urgent besoin que connaît ce pays de sortir de la crise politique, économique et sociale qui le ronge depuis de longues années.

Pour y parvenir, l'Algérie doit mettre en oeuvre les réformes et s'ouvrir sur l'extérieur, avec l'appui de ses partenaires internationaux. C'est toute l'actualité de l'accord euro-méditerranéen que nous examinons aujourd'hui et dont je ne rappelle ni le contenu ni les objectifs, puisque vous venez de le faire en détail, monsieur le ministre. Je dirai seulement ma conviction que cet accord doit recevoir notre approbation pour trois raisons principales : d'abord, la grande difficulté dans laquelle se trouve l'Algérie aujourd'hui ; ensuite, le soutien renouvelé que la France doit à ce pays ; enfin, le développement du partenariat euro-méditerranéen, qui est essentiel à l'avenir pacifique commun des peuples du nord et du sud de la Méditerranée et au dialogue des civilisations.

C'est pourquoi, comme l'a fait la commission à l'unanimité, je vous demande d'adopter le présent projet de loi. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. M. le rapporteur a évoqué, dans des termes auxquels, bien entendu, le Gouvernement apporte son soutien, les conséquences dramatiques du séisme qui a affecté l'Algérie il y a quelques semaines. Il m'a demandé d'indiquer les mesures qui avaient été prises à ce jour. Je vais les décrire brièvement.

Nous avons commencé par apporter une aide humanitaire d'urgence. Il a fallu, bien entendu, que des moyens soient acheminés le plus vite possible. Chiffrés à environ 1 million d'euros, et gérés par la Délégation à l'action humanitaire du ministère des affaires étrangères, ces moyens ont consisté en l'envoi, à Alger, d'un hôpital de campagne avec un bloc opératoire animé par 25 médecins et personnels médicaux. Deux détachements de la protection civile spécialisés en sauvetage déblaiement ont immédiatement été envoyés sur place. Au total, ce sont près de 150 personnes et 130 tonnes de matériel qui ont été acheminés presque aussitôt. Voilà ce qu'il en était pour les premiers secours.

L'aide dite « post-urgence » a été lancée à la suite d'une réunion de travail qui a eu lieu à l'instigation du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, en concertation avec le ministre des finances algérien, qui s'est rendu à Paris à cette occasion. Il s'agissait de dégager les moyens financiers permettant d'apporter une aide spécifique à l'Algérie.

L'Agence française de développement a d'ores et déjà été sollicitée pour apporter son concours. Elle engagera entre 30 millions et 50 millions d'euros pour financer des opérations d'aménagement urbain et de réparation des réseaux à un taux très avantageux : de 2,5 % l'an sur vingt ans. La Banque européenne d'investissement participera à ce financement.

De même, est prévue une affectation des ressources du prêt « résorption de l'habitat précaire » - 25 millions d'euros - à la réparation de la voirie et des réseaux dans les secteurs les plus concernés.

Par ailleurs, le Gouvernement s'est employé à mobiliser l'aide internationale des grands bailleurs de fonds. Sur proposition du Président de la République, M. Chirac, le G 8 a décidé, lors de sa réunion à Evian, d'apporter une aide importante à l'Algérie.

Par ailleurs, l'Union européenne et les Nations unies se sont également engagées à verser des sommes importantes.

Enfin, bien d'autres concours ont été apportés : celui des organisations non gouvernementales, avec la Croix-Rouge en première ligne, mais aussi ceux des sapeurs-pompiers, des médecins, des associations qui interviennent généralement dans ce cas, des entreprises, des compagnies aériennes, d'EDF, etc.

Si M. le rapporteur le souhaite, je lui donnerai le détail de ces différentes aides. Je lui confirme que le Gouvernement reste mobilisé non seulement pour apporter une aide à l'Algérie à la suite des drames qu'elle a vécus, mais également pour la soutenir dans l'oeuvre de reconstruction qui va être longue et particulièrement lourde.

M. Claude Estier, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre.

M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

« Article unique. - Est autorisée la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales), signé à Valence le 22 avril 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales)
 

6

ACCORD EURO-MÉDITERRANÉEN INSTITUANT

UNE ASSOCIATION AVEC LE LIBAN

Adoption d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (ensemble deux annexes, cinq protocoles, un acte final, treize déclarations communes et deux déclarations unilatérales)
Discussion générale (fin)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 185, 2002-2003) autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (ensemble deux annexes, cinq protocoles, un acte final, treize déclarations communes et deux déclarations unilatérales). [Rapport n° 271 (2002-2003).]

M. le ministre s'est déjà exprimé.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Serge Vinçon, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Je ne reviendrai pas sur le dispositif de l'accord qui vient d'être présenté par le ministre ; je me limiterai à quelques remarques sur la situation du Liban et sur le processus de paix israélo-arabe.

La reconstruction du Liban apparaît une nouvelle fois comme l'otage de conflits qui le dépassent largement.

La Syrie semble avoir renforcé, au cours de ces derniers mois, son contrôle sur le Liban tout en donnant des gages de bonne volonté à l'intention de l'opinion libanaise et internationale. La démission, mi-avril, du gouvernement, suivie quelques jours plus tard par la reconduction de M. Rafiq Hariri au poste de Premier ministre et la constitution d'un gouvernement perçu comme le plus « pro-syrien » depuis de nombreuses années, a marqué la volonté de la Syrie de s'assurer le total soutien libanais face à la pression américaine.

En effet, le Liban est, une nouvelle fois, ballotté par les événements dramatiques de la région. La Syrie a renforcé son influence tout en donnant l'apparence du respect de ses engagements en procédant, en février, à un troisième retrait partiel de ses troupes, redéploiement présenté comme une application des accords de Taëf.

Avec Israël, les relations restent tendues. Le retrait israélien du Sud-Liban en 2000 n'a pas permis de trouver un accord de paix entre les deux pays pour deux raisons principales.

D'une part, la Syrie refuse toute dissociation avec le Liban, afin de régler au mieux la question du plateau du Golan et de l'accès à l'eau. C'est pourquoi la Syrie et le Liban estiment que le retrait israélien n'a pas été complet, l'armée israélienne restant présente dans le secteur dit « des fermes de Chebaa », pourtant considéré comme territoire syrien par le passé. Cette position permet de maintenir le front « ouvert » avec Israël. Les Israéliens eux-mêmes continuent d'effectuer des incursions aériennes régulières dans l'espace aérien libanais, provoquant la riposte symbolique de la DCA du Hezbollah.

D'autre part, le Liban refuse absolument tout accord de paix qui conduirait au maintien au Liban des quelque 300 000 à 400 000 réfugiés palestiniens, dont l'intégration bouleverserait les équilibres politiques internes d'un pays de 4 millions d'habitants où, depuis 1943, le pouvoir est partagé sur une base religieuse. Les réfugiés palestiniens continuent donc de former des enclaves armées, auto-administrées et d'autant plus instables et dangereuses que les conditions de vie y sont très difficiles.

Enfin, au niveau économique, après une phase très dynamique de reconstruction qui a vu le produit intérieur brut, le PIB, quadrupler, le Liban connaît une phase de ralentissement prolongé depuis quatre ans. Ce ralentissement a provoqué une crise financière avec un déficit public de 14 % du PIB en 2002, une dette de 180 % du PIB et un taux de chômage d'environ 20 %.

Dans ce contexte particulièrement difficile, la force des relations d'amitié entre la France et le Liban continue d'être pour ce pays un soutien important. L'appui économique de la France au Liban s'est notamment traduit par la convocation, sur l'initiative du Président de la République, de la conférence dite « Paris II », qui a réuni, en novembre 2002, les bailleurs de fonds internationaux du Liban pour lui permettre de sortir de la crise actuelle.

En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois que l'approbation de cet accord doit nous permettre de réaffirmer le soutien de la France au Liban et à une région où la paix doit être recherchée avec persévérance.

C'est pourquoi, au nom de la commission, je vous demande d'adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

« Article unique. - Est autorisée la ratification de l'accord euroméditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (ensemble deux annexes, cinq protocoles, un acte final, treize déclarations communes et deux déclarations unilatérales), signé à Luxembourg le 17 juin 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (ensemble deux annexes, cinq protocoles, un acte final, treize déclarations communes et deux déclarations unilatérales)
 

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CONVENTION AVEC LA SUISSE PORTANT

RECTIFICATIONS DE LA FRONTIÈRE

Adoption d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédration suisse portant rectifications de la frontière entre les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie et le canton de Genève
Discussion générale (fin)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 221, 2002-2003) autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectifications de la frontière entre les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie et le canton de Genève. [Rapport n° 349 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et la Suisse ont négocié des rectifications de frontière près d'une trentaine de fois déjà. Ces rectifications ont longtemps été dictées par les vicissitudes de l'histoire et des relations politiques quelquefois un peu mouvementées entre voisins. Ainsi, la plus ancienne d'entre elles remonte à 1564, lors du traité de restitution d'une partie des pays savoyards conquis en 1536.

Pour en venir à une période plus contemporaine, des nécessités plus pacifiques et plus pragmatiques, liées à l'aménagement du territoire, ont entraîné des modifications de la frontière. La plus récente est intervenue en 1996, il y a donc peu de temps, à la suite du raccordement des autoroutes entre Saint-Julien-en-Genevois, en Haute-Savoie, et Bardonnex, dans le canton de Genève.

Le projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis concerne la convention signée à Berne le 18 janvier 2002 entre la République française et la Confédération helvétique et portant sur des rectifications de la frontière entre les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie, d'un côté, et le canton de Genève, de l'autre.

Il s'agit là de rectifications mineures qui conduisent à un échange strictement identique de territoires, représentant une superficie totale de 5 578 mètres carrés.

Les surfaces cédées par chaque Etat sont égales pour chacune des quatre rectifications qui sont identifiées sur des cartes annexées à la convention et que je n'énumèrerai pas.

Le nouveau tracé de la frontière ainsi négocié entre les deux Etats prend désormais en considération les changements intervenus dans une partie de cette région depuis le début du xxe siècle, qu'il s'agisse d'aménagements routiers, de canalisations, de déviations de cours d'eau ou de la résorption de morcellements incidents.

La convention du 18 janvier 2002, soumise à votre approbation, met donc la frontière entre la France et la Suisse en adéquation avec les aménagements de territoires intervenus au fil des ans et rend une certaine cohérence aux délimitations de cette frontière.

Il n'existe aucune habitation, donc aucune population résidente, dans les zones concernées.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectifications de la frontière entre les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie, d'un côté, et le canton de Genève, de l'autre, et qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

(M. Serge Vinçon remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Boulaud, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la convention que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans une longue suite de textes de même nature qui ont ponctué les relations franco-suisses. On dénombre ainsi une trentaine de rectifications de frontières effectuées entre les deux pays depuis le xvie siècle, dont neuf depuis 1947. En effet, le tracé de la frontière entre la France et la Suisse doit être ponctuellement précisé, soit parce que son caractère coutumier n'est plus adapté à la réalité d'aujourd'hui, soit parce que des travaux d'aménagement nécessitent des échanges de territoires de faible ampleur.

C'est le cas des quatre rectifications qui sont destinées à faire coïncider la frontière avec l'évolution, enregistrée dans les faits, de certains sites. Ces rectifications mineures ont fait l'objet de demandes de la Suisse dès la fin des années soixante-dix. Elles ont été étudiées et entérinées par la commission mixte d'abornement, qui a été réunie dans ce but le 30 septembre 1999.

Les zones touchées par ces rectifications sont les suivantes : 1 060 mètres carrés sont échangés entre les deux pays pour que la frontière épouse le cours actuel du ruisseau de l'Ecraz, qui sépare les communes de Saint-Genis-Pouilly, dans l'Ain, et de Satigny, dans le canton de Genève ; 2 842 mètres carrés sont échangés dans les bois de Chancy, entre les communes de Viry et de Valleiry, situées en Haute-Savoie, et la commune de Soral, dans le canton de Genève pour suivre le tracé des nouvelles voies forestières ; 1 326 mètres carrés sont également échangés entre les communes de Viry et de Soral pour faire coïncider la frontière avec la route qui mène d'une commune à l'autre, dont l'élargissement a nécessité des échanges de terrains entre les deux communes ; enfin, 350 mètres carrés sont échangés entre les communes de Veigy-Foncenex, en Haute-Savoie, et celle de Jussy, dans le canton de Genève, pour que la frontière coïncide avec le cours actuel du ruisseau le Chambet, ce qui permettra notamment l'éradication des anciennes bornes, aujourd'hui situées en plein champ, qui gênent les travaux agricoles.

Les surfaces cédées respectivement par chaque Etat sont équivalentes à celles qu'il récupère et se montent au total, vous l'avez rappelé monsieur le ministre, à 5 578 mètres carrés.

S'agissant de la traduction concrète de ces échanges, la convention prévoit qu'après sa ratification par les deux pays les délégués de la commission mixte d'abornement procéderont à l'établissement du nouveau tracé de la frontière, tant sur le terrain que par un procès-verbal accompagné de plans la décrivant. Les frais qui en découlent seront répartis par moitié entre les deux Etats.

J'ajoute que ces modifications mineures n'affecteront pas les populations locales, puisque ces rectifications mutuelles sont déjà entrées dans les faits.

C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de convention, dont l'objet consiste à faire coïncider les frontières de fait et de droit. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

« Article unique. - Est autorisée la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectifications de la frontière entre les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie et le canton de Genève, signée à Berne le 18 janvier 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédration suisse portant rectifications de la frontière entre les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie et le canton de Genève
 

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DÉCISION DU CONSEIL RELATIVE

À L'ÉLECTION DES REPRÉSENTANTS

AU PARLEMENT EUROPÉEN

AU SUFFRAGE UNIVERSEL DIRECT

Adoption d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976
Discussion générale (fin)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 246 rectifié, 2002-2003) autorisant l'approbation de la décision du Conseil modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976 (ensemble une annexe). [Rapport n° 348 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principes qui régissent les élections des membres du Parlement européen ont été adoptés le 20 septembre 1976 et introduits en droit français par la loi du 7 juillet 1977.

Ce dispositif, vieux d'un quart de siècle, ne correspond plus aux réalités d'une Union européenne qui comptera bientôt vingt-cinq membres et d'un Parlement dont les compétences ont été nettement accrues.

Aussi, la réforme de l'Acte de 1976 a été engagée dès 1998, afin de fixer le cadre général de la procédure applicable aux élections au Parlement européen. La négociation a abouti, en 2002, à un accord entre les Etats membres et le Parlement européen, accord qui est devenu la décision du Conseil du 25 juin et du 23 septembre 2002.

L'objectif d'une « procédure électorale uniforme » qui figurait déjà dans le traité de Rome de 1957 est donc consubstantiel au projet européen. Il s'agit d'aboutir à un système électoral plus homogène, tout en respectant la diversité des traditions et des pratiques des Etats membres en matière électorale.

La présente décision réforme la procédure électorale en fixant une série de principes communs, essentiels par leur nature à tous les Etats membres. Dans une matière où le principe de subsidiarité trouve une large application, la décision laisse également une importante marge de manoeuvre aux Etats membres.

Les principes communs agréés au niveau européen comprennent ainsi : d'abord, l'élection des membres du Parlement européen pour une durée de cinq ans ; ensuite, l'adoption du scrutin proportionnel, qui sera désormais la norme pour les élections européennes dans tous les Etats de l'Union ; enfin, l'incompatibilité entre les mandats de parlementaire européen et de parlementaire national.

Mais ces règles conservent des marges de manoeuvre importantes pour les Etats membres. Il leur revient, en effet, de choisir, en fonction de leurs spécificités et de leurs traditions nationales, entre une circonscription nationale ou plusieurs circonscriptions régionales, étant entendu que, dans ce dernier cas, le découpage des circonscriptions régionales ne doit pas « globalement porter atteinte » au caractère proportionnel du scrutin.

Les Etats pourront aussi choisir le niveau du seuil minimal que doit atteindre une liste pour se voir attribuer des sièges, seuil qui ne doit toutefois pas être fixé, au niveau national, à plus de 5 % des suffrages exprimés.

En outre, les Etats membres peuvent fixer un plafond pour les dépenses de campagne électorale et étendre le régime des incompatibilités applicables au niveau national.

Cette décision requiert, pour entrer en vigueur en France, l'autorisation du Parlement. Or le Conseil de l'Union européenne s'est fixé pour objectif de permettre une entrée en vigueur à temps pour qu'elle soit applicable en juin 2004, c'est-à-dire dans un an, lors des prochaines élections européennes.

Cette réforme constitue un progrès sensible dans la voie de la simplification et de l'harmonisation des législations européennes, et donc de la construction d'une Union forte. Elle renforce les bases communes sur lesquelles est organisée la démocratie européenne.

Les dispositions de la présente décision revêtent un intérêt particulier pour la représentation nationale en ce qu'elles régissent l'exercice du droit de voter et d'être représenté au niveau européen. Elles ne supposent toutefois aucune modification du code électoral, dans sa version actuelle, car les principales dispositions de la décision du Conseil, qu'il s'agisse du mode de scrutin, des règles d'incompatibilité ou de financement des campagnes électorales, sont celles qui sont déjà en vigueur en droit français. La décision du Conseil vise donc surtout à faire appliquer ces règles dans toute l'Union européenne.

Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la décision du Conseil du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision du Conseil du 20 septembre 1976 et qui fait l'objet du projet de loi soumis aujourd'hui à votre approbation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis de la décision du Conseil du 25 juin 2002 modifiant l'acte du 20 septembre 1976 qui régit l'élection des représentants au Parlement européen depuis que ces derniers sont élus au suffrage universel direct.

La question de l'élection des représentants au Parlement européen illustre naturellement la dynamique de la construction européenne.

Déjà le traité de Rome, dans son article 138-3, permettait à l'assemblée parlementaire de l'époque de formuler des propositions pour son élection au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les Etats membres. Dès 1957, donc, les pères fondateurs avaient envisagé l'élection au suffrage universel direct d'une assemblée parlementaire qui disposait, à l'époque, de pouvoirs réduits.

Ce sont à la fois le développement du projet européen, la nécessité de le fonder sur des institutions légitimes et démocratiques et le renforcement constant du rôle du Parlement européen qui ont ouvert la voie à l'élection, depuis 1979, des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct.

L'acte du 20 septembre 1976, tout en organisant l'élection au suffrage universel direct du Parlement européen, ne créait pas une procédure électorale uniforme pour l'ensemble des Etats membres : il établissait, au contraire, une distinction claire entre les deux notions, notamment dans son article 7 prévoyant que « jusqu'à l'entrée en vigueur d'une procédure électorale uniforme [...], la procédure électorale est régie, dans chaque Etat membre, par les dispositions nationales ».

La modification de l'acte de 1976 qui nous est soumise aujourd'hui vise non pas à instaurer une procédure électorale uniforme, mais à renforcer des principes communs à l'ensemble des Etats membres.

L'acte de 1976 reste le socle commun du statut et du mode d'élection des parlementaires européens. Il fixe un cadre général en déterminant la durée du mandat, en interdisant le mandat impératif et en définissant les privilèges et immunités des parlementaires ainsi que les incompatibilités avec la qualité de parlementaire européen.

La succession, dans les années quatre-vingt, des rapports parlementaires sur la question de la procédure électorale uniforme correspondait à l'accroissement constant des pouvoirs du Parlement européen. Assemblée parlementaire au rôle à l'origine principalement consultatif, le Parlement européen avait vu progressivement s'accroître ses compétences d'abord budgétaires, par les traités de 1970 et 1975, puis législatives par les traités de Maastricht, d'Amsterdam et de Nice.

Aujourd'hui, les pouvoirs du Parlement européen, par le contrôle politique qu'il exerce sur les autres institutions communautaires mais aussi en tant que branche de l'autorité budgétaire et colégislateur, en font un Parlement aux pouvoirs voisins d'un Parlement national.

Ce renforcement du rôle du Parlement européen a naturellement suscité des interrogations sur son mode d'élection. Représentant les peuples européens, le Parlement européen doit être issu d'un scrutin intelligible rassemblant l'ensemble des citoyens européens.

Si l'expérience des années quatre-vingt illustrait la difficulté rencontrée pour dégager une procédure électorale uniforme, la nécessité de mettre en avant des principes communs aux Etats membres a conduit, à Amsterdam, les rédacteurs des traités à modifier l'article 138. Ce dernier offre désormais une alternative à la recherche d'une procédure électorale uniforme par l'établissement de principes communs à l'ensemble des Etats membres.

C'est cette recherche de principes communs qui a amené le Parlement européen à suivre son rapporteur et à adopter, le 15 juillet 1998, une résolution, transmise au Conseil, définissant un certain nombre de principes communs, et non plus une procédure électorale uniforme. Cette résolution a fait l'objet de longues discussions et a abouti à un texte de compromis sur lequel le Parlement européen a donné son avis conforme le 12 juin 2002 et qui a été adopté par le Conseil le 25 juin suivant. Ce texte, qui doit être adopté par les Etats membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, nous est soumis aujourd'hui.

Vous avez rappelé, monsieur le ministre, le contenu de cette décision, en particulier le principe d'un scrutin de type proportionnel, la possibilité de circonscriptions et un seuil minimal pour l'attribution des sièges. La liste des incompatibilités a été aussi précisée. En France, ce principe avait déjà été inscrit dans l'ordre juridique national par la loi organique du 5 avril 2000. Ces dispositions traduisent la reconnaissance du rôle et de la spécificité des parlementaires européens, qui deviennent officiellement des « membres » du Parlement européen, et ne sont plus des « représentants ».

Enfin, la décision du Conseil précise un certain nombre de modalités pratiques sur la tenue du scrutin et l'annonce des résultats.

L'apport majeur de cette décision du Conseil réside, en définitive, dans l'inscription formelle de principes généraux communs à l'ensemble des Etats membres, au premier rang desquels le caractère proportionnel du scrutin. La décision du Conseil n'entraîne pas de nouvelles adaptations de la loi électorale française, puisque les réformes de 2000 et 2003 avaient intégré par anticipation ses principales dispositions.

Néanmoins, la voie vers une définition plus précise de principes communs à l'ensemble des Etats membres reste ouverte, un réexamen de l'acte de 1976 révisé par la décision du Conseil de 2002 étant prévu avant 2009.

En conclusion, monsieur le président, mes chers collègues, parce que la décision du Conseil permet de rendre plus lisible le scrutin européen par l'établissement formel de principes communs à l'ensemble des Etats membres, et parce qu'elle traduit la reconnaissance du rôle du Parlement européen, je vous demande d'adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la décision du Conseil modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE Euratom du Conseil du 20 septembre 1976 (ensemble une annexe), adoptée à Luxembourg le 25 juin 2002 et à Bruxelles le 23 septembre 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976
 

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CONVENTION D'ÉTABLISSEMENT

AVEC LE GABON

Adoption d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République Gabonaise
Discussion générale (fin)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 256, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise. [Rapport n° 330 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au début des années quatre-vingt-dix, le Gouvernement a décidé de renégocier les accords de circulation et d'établissement, particulièrement libéraux, qui avaient été conclus avec douze pays de l'Afrique francophone après leur indépendance.

Il convenait, en effet, de tenir compte de l'évolution de notre réglementation relative à la maîtrise des flux migratoires découlant de l'ordonnance de 1945, ainsi que de nos engagements européens, en particulier des accords de Schengen.

Dans ce cadre, une nouvelle convention franco-gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes a été signée à Paris le 2 décembre 1992, en vue de remplacer un précédent instrument juridique daté, lui, du 12 février 1974. Cette convention de 1992 a institué principalement l'obligation de visa de court et de long séjour.

Afin de compléter ce dispositif, une convention d'établissement, aujourd'hui soumise à votre approbation, a été signée à Libreville le 11 mars 2002.

Ce nouveau texte vise à rapprocher le droit applicable aux Gabonais du droit commun de l'établissement des étrangers en France, tout en préservant, bien sûr, le caractère privilégié des relations existant entre la France et le Gabon.

La convention s'appuie sur un accord type élaboré en 1991 dont le préambule a été développé afin d'y inclure désormais une référence générale au respect des principes énoncés par les accords internationaux relatifs aux droits de l'homme : les droits et libertés, énumérés de manière non limitative, des ressortissants de chaque pays, Gabon et France, sont précisés et doivent inspirer les administrations pour l'application des mesures. Dans le même esprit, les ressortissants d'une partie résidant sur le territoire de l'autre partie bénéficient d'une égalité de traitement en matière d'exercice des libertés publiques.

Le principe de base de la présente convention est celui de la régularité du séjour dans l'autre pays. Si donc les conditions posées par la convention du 2 décembre 1992 en matière de séjour et de circulation sont remplies, les ressortissants ont le droit d'entrer et de sortir librement du pays d'accueil et de s'y établir dans le lieu de leur choix.

C'est ainsi que les ressortissants de chacun des deux pays peuvent exercer des droits à caractère pluriannuel, bénéficient de l'égalité de traitement en matière de législation du travail et d'accès à la protection sociale, sont protégés contre toute mesure arbitraire à l'encontre de leurs biens et intérêts, y compris en cas d'expropriation ou de nationalisation, qui donnent lieu, le cas échéant, à une indemnisation.

Par ailleurs, en cas de départ définitif de l'Etat où ils résident, les ressortissants peuvent emporter leurs biens et capitaux.

Ainsi, l'ensemble de ce dispositif confère aux relations entre la France et le Gabon un caractère privilégié, à l'instar de celui qui est consenti dans ce domaine aux autres Etats d'Afrique francophone subsaharienne.

Il convient de souligner l'intérêt que revêt cet accord pour le séjour de près de 8 000 de nos compatriotes demeurant au Gabon, en facilitant leur établissement dans ce pays et en préservant leurs intérêts.

Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention d'établissement entre la France et le Gabon. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette convention d'établissement entre la France et le Gabon s'inscrit dans le contexte général d'actualisation des liens juridiques entre notre pays et nos partenaires d'Afrique subsaharienne, actualisation rendue nécessaire par l'accord de Schengen.

En effet, le dispositif de Schengen implique l'obtention d'un visa pour entrer en France pour tout étranger non ressortissant de l'Union européenne. Or, les accords conclus sur ce point avec nos anciennes colonies, après leur indépendance, ne prévoyaient pas cette obligation.

La France a donc entrepris, à partir de 1991, de renégocier les accords précédemment conclus avec ces douze pays relatifs à la circulation et au séjour ainsi qu'à l'établissement des personnes. S'agissant du Gabon, la présente convention abroge et remplace les deux précédentes conventions d'établissement signées avec la France, successivement le 17 août 1960 et le 12 février 1974. Elle est conclue pour une durée de cinq ans, et elle est renouvelable ensuite annuellement par tacite reconduction.

Un accord type en matière de convention d'établissement a été élaboré par la France en 1991, pour faciliter l'actualisation nécessaire des accords antérieurement conclus. La présente convention, signée le 11 mars 2002 entre la France et le Gabon, s'inspire donc de ce cadre juridique.

Ses principales dispositions sont les suivantes : d'une part, elle garantit aux nationaux des Etats contractants un traitement identique en matière de libertés publiques, d'autre part, elle reconnaît également aux ressortissants de chaque Etat le droit d'entrer sur le territoire de l'autre, de s'y établir et d'en sortir librement, sous la réserve habituelle du respect de la sécurité, de la santé et de l'ordre publics.

Ce texte accorde aux nationaux de chacun des deux pays une égalité de traitement en matière d'activités patrimoniales, c'est-à-dire l'acquisition, la possession et la gestion des biens, sous réserve du respect de « motifs impérieux d'intérêt national ». Cette clause permet d'interdire aux étrangers d'exercer certaines activités ou d'acquérir le contrôle du capital de certaines sociétés.

L'égalité de traitement en matière de protection légale des biens ainsi qu'en matière de législation du travail et de sécurité sociale est également garantie, sous réserve du caractère régulier du séjour du bénéficiaire.

Ce texte prohibe toute mesure discriminatoire à l'encontre des biens et intérêts des nationaux de l'Etat d'envoi fixés dans l'Etat d'établissement, notamment en cas d'expropriation et de nationalisation : le paiement préalable d'une « juste indemnité » est alors requis. Ce paiement préalable permettra, notamment, une meilleure protection de nos ressortissants expatriés, qui sont parfois lésés dans de telles circonstances.

La convention prévoit également la possibilité d'expulser un ressortissant de l'autre Etat qui « constituerait une menace grave pour l'ordre public », sous réserve que l'Etat d'origine en soit informé.

Elle autorise les ressortissants de l'Etat d'envoi à emporter, s'ils quittent définitivement l'Etat d'accueil, leurs économies et les produits de leur travail et de la vente de leurs immeubles, et ce, naturellement, dans le respect de la législation de cet Etat.

L'ensemble de ces dispositions semblent de nature à répondre aux préoccupations des deux pays. Cette convention est donc équilibrée et de nature protectrice pour nos compatriotes établis au Gabon.

Certes, la stabilité politique de ce pays les a, jusqu'à présent, mis à l'abri des difficultés rencontrées ailleurs sur le continent, mais des exemples récents nous ont démontré qu'aucun pays n'est totalement préservé d'une évolution brutale. Or la présence française est importante au Gabon, même si elle a diminué ces dernières années : on y comptait 19 053 immatriculés en 1984, contre seulement 8 288 en 2001. Cette réduction est due, pour une large part, à la diminution des effectifs de coopérants, ce qui, selon moi, est extrêmement regrettable, car ces derniers faisaient un travail remarquable et contribuaient ainsi largement à l'implantation française dans ce pays.

Par ailleurs, 5 496 Gabonais étaient, en 2002, titulaires d'un permis de séjour en France, contre 4 655 en 1997. Le changement est donc très modéré.

Au-delà de la stabilité juridique que cet accord renforcera dans les relations entre les deux pays, et dans la situation des ressortissants de l'un établis dans l'autre, sa conclusion est également la manifestation des relations privilégiées que la France entretient avec le Gabon.

Ce pays est, en effet, un élément-clé pour le maintien d'une relative stabilité en Afrique centrale. La gestion habile du pouvoir par le Président Bongo, qui s'attache à associer les principales composantes politiques du pays, lui a permis de prévenir les ressentiments ethniques ou religieux qui constituent les principaux foyers de contestation dans les pays aux alentours.

Il faut souligner que les entreprises françaises sont bien implantées au Gabon, où elles contribuent à valoriser les principales richesses du pays, dont le pétrole.

Par ailleurs, cette convention d'établissement, une fois ratifiée, s'appuiera sur la convention portant sur la circulation et le séjour des étrangers, signée en 1992 entre les deux pays, que le Gabon vient de ratifier tout récemment. A cet égard, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir pourquoi il aura fallu plus de dix ans au Gabon pour ratifier une convention que notre pays a, lui, ratifiée immédiatement.

Dans l'attente de cette réponse, je vous indique que la commission des affaires étrangères souhaite, à l'unanimité, l'adoption de la présente convention. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. Mme le rapporteur m'a interrogé sur les raisons du retard de la ratification de ce document par le Gabon. Je ne suis pas sûr d'avoir ici ces informations, je les lui transmettrai, après la séance.

M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise, signée à Libreville le 11 mars 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République Gabonaise
 

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CONVENTION SUR LA PRÉVENTION

ET LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS

CONTRE LES PERSONNES JOUISSANT

D'UNE PROTECTION INTERNATIONALE

Adoption d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'adhésion à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques
Discussion générale (fin)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 257, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques. [Rapport n° 350 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre des Nations unies, la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, a été adoptée à New York le 14 décembre 1973 et est entrée en vigueur le 20 février 1977, 112 Etats en étant parties. Le projet de loi qui est soumis aujourd'hui à votre approbation autorise l'adhésion de la France à cette convention. J'indiquerai ultérieurement pourquoi la France a tardé à la signer.

Cette convention figure parmi les premiers instruments internationaux adoptés au début des années soixante-dix pour répondre au développement des actes de terrorisme international qui prenaient notamment pour cibles des diplomates ou des missions diplomatiques. Elle est contemporaine des conventions de 1970 sur la répression des captures illicites d'aéronefs, autrement dit les détournements d'avions, et de 1971 sur la répression des actes illicites contre la sécurité de l'aviation civile.

Elle a été élaborée en deux ans dans un contexte historique marqué par de vives oppositions sur la question de la définition du terrorisme et sur la distinction entre le terrorisme et les actes commis par les mouvements de libération nationale. Les membres de la Haute Assemblée se souviennent sans doute, comme moi, de ces discussions des années soixante-dix. Ce débat, qui persiste aujourd'hui encore pour partie, a contribué au blocage de la négociation d'une convention globale contre le terrorisme entamée en 2000.

Les instruments juridiques internationaux de lutte contre le terrorisme ont donc pris la forme, non pas d'une convention globale, mais de conventions sectorielles qui visent des actes ou des situations précises sans que soit mentionné le terme de terrorisme. Celui-ci figure, en revanche, de façon notable, dans le titre de la dernière des conventions relatives au terrorisme, résultant d'une initiative du Président de la République en 1998, la convention pour la répression du financement du terrorisme de décembre 1999, qui est entrée en vigueur en avril 2002.

La convention du 14 décembre 1973, qui fait l'objet de notre débat, se présente de manière classique comme une convention d'incrimination, et elle contient également des dispositions en matière de prévention. Elle concerne deux catégories de personnes jouissant d'une protection internationale : certaines autorités de l'Etat et les agents diplomatiques ou assimilés. Elle définit les infractions concernées, qui doivent être couvertes par la législation interne des Etats parties et être passibles de peines appropriées.

Comme d'autres conventions relatives au terrorisme, cette convention institue par ailleurs une compétence quasi universelle aux juridictions nationales leur permettant de connaître des infractions, au motif que l'auteur présumé se trouve sur le territoire d'un Etat. Cette disposition relativement exceptionnelle se justifie par la volonté de ne pas laisser impunies les infractions les plus graves, donc évidemment celles qui relèvent du terrorisme. Elle supposera l'adoption d'un amendement au code de procédure pénale, dont l'article 689 recense les cas de compétence quasi universelle.

La convention comprend le principe « extrader ou juger », qui vise également à éviter l'impunité pour les auteurs des infractions.

Le texte prévoit également que les Etats doivent prendre des mesures nationales pour prévenir la préparation des infractions, échanger des renseignements et des informations sur les infractions, sur leurs auteurs et sur leurs victimes.

Enfin, les dispositions nécessaires pour garantir la protection des droits et libertés fondamentales de la personne sont bien entendu prévues.

La France n'avait pas jusqu'à présent signé cette convention parce que celle-ci présentait, à nos yeux, des insuffisances, et parce que certaines dispositions nous semblaient discutables.

La décision du gouvernement français d'engager le processus d'adhésion à cette convention fait suite à notre engagement pris dans le cadre des Nations unies après les attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center de New York. La résolution 1373 du Conseil de sécurité, qui définit les obligations des Etats dans la lutte contre le terrorisme, demande expressément à tous les Etats de devenir partie à ces douze conventions.

La France a signé et ratifié onze de ces conventions et notre adhésion à la dernière mettra notre pays en conformité avec ses engagements et lui permettra de continuer d'oeuvrer, avec une légitimité renforcée, afin de rendre le cadre normatif de la lutte contre le terrorisme le plus universel possible. Avec ses partenaires du G 8, dont elle assure cette année la présidence, la France s'est déjà engagée dans un travail de sensibilisation des Etats sur ce point.

Au-delà d'une mise en conformité nécessaire avec nos engagements politiques, notre adhésion à cette convention permettra de réaffirmer notre détermination à garantir la protection sur notre territoire ou à l'étranger des catégories de personnes visées. Les difficultés juridiques qui nous avaient conduits à différer notre adhésion subsistent pour l'essentiel ; elles pourront néanmoins être surmontées au moyen de déclarations interprétatives.

La résolution par laquelle l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la convention dont nous débattons souligne qu'elle ne portera pas préjudice à l'exercice du droit légitime à l'autodétermination et à l'indépendance par les peuples luttant contre le colonialisme, l'occupation étrangère et la discrimination raciale. Cette référence au droit à l'autodétermination est indirecte, puisqu'elle ne figure pas dans le texte de la convention. Il convient toutefois de veiller à ce qu'elle ne vide pas la convention de son sens, ou même qu'elle ne légitime certains actes de violence ; elle a ainsi été invoquée par l'Irak et par le Burundi qui ont émis une réserve à ce titre. Ces réserves ont fait l'objet d'objections de la part de l'Allemagne, d'Israël, de l'Italie et de la Grande-Bretagne. Notre adhésion s'accompagnera d'une telle objection.

La définition des infractions à l'article 2 manque de clarté, en particulier la référence à « une autre attaque ». Le manque de gravité que pourraient revêtir certaines infractions peut soulever des difficultés au regard de l'application de la compétence universelle, que nous n'acceptons que pour les infractions les plus graves. Cette difficulté sera surmontée par une déclaration précisant que les infractions couvertes par la convention s'entendent uniquement de celles qui constituent des actes de terrorisme.

Par ailleurs, il y a lieu d'éviter, par une déclaration, tout conflit juridique avec la convention du 9 décembre 1994 sur la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé, convention à laquelle la France est devenue partie le 9 juillet 2000, et qui accorde un régime plus protecteur aux « personnes engagées ou déployées par le Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies en tant que membres des éléments militaires, de police ou civils d'une opération des Nations unies ».

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les principales observations qu'appelle la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Jean-Guy Branger, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministe, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. Jean-Guy Branger.

Vous avez très largement évoqué, monsieur le ministre, les raisons pour lesquelles nous n'avions pas encore décidé, depuis 1973, de signer ce texte, mais les événements du 11 septembre 2001 et la mobilisation internationale qu'ils ont provoquée ont incité la France à réexaminer sa position.

Le Conseil de sécurité a en effet appelé les Etats, par la résolution 1373 du 28 septembre 2001, à ratifier l'ensemble des conventions internationales contre le terrorisme. En outre, elle se devait de tenir compte de la très large adhésion obtenue par cette convention, ratifiée par cent vingt-cing Etats, dont onze membres de l'Union européenne. La France a donc décidé d'adhérer aux conventions internationales auxquelles elle n'était pas partie parmi les douze existantes, cette convention de 1973 étant, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, la douzième.

Cependant, lors de son adhésion, la France déposera des déclarations interprétatives. Comme d'autres Etats, celles-ci viseront à rappeler la position française condamnant en toutes circonstances les actes de terrorisme, à mieux définir les infractions entrant dans le champ de ladite convention et, enfin, à préciser son articulation avec la convention de 1994 relative aux personnels des Nations unies.

En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la lutte contre le terrorisme est une cause légitime. Il paraît donc naturel, dans le contexte international actuel et compte tenu des réserves que nous avons évoquées, que notre pays adhère à cette convention. Il s'ajoutera ainsi aux trente-deux pays qui ont ratifié les douze conventions internationales.

Telle est la position unanime de votre commission des affaires étrangères, qui vous demande, mes chers collègues, d'approuver le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

« Article unique. - Est autorisée l'adhésion à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, adoptée à New York le 14 décembre 1973, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'adhésion à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques
 

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ACCORD AVEC L'ESPAGNE RELATIF

AU TUNNEL ROUTIER DU SOMPORT

Adoption d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne relatif à l'exploitation, à l'entretien, à la sécurité et, le cas échéant, à l'évolution du tunnel routier du Somport (ensemble, un échange de lettres)
Discussion générale (fin)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 258, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne relatif à l'exploitation, à l'entretien, à la sécurité et, le cas échéant, à l'évolution du tunnel routier du Somport (ensemble un échange de lettres). [Rapport (n° 272, 2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la décision de construire le tunnel routier du Somport résulte de l'accord signé entre la République française et le Royaume d'Espagne le 25 avril 1991.

Il s'agit d'un tunnel bidirectionnel de neuf mètres de largeur roulable, d'une longueur totale de 8 608 mètres, dont 2 849 mètres précisément du côté français, et qui contribue à l'amélioration de la liaison routière Pau-Saragosse.

Les travaux de construction de ce tunnel se sont achevés en octobre 2002. Conformément aux engagements exprimés par les deux gouvernements, lors du sommet franco-espagnol de Malaga le 26 novembre 2002, et au vu des conclusions des essais et des exercices de secours, ainsi que du rapport de la commission technique mixte, le tunnel a été ouvert à la circulation des véhicules légers et des poids lourds, hors transports de marchandises dangereuses, le 17 janvier 2003

L'accord du 25 avril 1991 traitait essentiellement des modalités de construction de l'ouvrage. Il est donc apparu nécessaire de le compléter pour donner un cadre juridique à l'exploitation, à l'entretien, à la sécurité et, le cas échéant, à l'évolution de ce tunnel, et de transformer la commission technique mixte instituée par cet accord en une commission intergouvernementale de contrôle analogue à celles qui ont été mises en place sur les autres grands tunnels transfrontaliers du Fréjus et du Mont-Blanc.

Un accord intergouvernemental a donc été établi en ce sens ; il a été signé lors du sommet franco-espagnol de Perpignan le 11 octobre 2001. Il est accompagné d'un échange de lettres interprétatif, précisant le sens qu'il convient de donner à l'article 9 fixant les conditions d'intervention des forces de police dans le tunnel et ses accès immédiats.

Les principales dispositions de l'accord signé le 11 octobre 2001 sont les suivants.

Est créée une commission intergouvernementale - CIG - de contrôle, responsable de l'application du présent accord, ainsi que de l'ensemble des questions liées à la sécurité, à l'exploitation, à l'entretien et, le cas échéant, à l'évolution du tunnel. Elle dispose à cet effet d'un pouvoir réglementaire dans ces différents domaines, elle approuve le cahier des charges de l'entretien et de l'exploitation, le règlement de circulation, le plan de secours binational du tunnel et les modifie si nécessaire.

Un comité de sécurité est mis en place pour assister la CIG dans les décisions qu'elle est amenée à prendre sur toutes les questions qui ont un lien avec la sécurité du tunnel.

L'Espagne est chargée de l'exploitation et de l'entretien de l'ensemble du tunnel et de ses accès immédiats, suivant un cahier des charges approuvé par la CIG. Les dépenses relatives à ces prestations sont prises en charge à raison de deux tiers pour l'Espagne et d'un tiers pour la France, conformément à la répartition géographique du tunnel.

Sont mis en place par les parties les mesures et le contrôle nécessaires pour assurer la sécurité et le respect des règles de circulation et de stationnement des véhicules dans le tunnel. A cet effet, un règlement de circulation a été approuvé par les deux gouvernements par échange de lettres signées à Malaga le 26 novembre 2002. Ce règlement impose, notamment, une distance de sécurité de 150 mètres au minimum entre un poids lourd et un autre véhicule et de 100 mètres au minimum entre deux véhicules légers, ainsi qu'une vitesse minimale de 50 kilomètres à l'heure et une vitesse maximale 80 kilomètres à l'heure à l'intérieur du tunnel. Les contrôles de la vitesse et de l'interdistance des véhicules sont assurés en permanence par la gendarmerie nationale pour la partie française du tunnel et par la Guardia civil pour la partie espagnole.

Une zone de contrôles à l'intérieur de laquelle les agents de chacun des deux Etats sont autorisés à intercepter et à verbaliser les contrevenants est créée dans la partie de la zone de contrôles située sur le territoire de l'autre Etat, dès lors que l'infraction poursuivie a été commise dans la partie de la zone de contrôles située sur le territoire de leur Etat.

Afin de clarifier les conditions d'intervention des forces de police de chaque Etat dans le tunnel et dans ses accès immédiats, la rédaction des troisième et quatrième alinéas de l'article 9 de l'accord a donné lieu à un échange de lettres interprétatif signées par les ministres des transports des deux gouvernements, le 11 octobre 2001 et le 14 février 2002.

Le tunnel du Somport contribuera à améliorer les conditions de circulation entre Pau et Saragosse en établissant une liaison permanente entre la France et l'Espagne. Il consolidera en outre la position de carrefour et de pôle régional de l'agglomération de Pau et du bassin Lacq-Pau-Tarbes.

Telles sont, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de l'accord franco-espagnol relatif au tunnel du Somport, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe François, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lancée voilà près de quinze ans, la réalisation du tunnel du Somport est achevée depuis quelques mois, l'ouverture à la circulation étant intervenue au tout début de l'année.

A la suite de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc et des expertises conduites sur toutes les infrastructures en service ou en construction, d'importantes modifications ont été apportées au projet initial en vue de renforcer les équipements de sécurité.

Après les tunnels du Fréjus et du Mont-Blanc, le tunnel du Somport est aujourd'hui, par sa longueur, le troisième de nos tunnels transfrontaliers. C'est aussi, certainement, l'un des plus modernes et des plus sûrs, compte tenu de l'attention portée aux prescriptions de sécurité et des nombreux équipements prévus à cet effet.

Le principe de la construction de ce tunnel international avait été officialisé par les deux gouvernements dans un accord conclu en avril 1991 et approuvé l'année suivante par les deux Parlements.

L'accord franco-espagnol du 11 octobre 2001, relatif à l'exploitation, à l'entretien et à la sécurité du tunnel du Somport, traite quant à lui des questions pratiques qui se posent désormais pour la gestion de cette infrastructure.

Il crée des instances intergouvernementales en charge du tunnel. Il confie à l'Espagne la responsabilité de son entretien et de son exploitation, responsabilité qui sera déléguée à une entreprise privée. Il fixe la clef de répartition des coûts d'exploitation : deux tiers pour l'Espagne et un tiers pour la France.

Enfin, l'accord fixe les modalités de la police de la circulation dans le tunnel et apporte certaines innovations intéressantes par rapport aux pratiques en vigueur dans les tunnels alpins. C'est ainsi que les agents des deux Etats pourront constater les infractions, indépendamment du territoire sur lequel elles ont été commises.

La commission des affaires étrangères a pleinement approuvé cet accord dont la ratification est désormais indispensable, puisque le tunnel est en service depuis cinq mois.

Toutefois, elle a dû constater une certaine incohérence entre l'ampleur de l'effort technique et financier accompli pour faire de ce tunnel une réalisation exemplaire et l'état actuel de sa voie d'accès du côté français.

Le programme d'amélioration de la route nationale 134 entre le Somport et Pau a en effet pris un retard inquiétant. Maximale dans le tunnel, la sécurité l'est beaucoup moins dans plusieurs traversées d'agglomération et sur les portions les plus étroites de la route.

L'ouverture du tunnel doit donc, en toute logique, s'accompagner d'une accélération de la réalisation des déviations prévues et de la mise aux normes de sa route d'accès.

La question revêt désormais, monsieur le ministre, une urgence certaine et il serait bon que le Gouvernement puisse rapidement prendre des engagements.

Plus généralement, il est également nécessaire de rappeler que le tunnel du Somport est voué au développement d'un trafic de proximité entre les régions de Pau et de Saragosse, et non pas au grand transit international entre la péninsule Ibérique et le reste de l'Europe, qui emprunte pour sa part les passages côtiers, aux deux extrémités de la chaîne pyrénéenne. L'augmentation continue de ce transit est préoccupante et impose des réponses adaptées, soit par l'amélioration des itinéraires actuels, soit par le renforcement du fret ferroviaire, aujourd'hui très peu développé entre la France et l'Espagne.

C'est donc une politique de transport globale et cohérente qu'il faut définir avec nos partenaires espagnols pour les traversées pyrénéennes.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères vous demande, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. M. le rapporteur m'a posé une question à laquelle je veux répondre, car elle est très importante.

Vous avez analysé avec pertinence, monsieur le rapporteur, la question du raccordement du tunnel au réseau routier national français et vous avez bien voulu appeler mon attention sur l'urgence de la modernisation de la RN 134 en vallée d'Aspe.

Au préalable, je tiens à réaffirmer que cet axe n'a pas vocation à être le support d'un itinéraire de grand transit routier international, et son aménagement se limitera à une seule chaussée. Les premiers comptages effectués depuis la mise en service, en janvier dernier, du tunnel du Somport font état d'une augmentation mesurée du trafic, avec 1 200 véhicules en moyenne journalière dont environ 200 poids lourds, ce qui confirme le rôle de liaison régionale de cet axe.

Comme vous le savez, l'Etat a engagé depuis plusieurs contrats de plan une politique de modernisation progressive de la RN 134 en vallée d'Aspe, entre Oloron-Sainte-Marie et le tunnel du Somport, avec une priorité donnée aux déviations de toutes les localités traversées. Les aménagements réalisés sont encadrés par un cahier des charges approuvé en 1994 par les ministres de l'équipement et de l'environnement. L'enjeu est de réussir des opérations exemplaires d'un point de vue environnemental de par la qualité de leur insertion.

La réalisation des aménagements projetés connaît toutefois un important retard. C'est un fait : je ne peux que le constater et le déplorer. Au-delà des questions financières aggravées, on le devine, dans le contexte actuel, il convient de souligner la forte opposition locale qui s'est manifestée à l'encontre de ce projet et qui s'est traduite par de nombreux recours contentieux contre la déclaration d'utilité publique des travaux. Bien que tous les recours aient été rejetés, ils ont eu pour conséquence de retarder considérablement la réalisation des travaux. De plus, la prise de possession des terrains a été rendue plus difficile par le morcellement parcellaire organisé entre une multitude de propriétaires.

Cependant, les importants moyens financiers inscrits au contrat Etat-région 2000-2006, soit 40 millions d'euros, vont permettre la poursuite des travaux de la déviation du vallon de Bedous, l'engagement des travaux de la déviation de Gurmençon-Asasp et l'achèvement de la section Urdos-Les Forges-d'Abel. Près de 75 % de l'itinéraire sera ainsi aménagé lorsque ces trois opérations auront été menées à leur terme.

Par ailleurs, de nouvelles opérations sont en cours de préparation. Il s'agit en particulier des déviations d'Oloron-Sainte-Marie, d'Urdos et de Cette-Eygun, ainsi que de la nouvelle liaison entre Pau et Oloron-Sainte-Marie.

A cet égard, j'ai le plaisir de vous informer que mon collègue Gilles de Robien a confié une mission d'expertise à l'ingénieur général Forgerit visant à arrêter des propositions techniques, administratives et financières propres à accélérer la réalisation de cet itinéraire. Les conclusions de cette expertise sont attendues pour l'été 2003, donc très prochainement. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne relatif à l'exploitation, à l'entretien, à la sécurité et, le cas échéant, à l'évolution du tunnel routier du Somport, signé à Perpignan le 11 octobre 2001 (ensemble un échange de lettres des 11 octobre 2001 et 14 février 2002), et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne relatif à l'exploitation, à l'entretien, à la sécurité et, le cas échéant, à l'évolution du tunnel routier du Somport (ensemble, un échange de lettres)
 

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TRAITÉ AVEC L'ESPAGNE RELATIF

À LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE

EN MATIÈRE POLICIÈRE ET DOUANIÈRE

Adoption d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière
Discussion générale (fin)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 259, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière. [Rapport n° 273 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, M. le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la coopération Schengen, lancée le 14 juin 1985 entre cinq membres de la Communauté européenne, la France, la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg, mais en dehors du cadre communautaire, a été progressivement élargie à tous les autres Etats membres, à l'exception des deux Etats insulaires que sont la Grande-Bretagne et l'Irlande. Elle a été intégrée par le protocole n° 3 du traité d'Amsterdam dans le cadre institutionnel de l'Union européenne sous la forme d'une « coopération renforcée ».

L'acquis de Schengen est donc devenu un acquis de l'Union européenne qui devra, en ce sens, être intégralement repris par les pays candidats à l'adhésion.

Aujourd'hui, la liberté de circulation des personnes est totalement effective entre les treize pays signataires de la convention de Schengen.

L'article 39 de cette convention impose aux Etats parties un devoir d'assistance entre leurs services de police aux fins de prévention et de recherche des faits punissables. Afin de développer la coopération policière avec les Etats membres voisins et parties aux accords de Schengen, la France a signé des accords de coopération avec l'Italie, le 3 octobre 1997, l'Allemagne, le 9 octobre 1997, la Belgique, le 5 mars 2001, et le Luxembourg, le 15 octobre 2001.

Avec l'Espagne, les négociations ont été entreprises en juillet 1996 et le texte a été paraphé par les ministres lors du sommet franco-espagnol des chefs d'Etat et de gouvernement à Salamanque, les 1er et 2 décembre 1997. Il a été signé à Blois, le 7 juillet 1998, par les ministres de l'intérieur à l'occasion du séminaire interministériel franco-espagnol.

Le traité entre la France et l'Espagne remplacera l'arrangement administratif du 3 juin 1996 relatif à l'organisation, à la composition et au fonctionnement des quatre commissariats communs aménagés au Perthus, à Melles-Pont-du-Roi, à Canfranc, en Aragon, et à Biriatou.

Ce traité a pour objet l'organisation d'une coopération directe entre tous les services répressifs - police, douane, gendarmerie - qui opèrent dans la région frontalière. A cette fin, les commissariats communs qui fonctionnent actuellement seront transformés en « centres de coopération policière et douanière ».

Ces centres de coopération policière et douanière sont installés à proximité de la frontière commune, financés à égalité par les parties, leur nombre et leur localisation pouvant être modifiés par un protocole additionnel. Ils fournissent toute information utile aux services compétents chargés de la police et de la douane afin d'améliorer la prévention des menaces à l'ordre public et ils participent à la coordination des mesures conjointes de surveillance, en vue d'une lutte plus efficace contre la criminalité, notamment dans le domaine de l'immigration irrégulière et des trafics illicites.

Le titre II du traité organise la coopération directe dans les zones frontalières, qu'il définit. Les unités territoriales compétentes en matière de police et de douane sont la police nationale, la gendarmerie nationale et la douane, du côté français et le corps national de la police, la garde civile et tout autre service ou autorité de police préalablement désignés par le ministère de l'intérieur du côté espagnol.

Les missions et la durée du détachement des agents sont définies d'un commun accord dans l'acte de détachement. Ces agents ne sont en aucun cas compétents pour exécuter de manière autonome des mesures de police.

Des réunions régulières des responsables des unités territoriales concernées sont prévues, au moins deux fois par an, pour dresser le bilan de la coopération bilatérale, échanger des informations statistiques, préparer des interventions communes, organiser des patrouilles en commun et des exercices frontaliers communs, mais aussi pour s'accorder sur les besoins de coopération prévisibles.

L'entrée en vigueur du traité de Blois permettra d'approfondir la coopération policière et douanière franco-espagnole dans les Pyrénées. Elle incitera à étendre l'expérience du centre de coopération policière et douanière du Perthus, inauguré le 25 novembre 2002, de façon à mieux contrôler l'immigration illégale et les trafics illicites, contrepartie indispensable à la libre circulation au sein du marché unique européen, facteur clé de la croissance économique.

Telles sont, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe François, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères a examiné avec beaucoup d'intérêt le traité portant sur la coopération transfrontalière en matière policière et douanière entre la France et l'Espagne.

Ce texte a été signé voilà près de cinq ans et ratifié par le Parlement espagnol il y a deux ans, mais il n'avait pas été inscrit à l'ordre du jour du Parlement français au cours de la précédente législature.

Après son adoption par l'Assemblée nationale au mois d'avril dernier, l'adoption aujourd'hui par le Sénat du présent projet de loi permettra l'entrée en vigueur officielle du traité, laquelle a pris un retard important et interviendra plusieurs mois après l'inauguration par M. Sarkozy et son homologue espagnol du premier centre de coopération policière et douanière, situé au Perthus.

Le traité s'inscrit pleinement dans la mise en oeuvre de l'accord de Schengen, dont il constitue un indispensable complément. En effet, notre Haute Assemblée a souvent eu l'occasion de rappeler et de souligner que, selon le texte même de la convention d'application de l'accord de Schengen, la suppression des contrôles sur les frontières communes aux membres de l'espace Schengen devait s'accompagner d'un renforcement de leur coopération en matière policière et douanière dans les régions frontalières.

C'est dans ce but que la France a signé avec presque tous ses voisins des accords bilatéraux de coopération transfrontalière. Ce fut d'abord le cas avec l'Italie et l'Allemagne en 1997, puis, l'année suivante, avec l'Espagne et la Suisse. Avec la Belgique, l'accord bilatéral a été conclu en mai 2001. Enfin, un accord est en cours de négociation avec le Luxembourg.

Vous avez présenté, monsieur le ministre, les principales dispositions du traité franco-espagnol, rédigé à partir d'un modèle de convention transfrontalière policière et douanière élaboré à l'échelon européen en 1996.

La création de centres de coopération policière et douanière intégrant des agents de la police nationale, de la gendarmerie et des douanes constitue l'un des aspects les plus significatifs de ce texte.

La commission des affaires étrangères du Sénat a estimé que le traité contribuerait très positivement au renforcement d'une coopération déjà étroite et qui a fait ses preuves, mais absolument nécessaire pour lutter plus efficacement encore contre la délinquance frontalière, les trafics illicites et l'immigration irrégulière.

Pour cette raison, elle vous demande, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi autorisant sa ratification. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

« Article unique. - Est autorisée la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, signé à Blois le 7 juillet 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière
 

13

DÉCLARATION DE L'URGENCE

D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu deM. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 17 juin 2003.

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, déposé sur le bureau du Sénat le 28 mai 2003.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Jean-Pierre Raffarin »

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Mercredi 18 juin 2003 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :

1° Suite du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive (urgence déclarée) (n° 320, 2002-2003) ;

2° Deuxième lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale avec modifications, pour l'initiative économique (n° 338, 2002-2003).

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 17 juin 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 17 juin 2003.)

Jeudi 19 juin 2003 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour réservé

1° Question orale avec débat n° 18 de M. Jean Bizet à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies sur les organismes génétiquement modifiés ;

(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 18 juin 2003) ;

A 15 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.

Mardi 24 juin 2003 :

A 9 h 30 :

1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :

- n° 248 de M. Jean-Paul Amoudry à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes (Négociations d'accords bilatéraux entre l'Union européenne et la Suisse) ;

- n° 251 de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Situation des forces de sécurité dans les Yvelines) ;

- n° 255 de Mme Michelle Demessine à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Financement du logement des saisonniers) ;

- n° 260 de M. José Balarello à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Aménagements de la voie ferrée Nice-Cuneo) ;

- n° 274 de M. Alain Gournac à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable (Lutte contre la pollution sonore des deux roues) ;

- n° 275 de M. Gérard Roujas à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Création d'un nouvel aéroport à Toulouse) ;

- n° 276 de M. Michel Pelchat à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation (Mise en oeuvre de la directive européenne sur le chocolat) ;

- n° 277 de M. Denis Badré transmise à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation (Négociations sur la pérennisation du système de TVA réduite sur les travaux d'entretien des logements) ;

- n° 278 de M. Bernard Joly à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Mesures d'aides en faveur des jeunes agriculteurs) ;

- n° 279 de M. André Trillard transmise à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable (Réglementations sur la pêche dans la Grande Brière Mottière) ;

- n° 280 de M. Jean-Marc Pastor à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Désenclavement du sud du Tarn) ;

- n° 281 de M. Dominique Mortemousque à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Travaux d'aménagement de la RN 21) ;

- n° 282 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Projet de construction de l'autoroute A 103 en Seine-Saint-Denis) ;

- n° 283 de Mme Nelly Olin à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Désenclavement du Val-d'Oise) ;

- n° 284 de M. Roger Karoutchi à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer (Bilan du contrat de plan Etat/région Ile-de-France en matière d'équipements de transports) ;

- n° 285 de M. Bernard Murat à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Politique des transports en Corrèze) ;

- n° 286 de M. Yves Coquelle à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Statut des élus locaux et indemnités de fonction) ;

- n° 287 de M. Jacques Pelletier à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable (Politique de l'eau) ;

A 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour la confiance dans l'économie numérique (n° 195, 2002-2003).

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 23 juin 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 23 juin 2003.)

Mercredi 25 juin 2003 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :

1° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programme pour l'outre-mer ;

2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour la confiance dans l'économie numérique.

Jeudi 26 juin 2003 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour la confiance dans l'économie numérique ;

A 15 heures et, éventuellement, le soir :

2° Questions d'actualité au Gouvernement ;

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

Ordre du jour prioritaire

3° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation budgétaire.

(La conférence des présidents a fixé à :

- quarante-cinq minutes le temps réservé au président et au rapporteur général de la commission des finances ;

- dix minutes le temps réservé à chacun des présidents des autres commissions permanentes intéressées ;

- quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 25 juin 2003.)

Lundi 30 juin 2003 :

Ordre du jour prioritaire

A 16 heures et le soir :

Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant réforme des retraites (urgence déclarée) (AN, n° 885).

(Les modalités de discussion de ce texte seront déterminées ultérieurement.)

Par ailleurs, la conférence des présidents a fixé les dates des séances mensuelles réservées et des séances de questions pour le premier trimestre de la session 2003-2004. Ces dates ont été communiquées à tous nos collègues.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

15

ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

Discussion d'un projet de loi

déclaré d'urgence

 
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Question préalable

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 320, 2002-2003), modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive. [Rapport n° 346 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui vise à réformer la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

Depuis une trentaine d'années, la croissance urbaine, économique, sociale de notre pays, l'essor des transports et des infrastructures ont entraîné le développement de l'archéologie préventive. Ce développement, à la fois scientifique et technique, a permis de nombreuses découvertes, si bien que l'archéologie préventive produit aujourd'hui environ 80 % des connaissances archéologiques françaises.

La loi du 17 janvier 2001 visait à donner un cadre juridique à cette discipline et à créer l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, établissement public auquel a été confié le monopole des opérations. Sa mise en oeuvre, amorcée au début de l'année 2002, a immédiatement suscité de nombreuses tensions entre les aménageurs, au premier rang desquels les collectivités locales, et l'INRAP. Je déplore cette situation conflictuelle, que j'ai ressentie très vivement dès mon arrivée rue de Valois. Elle a d'ailleurs conduit en très peu de temps l'INRAP au bord de la faillite financière.

Pourquoi ce naufrage, que je regrette profondément, s'est-il produit si vite ?

Si la loi du 17 janvier 2001 a eu le mérite de consolider le service public de la recherche archéologique, elle portait réanmoins en elle les germes de nombreux dysfonctionnements.

Le contrôle systématique des aménagements est nécessaire, chacun en convient, pour éviter que ne soient détruits, sans étude préalable, des vestiges enfouis. Mais l'insuffisance de la régulation, voire son absence totale, conjuguée au monopole de l'INRAP sur la réalisation des opérations, a fait exploser le nombre des opérations archéologiques prescrites, celui-ci étant passé de 2 000 en 2001 à 4 000 en 2002, ainsi que, parallèlement, les effectifs de l'INRAP et les délais d'exécution.

Le second dysfonctionnement tient aux mécanismes de financement de l'INRAP, qui ont très vite révélé leur inadaptation. Complexes, opaques, inéquitables, ils ont exposé les aménageurs, notamment les communes rurales, à des coûts importants, sans permettre pour autant à l'INRAP de bénéficier des ressources nécessaires. En moins d'un an, le déficit de l'INRAP s'est rapidement creusé. Il atteindra 45 millions d'euros en cumulé pour les années 2002 et 2003. Il est vrai que l'amendement « Garrigue », adopté à la fin de l'année dernière par le Parlement et visant à réduire de 25 % la redevance pour les opérations prescrites en 2003, n'a pas amélioré la situation, qui était cependant, je tiens à le préciser, déjà considérablement dégradée.

J'observe enfin que l'absence d'un véritable dialogue entre le prescripteur, c'est-à-dire l'Etat, l'aménageur et l'opérateur qu'est l'INRAP a donné à de nombreux élus le sentiment d'un arbitraire insupportable, tout en précipitant l'archéologie préventive dans une situation de blocage.

Dans ces conditions, ce que je vous propose aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est bien de sauver l'archéologie préventive nationale, de lui donner une organisation publique stable et l'ambition scientifique qu'elle mérite.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de présenter en urgence ce projet de loi au Parlement. La situation l'exige. Il vise à donner un cadre juridique et financier durable à l'archéologie préventive nationale, à renforcer sa dimension scientifique et à mieux l'intégrer aux réalités du développement économique de notre pays et de nos régions. Il repose sur un juste équilibre entre le rôle nécessaire de l'Etat et celui des collectivités locales, dont chacun peut ici reconnaître la parfaite légitimité.

Cette réforme a été élaborée après un intense travail interministériel, conduit en collaboration avec le ministère de la recherche, cotuteur de l'archéologie préventive, ainsi qu'avec les ministères de l'équipement et des finances, après une large concertation avec les acteurs de l'archéologie préventive et, naturellement, les parlementaires.

Cette réforme est, par ailleurs, faut-il le préciser, parfaitement conforme à la convention de Malte, ratifiée par la France en 1992, qui fait obligation à notre pays de mettre en oeuvre l'archéologie préventive.

Quelles sont les principales dispositions de ce projet de loi ?

Le premier objectif est de consolider le financement de l'archéologie préventive.

Selon la loi du 17 janvier 2001, l'ensemble des opérations archéologiques est financé par une ressource fiscale, la redevance, que l'Etat lève en fonction de son intention de réaliser des diagnostics ou des fouilles.

La réforme que je vous propose vise à modifier radicalement ce système, qui est, à mes yeux, peu équitable, puisqu'il fait porter l'ensemble du coût de l'archéologie préventive sur un petit nombre d'aménageurs.

En premier lieu, les opérations de fouilles seront non plus financées par une redevance, mais sur la base d'un prix, celui qui sera convenu entre l'aménageur et l'opérateur. Ces opérations pourront être réalisées, selon le choix de l'aménageur et sous réserve de l'accord de l'Etat, soit par l'INRAP, soit par les services archéologiques des collectivités locales agréées par l'Etat ou par des opérateurs scientifiques publics ou privés, qui auront eux aussi été agréés par l'Etat.

En second lieu, les opérations de diagnostic en amont, l'exploitation et la diffusion des recherches en aval seront quant à elles financées par une redevance générale d'archéologie perçue sur tous les dossiers d'aménagement au-delà d'un certain seuil. Je précise que les diagnostics seront, pour leur part, réalisés soit par l'INRAP, soit par les services archéologiques des collectivités territoriales. Le maintien du monopole du service public sur ces opérations est, en effet, nécessaire, afin de garantir une parfaite objectivité.

Cette redevance, dont l'assiette sera élargie, permettra de mieux répartir la charge de l'archéologie préventive entre les différents aménageurs.

Elle viendra en effet abonder un fonds de péréquation qui permettra aux aménageurs les plus impécunieux de bénéficier de subventions, pour les aider, le cas échéant, à supporter le coût des fouilles. Ces subventions assureront ainsi, dans tous les cas, les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs scientifiques des opérations. Elles seront accordées par l'Etat aux aménageurs en fonction de critères objectifs qui seront déterminés par une commission.

Je souligne qu'une telle subvention était impossible dans le système précédent, puisque l'intégralité des opérations était financée par une ressource fiscale. Or, comme vous le savez, aucun contribuable ne peut bénéficier d'une subvention pour alléger le coût de l'impôt auquel il est soumis.

J'observe que, ces subventions profitant au premier chef aux communes rurales, elles contribueront à établir un meilleur équilibre que celui qui prévaut actuellement, en matière de traitement, entre les zones rurales et les zones urbaines.

Nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont, à cet égard, exprimé leur avis au sujet du seuil pertinent de perception de la redevance, fixé, dans le projet de loi, à 5 000 mètres carrés, estimant que cela ne permettrait pas de rétablir l'équilibre entre les zones rurales et les zones urbaines par rapport à la situation actuelle. Je sais, monsieur le rapporteur, que vos travaux vous ont conduit à présenter un amendement visant à abaisser ce seuil. Je sais également que, au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat, vous proposerez d'amender le texte pour ce qui concerne les modalités de perception de la redevance. Nous en débattrons au cours de la discussion ; je tiens cependant, dès à présent, à saluer la qualité de votre travail, qui nous a permis, sur nombre de points, d'améliorer le texte.

Le deuxième objectif de la réforme est l'intégration des collectivités territoriales dans le service public national de l'archéologie préventive.

En ne permettant l'intervention des organismes scientifiques existant sur le terrain qu'en tant que sous-traitants de l'INRAP, le système actuel a incontestablement écrasé les dynamiques territoriales et les a empêchées de se développer. En outre, il n'a pas permis une véritable adéquation entre les pratiques opérationnelles et le contexte archéologique spécifique à chaque région. Le développement de l'archéologie préventive doit aujourd'hui mieux prendre en compte les réalités régionales et la capacité, ainsi d'ailleurs que, très souvent, la volonté des collectivités locales à s'engager.

Les services archéologiques agréés des collectivités territoriales, trop souvent considérés, par le passé, comme de simples supplétifs du ministère de la culture, se verront désormais confier, si la loi en dispose ainsi et s'ils le souhaitent, la pleine responsabilité de l'exécution des diagnostics et des fouilles. Leur développement est l'une des clés de la réforme et de l'efficacité de celle-ci.

Comme je l'ai indiqué, les collectivités territoriales partageront le monopole de la réalisation des diagnostics avec l'INRAP. Elles pourront décider soit de réaliser ponctuellement un diagnostic, soit d'assurer la maîtrise d'ouvrage de l'ensemble des opérations de diagnostic prescrites sur leur territoire pendant une durée d'au moins trois ans. D'un point de vue opérationnel, la collectivité qui aura fait ce choix recevra l'ensemble des redevances dues sur son territoire, en application du présent texte.

Le projet de loi préserve cependant le principe de libre administration des collectivités territoriales et les prérogatives de maîtrise d'ouvrage de l'aménageur public. En effet, si plusieurs collectivités sont intéressées par la même opération de diagnostic, le projet de loi privilégie la collectivité de première proximité. De même, l'aménageur public peut s'opposer à la réalisation du diagnostic par le service archéologique territorial et préférer l'établissement public.

Une disposition du projet de loi vise par ailleurs, de façon dérogatoire, à donner aux collectivités territoriales la possibilité de recruter des agents de l'établissement public bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée, afin qu'elles puissent s'appuyer pleinement sur les compétences acquises au sein de l'établissement public.

Le troisième objectif de ce projet de loi est de réaffirmer le rôle de l'Etat et de ses services déconcentrés.

A ceux qui critiquent ce projet de loi en arguant du fait qu'il marquerait un effacement des missions régaliennes de l'Etat, je répondrai que l'Etat conserve, au contraire, un rôle essentiel. Il n'y a nulle « privatisation », comme j'ai pu l'entendre, dans ce dispositif, mais il y a un investissement, une ouverture vers un ensemble d'intervenants qui seront tous agréés par l'Etat et satisferont, en conséquence, aux exigences scientifiques requises.

C'est l'Etat qui accordera son agrément aux différents opérateurs de diagnostic et de fouille. L'agrément sera délivré à l'échelon national, afin que les critères soient identiques sur l'ensemble du territoire. J'ajoute que cet agrément pourra être retiré en cas de manquement. Pour ma part, j'attache une très grande importance à l'efficacité de ce dispositif.

Ce sont par ailleurs les services de l'Etat qui autoriseront les fouilles après contrôle de l'adéquation entre le projet d'opération et le cahier des charges de la prescription. Ce sont eux qui veilleront aux règles de déontologie qui s'imposent à cette activité. Ce sont eux qui désigneront le responsable de l'opération et contrôleront le déroulement des actions sur le terrain. Enfin, ce sont eux qui veilleront à la remise des rapports de fouilles, évalueront les résultats et favoriseront leur publication.

J'ai par ailleurs mobilisé les services déconcentrés du ministère de la culture, au premier rang desquels nos directions générales des affaires culturelles, les DRAC, et en leur sein les services régionaux d'archéologie, sur la nécessité de maîtriser, bien sûr à partir de critères scientifiques, la prescription des opérations de diagnostic et de fouille. D'ailleurs, j'ai d'ores et déjà sensibilisé les préfets à l'importance de la vigilance qui doit s'appliquer à la mise en oeuvre de ces prescriptions.

Le quatrième objectif de ce projet de loi est de stabiliser la situation de l'INRAP.

L'établissement public créé par la loi du 17 janvier 2001 conservera son caractère administratif et le statut de son personnel ne sera pas modifié. Il m'a, en effet, paru légitime que la situation de crise que nous connaissons aujourd'hui ne nous fasse pas oublier la grande qualité professionnelle des agents de cet établissement, notamment de nos archéologues. Ils contribuent de façon décisive à la meilleure connaissance de notre histoire, à laquelle, je le sais, nous sommes tous très attachés.

L'INRAP joue un rôle essentiel dans le processus d'archéologie préventive, et cela pour l'ensemble de la chaîne scientifique : diagnostic, fouille, exploitation et valorisation des données. Cet établissement assurera bien à ce titre des missions de service public national. C'est à lui, et à lui seul, que reviendra, par exemple, l'obligation d'assurer la continuité d'une fouille que l'opérateur initial serait contraint d'abandonner, notamment en raison d'une cessation d'activité. C'est à lui, autre exemple, que sera attribuée toute opération pour laquelle l'aménageur n'aurait trouvé aucun autre candidat à la réalisation de l'opération. Ce sont l'INRAP et les services de l'Etat qui recevront par ailleurs le rapport de fouille que tout opérateur est tenu de réaliser. Tout cela marque bien, et de façon incontestable, que l'INRAP est garant, sur l'ensemble du territoire, de la continuité du service public de l'archéologie préventive nationale.

Telle est, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l'économie générale de la réforme qui vous est aujourd'hui présentée. C'est une réforme nécessaire. Elle vise à trouver des solutions adaptées à une situation de crise préoccupante. Elle donnera à l'archéologie préventive un cadre juridique et financier enfin stable et solide, tout en permettant à toutes les compétences disponibles dans notre pays, sur le territoire, d'être mobilisées à cet effet.

C'est une réforme courageuse, c'est une réforme d'avenir. Elle garantira la pérennité d'une discipline précieuse pour la recherche dans notre pays, dans le respect de la recherche et des réalités économiques. Il faut aussi tenir compte du fait que les collectivités locales sont, elles aussi, porteuses de l'intérêt général.

Tout indique, dans l'histoire culturelle de notre pays au cours des cinquante dernières années, que les collectivités locales ont une capacité accrue à prendre en charge des missions d'intérêt général dans le domaine de la culture. A cette occasion, je tiens d'ailleurs à marquer à ces collectivités ma reconnaissance pour la part qu'elles prennent désormais au développement culturel de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat doit, pour la deuxième fois en trois ans, examiner un projet de loi relatif à l'archéologie préventive. C'est une situation quelque peu curieuse si l'on songe que cette discipline s'est développée depuis le début des années soixante-dix et pendant des dizaines d'années en dehors de tout cadre législatif.

Pourtant, cette situation n'est pas véritablement surprenante. Sans jouer les Cassandre, votre rapporteur avait, lors des débats sur la loi du 17 janvier 2001, formulé de sévères mises en garde et des interrogations quant à la viabilité des mécanismes que l'on mettait en place. Je regrette profondément que le Sénat n'ait pas été entendu et, surtout, que nos avertissements se soient révélés fondés : à peine un an après que l'ensemble des dispositions sont entrées en vigueur, nous constatons que la loi est difficilement applicable, voire inapplicable.

On pourra regretter qu'il soit nécessaire de réformer une loi avant même qu'un bilan puisse en être tiré. Je rappellerai qu'un des rares amendements du Sénat à la loi de 2001 retenus par l'Assemblée nationale prévoyait qu'un rapport sur son application serait déposé sur le bureau des assemblées avant la fin de l'année. Certes ! Cependant, je crois que, compte tenu de l'ampleur des difficultés rencontrées, si rien n'était fait, nous courrions le risque de remettre en cause les acquis de la politique conduite depuis trois décennies pour protéger le patrimoine archéologique. Or, nous voulons que le patrimoine archéologique soit protégé, et bien protégé.

Les délais dans lesquels le Gouvernement a préparé le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui et ceux qu'il nous impose pour l'examiner témoignent non pas de la volonté de liquider l'archéologie préventive, mais bien de son attachement à la défense d'un patrimoine qui constitue notre mémoire collective.

La loi du 17 janvier 2001 répondait à la nécessité, que nous n'avions pas contestée, de préciser le cadre juridique des opérations d'archéologie préventive.

L'accroissement du nombre des chantiers de fouilles sous l'effet du développement économique et de l'aménagement du territoire ne s'était accompagné depuis le début des années soixante-dix ni d'un effort financier de l'Etat ni de l'adaptation de la loi du 27 septembre 1941, dite loi Carcopino, à la spécificité de ces opérations archéologiques « de sauvetage ».

A cet égard, la loi du 17 janvier 2001 a eu le mérite de consacrer le principe du financement des fouilles par l'aménageur, de préciser les conditions dans lesquelles l'Etat peut prescrire des opérations d'archéologie préventive et de clarifier les conditions juridiques dans lesquelles elles sont exécutées.

Je rappellerai que, conformément à la volonté du précédent gouvernement de soustraire l'archéologie préventive aux lois de la concurrence et de réaffirmer le caractère de service public de cette activité, la réalisation des diagnostics et des fouilles a été confiée à un établissement public financé par un impôt.

Cet établissement public, baptisé Institut national de recherches archéologiques préventives, INRAP, résultait de la transformation de l'Association pour les fouilles archéologiques nationales, l'AFAN, dont le statut associatif était, il est vrai, inapproprié, au regard tant de ses missions que de son mode de financement.

Cet établissement public devait être financé par le produit des redevances de diagnostics et de fouilles acquittées par les aménageurs dont les projets nécessitent la réalisation d'opérations archéologiques.

Lors des deux lectures de la loi de 2001, nous avions exprimé les craintes que nous inspirait ce système. Ces craintes concernaient d'abord le montant du financement dont l'estimation était incertaine et les modes de calcul complexes. Nous avions également souligné les risques d'un système qui ne conférait aux autres intervenants, qu'il s'agisse des services archéologiques des collectivités territoriales, des organismes de recherche, des universités, des entreprises ou des associations de bénévoles - car il ne faut pas oublier les bénévoles quand on parle de l'archéologie ; ils jouent un rôle très important et très apprécié - qu'un rôle subsidiaire. D'une certaine manière, ils dépendaient du bon vouloir de l'INRAP de faire appel à eux. Cela avait pour conséquence de réduire les moyens disponibles pour répondre à la demande des aménageurs.

Ces craintes se sont avérées fondées : il est en effet apparu que la loi était inapplicable, pour les raisons que nous avions identifiées.

Quelles sont les difficultés auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui ?

Tout d'abord, une des conséquences pour le moins inattendue de la loi du 17 janvier 2001 a été de remettre en cause le principe « casseur-payeur ».

Les aménageurs ont eu le sentiment que les procédures mises en place dans le cadre de la loi du 17 janvier 2001 accordaient à l'Etat, c'est-à-dire aux préfets des régions, des compétences qui, il faut bien le dire, comportaient une large part d'arbitraire.

A la complexité de procédures encore mal maîtrisées par les aménageurs se sont sans doute ajoutées des décisions mal fondées qui ont nourri leur exaspération face à une loi qu'ils ressentaient à « géométrie variable » selon les régions, faute d'élaboration à l'échelon national de principes cohérents susceptibles de guider les services de l'Etat dans leur activité de prescription.

Cette situation était prévisible dans la mesure où, faute de disposer d'une connaissance assez fine du sous-sol, la communication systématique des projets d'aménagement aux services régionaux d'archéologie impliquait forcément une multiplication des prescriptions.

Le sentiment d'incompréhension a été accentué par la rigueur des procédures et il faut admettre que les pratiques de l'établissement ont parfois suscité des blocages psychologiques.

La contestation a également été nourrie par l'opacité des modalités de calcul des redevances, qui produisent un certain nombre d'effets pervers.

Le mode de calcul de la redevance, extrêmement complexe, a abouti à ce que les opérations urbaines paient moins cher que les aménagements en zone rurale, alors que les premières présentent souvent une rentabilité supérieure.

Dans certains cas, le montant des redevances s'est révélé sans commune mesure avec le coût des opérations envisagées et les capacités contributives des aménageurs. En l'absence de mécanismes de péréquation, cela a pu aboutir à des situations inacceptables, où les aménageurs, notamment des collectivités territoriales, ont dû renoncer à leur projet, ce qui leur est insupportable.

Les initiatives parlementaires qui ont été prises à la fin de l'année 2002 pour réduire le montant des redevances apparaissent, à cet égard, comme la réaction à un dispositif perçu comme peu compréhensible, voire inéquitable.

A cet effet pervers des redevances, à l'opposé du souci de mutualisation qui avait présidé à leur tâtonnante élaboration par le précédent gouvernement, est venu s'ajouter un inconvénient, là encore largement prévisible : le produit des redevances s'est révélé insuffisant pour assurer le financement de l'établissement. Ce dernier s'est trouvé, de ce fait, dans une situation budgétaire telle qu'il est aujourd'hui dans l'incapacité, faute de moyens, de réaliser les opérations que la loi ne permet à aucun autre opérateur d'accomplir. En effet, dans cette situation, le monopole aboutit à bloquer les chantiers et à imposer aux aménageurs des délais qui leur semblent insupportables.

La combinaison de ces difficultés a abouti à un contexte de crise, dont il faut tenir compte, tout en mettant en garde contre les excès auxquels elle pourrait conduire certains.

Les difficultés financières de l'INRAP, et la situation de blocage qui en résulte pour les aménageurs, ne laissaient en effet pas d'autre choix au Gouvernement que de réformer la loi du 17 janvier 2001, et ce sans attendre le rapport que nous avions prévu pour 2004.

Avant d'aborder les orientations retenues par le projet de loi qui nous est soumis, je formulerai une observation de forme. Je regrette, monsieur le ministre, que vous ayez préféré modifier la loi du 17 janvier 2001 plutôt que de réécrire un nouveau texte. Ce choix ne contribue pas à la lisibilité du dispositif que vous nous présentez. J'en comprends la raison par rapport à l'INRAP, mais il aurait été plus simple d'avoir sous les yeux une loi dont les principes soient clairement présentés et définis plutôt qu'une série de modifications très importantes à un texte antécédent.

Le projet de loi a un objectif dont la légitimité est incontestable : rendre possibles les opérations archéologiques, ce que ne permet pas le système actuel.

Pour parvenir à cet objectif, les modifications apportées à la loi du 17 janvier 2001 visent, d'une part, à ouvrir à une diversité d'opérateurs la réalisation des diagnostics et des fouilles, tout en conservant à l'archéologie son caractère de service public, car il s'agit bien d'une loi de respiration dans le domaine de l'archéologie, et, d'autre part, à assurer le financement de ces opérations dans des conditions qui garantissent une mutualisation effective de leurs coûts.

Tirant les conséquences de l'incapacité de l'INRAP à assumer seul les opérations de terrain, le projet de loi revient sur le principe du monopole. Pour autant, ne sont remises en cause ni les prérogatives que détient l'Etat - ce qui est très important - pour assurer la protection du patrimoine archéologique ni l'existence d'un établissement public chargé de la recherche archéologique.

Pour la réalisation des diagnostics, sur lesquels se fondent les prescriptions de fouilles, un monopole public est maintenu afin de garantir leur objectivité scientifique.

Cependant, ce monopole n'est plus dévolu uniquement à l'INRAP, il est partagé avec les services archéologiques des collectivités territoriales.

La réalisation de diagnostics constituera désormais une compétence facultative, que les collectivités territoriales, quel que soit leur niveau, pourront décider d'exercer.

En rupture avec le dispositif actuel qui réduisait les services archéologiques territoriaux à un rôle subsidiaire, le projet de loi ouvre donc la voie à une décentralisation - qui n'est pas une privatisation ! - et remédie à une de ses principales faiblesses. C'est là une avancée tout à fait positive.

Toutefois, l'exercice de cette compétence par les collectivités territoriales est conditionné à l'agrément de ces services par l'Etat, qui, par le biais de cette procédure, en garantit la compétence. Le projet de loi reprend une des dispositions de la loi du 17 janvier 2001 qui avait instauré une procédure comparable pour l'octroi de l'exonération des redevances au profit des collectivités qui réalisaient pour leur compte des opérations archéologiques.

Fort opportunément, tirant les leçons de la courte application de la loi de 2001, le projet de loi prévoit des dispositions visant à prévenir toute tentation de la part de l'INRAP ou des collectivités territoriales d'abuser de leur « position dominante ».

En ce qui concerne les fouilles, le projet de loi retient - c'est vrai - une solution radicalement différente de celle qui avait été adoptée en 2001.

Le projet de loi dispose, en effet, que la réalisation des fouilles incombe à la personne projetant d'exécuter les travaux, ce qui signifie que l'aménageur en devient le maître d'ouvrage.

L'aménageur pourra faire appel à l'opérateur de son choix dans le cadre des règles de concurrence et de celles qui régissent les marchés publics s'il s'agit d'une personne publique. Je signalerai à cet égard que, compte tenu du montant des marchés, la plupart des contrats seront négociés de gré à gré ; l'instauration de la concurrence ne devrait donc pas conduire à un allongement des délais. Il est important de le préciser.

Je précise à cet effet, ce qui ne ressort pas d'emblée du texte du projet de loi, que la compétence des services territoriaux pour l'exécution de travaux de fouilles n'est pas limitée au territoire de la collectivité dont ils relèvent. Même si cette faculté sera vraisemblablement peu utilisée, ces services pourront intervenir en dehors de leur ressort.

L'ouverture des opérations archéologiques à une diversité d'opérateurs est tempérée par des raisons de fait et par des raisons de droit.

L'encadrement des fouilles par les services de l'Etat est renforcé : c'était une nécessité. Comme cela est déjà le cas dans le système actuel, les fouilles s'effectueront conformément aux prescriptions émises par l'Etat. Afin de garantir la qualité scientifique des fouilles, le projet de loi prévoit que seuls les opérateurs agréés pourront réaliser des fouilles. Enfin, les conditions de réalisation des fouilles devront être approuvées par l'Etat.

Je souligne, monsieur le ministre, que l'une des conditions du succès du dispositif - condition que nous ne pouvons malheureusement pas inscrire dans la loi mais sur laquelle la commission a beaucoup insisté - réside non seulement dans le renforcement des services déconcentrés de votre ministère qui, victimes d'un manque de moyens flagrant, peinent déjà à accomplir leurs tâches, mais également dans un meilleur encadrement de leur action. Sur ce point, nous comptons sur votre action, monsieur le ministre.

Par ailleurs, au-delà de ces garanties juridiques, il faut être conscient du fait que le marché de l'archéologie préventive n'existe pas. L'enjeu majeur de ce texte est non pas la multiplication des structures privées concurrentes de l'INRAP, mais plutôt le développement d'une solution territoriale, permettant de compléter les moyens d'action de l'établissement public qui conservera vraisemblablement encore longtemps son rôle d'opérateur principal, au-delà du rôle d'« armée de réserve » que lui accorde le texte.

Nous n'avons à redouter ni que l'INRAP soit laminé sous l'effet de la concurrence du privé ni, à l'inverse, qu'il soit placé en position dominante, rendant impossible la viabilité des structures territoriales ou privées.

L'existence d'un opérateur public fort est une nécessité. En effet, si l'on ne veut pas que les fouilles archéologiques remettent en cause la réalisation des objectifs économiques, nous devons disposer d'un opérateur public capable de répondre aux demandes des aménageurs dans des délais compatibles avec les contraintes qui sont les leurs.

C'est pour cette raison que le projet de loi ne remet pas en cause l'existence de l'établissement public créé par la loi du 17 janvier 2001. Cet établissement conservera son caractère administratif et ses personnels le bénéfice de leur statut. A cet égard, je me suis demandé si, compte tenu des conditions dans lesquelles l'établissement sera désormais amené à exercer ses missions, le statut qui lui est dévolu lui permettrait de s'adapter aux variations d'activité auxquelles il devra inévitablement faire face. Il m'est apparu que, au-delà de la perturbation qu'engendrerait ce changement de statut sur le fonctionnement administratif d'une structure qui, depuis deux ans, peine à passer du statut d'association au statut d'établissement public administratif, l'INRAP n'aurait guère à y gagner en souplesse de gestion, compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur les établissements publics à caractère industriel et commercial. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, renonçant à la position que j'avais prise lors du précédent débat, je n'ai pas proposé de transformer l'établissement public à caractère administratif en un établissement public à caractère industriel et commercial.

Enfin, le projet de loi conserve à cet établissement la mission de recherche qui lui a été dévolue par la loi du 17 janvier 2001 et lui confère les moyens de l'assumer dans un contexte concurrentiel.

Cette redéfinition des conditions dans lesquelles sont réalisés les diagnostics et les fouilles impliquait une réforme de leur financement. Sur ce point, le projet de loi ne remet pas en cause le principe du « casseur-payeur », tout en répondant à la nécessité de mettre en oeuvre une mutualisation efficace des coûts pour les aménageurs.

Les diagnostics seront financés par une taxe d'un faible montant - 32 centimes d'euro par mètre carré - assise sur une large assiette, perçue pour le compte de l'INRAP ou des collectivités territoriales, selon les cas. A la différence de ce qui prévaut aujourd'hui, la redevance d'archéologie préventive sera acquittée non par les seuls aménageurs devant réaliser des opérations archéologiques, mais par l'ensemble des personnes projetant des travaux affectant le sous-sol, dès lors que ces derniers sont réalisés sur une parcelle d'une superficie égale ou supérieure à 5 000 mètres carrés. Le rendement de cette redevance est estimé à 66 millions d'euros, nous avez-vous dit, monsieur le ministre.

S'agissant des fouilles, leur coût incombera à l'aménageur et fera l'objet d'une régulation par le marché.

Ce système présente l'avantage de la souplesse. Dès lors qu'elles sont payées, les fouilles seront réalisées, ce que la loi du 17 janvier 2001 ne garantissait pas ; par ailleurs, le coût des fouilles entrera dans l'arbitrage de l'aménageur qui, en fonction de cette donnée mesurant l'atteinte au patrimoine archéologique, pourra être incité à modifier en conséquence son projet. En effet, rendre trop indolore un projet d'aménagement sur un site archéologique riche pourrait entraîner la destruction de certains sites archéologiques.

Ce mode de financement implique, pour éviter d'imposer aux aménageurs des fouilles sans rapport avec leurs capacités contributives, que soient mis en place des mécanismes de mutualisation.

Cette mutualisation, qui n'existait pas ou existait peu dans le système actuel, s'effectuera d'abord au niveau des diagnostics, qui ne seront pas payés par les aménageurs, mais seront financés par la redevance d'archéologie préventive. S'agissant des fouilles, le projet de loi prévoit un mécanisme de péréquation de leur coût. Une part, fixée à 30 % du produit de la redevance, sera affectée à un fonds destiné à financer des subventions versées aux aménageurs qui ne peuvent assumer le coût des fouilles leur étant imposées.

Au-delà de ce mécanisme de subventionnement, le projet de loi reprend les exonérations prévues par la loi du 17 janvier 2001 en faveur du logement social et de la construction individuelle : ces travaux ne paieront pas la redevance d'archéologie préventive, et les fouilles qu'ils nécessiteront seront prises en charge, pour la totalité de leur coût, par le fonds de péréquation.

On le voit, le texte qui nous est soumis devrait permettre de concilier les exigences du développement économique et celles de la protection du patrimoine, en permettant de réaliser les fouilles archéologiques à un coût supportable par les aménageurs.

La commission, très sensible aux risques que pourrait comporter la persistance de la crise actuelle, a approuvé les orientations générales du texte, qui lui ont paru apporter des réponses pragmatiques aux difficultés rencontrées dans l'application de la loi du 17 janvier 2001. Les propositions qu'elle vous soumettra visent à garantir la pérennité du dispositif proposé, car nous ne pouvons pas prendre le risque d'un nouvel échec ; et je n'ai pas envie, monsieur le ministre, de rapporter une troisième fois un texte sur l'archéologie ! (Sourires.)

Même si l'essentiel des coûts de l'archéologie sera assumé par le marché, le succès de la réforme qui nous est présentée tient, pour une large part, à sa capacité à assurer un financement efficace et équitable de l'archéologie préventive.

Par conséquent, la redevance devra dégager le produit nécessaire pour financer le monopole public d'exécution des diagnostics et prévenir tout phénomène de file d'attente.

Par ailleurs, seul un rendement suffisant de la redevance garantira un bon fonctionnement des mécanismes de péréquation mis en place par le texte. D'après les estimations fournies par l'INRAP, sur les quelque 22 millions d'euros alimentant le fonds, plus de la moitié auront vocation à prendre en charge les fouilles pour les travaux exonérés. La marge est étroite, et cela m'inquiète un peu. Or, un financement par le marché n'est acceptable que si la différence de capacités contributives entre les aménageurs peut être compensée par des subventions.

Enfin, du niveau des ressources dont disposera l'établissement dépendront les conditions dans lesquelles l'établissement pourra assumer la mission de recherche qui lui est dévolue et qui a été jusqu'ici négligée en dépit de la tutelle qu'exerce sur cet établissement le ministère chargé de la recherche.

Or force est de constater que les estimations qui nous ont été présentées comportent encore une large part d'approximation, et les arbitrages sur le taux de la redevance semblent, je le crains, avoir été faits au plus bas.

Il nous incombe donc, je crois, de nous assurer dès maintenant du produit de la redevance. Dans cette perspective, je proposerai d'élargir l'assiette de la redevance d'aménagement en abaissant le seuil à partir duquel elle est perçue de 5 000 à 1 000 mètres carrés. Cette proposition répond également au souci d'éviter de reproduire les déséquilibres entre zones urbaines et zones rurales qu'avait engendré la loi actuelle. Enfin, exonérer les opérateurs en ville n'incitera guère les communes à se doter de services archéologiques.

Dans la même perspective, il me semble impératif d'éviter de faire peser de trop lourdes charges administratives sur l'établissement public. A cet égard, la commission s'est interrogée sur le recouvrement de la redevance par l'INRAP. Elle estime plus judicieux de confier cette tâche aux services de l'Etat.

Comme je l'ai déjà souligné, l'objectif du projet de loi vise moins à développer un marché de l'archéologie qu'à engendrer une dynamique en faveur de la création de services archéologiques territoriaux. Aujourd'hui, ces services investis de tâches de conseils et de missions de valorisation ne disposent qu'à de rares exceptions des moyens nécessaires pour leur permettre d'accéder au rang d'opérateur. La voie ouverte par le projet de loi ne peut qu'encourager leur développement. Cependant, le mécanisme d'agrément repris de la loi du 17 janvier 2001 n'apparaît guère de nature à inciter les collectivités territoriales à consentir l'investissement nécessaire. Les critères envisagés pour l'octroi de l'agrément laissent place à un certain arbitraire, et la possibilité d'agrément sur des spécialités limitées - c'est ce qui est envisagé par le Gouvernement - fait craindre une dispersion de l'effort des collectivités.

C'est pourquoi il me semble nécessaire de substituer à la procédure d'agrément un mécanisme plus conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales, fondé sur l'exercice par l'Etat d'un contrôle scientifique et technique de ces services.

Mais j'insiste, monsieur le ministre, sur le fait que nous voulons que l'agrément soit un véritable agrément et que toute garantie soit apportée tant pour un organisme de collectivité territoriale que pour un organisme privé.

Si le projet de loi doit permettre au principe « casseur-payeur » de financer les fouilles, il semble également indispensable de promouvoir une meilleure compréhension par les aménageurs de la contrainte archéologique.

A cet égard, la transparence des procédures selon lesquelles sont prescrites les opérations archéologiques constitue un enjeu majeur.

Rendre la motivation des prescriptions archéologiques obligatoire - c'est ce que je vous proposerai - permettrait non seulement de réduire le sentiment d'un arbitraire administratif, qui prévaut chez les aménageurs, mais également d'obliger les services de l'Etat à mieux fonder leurs décisions.

L'une des difficultés auxquelles se heurte l'Etat dans son pouvoir de prescription tient au caractère fortement imprévisible du « risque » archéologique, ce qui aboutit à une grande disparité des prescriptions d'une région à l'autre, alimentant l'idée de règles à géométrie variable. Dans le souci d'accroître l'information des aménageurs et d'uniformiser les critères de prescription, il serait opportun que l'Etat puisse délimiter des zones où les opérations d'aménagement seront présumées rendre nécessaire la réalisation de diagnostics ou de fouilles. Ainsi, la règle du jeu serait connue de tous.

Enfin, l'ouverture des fouilles à une diversité d'opérateurs impose de préciser le régime de propriété du mobilier archéologique afin d'éviter que l'abandon de la maîtrise d'ouvrage des fouilles par l'Etat ne conduise à une dispersion des archives au sol. Le dispositif que je vous soumettrai vise à concilier deux objectifs apparemment incompatibles : le respect du droit de propriété et l'affirmation de la responsabilité de l'Etat à l'égard du patrimoine archéologique.

Telles sont les préoccupations auxquelles répondent les amendements que je vous présenterai au nom de la commission des affaires culturelles.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, écoutant tous les acteurs qui concourent à l'acte archéologique, j'ai découvert des gens passionnés : des aménageurs passionnés par le développement de leur territoire, des archéologues passionnés par leur métier et par le souci de porter à la connaissance de tous ce que révèlent les archives de notre mémoire enfouie dans le sous-sol.

J'ai le sentiment qu'une certaine incompréhension règne actuellement entre les aménageurs et les archéologues. Je souhaite très sincèrement et ardemment que ce texte de loi et nos débats permettent de la dissiper, d'élaborer un dispositif pérenne et équilibré qui parviendra à concilier une double nécessité : d'une part, considérer l'archéologie en France comme une science qui a toute sa place et à laquelle nous consacrons les moyens et le dispositif adéquat ; d'autre part, offrir aux aménageurs la possibilité de contribuer dans des délais raisonnables à un développement plus que jamais nécessaire dans notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 82 minutes ;

Groupe socialiste, 44 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 18 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le premier projet sur l'archéologie, en 1838, il a fallu un siècle pour dépasser les multiples oppositions et débats que l'idée d'organiser l'archéologie avait suscités au sein des sociétés savantes de l'époque.

Cette lenteur et ces résistances ne sont pas étrangères au fait que les archives du sol ont été longtemps considérées comme une contrainte plutôt que comme une chance.

Contrairement aux archives « papier », aux archives sonores et aux témoins monumentaux, l'archéologie n'a pas été perçue, en France, comme un facteur de construction de l'identité nationale.

Aussi, quand il nous est donné de légiférer sur ce sujet, nous avons conscience, après avoir lu la très belle adresse de quelques grands noms de l'archéologie française, de devoir le faire au plus juste, au plus près, pour être efficaces tout en sauvegardant ce qui fait l'identité même, par la mémoire, de notre nation.

Il aura fallu la loi de 1941 pour commencer à évoquer l'essor de l'archéologie, même si l'archéologie préventive n'était alors pas encore présente à l'esprit des aménageurs.

C'est au fond avec la loi du 17 janvier 2001 que s'affirme le rôle de prescription, de contrôle et d'évaluation scientifique de l'Etat : l'archéologie préventive devient une mission de service public, et le Parlement, sur proposition du Gouvernement, cherche à assurer son financement et une place à chacun des acteurs de l'archéologie.

Ce faisant, le texte de loi répond tant aux souhaits des aménageurs, qui demandent très légitimement que leur terrain soit libéré dans des délais raisonnables de la contrainte archéologique, qu'aux impératifs publics, qui exigent que soit assuré dans de bonnes conditions l'étude de traces du passé vouées à disparition.

Cette loi est récente et, pourtant, monsieur le ministre, vous nous proposez déjà de la modifier.

Mme Hélène Luc. Ah oui !

M. Gérard Delfau. Il est vrai que des difficultés sont apparues. Certaines d'ailleurs - vous l'avez vous-même noté -, sont liées à une décision inopportune de réduire de 25 % la redevance, ce qui a déséquilibré le schéma antérieur.

Quoi qu'il en soit, l'INRAP, établissement public auquel le texte de 2001 a confié le monopole de l'exécution des opérations archéologiques préventives, ne parvient plus à assurer sa mission de service public dans des conditions satisfaisantes, et vous nous saisissez donc d'une modification du texte de loi.

De plus, nous avons pu l'observer, la mise en place de la redevance archéologique a eu pour conséquence un déséquilibre financier en défaveur des collectivités rurales. Celles-ci sont parfois freinées pour mener à bien leurs projets d'aménagement, voire empêchées de le faire, tant le paiement de la redevance s'avère exorbitant. Nous devons, en tant que législateurs, traiter ce problème avec sérieux et sans délai.

Enfin, les aménageurs privés remettent en cause la lenteur d'exécution des opérations et, parfois, le caractère opaque et arbitraire des prescriptions.

Le présent projet de loi comporte des avancées certaines, notamment une implication plus grande des services archéologiques des collectivités territoriales ; je souhaiterais cependant insister particulièrement sur un point: l'ouverture à la concurrence, notamment aux opérateurs privés, des opérations de fouilles. Cette disposition me paraît en effet particulièrement inacceptable, et ce à plusieurs titres.

Le transfert de la maîtrise d'ouvrage des fouilles aux aménageurs privés porte tout d'abord atteinte à l'unicité de la discipline archéologique. Les trois étapes inséparables de la recherche seront en effet confiées à des opérateurs distincts.

Si une association plus importante des collectivités territoriales, par l'organisation d'un partenariat entre les institutions publiques complémentaires, est souhaitable, en revanche, l'intervention des opérateurs privés entraînera des effets néfastes facilement prévisibles.

Dans la plupart des expériences étrangères, les systèmes mis en place dans un cadre concurrentiel ont échoué, le moins-disant économique conduisant à être le moins performant en termes de résultats scientifiques.

L'archéologie, dont l'objet est la mise en valeur d'un patrimoine non renouvelable, ne saurait constituer un « marché » au sens économique du terme.

La fouille archéologique ne peut se comparer avec la restauration de monuments historiques, activité dans laquelle l'action des entreprises privées est fréquente et, en principe, réversible.

Cependant, le fait qu'une structure soit privée ne permet pas de préjuger son incompétence en matière scientifique. Il faut donc que l'Etat conserve la responsabilité d'assurer en tout temps et en tout lieu du territoire sa mission de contrôle, d'agrément et d'orientation.

Aux côtés de l'Etat, l'INRAP, établissement public, doit demeurer l'instrument privilégié des missions de service public.

Je veux, à ce stade, rendre hommage à tous les archéologues, pour ce que, grâce à leur passion et à leurs compétences universellement reconnues, ils apportent à l'histoire de France, et, donc, à la cohésion même de notre pays.

Mme Hélène Luc. Très bien !

M. Gérard Delfau. En revanche, il est normal que soit réaffirmé le rôle des collectivités territoriales : sur leur territoire, sous l'autorité de l'Etat et avec l'aide des archéologues professionnels, elles doivent pouvoir mener autant qu'elles le souhaitent les opérations d'investigation du potentiel archéologique et de mise en valeur du patrimoine qu'elles auront ainsi détecté.

En conclusion, j'insisterai, monsieur le ministre, sur le point suivant : je serai attentif, à l'issue du débat, à la place que le projet de loi réservera aux opérateurs privés - j'ai déjà dit qu'elle devait, selon moi, être plus que restreinte - ainsi qu'aux collectivités territoriales. Et c'est la position adoptée par le Sénat sur ces deux points qui orientera mon vote sur l'ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, comme nombre de mes collègues, je vous donne acte du fait que l'ouverture de ce débat ne vous est pas due. D'ailleurs, vous vous en seriez sans doute bien passé !

La situation financière est, certes, difficile. Une redevance a été mal calculée et apparaît trop sophistiquée : je ne reviens pas là-dessus. Soit dit entre nous, il était relativement facile de modifier les modalités de calcul de la redevance sans remettre en cause le système. J'ai l'impression que, à l'occasion de l'examen d'un sujet technique, financier, s'est ouverte une brèche dans laquelle beaucoup se sont engouffrés avec plaisir.

Je sens deux courants : l'un qui milite en faveur de l'archéologie préventive et qui accepte une réforme, et l'autre, que l'on distingue bien à la lecture des débats à l'Assemblée nationale, qui voudrait bien régler une bonne fois pour toutes leur compte aux archéologues. « Ces gens-là nous gênent dans nos actions », pensent-ils !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Mais non !

M. Yves Dauge. Je l'ai entendu ! D'ailleurs, ce genre de propos émane non seulement des aménageurs, mais aussi d'un certain nombre d'élus, de quelque tendance politique qu'ils soient.

Cela dit, il faut que les archéologues nous aident aussi. Il faudrait que s'instaure un climat de confiance.

On l'a rappelé : la politique de l'archéologie est née du militantisme des archéologues eux-mêmes pendant trente ans. Ce n'est pas l'Etat qui a pris l'initiative de lancer cette politique.

En fait, si l'on veut réformer, il faut se mettre à leur place et comprendre pourquoi ils sont si attachés à ce métier et à leur institution, dont ils ont attendu la reconnaissance pendant trente ans. Or, ils ont l'impression fondée, qu'une fois tout en place, on veut en profiter pour régler leur compte avec eux et enclencher une réforme qui présente incontestablement des risques.

M. le rapporteur et vous-même, monsieur le ministre, insistez sur les aspects positifs, il y en a d'ailleurs. Mais vous ne voulez pas voir les dérapages possibles. Or il y en aura. Je ne vais pas me faire l'avocat du diable, mais j'imagine le scénario qui va se dérouler.

M. le rapporteur a rappelé qu'il avait, à l'époque, fait une mise en garde. A mon tour, je fais de même contre une évolution qui ramènerait l'INRAP à la portion congrue, qui amoindrirait ses moyens. Cela a déjà commencé, puisque, vous le savez, l'INRAP n'a pas été en mesure de renouveler près de cinq cents contrats à durée déterminée. Il a donc perdu une puissance de travail considérable, alors que certains critiquent sa lenteur. Dans ces conditions, je me demande comment il va faire !

Il faut relever les contradictions dès qu'elles apparaissent. En effet, on vote une loi en espérant que tout va s'arranger ensuite. Je pense, en l'occurrence, que l'on va vivre des lendemains très difficiles, parce que les élus veulent des délais de plus en plus courts quand l'INRAP a de moins en moins de moyens.

J'en viens aux collectivités locales.

Je fais partie de ceux qui considèrent que les grandes collectivités doivent disposer d'un service archéologique. Mais rares sont les collectivités qui pourront se lancer dans la création de tels services.

J'ai discuté avec certains de mes collègues des collectivités locales. Ils m'ont dit qu'au mieux ils embaucheront un archéologue, avec qui ils feront un travail de diagnostic, de fouilles. Mais ce n'est pas demain la veille, dans la situation financière que connaissent actuellement les collectivités, que pourront être créés, de vastes services pour mettre en place la solution alternative que vous évoquez et à laquelle d'ailleurs je ne suis pas opposé. En tout cas, cela ne se fera pas en un jour, si cela se fait !

Quant au secteur privé - dont ce n'est pas le rôle de faire ce métier - on se demande pourquoi il serait intéressé par ce travail qui ne rapporte rien. En fait, ce seront des agents économiques liés aux entreprises du bâtiment, aux aménageurs, aux constructeurs d'autoroutes qui auront intérêt à avoir sous leur coupe des sociétés qui opéreraient le travail d'archéologie, quitte à y perdre de l'argent, pour mieux en gagner par le raccourcissement des délais ! Pour le secteur privé, l'alternative est simple : où on gagne de l'argent, et on y va d'une manière ou d'une autre ; dans le cas contraire, on n'y va pas.

Des amendements ont été déposés - dont l'un par mes soins - pour faire en sorte que, si le secteur privé est concerné, soient exclus tous les agents économiques en relation avec le BTP ou un aménageur public ou privé. Il y a en effet de grandes maisons publiques qui devraient être considérées de la même manière que le secteur privé.

Si l'on élimine ces acteurs, qui reste en lice ?

Pensez-vous que les titulaires d'un CDD que l'on n'aura pas pu renouveler se lanceront et créeront des sociétés pour mettre en oeuvre l'alternative publique ? Moi, je n'y crois pas du tout.

M. le rapporteur a voulu nous rassurer. Selon lui, il ne va rien se passer. D'une certaine manière, il n'a pas tort. Mais alors, pourquoi déstabiliser le système ? Restons-en au système actuel, avec les collectivités territoriales et l'INRAP, et, comme l'a dit M. Delfau, ne remettons pas en cause le principe d'égalité dans le service public.

Monsieur le ministre, je ne défends pas le monopole de l'INRAP, je défends le service public dans son intégrité et dans son intégralité.

M. René-Pierre Signé. Il a raison ! C'est notre credo !

M. Yves Dauge. En général, le monopole n'est pas satisfaisant. Cela vaut pour l'INRAP également.

Monsieur le ministre, le nouveau dispositif me fait peur. Certes, je reconnais qu'il est plus simple que l'ancien. Mais, vous le savez, ce n'est pas parce qu'un système est simple qu'il fonctionne bien ! Certains systèmes complexes sont très effaces tandis que d'autres, plus simples ne le sont absolument pas. Aujourd'hui, on considère que tout ce qui est simplification, a priori, c'est bien. Il faut tout de même y regarder d'un peu plus près !

De même, on prétend que tout ce qui favorise la concurrence, a priori, c'est bien. Dans certains cas, oui. Mais cela dépend ! Tout ce simplisme me gêne, je vous le dis franchement.

Certains nous disent de ne pas nous inquiéter, parce que l'INRAP conservera son monopole. C'est justement ce que l'on ne veut pas. Enfin, le diagnostic restera aux collectivités territoriales. Au demeurant, je pense qu'à l'Assemblée nationale seront proposés des amendements visant à ce que ce diagnostic soit aussi soumis à concurrence ; je sens cela venir.

Qui peut dire que certains ultras ne vont pas entraîner la majorité, qui, dans l'ensemble, a tout de même une position assez raisonnable ? J'ai vu un soir M. de Robien être battu dans ces conditions.

Que se passera-t-il demain, alors que l'on a ouvert la brèche ? Comment tout cela sera-t-il géré ? Personnellement, monsieur le ministre, je suis inquiet.

Je ne crois pas à la réduction des coûts de l'archéologie en France. C'est de l'utopie que de considérer que tout cela va coûter moins cher.

Il y aura en fait de plus en plus de prescriptions, de plus en plus de fouilles dans notre pays, c'est normal. Il y aura de plus en plus de recherches, de publications, c'est normal. Le coût global de l'archéologie doit augmenter : c'est l'ambition qu'il faut avoir.

Mme Hélène Luc. C'est vrai.

M. Yves Dauge. Je pense que cette ambition rejoint la vôtre, monsieur le ministre, en ce qui concerne la politique du patrimoine en général.

A l'appui de cette réforme, on dit que l'on va trouver une solution pour que l'archéologie coûte moins cher aux collectivités locales. Certainement pas, la création d'un service territorial coûtera plus cher qu'avec l'INRAP.

Il y a un coût global, et la vraie question est celle de la répartition de ce coût. Or il est impossible de la régler par voie d'amendement.

Le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, a déposé un amendement très intéressant visant à instituer un système dual : une péréquation nationale sur les taxes locales d'équipement et une redevance. On jouerait ainsi sur les deux mécanismes. C'est peut-être une bonne piste pour l'avenir.

L'archéologie représente un coût nécessaire, qu'il faut prendre en compte dans sa totalité complexe, jusqu'à la publication. D'ailleurs, je me demande comment des agents du secteur privé pourraient faire ce travail et jusqu'où ils pourraient aller. A mon avis, ils n'iront pas bien loin. Cela posera un vrai problème, vous le savez bien.

Considérons les exemples italien et anglais.

J'ai en ma possession un rapport en anglais que vous connaissez sûrement, monsieur le ministre, et qui est très intéressant. Nous allons le faire traduire pour que tout le monde puisse en prendre connaissance. Je vous assure qu'il ne va pas dans le sens que l'on pourrait croire. Il est très réservé.

Du côté des Italiens, d'après les informations dont nous disposons, l'archéologie va mal, même très mal.

Finalement, ce qui m'inquiète dans cette affaire, c'est que, malgré les dénégations honnêtes de certains, se développe le sentiment que moins l'INRAP sera puissante, moins il y aura d'archéologues à l'INRAP, plus l'établissement public sera marginalisé et mieux on pourra aménager le territoire.

J'en suis désolé car cela marque une certaine régression par rapport aux trente ans d'histoire qui ont abouti à la loi de 2001, laquelle n'était pas exempte de défauts, j'en conviens.

On finit par avoir des doutes énormes sur les véritables objectifs qui sont visés derrière les mots de « simplification », de « décentralisation » et de « modernisation ».

Ces trois mots, nous allons les entendre tout le temps dans les mois qui viennent et, pour ma part, je commence à m'en méfier sérieusement.

En effet, je suis un vrai décentralisateur. Je crois beaucoup à la modernisation et à la simplification, mais je commence à me demander ce que l'on veut réellement mettre derrière ces mots.

Enfin, je tiens à dire, après d'autres, que nous qui avons une certaine expérience de l'Etat, de la situation des services dans les régions, notamment dans le secteur de l'archéologie, nous doutons de la capacité de l'Etat à contrôler ce dispositif.

On nous a dit sans cesse : l'Etat va revenir en force, il va tout contrôler, ne vous inquiétez pas !

Monsieur le ministre, il n'y a pratiquement pas d'archéologues dans les régions, il y en a un par département au mieux. Grâce à la décentralisation, vous avez peut-être des projets avec les départements ou les régions. Soyons honnêtes, si l'on veut que l'Etat joue véritablement son rôle, on peut toujours le dire, mais nous ne sommes pas au niveau. Nous ne l'étions pas hier et je doute fort que nous le soyons demain ; la situation ne peut que se dégrader.

Quant à la recherche, on peut toujours espérer. Il paraît qu'elle est concernée, mais il n'y a plus de chercheurs faute de moyens budgétaires.

Je ne vous ferai pas de procès, monsieur le ministre, parce que je sais que vous faites votre travail de la façon la plus honnête possible, je n'en ferai pas plus à M. le rapporteur, mais je me dois de dire les choses telles que je les ressens. Je suis très inquiet et je suis désolé de voir l'incapacité de notre pays à mener une réforme avec les intéressés dans un climat favorable. A qui la faute ? Un peu à tout le monde sans doute, mais c'est franchement désespérant.

Quand a été votée la loi de 2001, un vrai travail a été effectué, tout le monde l'a reconnu.

Certes, des erreurs ont été commises, mais on aurait certainement pu les réparer sans enclencher une polémique infernale qui pollue complètement l'affaire et dont vous êtes vous-même une des victimes.

En définitive, c'est l'archéologie qui en pâtira, et pour longtemps ! Dans les jours et les semaines à venir, la situation va se tendre et se dégrader sur le terrain. C'est inéluctable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la terre de notre pays est riche de la mémoire des femmes et des hommes qui y ont vécu et l'ont façonnée depuis des temps immémoriaux. Van Gogh disait : « J'aime mieux peindre les yeux des hommes que les cathédrales, parce qu'il y a dans les yeux des hommes quelque chose qui n'est pas dans les cathédrales, si imposantes, si majestueuses soient-elles. »

Et justement, ce qui fait l'univers de l'archéologie, des archéologues, c'est qu'à côté de chaque objet, de chaque production, il y a l'homme, il y a des rapports sociaux, des modes et des espaces de vies, des identités individuelles et collectives, des pratiques culturelles.

Nous avons tous lu dans les journaux des comptes rendus de découvertes archéologiques, pour la plupart dues à l'archéologie désormais appelée « de sauvetage » ou mieux « préventive », celle qui tente de précéder les grands travaux : autoroutes, TGV, parkings, immeubles, ZAC.

J'en rappelle quelques-unes : les sépultures de chevaux près de Clermont-Ferrand, la zone industrielle près d'Arras qui a révélé des fermes gauloises, un fort gallo-romain, des sépultures de la Grande Guerre et d'autres encore, trouvailles souvent étonnantes, multiples, qui ont enrichi ou plutôt transformé nos idées sur la préhistoire et la suite.

Pourtant, ces découvertes se sont faites dans le plus complet désordre, jusqu'au moment où la France s'est dotée d'une loi d'archéologie préventive, rejoignant ainsi les dispositifs dont s'étaient dotées depuis longtemps les grandes nations.

Néanmoins, on ne dira jamais assez que, « depuis 1950, il y a eu plus de ravages que de l'Antiquité à 1950 », pour reprendre l'expression d'un professeur émérite du Collège de France.

Depuis deux ans, on pouvait penser ou espérer que le patrimoine enfoui ne serait plus détruit consciemment, impunément.

Car le patrimoine archéologique appartient à tout le monde, c'est-à-dire à l'humanité. Monsieur le ministre, du passé ne faisons pas table rase !

Si l'on a admis que le patrimoine archéologique était une richesse collective, il paraît normal que ce soit la collectivité, par le biais d'un service public de l'Etat, qui le gère, l'étudie et le diffuse. L'archéologie ne doit pas entrer dans la jungle du marché, pour reprendre les termes d'un article, non pas de l'Humanité, mais du Figaro.

La loi du 17 janvier 2001, votée après vingt-cinq années de réflexion et d'âpres négociations dans le cadre d'une large consultation, est considérée, par les pouvoirs publics, les archéologues, les scientifiques et par un grand nombre d'aménageurs, comme une avancée majeure. Elle donnait enfin à l'Etat un outil permettant de gérer ce patrimoine : l'INRAP.

Cet établissement public récent est déjà unanimement reconnu par la communauté scientifique internationale comme le garant de la probité des recherches, plaçant ainsi la France à la pointe de la recherche archéologique dans le monde. Il suscite l'envie de la part des archéologues étrangers, dont la discipline a déjà été soumise à l'ordre marchand.

Mme Hélène Luc. Absolument !

M. Ivan Renar. C'est là, à mon sens, que se situe le coeur de la problématique. Que voulons-nous privilégier ? Les travaux publics et l'aménagement, ou la culture et les sciences ? Vous me direz que les deux ne sont pas antagoniques, ce dont je suis d'accord. Mais je vois bien, pour ma part, cette prédilection à privilégier l'un au détriment de l'autre.

Rarement une loi, dont l'application est somme toute récente, n'aura été aussi rapidement remise en cause. Ce jugement hâtif, particulier - je vous rappelle à cet égard l'amputation budgétaire de l'hiver dernier - m'apparaît d'autant plus suspect que nous retrouvons des arguments à charge qui avaient déjà été avancés lors du débat parlementaire de mars 2000, c'est-à-dire avant l'application de cette loi.

Faut-il conclure, à l'opposé, que tout est parfait, que tout fonctionne comme il le faudrait ? Evidemment non. Des aménagements, des modifications sont nécessaires. Les archéologues eux-mêmes le reconnaissent. Mais faut-il pour autant remettre en cause aussi fondamentalement la loi de 2001 ? Faut-il engager l'archéologie préventive vers une voie qui mène inexorablement à sa libéralisation et à sa privatisation ?

Un peuple sans racine, sans mémoire, est un peuple sans avenir. Dans le monde où nous vivons - « il ne va pas bien, mais il n'y en a pas d'autre et c'est le nôtre, » disait Sartre -, il y a un besoin de repères, de compréhension et d'assurance, lesquels peuvent provenir de connaissance de notre passé collectif. Une telle dynamique est essentielle afin d'aboutir toujours plus résolument à la nécessaire mutation de nos territoires en mouvement. Il s'agit bien en effet de conserver les traces et la mémoire d'époques désormais révolues tout en écrivant les nouvelles pages d'une histoire à construire, à inventer ensemble.

L'avenir de la société est nourri du présent, de la création présente, mais aussi de l'assimilation critique de l'héritage du passé. Comment vivre avec son temps sans penser au futur ? Comment vivre pleinement le présent sans, pour autant, insulter le passé ? Etre héritier, au sens fort du terme, n'est-ce pas préserver et faire fructifier l'acquis, en faisant pour cela hardiment appel à l'innovation ? N'est-ce pas, en quelque sorte, se souvenir de l'avenir ?

Actuellement, 10 % à 30 % seulement des sites archéologiques menacés par des travaux d'aménagement du territoire sont fouillés avant leur destruction. Les autres sont purement et simplement détruits : un peu comme si, lors de la découverte fortuite d'une bibliothèque antique, on décidait froidement de brûler 80 % des manuscrits avant de savoir ce qu'ils contiennent ! En disant cela, je pense d'ailleurs aussi aux conséquences des guerres en Géorgie, en Irak, en Egypte.

L'archéologie ne peut donc pas être un service comme un autre. Voilà pourquoi je plaide pour son maintien dans le champ de ce que nous appelons l'exception culturelle. Tel n'est malheureusement pas l'objectif visé à travers ce projet de loi.

Concrètement, alors qu'il n'existe que depuis neuf mois, l'INRAP, établissement public administratif, a déjà été amputé du quart de ses ressources et de 600 de ses employés. Or ces personnels représentaient, selon les régions, entre 30 % et 40 % des effectifs de terrain. Ainsi, à titre d'exemple, dans la seule région Nord - Pas-de-Calais, qui compte 4 millions d'habitants, les effectifs de l'INRAP sont de 60 personnes.

Les délais de diagnostic et de fouilles ont été allongés à raison du manque de personnel, ce qui, comme les conventions le prévoient, a condamné l'INRAP à verser des pénalités de retard aux aménageurs. La réduction de 25 % du montant des redevances d'archéologie préventive a finalement eu l'effet inverse de celui qui était escompté. Actuellement, de grands chantiers sont bloqués, faute de moyens et, surtout, de personnels.

Je ne m'étendrai pas ici sur le fait que le budget de l'INRAP a été également grevé des indemnités de chômage versées aux personnels en contrat à durée déterminée qui ont été remerciés, la charge de ces indemnités incombant à l'établissement et non aux ASSEDIC.

L'établissement public chargé de l'étude des sites archéologiques, préalablement à leur destruction par des travaux, a, en conséquence, cessé tout recrutement de contractuels. Plus de 500 archéologues sont aujourd'hui au chômage. Des dizaines de chantiers de fouilles archéologiques sont arrêtés, les chantiers de travaux publics ou d'aménagement correspondants sont gelés.

L'INRAP n'a pu adopter son budget pour 2003 et vous ne lui donnez aucune chance de le faire, alors qu'il était convenu que son premier bilan serait étudié à la fin de 2003.

La loi du 17 janvier 2001 a constitué une avancée majeure dans l'histoire de la recherche archéologique française en inscrivant dans le droit français le caractère d'intérêt général de l'archéologie préventive et en instituant le financement d'une mission de service public.

L'archéologie préventive ne devrait donc pas être vue comme un frein à la liberté d'entreprendre, mais bien comme une étape incontournable de l'aménagement de notre pays et comme un atout au regard du développement durable.

Je veux également insister sur un aspect qui a été peu souligné : la valorisation des fouilles et la restitution des découvertes. C'est l'une des grandes frustrations des archéologues - ils nous l'ont expliqué - que de ne pouvoir, faute de temps, de moyens et d'argent, remplir cette mission qui leur est pourtant dévolue.

Cela représente un manque à gagner culturel et scientifique important pour la population, pour les enfants en particulier, car on pourrait imaginer de très nombreuses actions de sensibilisation en leur direction.

La valorisation des fouilles et la restitution des découvertes pourraient permettre, me semble-t-il, de répondre à la question qui est sous-jacente quand apparaissent des désaccords ou du moins des incompréhensions : à quoi sert l'archéologie préventive, en quoi est-elle utile ?

Poser ainsi la question de l'utilité de l'archéologie préventive, de l'archéologie en général et de la connaissance de notre passé, c'est déjà aborder les choses autrement que sous l'angle des délais ou du coût.

A titre indicatif, en 2002, le coût de l'archéologie préventive a représenté 0,7 de la somme totale engagée dans les travaux d'aménagement du territoire. Pour un patrimoine aussi précieux, c'est bien peu cher payé !

La redevance imposée par la loi aux « entrepreneurs », selon le principe « pollueur-payeur », ou plutôt « casseur-payeur », est ce qui suscite les demandes formulées en vue de sa modification depuis l'examen du budget de 2003.

Même si une fouille archéologique coûte cher - mais tout a un coût, une fouille comme un rond-point ou le mètre carré linéaire d'une autoroute, or personne ne remet en cause le coût d'un rond-point ! -, est-ce une raison pour détruire un site archéologique ou en bâcler l'étude ?

« On nous taxe, et on ne trouve rien d'intéressant », dit-on dans les débats. Mais c'est là ne pas comprendre le principe même de la recherche et son impossibilité intrinsèque d'être rentable selon les critères d'un marché volatile.

En ne donnant pas le temps à l'INRAP de trouver ses marques entre son rôle de coordination de la carte archéologique française et sa nécessaire collaboration avec les instances territoriales, vous ne permettez pas de dresser un vrai bilan de l'application de la loi de 2001 et ni d'envisager les modifications réglementaires qui seraient profitables à toutes les parties en présence.

La déstabilisation du dispositif issu de la loi de 2001 procède d'une démarche idéologique d'ensemble qui veut que l'Etat se désengage même des questions culturelles et les livre aux aléas d'une gestion comptable d'entreprises grandes, moyennes et petites, sans considérer la complexité des cascades de conséquences que cela fait naître, tels le transfert de la maîtrise d'ouvrage de l'Etat aux aménageurs, la mise en concurrence commerciale des opérations de fouilles, la dislocation de la chaîne opératoire, la remise en cause des services archéologiques des collectivités territoriales.

Tout le monde s'accorde à dire que le mode de calcul de la redevance « fouilles » est à revoir parce qu'il s'avère trop élevé pour les fouilles rurales et trop faible pour les fouilles urbaines, qui sont toujours plus complexes.

Les réformes proposées, en corrélation avec la loi sur la décentralisation, entraîneront la fin des prérogatives de l'Etat en matière de prescription, de protection et d'études dans le domaine de l'archéologie préventive. Elles ne corrigent nullement la disparité entre fouilles rurales et urbaines. Elles n'élargissent pas non plus l'assiette de la redevance. En revanche, elles tronçonnent la chaîne opératoire en prévoyant que les diagnostics, les fouilles et les études scientifiques pourront être réalisés par des organismes différents, laissés au choix de l'aménageur.

En effet, s'il est prévu que les diagnostics restent du domaine d'un établissement public à caractère industriel et commercial, les fouilles proprement dites seraient soumises à appel d'offres auprès d'opérateurs tant publics que privés, avec un retour à la négociation au coup par coup.

On ne peut que s'inquiéter du faible nombre de services archéologiques des collectivités locales. Alors que la région Nord - Pas-de-Calais est l'une des plus fournies, avec l'Ile-de-France, elle ne compte en tout et pour tout que quatre services locaux d'archéologie préventive.

Peut-on sincèrement espérer que les collectivités territoriales, déjà en prise avec de nombreuses difficultés financières, vont se lancer dans la création de tels services ? Par ailleurs, cela prendra beaucoup de temps.

Cette forme de travail morcelé entraînera la perte de données essentielles aux travaux de recherche scientifique, dispersera les collections, dont la propriété reviendra aux acteurs privés, et ne permettra pas une diffusion scientifique et publique des données et des objets recueillis.

En outre, il y a fort à craindre que, dans cette configuration, l'intérêt scientifique d'un site ne fasse peu de poids face aux délais de libération des terrains.

Ce serait aussi le retour à une précarisation du travail et à la dissimulation des résultats de la recherche par des équipes désormais en concurrence.

L'archéologue doit-il devenir un simple prestataire de services, qui purgerait, en quelque sorte, les sols des matières de mémoire qu'ils recèlent, un balayeur du passé qui campe sur les chantiers sans statut ni couverture sociale, une sorte d'ermite du passé ?

Enfin, ces réformes risquent de créer des inégalités entre les aménageurs.

En effet, alors que partout en France plus aucune embauche n'est possible à l'INRAP depuis le mois de janvier, les ministères des finances et de la culture ont exceptionnellement autorisé le recrutement de personnes sous contrat à durée déterminée sur le chantier de l'itinéraire à grand gabarit de l'A 380, qui mène à Toulouse, afin de lever l'hypothèque archéologique dans les plus brefs délais. Ce passe-droit, exclusivement fondé sur les énormes enjeux économiques liés à la construction du nouvel Airbus, est de très mauvais augure autant pour les aménagements de moindre portée économique ou politique que pour le devenir de notre patrimoine.

Or, comme dans beaucoup d'autres domaines, si l'on ne peut plus revenir en arrière, on peut prendre les mesures nécesaires pour procéder et même penser autrement afin de prendre le temps de copier les pages des incunables que révèlent nos chantiers modernes avant de les brûler ou de les recouvrir de béton.

Progrès et civilisation ne riment pas forcément avec profits, mais avec coûts intégrés et investissement collectifs.

Vous proposez une mise en concurrence de l'archéologie préventive. A l'étranger, en Grande-Bretagne en particulier, tous les systèmes mis en place dans un cadre concurrentiel ont échoué lamentablement parce que le moins-disant a toujours été le moins performant en termes de résultats scientifiques.

L'INRAP sait bien quels progrès il lui reste à accomplir, mais une chose est certaine : sa structure offre de meilleures garanties. Aux organes de direction, aux conseils scientifiques de déterminer les politiques adéquates, en collaboration avec toutes les forces vives de l'archéologie française : universités, CNRS, services des collectivités locales, associations.

Dans ces temps de décentralisation, ou plutôt de transfert des charges, j'appelle à une véritable réflexion avant que l'Etat n'abandonne ou ne délègue telle ou telle de ses responsabilités, appelées du vilain mot de « régaliennes » - pourquoi, en effet, ne pas dire « républicaines » ? - , dont le patrimoine et l'archéologie font partie.

Dans le monde, en Europe en particulier, là où les structures régionales sont ancrées dans un passé ancien, à la fois historique et administratif, le patrimoine est apprécié, protégé, voire aimé. Ailleurs, c'est la catastrophe permanente.

Enfin, il faut donner les moyens de mieux faire connaître, de mieux diffuser les résultats, parfois extraordinaires, qu'a produits l'archéologie préventive. Ce sera la meilleure façon de la promouvoir. A ses acteurs d'y consacrer tout ou partie de leur temps, aux médias d'apporter leur aide, s'ils le peuvent, ou s'ils le veulent.

J'ai noté, pour m'en féliciter, que ce qui a le plus passionné la population dans les manifestations organisées par les archéologues, ce sont les expositions relatant, expliquant les fouilles et en montrant les résultats.

Je reviens, pour conclure, au début de mon propos. Nos concitoyens ont besoin d'un passé. Il est important de chercher la souche, le terroir, les racines. Surtout à une époque où ressurgissent les vieilles peurs millénaristes et où le développement de la science et des techniques inquiète.

Il est assez attristant de voir qu'un grand pays comme le nôtre ne donne pas aux professionnels les moyens de faire leur travail en ne permettant pas d'exhumer les restes qui sont encore sous nos pieds, des restes qui font, par essence, partie d'un patrimoine mondial non renouvelable.

Il y a parfois un manque d'information du public sur l'intérêt de l'archéologie, une méconnaissance, voire une désinvolture à l'égard des « petits bouts » de poterie et des « petits cailloux » ramassés. Ils nous apportent pourtant la dimension du temps, l'expérience du passé, l'humanisme, la connaissance des gens d'avant, aussi importante que celle des gens d'ailleurs, d'où nous puisons la tolérance et la connaissance tout court.

Il faut cesser de considérer l'archéologie comme un luxe. Ce qui disparaît ne réapparaît jamais plus.

Ainsi que le rappelait, voilà quelques semaines, Yves Coppens dans Le Monde, Victor Hugo réclamait « une loi pour l'oeuvre collective de nos pères, une loi pour l'histoire, une loi pour l'irréparable qu'on détruit, une loi pour ce qu'une nation a de plus sacré après l'avenir, une loi pour le passé ».

Hélas, nous en sommes loin ! Ce n'est absolument pas ce qui nous est proposé avec ce texte, élaboré sans la moindre concertation avec les personnels concernés, et donc bien mal inspiré. Nous pensons qu'il faut revoir la copie, monsieur le ministre. C'est pour ces raisons que, tout à l'heure, une motion tendant à opposer la question préalable sera défendue par mon ami Jack Ralite. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.

M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme sans doute plusieurs d'entre nous, j'ai participé, alors que j'étais étudiant, à des campagnes de fouilles archéologiques encadrées par des universitaires aguerris. Nous étions de petites troupes à passer avant - et parfois entre - les pelleteuses pour tenter de sauver in extremis un vase du xiie siècle, des tessons de carreaux de poêles du xive siècle, ...

M. Didier Boulaud. C'est Bagdad ! (Sourires.)

M. Philippe Richert. ... ou à faire en urgence des relevés stratigraphiques. Et je n'oublie ni la montée d'adrénaline lorsque, avec la truelle ou le pinceau, nous dégagions une pièce de sa gangue ni le bonheur de l'équipe lorsque, autour d'une table, l'hiver, nous échafaudions des hypothèses sur l'occupation ancienne d'un site !

Non, les fouilles archéologiques préventives ne sont pas une calamité !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Très bien !

M. Philippe Richert. Dans dix ou vingt ans, j'en suis persuadé, on aura oublié ce retard de trois ou de six mois pris par un chantier en raison du délai nécessaire aux sondages puis, le cas échéant, aux fouilles.

Oui, il est essentiel que la société considère comme une priorité de s'assurer que le patrimoine archéologique ne sera pas altéré, voire détruit, avant d'avoir livré ses secrets.

Cela concerne, bien sûr, les pièces maîtresses, qui se trouveront demain dans les vitrines de nos musées et feront l'admiration des spécialistes comme des néophytes.

Mais ces fouilles et leurs résultats sont tout aussi importants en ce qu'ils nous permettent de comprendre, d'expliquer, d'analyser une société et ses évolutions. Percer ses habitudes, ses modes de vie, les secrets de ses habitations est également une nécessité, et l'étude des séries est tout aussi utile à la connaissance que la découverte d'une « perle ».

Souvent, nous entendons dire : « Quel intérêt y a-t-il à fouiller des sites pour trouver des pièces courantes qui vont venir engorger les réserves ? » Mais, au moment de lancer l'opération, on n'est jamais assuré de ne pas trouver « la » pièce de collection exceptionnelle. On n'est jamais sûr avant : on ne le sait qu'après !

M. René-Pierre Signé. C'est comme le mariage ! (Rires.)

M. Philippe Richert. Ensuite, ce qui est primordial dans la fouille, c'est de recueillir toutes les pièces, tous les indices qui permettront d'interpréter le site, d'en parfaire la compréhension et de reconstituer par contributions successives le puzzle de l'histoire de la société.

A mon tour, je voudrais rendre hommage à tous les archéologues, ceux de l'INRAP et les autres, pour l'éminente mission de service public qu'ils assument dans notre pays.

Se pose dès lors la question suivante : défendre l'archéologie en France revient-il à promouvoir le maintien de la loi de janvier 2001 avec ses dispositifs, et plus particulièrement le monopole de l'INRAP ?

M. René-Pierre Signé. Mais oui !

M. Philippe Richert. Personnellement, je ne le pense pas ! (Ah ! sur les travées socialistes.) C'est pourquoi j'ai réagi si énergiquement aux dérives auxquelles a donné lieu la loi du 17 janvier 2001 et milité ardemment pour qu'elle soit profondément réformée.

M. René-Pierre Signé. C'est dommage ! Jusqu'à présent, votre intervention était sympathique !

M. Philippe Richert. Le principe central de la loi Trautmann-Tasca était l'organisation d'un monopole des fouilles avec, comme souci majeur, l'intégration dans l'établissement public ainsi créé de tous les archéologues de l'ex-Association pour les fouilles archéologiques nationales, l'AFAN, et cela sans concurrence aucune, en titularisant de fait les intervenants liés à cette association.

Cet objectif premier affiché par le gouvernement de l'époque et par l'Assemblée nationale avait été combattu, en vain, par la commission des affaires culturelles du Sénat, qui avait lancé des avertissements explicites quant aux blocages qui en résulteraient, aux montants exorbitants de certains travaux, aux modalités de calcul de la redevance et aux dérives que ce monopole entraînerait.

M. Henri de Raincourt. Très bien !

M. Philippe Richert. Il ne s'agit pas aujourd'hui de corriger quelques points de détail, comme certains voudraient le laisser croire. Nous connaissons en réalité de vrais blocages, de vrais problèmes. Il ne suffit pas d'ajuster la loi à la marge ; il faut la remodeler en profondeur, non pas pour s'en prendre aux richesses archéologiques de notre pays ou pour dilapider notre patrimoine enfoui, comme d'aucuns l'ont affirmé, mais pour replacer l'archéologie au centre de nos préoccupations, alors que certains ont parfois voulu la confisquer pour répondre à des intérêts au mieux catégoriels, au pis personnels.

Je partage très largement la philosophie du projet de loi qui nous est soumis et je me plais à souligner votre courage, monsieur le ministre, alors que les archéologues de l'INRAP font grève et manifestent depuis des mois.

Je me limiterai mon intervention à quatre des points positifs qu'il comporte.

J'évoquerai, premièrement, la suppression du monopole réservé jusqu'à présent à l'INRAP. L'ouverture des travaux de diagnostic et de fouilles aux services archéologiques des collectivités doit accélérer la mise en place et le développement de ces services. Je suis persuadé que les choses se passeront effectivement ainsi et que les collectivités géreront mieux elles-mêmes les contraintes liées aux fouilles préventives.

Dès lors que les collectivités seront directement impliquées dans les fouilles, permettez-moi de le croire, nous seront mieux à même d'expliquer les contraintes liées à ces fouilles. L'instauration d'un climat de confiance permettra d'éviter toutes les frictions que nous avons connues ces derniers mois, voire ces dernières années. Elle donnera aussi une nouvelle impulsion à l'initiative privée, qui a été jusqu'à présent inhibée, parce que exclue, et à la mobilisation des associations, dont nous voulons reconnaître la vitalité et le rôle.

Deuxièmement, par le biais d'une redevance à l'assiette très large et d'un taux réduit pour la réalisation des diagnostics, ce texte rétablit une certaine équité entre la contribution des « ruraux » et celle de l'« urbain ». Cette mesure est doublée, pour en assurer l'efficacité, par la mise en place d'une possible péréquation pour les fouilles dès lors que les coûts de celles-ci dépassent le plafond supportable pour l'aménageur, notamment si celui-ci est public.

Troisièmement, ce projet de loi permettra de raccourcir les délais et d'abaisser les coûts puisque le choix des opérateurs et le dialogue seront rétablis. Nous savons tous dans quelles conditions l'INRAP a parfois fixé le tarif des fouilles.

Il ne procédait à aucune concertation, doublant parfois du jour au lendemain les coûts, sans justifier ces augmentations et sans établir ne serait-ce qu'un semblant de devis !

Mme Paulette Brisepierre. Absolument !

M. René-Pierre Signé. C'est bien sévère !

M. Philippe Richert. L'évolution dessinée par le nouveau texte sera donc aussi génératrice de l'apaisement, si nécessaire, du climat qui règne autour de la question des fouilles archéologiques.

Enfin, quatrièmement, ce projet de loi, s'il est adopté dans sa teneur actuelle, va recentrer l'action de l'Etat sur ses missions essentielles : c'est lui qui établit les prescriptions, contrôle et assure l'exploitation scientifique des fouilles. C'est bien ainsi que nous le concevons et cela est conforme à l'esprit de la décentralisation en cours de préparation.

C'est pourquoi je terminerai mon intervention en formulant trois voeux.

D'abord, je souhaiterais que la décentralisation puisse être poussée le plus loin possible. Il faudra, notamment, veiller à ce que l'adoption de ce projet de loi ne se traduise pas par un accroissement des moyens de l'Etat, que ce soit au niveau central ou au niveau territorialisé. C'est l'inverse qu'il faut viser, et le transfert de certaines prérogatives aux collectivités devrait se traduire par la réduction concomitante des effectifs du ministère.

Ensuite, je souhaite que la péréquation pour l'écrêtement des coûts de fouilles, notamment quand il s'agit de travaux d'intérêt public de petites communes, soit amplifiée. Il faut rendre compatible le coût des fouilles avec les moyens des collectivités, faute de quoi beaucoup d'entre elles ne pourront plus faire ni zones d'activité ni lotissements, car les prix au mètre carré seront rédhibitoires.

Enfin, il faut garantir la facilité d'accès pour les travaux de fouilles tant aux entreprises privées qu'aux associations, même si ces dernières ne peuvent pas participer aux travaux de diagnostic.

Sous ces réserves, je confirme ici mon total soutien au texte qui nous est présenté, d'autant que certaines de mes remarques sont d'ores et déjà prises en compte par les amendements de la commission, présentés par notre excellent rapporteur, M. Jacques Legendre, qui a fait un travail de fond et de concertation remarquable.

Le vote positif attendu par tous les élus permettra enfin « d'assainir » une situation qui n'a que trop duré et les chantiers arrêtés ou reportés pourront enfin reprendre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur les travées de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Permettez-moi en tout premier lieu de vous féliciter, monsieur le ministre, de la célérité avec laquelle vous avez déposé sur le bureau du Sénat votre projet de loi modifiant la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, respectant en cela l'engagement que vous aviez pris à cette même tribune voilà quelques semaines seulement.

En préambule, je voudrais faire part de mon profond attachement à la protection de nos richesses archéologiques, c'est d'ailleurs le cas de nous tous, et rappeler que mon village lorrain possède plus de pierres, de monuments et d'objets classés que d'habitants.

Il faut tordre le cou aux insinuations des « spécialistes » de l'archéologie, de certains penseurs qui osent prétendre que les élus ne comprennent rien dans ce domaine et que seuls des intérêts mercantiles motivent leur démarche, ce qui est évidemment faux.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun d'entre nous a pu constater qu'il n'y avait pas, d'un côté, les affreux obscurantistes que seraient les élus et, de l'autre, ceux qui détiendraient la vérité révélée. La seule différence entre nous - mais elle est de taille - c'est que nous, les élus, sommes comptables et responsables de l'utilisation des deniers de nos concitoyens.

Jusqu'à présent, dans le domaine de l'archéologie, celui qui commandait ne payait pas et celui qui payait ne commandait pas. A différentes occasions, nous avons été confrontés à cette méthode en matière de politique des monuments historiques. Nous avons alors pu constater que des propriétaires dissimulaient leurs trouvailles, de craintes d'être perturbés dans l'exécution de leurs projets.

Pour la sauvegarde du patrimoine, l'aide, le conseil, les moyens que nous sommes en droit d'attendre doivent précéder la menace du bâton. Ne renouvelons pas les mêmes erreurs et donnons-nous les moyens de mettre en place notre politique.

Je persiste à penser que, dans la mesure où les sites archéologiques constituent une véritable richesse nationale, un patrimoine commun à tous les Français, les opérations de diagnostic et de fouilles doivent être prises en charge par la collectivité nationale, donc par l'Etat.

Rarement loi aussi récente n'a suscité autant d'incompréhension, de critiques, voire de réprobation, notamment chez les élus locaux. En vérité, personne n'avait véritablement mesuré les conséquences financières des nouvelles modalités de calcul des redevances d'archéologie qui, à la lumière de l'expérience que nous avons vécues sur le terrain, étaient - il faut bien le dire - à la fois incompréhensibles, injustes et terriblement pénalisantes. Elles ont en effet conduit à faire payer aux collectivités territoriales concernées, des sommes pharaoniques.

Je citerai deux exemples parmi d'autres pour lesquels des élus de mon département m'ont alerté : plus de 88 000 euros de redevance pour la réalisation d'un petit lotissement communal, ce qui rend pratiquement les parcelles invendables, et, mieux encore, 514 000 euros pour la construction d'un groupe scolaire par une communauté de communes du Val-Dunois, qui compte moins de 3 000 habitants, ce qui représente plus de 200 euros par habitant.

Monsieur le ministre, où allons-nous ? Tout cela, vous en conviendrez, dépasse l'entendement : on voit bien que, dans cette affaire, les prescripteurs ne sont pas les payeurs !

Le Parlement s'est déjà ému de cette situation voilà quelques mois en adoptant, dans la loi de finances pour 2003, un dispositif minorant de 25 % le montant de ces redevances lorsque le fait générateur intervient en 2003.

Pas de chance pour les collectivités que je citais à l'instant ! Cette réduction ne leur sera pas appliquée puisque les arrêtés du préfet datent de 2002 ! Il n'y aura pas probablement de réalisation. Pourtant, il s'agissait d'un bon projet intercommunal.

Ce sont ces situations qui m'ont conduit à déposer, le 22 mai dernier, une proposition de loi visant à réduire le montant des redevances d'archéologie préventive pour les collectivités territoriales afin de les ramener à des proportions supportables, notamment pour les petites collectivités, dont les moyens financiers sont forcément très limités.

Je remercie notre commission des affaires culturelles, son président et son rapporteur d'avoir bien voulu mettre en discussion commune ma proposition de loi et le projet de loi du Gouvernement.

Ce projet de loi comporte certains aspects positifs que je me plais à souligner. Tout d'abord, il instaure une phase de dialogue entre l'Etat et les aménageurs. Ensuite, il autorise l'intervention des services archéologiques agréés des collectivités territoriales pour les opérations de diagnostic et de fouille, ce qui devrait raccourcir les délais et - du moins peut-on l'espérer - réduire les coûts. Enfin, il allège la pression que subissent les élus de la part des services de l'Etat et des architectes des bâtiments de France, quelquefois tristement renommés.

Ce qui m'apparaît préoccupant, monsieur le ministre, c'est le nouveau système de financement que vous prévoyez. La nouvelle redevance d'archéologie préventive, dont l'assiette est beaucoup plus large et dont le taux, somme toute modéré, permettra la prise en charge des études de diagnostic, mais aussi du coût des fouilles, demeurera à la charge des aménageurs, ce qui n'est pas acceptable.

Dans les cas les plus significatifs que j'évoquais à l'instant, sur les 514 000 euros, 8 500 euros seulement étaient destinés au diagnostic, tout le reste représentant le coût des fouilles, lequel était entièrement à la charge de la communauté de communes. C'est impensable !

Concrètement, quelle amélioration ce texte va-t-il apporter à cette collectivité comme à toutes les autres ? Quasiment aucune, sauf si elle bénéficie d'une subvention du fonds de péréquation mais à quel taux et pour quel montant par rapport aux travaux engagés ? Nul ne le sait, et je crains le pire lorsque l'on sait que ce fonds, qui serait doté d'environ 22 millions d'euros, ne pourrait en consacrer qu'une douzaine à la péréquation pour les travaux, ce qui paraît dérisoire.

Dans ces conditions, nous pouvons véritablement nous demander si ce projet de loi constitue, pour ce qui concerne les modalités financières, un progrès pour les maires, pour les intercommunalités, voire pour les départements.

Ne nous y trompons pas ! Si les départements doivent mettre en place leurs propres services archéologiques agréés, ils seront en première ligne face aux maires et aux présidents d'EPCI.

Cela ne serait certainement pas neutre sur le plan financier et créerait une nouvelle inégalité, les départements aisés pouvant supporter cette nouvelle charge, les plus pauvres n'en ayant pas toujours les moyens !

Monsieur le ministre, votre projet de loi maintient les principes d'une intégration de l'archéologie préventive dans le service public de recherche et conforte les prérogatives de l'Etat dans ce domaine, le maintien du monopole public pour ces opérations se justifiant, selon l'exposé des motifs par « la nécessité de garantir l'objectivité du diagnostic ».

Les diagnostics sont confiés à l'INRAP qui les exécute ou les fait exécuter conformément aux décisions délivrées et aux prescriptions imposées par l'Etat sous la surveillance de ses représentants. Les collectivités territoriales les plus importantes pourront certes, créer leurs propres services archéologiques, mais ces derniers devront être agréés par l'Etat, ce qui paraît légitime. Les collectivités ne seront pas juges de l'opportunité du déclenchement des diagnostics ni des fouilles. Les fouilles seront également exécutées conformément aux prescriptions de l'Etat. Les membres de la commission qui donneront leur avis sur l'attribution des subventions par le fonds de péréquation seront, aux deux tiers, nommés par l'Etat !

Mais, si nous cherchons en vain dans votre texte le commencement d'un début de participation financière de l'Etat au fonctionnement de ce service public d'archéologie préventive qu'il continuera pourtant de contrôler directement ou indirectement, nous savons, en revanche, ce qu'il en coûtera aux collectivités territoriales !

Ces dernières vont en effet avoir le triste privilège de payer deux fois : une première fois du fait de la généralisation de la redevance d'archéologie préventive et une seconde fois en cas de nécessité de fouilles archéologiques.

Mes chers collègues, il est de notre devoir de tenter d'apporter une réponse satisfaisante aux soucis financiers présents ou à venir des élus des collectivités territoriales : si nous ne le faisons pas, la désillution sera à la mesure de l'espoir que ce projet de loi a suscité.

Ce sont les raisons pour lesquelles je proposerai tout à l'heure, en présentant un sous-amendement, que le fonds de péréquation, alimenté par une fraction du produit de la nouvelle redevance d'archéologie préventive, prenne en charge la totalité du coût des fouilles imposées aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qui, je le rappelle, sont assujettis à cette redevance. Cela nécessitera sans doute une participation financière de l'Etat, mais ce ne sera que justice dans la mesure où celui qui commande doit aussi payer !

Monsieur le ministre, je voterai ce projet de loi sous réserve de l'adoption des amendements et sous-amendements visant à modifier la répartition des coûts et des responsabilités entre les différents acteurs. C'est, me semble-t-il, la seule voie pour nous permettre de mettre en oeuvre une vraie politique de l'archéologie. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.

M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à peine une année après l'application effective de la loi du 17 janvier 2001, l'archéologie préventive est confrontée de nouveau à une situation de crise.

L'élaboration de cette loi répondait à une situation d'urgence. Consacrant le caractère de service public de cette activité, la loi de 2001 a fixé un cadre d'intervention indispensable aux activités des archéologues.

Elle a permis de pérenniser le principe du financement des fouilles par les aménageurs et de mettre en place une structure administrative plus adaptée que l'AFAN.

L'archéologie préventive s'était en effet développée ces vingt dernières années au rythme des grands chantiers d'aménagement sans accompagnement législatif et sans véritable politique des pouvoirs publics et cette loi, en dépit de son application récente, a donné rapidement lieu à de graves difficultés et a soulevé un sentiment d'exaspération, partagé par les archéologues comme par les aménageurs.

Tout d'abord, l'INRAP ne parvient pas à faire face à des délais d'exécution très courts. Investi du monopole du diagnostic archéologique et de l'exécution des fouilles, cet établissement ne dispose plus d'un budget suffisant pour assurer l'ensemble de sa mission de service public.

Par ailleurs, le paiement de la redevance, dont le calcul est d'une extrême complexité, pèse très lourdement et de manière parfois exorbitante sur les collectivités rurales, qui sont, elles aussi, des aménageurs.

Face à un tel constat, la réforme de la loi de 2001 qui nous est présentée aujourd'hui s'avère indispensable.

Ce projet de loi comporte plusieurs avancées indéniables.

Tout d'abord, l'archéologie préventive demeure une composante à part entière du service public de la recherche. Ensuite, le principe du « casseur-payeur », qui a permis à l'archéologie préventive française de se développer et de se révéler comme la plus performante d'Europe, est préservé. Enfin, ce principe est renforcé par le fait que les modalités de calcul de la redevance sont considérablement simplifiées.

Ce texte comporte également l'instauration d'un temps de dialogue plus approfondi entre les différents acteurs de l'archéologie. Cela devrait permettre de mieux concilier les objectifs en présence : la sauvegarde impérative de notre patrimoine archéologique et le développement de la recherche, d'une part, l'intérêt légitime des aménageurs à mener à bien leurs projets, d'autre part.

Par ailleurs, le présent projet de loi accorde une place plus importante aux archéologues territoriaux réunis au sein des services des collectivités. Ce maillage territorial de proximité permettra sans aucun doute une meilleure analyse du contexte archéologique de chaque région. De plus, le développement des services archéologiques territoriaux facilitera le désengorgement de l'INRAP, qui ne parvient plus à faire face dans un délai raisonnable à l'ensemble des opérations dont la collectivité a la charge.

Cependant, cette décentralisation ne saurait être effective si les collectivités territoriales, pour développer leurs services d'archéologie, ne disposent pas de ressources financières suffisantes. A cet égard, la création d'un fonds de péréquation destiné à financer le coût des fouilles, auquel certains aménageurs ne peuvent faire face, me paraît aller dans le bon sens. Néanmoins, force est de constater que les recettes de ce fonds risquent d'être totalement absorbées par le financement des fouilles occasionnées par les travaux exonérés du paiement de la redevance archéologique, notamment ceux qui sont liés à la construction de logements sociaux. Dans un tel cas, il n'y aura pas de réelle péréquation.

Le projet de loi modifie aussi le mode de calcul de la redevance archéologique qui, jusqu'à présent, était très complexe. Je salue cette initiative mais, là encore, une inquiétude subsiste. En effet, le mode de calcul prévu pourrait ne pas réduire le déséquilibre existant entre collectivités rurales et collectivités urbaines, la plus grande part des opérations de fouilles en zone urbaine étant effectuée sur des terrains d'un superficie inférieure à 1 000 mètres carrés.

Fixer l'assiette de la redevance à 5 000 mètres carrés aboutit à exonérer, de fait, la majorité des opérations d'aménagements urbaines. C'est pourquoi je me félicite de l'amendement de la commission des affaires culturelles qui vise à rabaisser ce seuil à 1 000 mètres carrés.

Le point le plus discutable de ce projet de loi me paraît être l'ouverture des opérations de fouilles à des opérateurs privés. Le transfert de la maîtrise d'ouvrage des fouilles aux aménageurs pourrait avoir de nombreuses conséquences dommageables du point de vue de la recherche. En remettant en cause l'unicité de l'archéologie, en la plaçant dans le champ de la concurrence commerciale, ce projet méconnaît la réalité de cette discipline, qui n'a d'autre objet que la recherche.

Faire participer les collectivités territoriales aux activités de fouilles est certes souhaitable, mais il est impératif que leur ouverture aux opérateurs privés soit très strictement encadrée.

Au-delà de ces aspects, j'aimerais particulièrement insister sur la valorisation des résultats.

Si l'archéologie préventive traverse actuellement une crise, cela tient en effet aussi à la faible valorisation auprès du public de ses travaux de recherche.

Ce déficit de communication a surtout des causes financières, plus particulièrement l'absence de crédits et de temps prévus à cet effet. Mais il existe aussi des raisons culturelles : le faible intérêt de la direction des Musées de France pour l'archéologie métropolitaine, la disparition du tissu des archéologues bénévoles et, plus généralement, les priorités et les choix, motivés par l'urgence, de l'archéologie professionnelle.

Néanmoins, il y a bien une obligation de restituer à la collectivité nationale les résultats de l'archéologie préventive. Elle figure en toutes lettres dans la convention de Malte et a été reprise dans la loi de 2001.

L'INRAP n'a évidemment pas le monopole de cette restitution : les collectivités territoriales, les musées et l'initiative associative ou privée y ont leur place.

Tous les supports de diffusion doivent être envisagés, la France ayant un retard notable dans le domaine de la communication archéologique télévisuelle et, plus généralement, audiovisuelle. L'animation en milieu scolaire est également un enjeu important : des expériences probantes sont actuellement en cours dans les régions lyonnaise et bordelaise ; il serait intéressant de les généraliser.

De même, en partenariat avec les musées, il faudrait engager une politique d'expositions plus dynamique qui soit susceptible de dresser, à l'échelon régional, mais également national, un état des lieux des apports les plus récents de l'archéologie préventive.

Une meilleure communication passerait sans doute aussi par une politique de revitalisation du tissu de l'archéologie bénévole.

Toutes ces mesures requièrent plus une volonté politique que des moyens nouveaux considérables.

Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rappellerai que le déploiement de la carte archéologique s'avère plus que jamais nécessaire. En délimitant les zones de sensibilité archéologique particulière, cette carte permettrait de simplifier considérablement le régime des prescriptions.

La majorité des membres du groupe du RDSE votera ce texte avec les modifications proposées par notre commission. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, l'archéologie méritait mieux que le sort qui vient de lui être fait en France.

M. Alain Fouché. Toujours la critique !

Mme Marie-Christine Blandin. L'irréparable a d'abord été artificiellement commis par une coupe budgétaire impromptue dans les recettes de l'INRAP, au mépris de la clause de revoyure prévue dès la loi de 2001.

Ni les délais, ni le mode technocratique de calcul des redevances, ni l'excès de centralisme ou la pauvreté du dialogue local ne peuvent justifier cette brutalité. Si quelques élus locaux furent, par le passé, agacés d'un délai, en souffrance d'un coût ou en manque d'un dialogue, les parlementaires pouvaient fort bien corriger ces failles sans tuer l'archéologie.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Oh !

Mme Marie-Christine Blandin. Aujourd'hui, le projet de loi qui nous est présenté, même avec les précautions de M. le rapporteur, fait prendre des risques à la mission de service public, disperse les acteurs et ne donne en rien à l'archéologie le souffle qui lui manquait.

Au mieux - mais nous verrons que l'on peut s'attendre au pire -, nous en resterons à une simple discipline patrimoniale corrective des effets d'impact d'un aménagement, mais enfermée dans la série technique : détection, étude, interprétation, diffusion.

Une recomposition véritablement ambitieuse aurait inscrit l'archéologie au coeur des dynamiques qui interfèrent avec les milieux habités : le passé ne devient alors qu'un outil, le patrimoine se fond dans l'environnement, et l'acte culturel interpelle les aménagements d'aujourd'hui par la concertation, la prévention des risques, la gestion de l'espace rural ou urbain. Cette ambition n'est pas au rendez-vous : on en reste à la seule tutelle du ministère de la culture et l'on segmente encore un peu plus le travail, au risque de geler la circulation de l'information.

Demain, par exemple, la carte archéologique sera établie par le service régional ; puis la prospection sera faite par l'INRAP ou par une collectivité territoriale ; la fouille sera ensuite réalisée par une entreprise privée ; les résultats seront interprétés par on ne sait trop qui, universitaire ou chercheur du CNRS, ou même par l'INRAP si l'opérateur de fouilles a disparu entre-temps ; enfin la diffusion et la communication seront assurées par l'INRAP ou par un musée. Et tout cela sous le contrôle théorique d'un Etat dont les services déconcentrés seront affaiblis et d'une commission interrégionale de la recherche archéologique, CIRA, commentatrice après-coup.

Nous restons sur notre soif de cohérence spatiale, territoriale et environnementale pour les acquis de l'archéologie. Le ministère de la recherche est aux abonnés absents et la mutation de l'INRAP en établissement public de véritable coopération archéologique n'est même pas mise en perspective. Nous restons sans lieu de délibération, d'échange de savoirs et de savoir-faire.

Pour le reste, nous sommes dans le pire, c'est-à-dire dans le quotidien, hélas banal, des textes libéraux du Gouvernement :...

M. Paul Blanc. Dérisoire !

M. Alain Fouché. Le pire, c'est aujourd'hui !

Mme Marie-Christine Blandin. ... moins de moyens pour la culture ; moins de moyens pour la recherche ; la décentralisation aux frais du local et sans garanties ; l'ouverture à la concurrence et au marché avec confusion des genres, à savoir des aménageurs en maîtrise d'ouvrage de ce qui les gêne, au risque de voir fleurir de véritables filiales de grands groupes, professionnelles du chantier légal, certes, mais très, très rapides... Et si, vraiment, une fouille n'intéresse personne, alors peut-être téléphonera-t-on à l'INRAP.

Comme l'hôpital risque de devenir la voiture-balai des cliniques, l'école publique celle des institutions privées (Exclamations et rires sur les travées de l'UMP), l'INRAP deviendra chargé des missions moins valorisantes et peu rémunératrices dont personne ne voudra se charger. D'ailleurs, c'est peut-être en cela que le système court à sa propre perte : il y aura probablement, dans le marché, peu d'appétit pour ce travail !

Monsieur le ministre, si les archéologues manifestent et si les médias s'en font l'écho alors que d'autres problèmes économiques et sociaux battent le pavé, c'est que vous touchez à notre humanité. Le symbole est fort : avant la tranchée, avant le bulldozer, s'il vous plaît, monsieur le bourreau, un temps pour réfléchir sur le passé !

Ce n'est pas de nos racines qu'il s'agit : les racines, cela renvoie au végétal, à l'ancrage immuable dans un sol invariable qui ne donne pas sens et retient le vivant en un lieu et un seul.

Ce n'est pas de nos racines qu'il s'agit, c'est de notre mémoire collective : la mémoire que l'on réveille par les traces et les objets que l'on retrouve, dans le lieu où on les retrouve ; la mémoire des heurts ou bonheurs passés qui nourrit la réflexion actuelle et qui peut faire progresser l'humanité. Et cela, monsieur le ministre, ce n'est pas du commerce, cela ne se met pas aux enchères dans un appel à la concurrence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lepeltier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Serge Lepeltier. Monsieur le ministre, d'emblée, je voudrais vous exprimer toute ma reconnaissance pour la diligence dont vous avez fait preuve pour élaborer et nous proposer un texte visant à remédier aux incontestables et préoccupantes difficultés d'application de la loi de 2001.

Nul n'avait contesté, à l'époque, la nécessité de réformer l'archéologie préventive. Il était, c'est vrai, impératif de légiférer : le texte législatif de référence datait de 1941, et nous devions prendre en compte la mutation de ce secteur, au cours des dernières décennies, sous l'effet de la multiplication des opérations d'urbanisme et des grands chantiers d'infrastructures.

Mais le contenu de la réforme, largement de circonstance, réducteur et centraliseur, comportait de nombres lacunes que le Sénat - vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur - n'avait pas manqué de dénoncer.

Au terme d'une seule année de mise en oeuvre du nouveau dispositif, les faits, hélas ! nous donnent raison, à commencer, bien sûr, par les modalités de calcul des redevances archéologiques.

Je connais malheureusement un exemple très probant à Bourges, ville qui, voilà quelques années, avait acheté un terrain de friche militaire de 32 hectares pour 450 000 euros, avec le projet de le transformer en zone industrielle. Le diagnostic a été réalisé et le devis de redevance s'est établi à 3 millions d'euros - pour 32 hectares ! -, soit un prix bien supérieur au prix de vente du terrain ! Dès lors, il était impossible de faire quoi que ce soit, car, au-delà des fouilles archéologiques, il reste à faire des équipements, de la voirie, des réseaux, qui auraient plus que triplé le prix de vente du terrain.

Devant de telles difficultés, plusieurs initiatives législatives ont été prises pour tenter d'apporter des réponses à la situation de crise actuelle.

L'archéologie préventive, on le sait, touche aux tréfonds de la société et à un domaine extrêmement sensible. Ses implications vont bien au-delà de considérations purement financières, même si ces dernières, on le voit bien, sont tout à fait déterminantes. Notre histoire et nos origines sont concernées.

Les élus locaux, les maires en particulier, mesurent pleinement l'ampleur de l'enjeu. Ils savent combien il est important de faire évoluer l'urbanisme des villes et d'y promouvoir un développement économique et social. Mais ils savent aussi que ce développement doit être conciliable avec les exigences de la recherche scientifique et de la conservation du patrimoine, à laquelle nous sommes tous profondément attachés.

Il leur faut d'ailleurs souvent surmonter de réelles difficultés dans l'exercice de leurs fonctions. Ainsi, ils constatent parfois que les aménageurs sont obligés de renoncer à des projets pourtant propices à l'amélioration de la qualité de vie des populations non parce que ces projets remettraient en cause le patrimoine, mais en raison des contraintes auxquelles ils doivent faire face. La contrainte des délais est souvent la plus lourde de conséquences ; s'y ajoute, bien sûr, l'aspect financier.

Vraiment, nous devons concilier au quotidien les impératifs de développement et de sauvegarde légitime du patrimoine.

Aujourd'hui, la recherche archéologique française est alimentée à plus de 90 % par des fouilles décidées en urgence, et les règles mises en place doivent répondre à cette conciliation nécessaire.

Pour y parvenir, deux principes me semblent devoir être respectés : le principe de rigueur et le principe de souplesse.

J'évoquerai d'abord la rigueur.

En ce qui concerne les opérations archéologiques, le projet de loi, je le rappelle, distingue deux régimes d'exécution des opérations de terrain selon qu'il s'agit de diagnostics ou de fouilles.

Pour les diagnostics, le texte maintient le principe d'un monopole public. C'est tout à fait souhaitable, car il faut assurer la détection de vestiges archéologiques dans des conditions scientifiquement objectives. Confier cette phase à des opérateurs privés compromettrait la pertinence des prescriptions prises par l'Etat.

A ce sujet, permettez-moi, monsieur le ministre, d'attirer votre attention sur l'importance de la définition scientifique des fouilles, qui, bien sûr, a lieu au moment du diagnostic. Nombre de difficultés rencontrées sur le terrain semblent provenir de prescriptions ne correspondant pas à l'objectif poursuivi.

En vertu du légitime principe de précaution sont quelquefois demandées pour des périodes de notre histoire largement connues et appréhendées des fouilles qui vont au-delà de ce qui paraît nécessaire. Cette exigence peut parfois aboutir à ce que la prescription soit la même pour des périodes moins connues, alors qu'elle devrait être renforcée.

Exiger trop pour des périodes connues peut avoir pour conséquence une exigence insuffisante pour des périodes moins bien évaluées scientifiquement, et ce du fait des délais et des coûts engendrés.

M. Jacques Legendre, rapporteur. C'est vrai !

M. Serge Lepeltier. En un mot, il faut faire des choix. En archéologie comme ailleurs, l'absence de choix est la pire des solutions, et l'on sait combien les fouilles du Louvre ont pu en souffrir !

Les conséquences qui en découlent sur le terrain apparaissent souvent pénalisantes. C'est ainsi la définition scientifique qui est en cause, et, je le crois, nous ne pourrons faire l'économie d'une vraie réflexion sur ce sujet. Elle me paraît, monsieur le ministre, relever de votre responsabilité, et il vous faudra la mener en relation avec les chercheurs et les professionnels concernés.

La charte de l'environnement qui sera présentée en conseil des ministres la semaine prochaine prévoit que « les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution, à l'adoption de mesures proportionnées afin d'éviter la réalisation du dommage ». Ce pourrait être là une bonne piste de travail, puisqu'il s'agirait de qualifier les recherches archéologiques, en quelque sorte de les proportionner à l'objectif visé ; ce n'est malheureusement pas toujours le cas aujourd'hui.

Le deuxième principe à respecter est celui de la souplesse.

Votre texte, monsieur le ministre, répond à cette préoccupation puisqu'il propose d'ouvrir la réalisation des opérations d'archéologie préventive à des opérateurs divers, tout en conservant à cette activité son caractère de service public.

Il ne s'agit pas de défiance à l'égard de l'INRAP. Ce dernier occupe une place déterminante du fait des moyens humains et techniques dont il dispose, et nous connaissons la qualité et la compétence de ses personnels. Mais il faut reconnaître que nous arrivons, dans un certain nombre de cas, à de véritables goulets d'étranglement qui peuvent avoir des conséquences dramatiques sur la réalisation des projets : certains sont purement et simplement abandonnés. Il faut donc permettre à d'autres acteurs d'intervenir.

Pour les fouilles, les aménageurs pourront faire appel à l'INRAP ou à des opérateurs publics ou privés, mais à la condition essentielle, bien sûr, que ces derniers soient agréés.

Depuis longtemps, je souligne la nécessité de consacrer le rôle des services archéologiques des collectivités territoriales et de reconnaître à ces dernières la possibilité de se doter de tels services qui, de plus, ont vocation à participer de plein droit aux opérations de fouilles qui se déroulent sur le territoire de ces mêmes collectivités.

Maire de Bourges et responsable de l'un des secteurs sauvegardés les plus étendus de France - on y trouve d'ailleurs des monuments majeurs -, j'observe dans ma ville la place éminente qui revient à l'archéologie décentralisée, celle qui relève des services du département ou de la commune. Particulièrement adaptée à une exploitation scientifique et culturelle des découvertes archéologiques au plus près du territoire, elle nous permet de nous placer dans une perspective environnementale et historique plus complète.

L'archéologie territoriale apparaît en outre comme un vecteur d'expression privilégié des identités régionales, auxquelles nos compatriotes sont de plus en plus attachés. Elle a vocation à participer pleinement à la recherche scientifique, qui, à l'évidence, pour être riche, doit être multiple, pluraliste, et doit faire appel à tous les organismes et à tous les échelons de décision qui peuvent exister en ce domaine.

S'agissant maintenant de la question fondamentale du financement, qui est évidemment l'un des objets principaux du projet de loi, je me félicite du dispositif proposé. La tâche n'est pas simple, on le sait, et le dossier est très complexe.

Vous nous proposez, monsieur le ministre, que les diagnostics soient désormais financés par le biais d'une redevance d'archéologie préventive d'un faible montant forfaitaire, soit 32 centimes d'euros par mètre carré, perçue par l'opérateur compétent pour réaliser les diagnostics, celui-ci étant, selon les cas, l'établissement public ou la collectivité territoriale.

Cette redevance concernerait la totalité des travaux, qu'ils rendent nécessaire ou non la réalisation d'opérations de détection, dès lors qu'ils seraient entrepris sur un terrain d'assiette d'une superficie supérieure ou égale à 5 000 mètres carrés. Cette solution a le mérite de la simplicité et de la lisibilité pour les aménageurs.

La commission nous propose, par la voix de son rapporteur, d'abaisser de 5 000 à 1 000 mètres carrés la superficie à partir de laquelle les opérations d'aménagement seront assujetties à la redevance. Elle nous invite également à confier la liquidation et le recouvrement de la redevance à l'Etat, dont les services, à moyens constants, sont en mesure de faire face à ces tâches.

Ces deux préoccupations sont à mes yeux tout à fait légitimes, car elles répondent effectivement à un double objectif : garantir un prélèvement suffisant et résorber les déséquilibres entre les zones urbaines et les zones rurales.

Avant de conclure, vous me permettrez, mes chers collègues, de remercier sincèrement notre collègue Jacques Legendre de la qualité du travail qu'il a accompli et de la pertinence des observations qu'il a formulées, qui sont, nous le savons, le fruit d'une réflexion approfondie et d'une grande connaissance du dossier. Je tenais à lui en rendre hommage.

Mes chers collègues, notre débat est aujourd'hui essentiel avec l'archéologie, je le disais, ce sont notre histoire et, n'en déplaise à Mme Blandin, nos origines qui sont concernées, voire nos racines.

Les élus locaux, les maires en particulier, mesurent pleinement l'ampleur de l'enjeu. Ils savent combien il est important de faire évoluer l'urbanisme des villes et d'y promouvoir un développement économique et social qui soit conciliable avec les exigences de la recherche scientifique et de la conservation du patrimoine.

Les difficultés de ces derniers mois nous montrent à quel point la tâche peut être rude et combien il faut une véritable ambition pour l'archéologie préventive.

Tel est, en quelque sorte, le sens de tous les débats actuels. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la protection de notre patrimoine s'est progressivement affirmée comme une véritable nécessité : une nécessité scientifique qui nous permet de mieux connaître le passé de notre pays et les richesses de terroirs auxquels nous sommes tous très attachés ; une nécessité qui s'explique également par les développements touristiques et économiques liés à la découverte de biens empreints d'une valeur historique inestimable.

Ce souci, désormais partagé par le plus grand nombre, se heurte cependant aux volontés, publiques et privées, d'aménager harmonieusement nos territoires et de développer nos économies locales. En effet, les diagnostics et opérations de fouilles constituent un frein pour ces projets dont la réussite est souvent conditionnée par la tenue des délais de réalisation.

Or, si d'aucuns ont placé de nombreux espoirs dans la réforme de l'archéologie préventive opérée en 2001, force est de constater que sa mise en oeuvre a suscité de vives critiques, sur lesquelles je reviendrai ultérieurement.

Pour ces deux raisons, le premier enjeu de ce projet de loi est d'opérer un compromis pragmatique, dans lequel la déontologie restera primordiale, entre les tenants du « tout économique » et les défenseurs du « tout patrimonial ».

Le second enjeu, qui revêt la même importance, est de réformer efficacement les dispositifs mis en oeuvre par la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive. Ainsi que je le précisais en guise d'introduction, ses dispositions ont rapidement montré leurs limites. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui stigmatisent, à juste titre, des procédures arbitraires, complexes, lentes et des plus coûteuses.

La première carence de la loi de 2001 concerne l'explosion du nombre de prescriptions : si, en 2000, 1752 opérations ont été prescrites, pour 2002, ce chiffre a été porté à 4270. Un tel accroissement a d'ailleurs conduit de nombreux aménageurs, publics et privés, à douter de la rigueur avec laquelle était appréciée la présomption de vestiges.

En l'absence de toute délimitation des zones à fort potentiel archéologique, les prescriptions, qui relèvent d'un pouvoir discrétionnaire de l'Etat, ont ainsi été ordonnées en fonction de la seule taille des aménagements. Le caractère subjectif de ces décisions a par ailleurs engendré une grande disparité géographique, source d'inégalité entre des projets pourtant de même nature.

Une intervention diligente de l'Etat était donc devenue indispensable. Je tiens, à ce titre, à vous rendre hommage, monsieur le ministre, s'agissant de la qualité du texte que vous nous présentez.

Ce projet de loi préconise, en particulier, la consultation préalable de l'aménageur pour qu'il trouve avec l'Etat un accord entre l'étude des vestiges et les contraintes de l'opération. Ainsi se trouve consacré le principe d'une concertation entre les deux parties concernées, laquelle permettra une meilleure compréhension des prescriptions par les aménageurs.

Le deuxième reproche, couramment formulé à l'encontre de la loi de 2001, concerne le fonctionnement de l'INRAP, qui n'a pu soutenir un taux élevé de fouilles archéologiques, et ce en dépit de l'importante augmentation du nombre des prescriptions.

Ces baisses du taux de réalisation s'explique par un manque de personnel pour assurer l'ensemble des opérations de diagnostics et de fouilles archéologiques.

Le texte prévoit donc de revenir sur cette concentration des prescriptions autour d'un seul organisme. Il réaffirme, d'abord, le rôle de l'INRAP dans la réalisation des diagnostics, qui pourront également être confiés à un service territorial d'archéologie.

Le projet de loi laisse ensuite aux aménageurs le soin de choisir librement l'opérateur des fouilles entre l'INRAP, un service archéologique territorial, ou toute autre personne de droit public ou privé.

Soucieuse de compléter ce dispositif aux bienfaits indiscutables, je vous proposerai de préciser l'article 3 en indiquant que l'opérateur relevant du droit privé doit être totalement indépendant par rapport à l'aménageur.

Cette ouverture à la concurrence des opérations de fouilles et, dans une moindre mesure, des procédures de diagnostics, permettra, en outre, de résoudre le délicat et coûteux problème des délais.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous citer à mon tour un exemple. Un dossier me tient particulièrement à coeur : l'aménagement de la RN 51, que vous connaissez bien, entre Reims et Epernay ; les opérations de fouilles préalables aux travaux auraient dû débuter il y a plus de cinq ans. La réalisation de la première phase de cette opération, qui consiste en un raccordement de la RN 51 à l'autoroute A4, va de nouveau être retardée dans l'attente, vous l'aurez sans doute deviné, de la réalisation de fouilles archéologiques.

Ces retards constituent de véritables entraves à la volonté des pouvoirs publics d'améliorer la sécurité des conducteurs et de développer l'activité économique des bassins de Reims et d'Epernay.

Fixées par le décret n° 2002-89, les durées sont comprises entre cinq à huit mois pour le diagnostic et entre huit mois et demi et onze mois pour les fouilles archéologiques. Pourtant, comme en atteste l'exemple que je viens de vous donner et comme le souligne le rapport de la MEC, nous constatons que ces durées moyennes théoriques sont souvent largement dépassées.

Cela est inacceptable ! Aussi me semble-t-il essentiel de consacrer l'annulation de toute prescription dès lors que le délai réglementaire est dépassé.

La garantie entourant les délais sera enfin plus opérante, puisque cette réforme prévoit aussi la possibilité de transférer aux collectivités territoriales le soin de définir la carte archéologique de leur territoire. Ces dernières pourront donc concourir à l'élaboration d'une carte archéologique nationale, qui peinait quelque peu.

Grâce à ce document précis et détaillé, les services instructeurs seront certainement amenés à proposer des prescriptions plus opportunes et mieux motivées.

Le texte que nous allons examiner prévoit donc des mesures guidées par le souci de consulter les aménageurs, d'instaurer un dialogue préalable entre ces derniers et l'Etat, de leur répondre avec diligence et efficacité tout en s'appuyant sur les bienfaits de la décentralisation.

Pour toutes ces raisons, le groupe de l'Union centriste entend lui apporter son soutien, tout en vous rappelant, monsieur le ministre, la nécessité d'encadrer plus strictement les conditions dans lesquelles interviennent les opérateurs privés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question que nous abordons aujourd'hui est d'importance : il s'agit bien plus que d'une simple branche d'activité. L'archéologie, ce sont, certes, des femmes et des hommes consciencieux qui aiment passionnément ce qu'ils font et qui savent faire partager leur passion. L'archéologie, c'est un métier, c'est aussi une science. Il ne suffit pas de découvrir des vestiges, il faut ensuite les faire parler, leur faire livrer leurs secrets. Ces secrets, ce sont ceux de notre passé, passé très lointain, parfois, quand nos sociétés ne maîtrisaient pas encore l'écriture. Les pierres, les objets que les archéologues découvrent sont des signes qui peuvent nous aider à déchiffrer des parcelles entières de notre histoire, des traces plus ou moins lisibles de notre passé.

L'archéologie, c'est le ciment de l'humanité, ce qui la recompose et lui donne un sens. Aussi, lorqu'elle est menacée, elle doit être défendue.

Le projet de loi qui nous est aujourd'hui présenté a lui aussi une histoire ; une histoire chaotique, faite de beaucoup d'approximation et de peu de négociation. Nous avons donc reçu les archéologues et nous, nous les avons écoutés.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Nous aussi !

M. René-Pierre Signé. Tous sont largement opposés à ce projet de loi.

Pour notre part, une chose est claire : l'archéologie préventive ne doit pas servir à purger un terrain au bénéfice de l'aménageur. Mes amis ont très bien résumé, tout à l'heure, l'essence de ce texte, ses présupposés idéologiques comme ses imperfections techniques. Les niveaux parfois excessifs de la redevance en milieu rural sont, certes, avérés ; peut-être même pouvaient-ils compromettre la faisabilité de certains aménagements. Les élus se sont plaints avec raison. Mais cette critique invalide-t-elle les progrès incontestables contenus dans la loi de 2001 ?

Il est possible et souhaitable de modifier le texte d'origine ; des propositions seront faites dans ce sens.

En vérité, les six mois que vous avez laissés au nouveau dispositif étaient-ils suffisants ? Et que penser de l'amputation de 40 % des ressources prévisionnelles de l'INRAP ? N'est-il pas choquant de réduire les marges budgétaires et de s'étonner avec un certain agacement de l'augmentation des délais de diagnostic ? Il est étrange de dénoncer une situation que l'on a contribué à aggraver. Et que dire des dizaines de chantiers interrompus au grand dam des collectivités locales ?

Il paraît contre-productif d'aborder le problème comme vous le faites. Nous ne croyons pas qu'il soit raisonnable d'attaquer l'archéologie dans ses fondements.

La loi de 2001 avait sauvegardé l'essentiel, c'est-à-dire le service public. Le texte qui nous est aujourd'hui soumis, d'inspiration manifestement libérale, ouvre le marché des fouilles à la concurrence privée et ampute la mission du service public de l'archéologie préventive. Les opérations de fouilles ne lui seront plus confiées exclusivement, et même l'INRAP partagera, avec les collectivités locales et leurs services archéologiques, ses compétences en matière d'opération de diagnostic. L'aménageur sera responsable des fouilles, qui pourront être confiées à toute entreprise avec fixation des prix par voie conventionnelle.

L'assiette de la redevance et ses modalités de calcul sont modifiées, ce qui pénalisera les aménageurs ruraux, et il n'y aura plus qu'une seule redevance pour le diagnostic. Apparaît ainsi un risque de dégradation de la qualité des fouilles, de leur rigueur scientifique, de la valeur des diagnostics et des études devenus plus sommaires.

On parle souvent de développement durable, mais parle-t-on de l'histoire humaine durable ? En n'accordant que peu d'intérêt au passé, on s'expose à méconnaître les étapes de la « formidable aventure humaine».

Comme l'histoire, l'archéologie est une science de l'homme qui ne peut être sacrifiée à des intérêts particuliers, somme toute contingents.

L'archaïsme se situe au côté non pas de l'archéologie, mais bien de ceux qui pensent que l'augmentation du profit est plus fondamentale que celle des savoirs. La vraie régression, c'est le discours pseudo-moderniste qui croit faire avancer la France et la fait reculer.

L'examen des articles démontrera à l'envi ce que ce projet de loi a d'incohérent et de dangereux, notamment pour l'aménagement du territoire qui, pour être durable, se doit de respecter son sous-sol. Ses richesses sont plus somptueuses que le profit immédiat qui s'évanouit dans la spéculation.

Oserai-je, en conclusion, rappeler cette phrase, admirable dans sa simplicité, de Fernand Braudel : « Le présent sans passé n'a pas d'avenir. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.

M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à travers le temps, l'homme a laissé, partout où il a vécu, la trace de son existence, de ses connaissances et des événements qui ont jalonné son histoire. D'innombrables vestiges, souvent admirables ou étonnants, en sont les témoins. Restent les vestiges enfouis, souvent précieux, autant pour leur intérêt scientifique que pour leur valeur patrimoniale, qui nécessitent l'intervention de l'archéologie préventive afin de ne pas laisser perdre un patrimoine exceptionnel, unique, illustrant notre histoire.

Le dispositif mis en place en 1977, qui se voulait temporaire, a engendré un certain nombre de difficultés. Mais au lieu d'apporter une réponse globale aux questions cruciales de l'organisation de cette discipline et de son financement, la loi de 2001 a bouleversé le système. Elle a suscité, dès sa mise en oeuvre, oppositions, blocages, contentieux. Les témoignages sont innombrables et je vous en ai remis un certain nombre en main propre, monsieur le ministre, provenant de la France entière. Et si je ne craignais d'abuser de l'attention de la Haute Assemblée, je lirais une lettre que j'ai reçue ce jour d'un maire d'une commune de la Vendée.

Cette loi de 1901 nécessitait donc de profondes modifications, que vous nous proposez fort opportunément d'examiner aujourd'hui, monsieur le ministre. Pour ma part, je veux vous féliciter de votre initiative et de votre perspicacité. Au lieu de vous en faire grief, comme on le fait souvent, il serait nettement plus judicieux, d'abord, de vous en remercier, ensuite, de vous aider dans votre entreprise.

M. Ivan Renar. C'est jour de fête ! (Sourires.)

M. Henri de Raincourt. Le premier objet de ce texte concerne l'organisation de l'archéologie préventive.

Nul ne conteste qu'il soit du devoir de l'Etat d'intervenir pour « protéger le patrimoine archéologique en tant que source de la mémoire collective européenne et comme instrument d'étude historique et scientifique », ainsi que le souligne la convention de Malte de 1992 ratifiée par la France.

Si l'on peut aisément comprendre, au regard de la mission d'intérêt général dont relève l'archéologie préventive, qu'il n'était pas souhaitable de la considérer comme une activité économique ordinaire répondant aux seules lois du marché, comme je l'ai entendu dire à plusieurs reprises cet après-midi, la solution choisie par la loi de 2001 de mettre en place un établissement public, l'Institut national de recherches d'archéologie préventive, en remplacement de l'AFAN, association relevant de la loi de 1901, disposant d'un quasi-monopole ou, si l'on préfère, de droits exclusifs en toutes matières concernant l'archéologie préventive, n'était pas satisfaisante à plus d'un titre, et elle relevait, me semble-t-il, d'un concept d'un autre âge.

C'est d'autant plus regrettable que ce mode d'organisation avait été dénoncé par le Sénat, notamment par notre éminent rapporteur Jacques Legendre, à l'occasion des débats. Il est bien dommage que l'Assemblée nationale n'ait pas suivi les sages conseils que le Sénat, sur l'initiative de Jacques Legendre, avait prodigués, car très rapidement les faits lui ont donné raison. Je veux, mon cher collègue, saluer votre travail d'hier, source à bien des égards de celui d'aujourd'hui, que vous avez vous-même accompli, sans oublier le président Jacques Valade et les membres de la commission des affaires culturelles.

Mais je tiens aussi à préciser que, contrairement à ce que j'ai entendu, la concertation a bien eu lieu au niveau tant de la commission et de son rapporteur que, me semble-t-il, de M. le ministre. Concertation ne veut pas dire acceptation de ce qui est avancé par les uns ou par les autres. Il faudra que l'on s'habitue, en France, à considérer que c'est le Parlement qui fait la loi ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP)

M. Philippe Richert. Très bien !

M. Henri de Raincourt. Une réforme cohérente de l'archéologie ne peut se placer que dans la perspective d'une décentralisation plus poussée. Les collectivité territoriales, responsables de leur propre développement, doivent pouvoir, si elles le souhaitent, assumer leur passé et leur patrimoine historique.

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui revient donc sur une erreur de jugement qui a été commise dans le loi précédente.

Les élus locaux mesurent pleinement l'ampleur de l'enjeu. Je suis d'ailleurs assez surpris de ce que l'on dit aujourd'hui des élus locaux lorsqu'on évoque la décentralisation, qu'il s'agisse d'archéologie préventive, de patrimoine, voire d'éducation ou de formation : nous sommes, nous aussi, capables, sur l'ensemble des travées, et partout en France, d'identifier l'intérêt général et de le servir. Les élus locaux savent aussi qu'il est important de faire évoluer les territoires, d'y promouvoir un développement économique et social qui soit conciliable avec les exigences de la recherche scientifique et de la conservation du patrimoine, à laquelle nous sommes tous fort heureusement attachés.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je souscris au projet de loi, qui consacre le rôle des services archéologiques des collectivités territoriales et reconnaît à ces dernières la possibilité de se doter de tels services, ayant, qui plus est, vocation à participer de plein droit aux opérations de diagnostics et de fouilles, quel que soit l'endroit où elles se situent.

Quant aux accusations de privatisation de l'archéologie préventive, elles sont sans fondement. Certes, l'aménageur, désormais maître d'oeuvre, pourra faire appel à l'opérateur de son choix : INRAP, services compétents des collectivités ou entreprises privées agrées au préalable par l'Etat. L'activité sera encadrée par ces mêmes services de l'Etat et les conditions de réalisation des travaux devront être approuvées par l'Etat. Alors, quand on parle d'« excitation libérale », je me dis que le décalage est grand entre les intentions manifestées par les auteurs du projet de loi et les appréciations qui sont portées par quelques-uns !

M. Jacques Legendre, rapporteur. Très bien !

M. Henri de Raincourt. J'insisterai, monsieur le ministre, sur le problème des délais de réalisation des opérations d'archéologie préventive.

A l'heure actuelle, l'exclusivité des travaux conférée à l'INRAP a conduit à une situation de blocage, puisque cet organisme ne peut, semble-t-il, respecter les délais de travaux stipulés dans les conventions signées avec les collectivités locales, lesquelles, de surcroît, éprouvent les pires difficultés à obtenir un phasage exact des fouilles.

Les exemples sont nombreux de ces retards qui suscitent la crispation des élus et se traduisent par un gaspillage de fonds publics. Or il est essentiel que l'aménageur ait connaissance du calendrier exact des opérateurs et ne soit pas dans l'incertitude quant à la réalisation de son projet.

Depuis plusieurs années, l'Etat s'est engagé à moderniser ses rapports avec les administrés, notamment en fixant des délais de réponse.

Le projet de loi, complété par un amendement de la commission, prévoit donc judicieusement que, à défaut d'accord entre l'opérateur et l'aménageur, la durée des diagnostics pourra être fixée par l'Etat. Il y aura donc des possibilités de recours. Par ailleurs, si, du fait de l'opérateur, ceux-ci ne sont pas achevés dans les délais, les prescriptions deviendront caduques. Je me félicite de cette précision, qui est de nature à éviter désormais d'être dépendant des disponibilités de personnes, certes compétentes pour effectuer ces opérations, mais qui, en termes de calendrier, n'ont pas toujours les mêmes impératifs que les élus locaux !

Le second objet principal de ce texte concerne les modalités arrêtées pour le financement des opérations d'archéologie préventive, qui sont, à l'heure actuelle, loin d'être satisfaisantes, et c'est un euphémisme.

Le dispositif de la loi de 2001 était censé être simple, équitable et correspondre aux préoccupations légitimes exprimées par les aménageurs.

Complexe, souvent disproportionnée, la taxe a eu des conséquences extrêmement fâcheuses.

Le barème des redevances a ainsi abouti à des situations que l'on peut qualifier d'aberrantes, qui conduisent à imposer aux collectivités territoriales, lorsqu'elles étaient aménageurs, des montants de taxation insupportables, voire, d'ailleurs, surréalistes au regard des capacités contributives des collectivités - la taxe due pouvait être supérieure au budget de la commune - et sans commune mesure avec le coût des dispositions envisagées.

Ainsi, des aménageurs ont été obligés de renoncer à des projets pourtant destinés à améliorer la qualité de vie des populations, non parce que ces projets remettraient en cause le patrimoine, mais en raison des contraintes de délais et de coût auxquelles ils doivent faire face.

C'est pour cette raison que j'avais pris l'initiative avec MM. Josselin de Rohan, Jacques Valade et Philippe Richert de déposer un amendement à l'occasion de l'examen d'un texte sur le renouvellement urbain, prévoyant, dans l'attente de l'adoption d'un dispositif plus équilibré, un régime transitoire articulé autour de deux points.

En premier lieu, les dispositions de la loi instituant les redevances d'archéologie préventive seraient suspendues et remplacées par un régime contractuel provisoire inspiré des pratiques antérieures à la loi de 2001 : une convention passée entre l'INRAP et l'aménageur prévoirait le montant de la participation de ce dernier au financement des opérations de diagnostic et de fouilles archéologiques préventives. En second lieu, les décisions de prescription prises et les titres de recettes émis sur le fondement de ces décisions seraient rapportées.

Cet amendement a été voté par le Sénat. L'Assemblée nationale a eu une autre approche, qui a finalement prévalu lors de la discussion de la loi de finances. Mais je crois que ces deux amendements, loin de vouloir tout casser, avaient simplement pour objet de faire évoluer une loi qui, en quelques mois, avait montré ses limites, ses insuffisances, ses côtés excessifs. C'est la raison pour laquelle, même si cela n'a pas plu à tout le monde, nous avons, je crois, contribué à l'élaboration peut-être plus prompte d'une projet de loi tel que celui que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre.

Les diagnostics feront l'objet d'une redevance d'un montant raisonnable. Les fouilles seront financées par l'aménageur sur la base de leur coût réel.

Pour autant, je pense que les caractéristiques du champ d'application de la redevance méritent d'être retravaillées, notamment au cours des débats qui vont suivre. Je sais que la commission a, à cet égard, des propositions tout à fait judicieuses à formuler.

S'agissant maintenant du coût financier des fouilles qui auront pu être reconnues nécessaires à l'issue de la phase de diagnostic, il peut se révéler parfois très lourd pour l'aménageur, obérant sensiblement ses possibilités budgétaires. Ainsi, le coût des travaux ne peut pas raisonnablement être répercuté sur la valeur du terrain et sur le prix du mètre carré en milieu rural comme en ville.

Monsieur le ministre, vous avez prévu un fonds, financé par 30 % du produit de la redevance, qui aurait vocation à aider les aménageurs à financer les fouilles. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que, dans le cours de la discussion, vous puissiez nous apporter quelques précisions supplémentaires sur les critères susceptibles d'être retenus pour l'octroi de subventions, en particulier en milieu rural. Mais je sais bien que vous recherchez la solution la meilleure.

Pour ma part, je suivrai, comme le groupe de l'UMP, les recommandations qui nous seront faites par la commission.

Je conclurai sur un aspect également important à mes yeux, celui de la conservation des richesses archéologiques. Le développement, ces dernières décennies, de l'archéologie préventive a produit une masse documentaire tout à fait impressionnante qui constitue une source d'informations historiques exceptionnelle. Se pose alors la question de leur propriété.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Tout à fait !

M. Henri de Raincourt. La solution préconisée par notre rapporteur, dans le respect du droit de propriété, me semble de nature à garantir la conservation du patrimoine archéologique dans de bonnes conditions. J'y apporte mon plein soutien.

La réforme des structures administratives de l'archéologie préventive et de son financement ne doit se faire au détriment ni de l'efficacité économique ni des intérêts de la recherche scientifique et du patrimoine.

Ainsi, monsieur le ministre, devons-nous doter la France d'un système de fouilles d'archéologie préventive qui soit efficace et adapté aux exigences de l'avenir de notre pays. Je sais que c'est une ambition partagée par le Sénat comme par le Gouvernement, et je suis convaincu que nous pouvons nous donner rendez-vous, ne serait-ce qu'au bout d'une année, pour constater, au terme d'une comparaison de la loi de 2001 et de celle de 2003, que, entre les préventions excessives et les procès d'intention déplacés, il y avait place pour le bon sens : c'est la voie dans laquelle s'est engagé le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant la loi de janvier 2001, l'archéologie préventive, bien que représentant plus de 90 % de la recherche archéologique française, était dépourvue de tout cadre juridique et rassemblait tous les défauts d'une archéologie négociée. C'est pourquoi la nécessité d'une nouvelle législation, attendue d'ailleurs depuis des décennies, faisait l'unanimité.

Quels sont les apports de la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive ?

Elle a mis notre pays en conformité avec les objectifs politiques auxquels nous avons adhéré en ratifiant la convention de Malte du 16 janvier 1992.

Elle concilie travaux publics et préservation du patrimoine à travers un système transparent garanti par l'Etat.

Elle définit l'archéologie préventive comme une mission de service public, mission confirmée par la décision du Conseil constitutionnel du 16 janvier 2001, et que d'ailleurs personne ne conteste aujourd'hui, fort heureusement, puisque son article 1er reste intact.

Elle a remplacé l'Association pour les fouilles archéologiques nationales, l'AFAN, dont le statut et la gestion étaient totalement inadaptés, par un établissement public à caractère administratif pour les diagnostics et opérations de fouilles, l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, placé sous la double tutelle des ministres chargés de la culture et de la recherche.

Enfin, elle a mis en place une double redevance à caractère forfaitaire due par les aménageurs, selon le principe du « casseur-payeur ».

Or, c'est sur ce dernier point que s'est focalisée la fronde parlementaire d'une minorité active qui ne voit dans l'archéologie qu'une contrainte et qu'un coût, comme le prouvent certains de leurs propos, indignes de la représentation nationale. (M. le rapporteur s'exclame.)

Non, le sujet exige équilibre et mesure, afin que soient conciliés intérêts économiques et enjeu scientifique.

Et je dois reconnaître, par honnêteté intellectuelle, non seulement que le désintérêt ou la méconnaissance vis-à-vis de l'importance de la recherche archéologique de certains élus n'est ni de gauche ni de droite, mais aussi que le manque de dialogue et d'information des collectivités locales en général, et notamment sur le résultat des recherches, a pu en braquer quelques-uns contre l'INRAP et contre les archéologues eux-mêmes !

Au final, malheureusement, au lieu d'un ajustement du financement, on aboutit à une remise en cause radicale des principes mêmes de la loi de 2001 et à un profond bouleversement du secteur de l'archéologie préventive.

Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, est un remède pire que le mal.

Comme mes collègues, j'admets tout à fait que la solution retenue en 2001 pour le barème des redevances n'est pas bonne. Pour ma part, j'avais indiqué, lors de la première lecture du texte, que la navette parlementaire permettrait au Gouvernement d'affiner ses propositions et de trouver une solution satisfaisant toutes les parties.

Force est de reconnaître que, malgré les affinements, la redevance est apparue inadaptée notamment pour les petites communes en milieu rural.

En revanche, le mécanisme de double redevance « une pour le diagnostic, une pour les fouilles » est sain, parce qu'il permet à la fois une certaine mutualisation et une responsabilité des aménageurs susceptibles de porter atteinte au patrimoine archéologique.

Force est de reconnaître également que toutes les décisions prises, faute de laisser le temps à l'établissement public de s'installer, ont abouti à la situation de blocage de l'INRAP, à commencer par la suppression des 4,5 millions d'euros consacrés, en 2001, à l'archéologie préventive par le ministère de la culture. En novembre 2002, l'élargissement des exonérations à la quasi-totalité des lotisseurs a été décidé, soit une perte de 15 millions d'euros pour l'INRAP.

Et, pour finir, la réduction de 25 % de la redevance par la loi de finances pour 2003 a mis l'INRAP, oserai-je dire volontairement, au pied du mur, puisque je ne vois pas comment un organisme quel qu'il soit pourrait fonctionner avec 35 % de son budget en moins. On aurait voulu saborder l'établissement public, on n'aurait pas fait autrement !

Plus de six cents archéologues n'ont pas eu leur contrat à durée déterminée renouvelé, des opérations de fouilles ont été suspendues et d'autres n'ont même pas pu commencer. Dans ces conditions, on comprend aisément que les archéologues soient dans la rue. En revanche, on comprend moins, sauf à être hypocrite, le reproche fait à l'INRAP de ne pas tenir les délais et de ne pas être à même de remplir sa mission, puisque tous les moyens pour se faire lui ont été retirés.

Sans ces décisions budgétaires à l'emporte-pièce, le bilan sur l'exécution de la loi prévu à la fin de cette année aurait permis non seulement de mener une analyse et une réflexion appronfondies sur le financement, mais aussi de réaliser de nouveaux calculs et de nouvelles simulations sur des bases saines. Cependant, la situation financière de l'INRAP, largement dégradée de votre propre fait, vous oblige à agir dans la précipitation, à l'aveuglette, sans aucune étude sérieuse de rendement fiscal. Il n'est pas besoin d'être devin pour vous assurer que vous n'obtiendrez pas un résultat meilleur que le nôtre : non seulement votre système ne rétablit pas l'égalité entre zone rurale et zone urbaine, mais il n'assure même pas les moyens nécessaires à la recherche archéologique !

Il y a pire : introduire la notion de concurrence dans ce secteur et donner, en plus, la maîtrise d'ouvrage aux aménageurs ne peut entraîner, à terme, que la destruction de notre potentiel de recherche archéologique, actuellement placé au premier plan sur la scène internationale.

Si seul vous gênait le monopole de l'INRAP, plus théorique que réel, puisque les possibilités de coopération entre les organismes existent déjà, il suffisait de développer plus largement ces coopérations. La recherche archéologique a besoin de se nourrir de la complémentarité des spécialités. Mais, au lieu de favoriser l'émulation scientifique, vous introduisez la rivalité, l'opposition entre les organismes.

Vous rompez la chaîne opératoire de la recherche archéologique, comme si la fouille en elle-même n'était qu'une technique, ce qui est en totale contradiction avec la réalité de cette activité. On ne peut séparer la phase purement technique de la phase purement scientifique, puisqu'une fouille ne peut être réalisée qu'une fois et qu'il n'y a pas de rattrapage possible.

Aussi, le groupe socialiste cherchera à revenir aux principes et aux objectifs de la loi du 17 janvier 2001, afin de sauvegarder l'équilibre entre la préservation de notre patrimoine et l'aménagement territorial.

Nous apporterons également notre contribution à la définition d'un financement plus juste, contribution certes limitée, puisque nous n'avons pas les moyens de l'administration fiscale et que, si une solution à la fois simple et juste existait, elle aurait déjà été mise en oeuvre.

Nous approuverons, par ailleurs, certains des amendements proposés par M. le rapporteur qui semblent aller dans le sens de l'équilibre que nous défendons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Jack Ralite applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Picheral.

M. Jean-François Picheral. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd'hui à débattre du projet de loi modifiant la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

Quelques mois à peine après l'adoption de l'avancée majeure que constituait cette loi pour l'archéologie française, nous voilà ce soir déjà à son chevet. Certes innovante, cette réforme n'a pas encore pu permettre « l'envol » espéré.

Il faut dire que immédiatement après votre prise de fonctions, afin « d'aider » le malade, il vous est apparu opportun de lui prescrire un premier traitement : élargir le bénéfice des exonérations à tous les lotisseurs. Dans un même souci, nos collègues de la majorité parlementaire se sont empressés d'adopter l'amendement de M. Garrigue, en réduisant unilatéralement de 25 % la redevance payée par les aménageurs, ce qui diminuait de fait de 35 % le budget de l'INRAP, déjà déficitaire.

Avec des moyens ainsi réduits, l'intervention des équipes sur le terrain allait être d'autant plus retardée. Les réactions des professionnels furent unanimes contre ces dérisoires remèdes. Si, dans un premier temps, le corps de l'archéologie était fragile, sa montée de fièvre n'avait plus rien d'illusoire : six mois de grèves, l'enlisement progressif et le blocage des chantiers allaient fort légitimement motiver la prise en charge sérieuse du patient... (Sourires.)

Pourtant, plus que jamais, le malade continuait de réagir, se plaignant même de ne pas être entendu ni même écouté.

Absence de concertation, prise en compte sommaire et bâclée des conclusions du dernier et récent rapport de M. Alain Van der Malière, absence de cohérence avec les systèmes préexistants, le texte qui nous est proposé ne semble pas s'être embarrassé des différents avis émis par la quasi-unanimité des professionnels de l'archéologie !

Fruit de quatre années de travaux législatifs préparatoires et, à l'époque, d'une très large concertation, la loi du 17 janvier 2001 ne s'était pourtant pas contentée de légaliser une situation de fait ; bien plus, celle-ci a favorisé la mise en place d'une autre archéologie, plus exigeante, s'attachant plus à la recherche scientifique.

La finalité de cette loi était de faire de l'archéologie préventive une véritable activité de recherche : accroître la connaissance scientifique de notre passé et non pas simplement développer une activité commerciale, visant à libérer le terrain au plus vite et à moindre coût.

Désormais, les différentes séquences devaient rester une et indivisible, et relever d'une démarche intellectuelle unique, détachée de toute pression économique.

Certains points du dispositif souffrent, certes, de critiques, et il était opportun d'envisager rapidement des palliatifs. Mais ces difficultés structurelles, inhérentes à toute avancée législative, ne peuvent être résolues ni par les seules mesures qui ont été prises ces derniers mois ni même par l'adoption de ce projet de loi.

Ainsi, vous avancez fort pertinemment, monsieur le ministre, que le plafonnement de la redevance « fouilles » accordée à certains aménageurs, en 2001, a abouti à une surimposition des aménageurs ruraux au profit des promoteurs urbains.

Corriger les dysfonctionnements liés au calcul imparfait de la redevance, sans pour autant remettre en question les fondements scientifiques de l'archéologie, telle devait être votre ambition. Pourtant, sur ce point, ce projet de loi ne présente aucune solution satisfaisante à nos yeux. L'urbain restera exclu et l'inégalité demeurera, notamment à cause du seuil beaucoup trop élevé de 1 000 mètres carrés.

De plus, il est à craindre que le coût des fouilles, qui ne serait plus enserré dans des barèmes nationaux fixés objectivement, n'augmente de façon considérable, à l'occasion de négociations menées au coup par coup.

Vous avez également soulevé, à juste titre, l'éventualité d'associer des archéologues des collectivités territoriales et des bénévoles au profit de l'INRAP. Vous avez décidé de combattre le « centralisme » incarné par le « monopole » de l'INRAP. Là encore demeure un simple affichage politique décentralisateur, car la loi de 2001 prévoyait déjà d'associer les différents acteurs pour l'exécution de ses missions.

Dénoncer le prétendu monopole de l'INRAP ne revient-il pas immanquablement à insérer dans ce domaine d'activité les notions de rentabilité et de marché ? Or, l'expérience montre qu'il n'existe pas de réel « marché de l'archéologie préventive, capable de dégager des marges suffisantes de rentabilité ».

M. Eric Doligé. Qu'en font-ils ?

M. Jean-François Picheral. Casser ce prétendu monopole reviendra à créer une émulation néfaste au lieu d'améliorer une nécessaire coopération entre les différents acteurs. A l'étranger, les systèmes mis en place dans un cadre concurrentiel ont d'ailleurs tous échoué. J'en veux pour preuve le système britannique, plus ou moins privatisé depuis vingt-trois ans.

En faisant prévaloir les notions de rentabilité et de rapidité au détriment de la recherche scientifique et des diverses servitudes archéologiques, on prend le risque d'accroître l'opposition des différents acteurs, et, du même coup, de déséquilibrer encore un peu plus l'archéologie préventive, déjà fortement ébranlée.

Si réviser un dispositif technique insatisfaisant pouvait, selon nous, s'envisager, le retoucher sans concertation et dans l'urgence, sans même lui laisser un temps de rodage souvent indispensable en matière législative, n'est pas acceptable.

Les différents points que vous souleviez nous paraissent nécessiter plus des corrections et des réglages par le biais de circulaires ou de décrets qu'une énième réforme législative, comme aujourd'hui.

La loi du 17 janvier 2001 est un outil certes fragile, mais innovant et grandement utile, dont il fallait avant tout fournir le mode d'emploi aux différents acteurs de la chaîne.

La crise rencontrée par l'archéologie préventive au cours de sa première année d'existence légale ne pourra être surmontée par un nouveau système législatif dont l'efficacité et le chiffrage restent très approximatifs et dont la philosophie est contraire à la pratique de l'archéologie préventive en France.

Comment concilier recherche archéologique et évolution urbaine ? Un véritable débat de société, philosophique et culturel devrait être ouvert sur ces questions. Il est sûr que l'examen en urgence de ce texte n'en fournit pas l'occasion idéale.

En revanche, le rapport visé à l'article 14 de la loi de 2001, qui devait être remis au Parlement pour la fin de cette année, comme l'avait demandé le Sénat, aurait dû offrir un cadre apaisé et satisfaisant. Il n'en a même pas eu le temps. Je ne peux que le déplorer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai brièvement, tant a été riche ce débat, auquel j'ai pris beaucoup d'intérêt.

Je remercie une fois encore M. Legendre, rapporteur, de la qualité de son travail et de son rapport. Je remercie plus particulièrement ceux d'entre vous qui m'ont apporté leur soutien.

Je regrette qu'une nouvelle fois, sur un sujet d'intérêt national - nous sommes tous concernés par la solution d'une crise -, certains s'opposent systématiquement parce qu'ils font partie de l'opposition ! Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, je tiens à votre disposition les courriers que j'ai reçus d'élus de gauche qui me demandaient d'agir avec rapidité et d'intervenir dans ce dossier dont ils ont pu mesurer les conséquences, tout comme les élus de droite. Ce sujet n'oppose pas la droite à la gauche ou la gauche à la droite.

Vous le savez comme moi : la loi du 17 janvier 2001 a très rapidement produit un grand nombre de dysfonctionnements. Elle a été mal perçue par les collectivités territoriales, qu'elles soient dirigées par des majorités de droite ou de gauche.

M. René-Pierre Signé. Surtout par celles de droite !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. J'observe que, ni au Sénat ni à l'Assemblée nationale, vous n'avez pris part au vote de l'amendement tendant à réduire de 25 % le montant de la redevance, marquant ainsi le malaise que vous éprouviez face à cette situation.

Le projet de loi que je vous propose est un texte de « respiration », comme vous l'avez justement dit, monsieur le rapporteur.

M. René-Pierre Signé. D'asphyxie !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. De façon générale, il nous renvoie à la perception que nous avons du service public. S'agissant de ce dernier, il ne faut pas confondre les objectifs qu'il vise et les modalités de sa mise en oeuvre.

Pour ma part, comme je vous l'ai dit lors de mon propos liminaire, j'estime que les collectivités locales ont vocation à se manifester dans la mise en oeuvre du service public, au même titre que l'Etat, dans ce domaine comme dans d'autres...

M. Michel Moreigne. Elles n'ont pas les mêmes moyens !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. ... ce qui n'empêche pas d'ailleurs des opérateurs privés de prendre également part à la mise en oeuvre de missions de service public. Des procédures de délégation de service public existent.

J'observe d'ailleurs que, s'agissant de notre politique de protection et de restauration des monuments historiques, des opérateurs privés interviennent d'un bout à l'autre de la chaîne. Lorsque le musée du Louvre, ou tout autre musée, restaure ses tableaux - et il faut être conscient qu'une intervention sur un tableau présente un caractère irréversible, auquel on peut être particulièrement sensible quand il s'agit d'un chef-d'oeuvre de l'histoire de l'art - il ne fait pas seulement intervenir ses restaurateurs, mais également des spécialistes extérieurs qui travaillent de façon libérale.

Monsieur Dauge, je tiens à vous apporter une précision : aucun contrat à durée indéterminée n'a été interrompu. D'ailleurs, vous le savez. Pour des raisons de prudence évidentes, l'INRAP a en effet été invité à ne pas renouveler les contrats à durée déterminée au moment de leur expiration. En tout cas, la totalité de ces contrats à été conduite à son terme.

M. René-Pierre Signé. Cinq cents licenciements !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur Dauge, nous n'ouvrons pas une brèche. Hélas, la brèche a été ouverte par les dysfonctionnements de la loi du 17 janvier 2001 ! Il ne faut pas s'imaginer que l'on est en train de substituer une meilleure loi à une bonne loi. La loi du 17 janvier 2001, dans l'organisation des missions d'archéologie préventive qu'elle prévoit, est une mauvaise loi, je tiens à le souligner très nettement.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Absolument !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Nous sommes donc, aujourd'hui, appelés à améliorer ce dispositif.

S'agissant de l'INRAP, je tiens, comme vous tous, à rendre une nouvelle fois hommage à l'ensemble des agents qui travaillent au sein de cet institut et plus particulièrement aux archéologues. D'ailleurs, je leur marquerai très concrètement mon attention, ma sollicitude, et ma vigilance. Aujourd'hui, l'Etat, par l'intermédiaire du ministère de la culture, est confronté au déficit de l'INRAP. D'ores et déjà, nous devons mettre en place un financement de substitution d'un montant de 28 millions d'euros. C'est évidemment à partir des ressources budgétaires du ministère de la culture et, je l'espère, de celles du ministère de la recherche que nous redéploierons les moyens nécessaires à la résorption de ce déficit.

Aucun d'entre nous n'a le monopole de l'intelligence, s'agissant du respect de nos racines et de notre mémoire, aucun de la concertation. En tout cas, mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que la concertation avec l'ensemble des parties concernées par le développement de l'archéologie préventive a été menée par le directeur de mon cabinet et par le directeur de l'architecture et du patrimoine.

Naturellement, tout le monde n'est pas forcément d'accord sur les conclusions qui ont été tirées. Toutefois, la concertation ne sert à rien si, d'emblée, on pense qu'aucune issue n'est possible. Pour ma part, j'apprécie les concertations qui font avancer les choses.

M. René-Pierre Signé. Dans votre sens !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Par conséquent, si, dès le départ, une pétition de principe est posée, celle du refus de l'évolution du système, je ne vois pas l'utilité de perdre indéfiniment du temps à se rencontrer. Il nous faut avancer, car nous sommes, tous ensemble, chargés du sauvetage de l'archéologie préventive dans notre pays et, plus précisément du sauvetage de l'Institut national de recherches archéologiques préventives.

Tel est l'objet de ce projet de loi, sur lequel l'urgence a été déclarée, parce que je souhaite que le processus législatif puisse être conduit rapidement et efficacement, afin que soient redéfinies les règles du jeu permettant à chacun de se remettre au travail dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Question préalable

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. 1er

M. le président. Je suis saisi, par MM. Ralite et Renar, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 34, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive (n° 320, 2002-2003). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jack Ralite, auteur de la motion.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un remarquable ouvrage, La Capitale des signes, Karlheinz Stierle s'arrête un instant sur le roman d'Aragon, Le Paysan de Paris pour en retenir « Les Passages », où la ville « devient une école d'attention qui se tourne vers ce qui a toujours échappé au regard et qui y découvre la réalité et la surréalité les plus denses ».

« Passages », « passer », « passé », « passant », « passager », tout un alphabet de mots y sont « opératifs » pour assurer la transition entre le rêve et l'éveil historique ; ils sont passeurs du concret qui, dans sa banalité et son aspect quotidien, ouvre sur la découverte.

J'aime cette façon de dire et de penser, qui pour moi va comme un gant à l'archéologie, cette science des signes, des traces, des symptômes, des marques, des indices, des objets, qui donne résurrection à un monde englouti, à des lointains inexplorés, qui donne accès à ce qui n'a point apparemment d'accès, qui nous libère de nos ornières mentales. C'est un tremplin inusable, un vade-mecum que l'on feuillette inlassablement pour y découvrir ces éclats du passé, y compris très proches, qui nous permettent, avec Marc Bloch, de ne pas être « veuf » de notre passé et, avec Aragon, de nous « souvenir de l'avenir ».

Tout cela est un travail inouï, un combat qui a mis beaucoup de temps pour être reconnu par la société.

Dès 1825, Victor Hugo, qu'a déjà évoqué Ivan Renar, ne réclamait-il pas « une loi pour l'oeuvre collective de nos pères, une loi pour l'histoire, une loi pour l'irréparable que l'on détruit, une loi pour ce qu'une nation a de plus sacré après l'avenir, une loi pour le passé ».

Précisément, le 17 janvier 2001, mettant fin à des errements majeurs, à une longue « histoire-galère », une telle loi, la loi pour l'archéologie préventive était votée, faisant de cette discipline une mission de service public dont la responsabilité incombe à l'Etat.

On pouvait être satisfait, et les personnels de ces services qui prirent grande part à la conception des textes aussi. Le Conseil constitutionnel avalisait la loi, tout comme l'Union européenne. La convention de Malte que nous avions signée avait son répondant opératoire en France.

Puis, il y eut quelques problèmes pratiques - souvent une loi connaît ces aléas -, que les décrets d'application pouvaient corriger d'autant qu'ils n'étaient pas tous publiés.

Mais, à l'évidence, les rectificatifs réclamés n'étaient pas de détail, et, par deux fois, lors du vote du projet de budget pour 2003 et du vote sur l'appauvrissement de la loi SRU, des « cavaliers » sont apparus. L'un passa l'obstacle, et la contribution des aménageurs fut réduite de 25 %. L'autre ne le passa pas : il avait pour objectif d'instaurer dans ce domaine la mise en concurrence pilotée par la logique du marché.

Aujourd'hui, le Gouvernement va jusqu'au bout de son objectif, de son idéologie, devrais-je même dire. Il bouleverse dans son texte les grand équilibres et les principes fondamentaux de la loi du 17 janvier 2001 en transférant la maîtrise d'ouvrage des fouilles archéologiques actuellement assurée par l'Etat aux aménageurs, et en prévoyant la possibilité de la réalisation de ces opérations par des entreprises privées avec ses conséquences principales : le partage des objets et de la documentation de fouille entre différents propriétaires publics et privés, et la mise en concurrence commerciale des équipes d'archéologues publiques et privées. En recherche, on coopère, on échange, on partage ; c'est l'émulation. En commerce, on se concurrence, on cache, on éloigne l'autre : c'est le conflit.

Les collectivités locales elles-mêmes sont blessées par la nouvelle loi. Quand une collectivité locale aura la charge du diagnostic - des communes ont des services compétents en la matière -, elle ne touchera les trente-deux centimes d'euro par mètre carré qu'à partir de cinq mille mètres carrés. Vous permettrez au maire d'Aubervilliers que j'ai été jusqu'à peu de dire que l'archéologie urbaine, qui est la grande question actuelle, opère sous des terrains beaucoup plus petits. Les villes pourront donc avoir la responsabilité sans le sou. Et que dire des bourgs et des villages ? N'est-ce pas cela, la nouvelle décentralisation ?

Philosophiquement, juridiquement, pratiquement, le projet de loi du Gouvernement pousse au « tout-marché ». Comme on pouvait le lire dans Le Figaro le 29 mai, « l'archéologie perd son statut d'exception culturelle pour entrer dans la jungle du marché ».

Je ne veux pas examiner plus avant le texte, d'autant que mon collègue Ivan Renar vient de le faire excellemment et minutieusement. Même en se limitant aux points évoqués, on comprend que des centaines d'archéologues aient manifesté dans de nombreuses villes leur désaccord mêlé à leur volonté de voir gardée la loi historique de janvier 2001 en l'améliorant dans le sens de la responsabilité publique et de son outil, l'INRAP, auxquels doivent être associés les services existants dans certaines collectivités locales. C'est le seul moyen d'empêcher que ne se renouvellent un jour des scandales retentissants comme ceux du parvis de Notre-Dame de Paris ou de la Bourse de Marseille, dans les années 1965 à 1970.

Mais je ne peux traiter isolément l'archéologie préventive, car son traitement privatisant, même si la référence au service public en est d'autant plus présente, apparaît comme le fil rouge de la nouvelle politique culturelle du Gouvernement.

Nous le ressentons très directement comme sénateurs membres de la commission des affaires culturelles, qui, maintenant, sommes amenés à des réunions conjointes avec la commission des finances - c'est le cas pour le mécénat - et la commission des affaires écomomiques - c'est le cas pour l'économie numérique -, notre commission étant sollicité pour l'avis, ou pas consultée du tout -, c'est le cas pour la loi d'habilitation et de simplification du droit. D'une certaine manière, c'est la culture sous tutelle.

Ajouterai-je que le Sénat n'a pas eu le droit de discuter du séisme culturel qu'a provoqué Vivendi Universal ? S'il avait pu le faire, et nous l'avons proposé maintes fois, cela aurait pu contrarier la malheureuse évolution actuelle de la politique culturelle du Gouvernement, de plus en plus sensible à l'économie, comme on peut le constater dans ses projets concernant la culture et l'art.

C'est le texte sur le mécénat, abondant les intéressements aux entreprises pour qu'elles contribuent éventuellement au financement de démarches culturelles et artistisques, mais avec quelles conséquences sur les budgets publics ! On le verra à l'automne pour l'année 2004.

C'est la hausse du plafond en dessous duquel les collectivités locales ne sont pas obligées de faire un appel d'offres pour leurs projets ; les marchés iront encore plus aux promoteurs industriels, qui cumulent très souvent construction et conception, éliminant de ce fait nombre d'architectes et, avec eux, une diversité architecturale dans et pour la ville.

C'est la réforme des musées avec la disparition, via la réunion des musées nationaux, de la mutualisation des ressources, ce qui est grave pour les petits musées, avec aussi l'autonomisation des grands musées et leur financement de plus en plus lié aux recettes commerciales. Le Louvre doit augmenter ses ressources propres de 25 % de 2003 à 2005. L'Etat, dans ses interventions, tiendra compte de la fréquentation des musées. C'est l'audimat au musée !

C'est le projet de loi sur l'économie numérique, qui traite l'Internet avant tout comme un objet économique et marchand, avec les conséquences que cela aura pour les droits d'auteur, la propriété intellectuelle, etc.

C'est l'offensive du MEDEF contre les intermittents du spectacle pour minorer la durée d'ouverture des droits de douze à neuf mois mettant en cause le vivier du spectacle vivant.

C'est encore le projet d'étendre à de grands groupes de la distribution la possibilité de faire de la publicité à la télévision.

Il y a aussi une démarche du moindre engagement culturel public. Lors de la discussion du budget pour 2003, je l'avais dit : « Le budget est malmené, comme mis en examen. Et je pressens qu'est en train de s'ouvrir un vrai procès de la dépense culturelle, comme si, sans le dire, on lui reprochait d'exister. »

Chacun sait que, pour les théâtres comme pour les monuments historiques dépendant d'un financement d'Etat, il est actuellement envisagé d'en diminuer le nombre. Je connais l'argument tautologique qui nous est opposé, notamment à Bercy : il y a disette de crédits et il faut donc accepter de diminuer certains crédits pour préserver ce qui reste, de rogner des droits sociaux au nom de la préservation de ce qui demeure... pour un temps.

C'est un contresens qui s'exprime notamment au cinéma. Dans le journal Le Monde du 14 juin dernier, un article nous informe en effet que la Warner souhaite bénéficier du fonds de soutien, et on y lit : « Au CNC, où aucune position formelle n'a encore été prise, on précise que l'ouverture du compte de soutien aux majors se traduirait par des risques limités. » Je pense en ce moment à la remarque de René Char : « Méfie-toi de ceux qui se déclarent satisfaits, parce qu'ils pactisent. »

Soyons clair, je ne dis pas que, dans tous les secteurs évoqués, il n'y a pas des évolutions à opérer et que le ministère n'a pas oeuvré heureusement ici ou là, mais c'est un ruisseau de responsabilité publique dans un fleuve de libéralisation.

Comme vous le voyez, je fais, si j'ose dire, de l'archéologie préventive de l'orientation culturelle gouvernementale, orientation que personne n'a jamais annoncée comme telle.

Et le constat est d'autant plus grave que, dans l'oeil de ce mouvement tournant tendant à substituer à un pseudo tout-Etat un réel tout-affaires, il y a l'exception culturelle dont il est fait légitimement grand cas, notamment par vous, monsieur le ministre, sur le plan international, mais, on vient de le voir, dont il est fait tout petit cas, à l'intérieur au point de miner les efforts à l'extérieur, et de nous faire penser au canard qui court un temps après avoir été décapité.

Ajoutons qu'à Bruxelles la Convention pour l'avenir de l'Europe, présidée par M. Giscard d'Estaing, n'a pas suivi ce que nous avions construit en matière de culture sur quinze ans, avec la directive Télévision sans frontières, le prix unique du livre, l'exception culturelle arrachée au moment du GATT puis le rejet de l'AMI, l'accord multilatéral sur les investissements, l'échec de l'OMC à Seattle et le mandat européen sur la diversité culturelle dans le commerce international, garantie par la règle de l'unanimité. La convention a choisi de substituer à l'unanimité la majorité qualifiée, ce qui est totalement inacceptable, parce que cela livre l'imaginaire aux grandes affaires. (M. Emmanuel Hamel applaudit.)

Notons au passage que le Sénat a été absent de cette étape décisive du combat, qui, heureusement, n'est pas terminé et dans lequel ont déjà pris position les cinéastes.

Je propose que notre assemblée débatte de la question culturelle, de l'Europe et de l'OMC en séance publique dans un délai extrêmement bref.

La conférence internationale de Paris, qui s'est tenue au Louvre sur l'initiative du Comité de vigilance, le 3 février, tout comme l'université des mondialisations, organisée les 4, 5 et 6 juin à La Villette par le groupe d'études et de recherches sur les mondialisations, ont milité pour que l'impitoyable OMC ne l'emporte pas et ont refusé l'impuissance démissionnaire.

J'y ai moi-même agi, habité par l'idée de la nécessité d'une responsabilité publique en matière de culture et d'art, cette notion neuve et capitale mise en avant par les états généraux de la culture dès 1987, valable comme loi pour le secteur public et comme obligation d'intérêt général pour le secteur privé.

Je souhaite clore cet exposé de nécessaire élucidation et d'affranchissement de la clarté en remerciant les archéologues et leurs organisations syndicales d'avoir tant fait par leurs actions résolues, leur pensée ouverte, leur esprit de contenu et leur imagination créatrice. Et ils ne sont pas seuls. Rappelez-vous cette grande émission télévisée sur France 3, L'Odyssée de l'espèce, réalisée par Jacques Malaterre, avec la coopération scientifique d'Yves Coppens, émission qui a créé un partenariat passionné à la dimension du pays et dont le Président de la République a tenu lui-même à féliciter les auteurs. Nous avons eu en la circonstance un éloge populaire de l'archéologie préventive.

Je me souviens aussi d'une lecture émerveillée de l'ouvrage fondamental d'André Leroi-Gourhan, Le Geste et la Parole, qui a tant et si hautement à voir avec l'archéologie.

Je crois qu'il ne manque pas de bonnes paroles au ministère de la culture et alentours. Puisse-t-il y avoir des gestes significatifs pour récuser la religion de l'économie. Les codes de bonne conduite ne sont pas la solution, comme on le voit avec ce qui se passe dans l'édition.

Il faut remplacer la religion de l'économie par une démarche à la Octavio Paz : « Les poètes, les romanciers, les penseurs » - j'ajouterai les archéologues - « ne sont pas des prophètes. Ils ne connaissent pas le visage de l'avenir. Mais beaucoup d'entre eux sont descendus au fond de l'âme des hommes. C'est là, tout au fond, que repose le secret de la résurrection. Il faut le désenfouir. »

Un travail d'archéologue, non ?

Un travail aussi pour les artistes, ces archéologues de l'intime.

Un travail encore de citoyens, considérés dans leur dignité, ces archéologues de la vie sociale vraie que veut cacher l'espéranto de M. Raffarin.

Je suis certain que, d'ici à Noël, les états généraux de la culture sauront contribuer à réunir tous ces acteurs experts, et experts du quotidien, pour un rassemblement de réflexion et d'action sur la vie culturelle d'aujourd'hui, la vie de l'autre, la vie des autres qu'on ignore si fort, un peu comme celle d'Augustine dans la grotte d'Arcy-sur-Cure,...

M. Henri de Raincourt. C'est dans l'Yonne !

M. Jack Ralite. ... si chère à André Leroi-Gourhan, à qui je cède, pour conclure, la parole à propos de l'archéologie, « ce besoin si puissant de plonger vers les racines ».

« Les richesses archéologiques, écrivait-il, éveillent presque en chaque homme le sentiment d'un retour et il en est peu qui, à la première occasion, résistent à la tentation d'étriper la terre comme un enfant désarticule un jouet. » « L'analyse des sources - ce qui est doublement enfoui dans la terre et dans le passé - est peut-être plus lucide et certainement plus pleine si on cherche non pas seulement à voir d'où vient l'homme, mais aussi où il est, et où il va peut-être. »

Un dernier mot : les archéologues sont des libérateurs de mémoire, mémoire qu'ils placent dans la société, d'où la grande qualité d'avenir de leur mouvement, que je vous demande d'écouter éperdument, comme les témoignages des plus hautes autorités de la spécialité du CNRA et du CCRA, en ne foulant pas aujourd'hui la loi historique, parce que fondamentale, de janvier 2001. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - M. Emmanuel Hamel applaudit également.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Hélène Luc. Tout le monde va voter la motion !

M. Jacques Legendre, rapporteur. La tête me tourne un peu à l'évocation de tant de noms illustres : Louis Aragon, René Char, Victor Hugo, qui siégeait sur ces bancs, Leroi-Gourhan...

A mon tour, je me référerai à Henri-Paul Eydoux, dont le livre, jadis, m'a jeté sur la route du site de Fontaines-Salées...

M. Henri de Raincourt. C'est aussi dans l'Yonne !

M. Jacques Legendre, rapporteur. Je pense aussi à l'homme que, sans doute, j'admire le plus en littérature : André Malraux. Comme ministre de la culture, il fit tout son possible pour préserver et mettre en valeur le patrimoine de notre pays, mais il fut aussi ce colonel Berger des maquis de Corrèze et de Dordogne qui trouva refuge dans les grottes - il le rapporte lui-même - de Lascaux.

Je ne me crois cependant pas autorisé à appeler André Malraux à la rescousse du projet de loi que nous examinons...

M. Ivan Renar. C'est déjà fait !

M. Jacques Legendre, rapporteur. ...et je veux revenir à la réalité de ce que, au-delà des grands noms et de toutes ces évocations qui parlent à nos coeurs, vous nous proposez, monsieur Ralite.

Vous estimez qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération, ce qui signifie que la loi du 17 janvier 2001 devrait continuer à s'appliquer sans modification. Or, nous savons que celle-ci a engendré dès la première année de son application, et avant les mesures adoptées par l'Assemblée nationale, de très importantes difficultés. En particulier, le monopole qui a été constitué n'est plus en état de répondre à la tâche qui lui a été confiée. Dès lors, nous savons que des fouilles ne seront pas faites, nous savons que des collectivités, comme des organismes privés, ne seront pas en mesure - en tout cas pas dans les délais - de réaliser les aménagements dont elles sont chargées. Le mécontentement va donc grossir, et, injustement, il remettra en cause la notion d'archéologie elle-même.

Dans une telle situation, la commission, quand elle a été saisie de cette motion tendant à opposer la question préalable, a estimé qu'il fallait, au contraire, poursuivre le débat. La situation exige un débat urgent pour des solutions urgentes.

Vous avez vous-même relevé, mon cher collègue, un certain nombre de problèmes qu'il y a lieu de traiter. Je pense par exemple à la propriété du mobilier archéologique. Si la motion est repoussée, notre assemblée pourra débattre des amendements examinés par la commission sur ce point.

Il est donc bien nécessaire d'avoir un débat, un débat de qualité qui aille au fond des choses : si nous voulons rester fidèles à l'esprit des grands hommes qui ont été cités, le Sénat doit remplir tout son rôle ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement ayant présenté ce projet de loi, vous conviendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il ne pourrait pas sans absurdité se ranger à la proposition de M. le sénateur de la Seine-Saint-Denis.

J'ai écouté M. Jack Ralite avec beaucoup d'attention et, comme toujours, avec beaucoup d'émotion. Je ne suis cependant pas d'accord avec son analyse, j'ai le regret de le lui dire.

Nous ne sommes pas ici dans le domaine de l'idéologie, mais de la survie : survie de l'archéologie préventive dans notre pays et survie d'un établissement public. J'ai la charge de ce dernier et je compte bien, avec vous, le sauver.

S'égarer dans des considérations philosophiques ou idéologiques de politique générale serait, croyez-moi, rendre un mauvais service à tous.

Je récuse, monsieur le sénateur, le mot de « privatisation ». Si un dispositif où l'Etat et l'un de ses établissements occupent une position aussi éminente et encadrent les opérations à chaque étape de leur exécution évoque une privatisation, c'est que je ne comprends rien ni à la privatisation ni au libéralisme effréné !

L'Etat, dans ce dispositif, assume ses missions, sans abandonner aucune de ses responsabilités régaliennes. Simplement, il organise de façon différente la mise en oeuvre de projets d'intérêt général en les répartissant selon un autre mode entre lui-même, son établissement, l'INRAP, et les collectivités locales ou tout autre opérateur qui aura été agréé. Ce qui se passe dans d'autres domaines de la politique du patrimoine peut très bien être mis en oeuvre dans le domaine de l'archéologie préventive.

Monsieur le sénateur, vous avez beaucoup parlé de l'exception culturelle. Tout d'abord, je vous ferai remarquer que, s'il n'y avait pas d'exception culturelle, nous ne serions pas ici, dans cet hémicycle, pour discuter de l'archéologie préventive, laquelle serait livrée au jeu du marché et aux aléas de la responsabilité, spontanée ou non, des uns et des autres.

Dans son principe, l'exception culturelle signifie, comme le Président de la République n'a eu de cesse de le rappeler, que les biens culturels ne sont pas des marchandises ordinaires. C'est vrai, et je suis attaché à ce principe. Néanmoins, dire que les biens culturels ne sont pas des marchandises ordinaires, c'est reconnaître que, souvent, ce sont des marchandises.

Lorsque nos musées acquièrent des objets pour leurs collections, ils interviennent sur le marché de l'art. Lorsqu'un éditeur prend la responsabilité d'éditer un ouvrage, il engage un acte économique. De même, les actions d'archéologie préventive exposent les opérateurs et les aménageurs à des coûts.

L'économie est présente à chaque étape de l'action culturelle. Vouloir méconnaître cette réalité, c'est s'exposer à faire la bête à force de vouloir faire l'ange !

Je crois que nous devons aujourd'hui admettre, de façon responsable, que la mise en oeuvre d'un projet de politique culturelle ne saurait méconnaître la dimension économique de nos engagements ou de l'engagement de tous les opérateurs qui interviennent dans la chaîne de production des biens culturels.

Vous avez évoqué nos relations avec les Etats-Unis d'Amérique. A voir la compétition qui, incontestablement, s'est instaurée entre le cinéma européen, notamment français, et le cinéma américain, comment méconnaître la dimension économique du problème ? Mettre des oeillères et continuer à ignorer cette dimension, c'est s'exposer à de graves déconvenues.

Je me refuse donc à parler de privatisation. J'assume, dans ce projet de loi, ma responsabilité. Je ne galvaude pas le service public. Bien au contraire, j'ai le sentiment aujourd'hui, avec vous, de le sauver. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 34, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

16

MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, je vous signale que mon collègue du groupe de l'Union centriste M. Jean-Léonce Dupont souhaiterait corriger son vote pour les scrutins n°s 166 et 170 relatifs aux propositions de loi organique et ordinaire portant réforme de l'élection des sénateurs et intervenus jeudi dernier 12 juin. En effet, mon collègue a été comptabilisé par erreur comme ayant voté pour ces propositions de loi. En réalité, il n'a pas pris part au vote.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue.

17

ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. additionnels après l'art. 1er

Article 1er

M. le président. « Art 1er. - Le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive est remplacé par les dispositions suivantes :

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels l'Etat prescrit les mesures mentionnées au premier alinéa et définit les modalités d'une consultation préalable de la personne projetant d'exécuter les travaux.

« Les prescriptions de l'Etat peuvent s'appliquer à des opérations non soumises à la redevance prévue à l'article 9. »

L'amendement n° 1, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 :

« Les prescriptions de l'Etat concernant les diagnostics et les opérations de fouilles d'archéologie préventive sont motivées. Elles sont délivrées dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. »

Le sous-amendement n° 40, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 1 par les mots suivants : "et font l'objet d'une consultation préalable de la personne projetant d'exécuter les travaux". »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.

M. Jacques Legendre, rapporteur de la commission des affaires culturelles. L'article 1er a notamment pour objet d'introduire une procédure de consultation de l'aménageur préalablement à l'édiction des prescriptions archéologiques par l'autorité administrative. Il s'agit clairement de faire en sorte que la procédure archéologique soit marquée par cette nécessité du dialogue.

L'objectif visé par cette disposition est d'atténuer le caractère unilatéral des décisions prises par le préfet de région, caractère qui, je l'ai souligné dans mon intervention générale, a été dénoncé par les aménageurs. Il s'agit évidemment là d'une intention louable.

Cependant, les critiques portent aujourd'hui moins sur le pouvoir de prescription que sur le fait que l'édiction de la prescription déclenche la perception de l'impôt de manière automatique, ne laissant d'autre choix à l'aménageur que de s'en acquitter.

Le dispositif proposé par le Gouvernement dissocie la perception de la redevance des prescriptions archéologiques. L'un des principaux motifs du mécontentement des aménageurs disparaît. Par ailleurs, la procédure de consultation - on ne voit guère quelle sera son issue en cas de désaccord de l'aménageur sur les propositions de l'administration - risque de se traduire par un allongement inutile des procédures et entretient l'idée que les prescriptions archéologiques sont négociables.

Au regard de ces observations, plutôt que d'introduire une procédure susceptible de rallonger les délais, il semble opportun de prévoir dans la loi que les prescriptions de l'Etat imposant aux aménageurs la réalisation de diagnostic ou de fouilles sont motivées.

Voilà ce qui vous est proposé. La motivation des prescriptions présente plusieurs avantages. D'une part, elle oblige l'administration à examiner attentivement le bien-fondé de ses décisions, notamment en fonction de l'objectif de conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. D'autre part, elle garantit la transparence de son action à l'égard des administrés.

Le texte que je propose n'exclut évidemment pas que les services de l'Etat consultent les aménageurs, mais encadrer cette consultation dans la loi et les décrets me semble être une source de contraintes excessives au regard de l'objectif visé.

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter le sous-amendement n° 40.

M. Yves Dauge. Nous souscrivons à l'idée selon laquelle les prescriptions doivent être motivées. Cependant, nous considérons qu'il aurait été préférable de garder l'article tel que le Gouvernement l'a proposé, en maintenant la consultation préalable de la personne projetant d'exécuter les travaux. J'ai compris que l'on cherche à réduire les délais, mais cette consultation préalable reste utile.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. En l'occurrence, nous nous plaçons du point de vue de l'aménageur. Il a deux préoccupations. D'une part, il veut être sûr que ce qu'on lui demande est justifié, d'où l'exigence de la motivation que nous introduisons par l'amendement n° 1. D'autre part, il veut ne pas perdre trop de temps. Or, ce que je redoute, c'est que cette formulation n'entraîne un allongement des délais.

Voilà pourquoi, tout en partageant l'intérêt de ne pas soumettre les aménageurs à un pouvoir arbitraire dans des situations autoritaires, je souhaite que M. Dauge comprenne que nous ne refusons pas le dialogue, mais qu'il nous paraît souhaitable de ne pas entrer dans une procédure de débats sur la prescription même de diagnostics, puisqu'il s'agit bien de cela.

Aussi, nous émettons un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. S'agissant de l'amendement n° 1, j'émets un avis favorable. En ce qui concerne le sous-amendement n° 40, je me range à l'avis de M. le rapporteur. Le fait d'établir une zone de concertation partait effectivement d'un très bon sentiment, mais M. le rapporteur nous a très justement indiqué que les prescriptions elles-mêmes ne devaient pas donner lieu à de trop longues délibérations, en raison de l'urgence des chantiers.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 40.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par cet article pour remplacer le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les prescriptions imposent la conservation de tout ou partie d'un terrain, le ministre chargé de la culture notifie au propriétaire une proposition de classement dans les conditions prévues par la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir dans la loi les conditions dans lesquelles l'Etat peut prescrire la conservation de tout ou partie d'un terrain lorsque l'intérêt des vestiges le justifie. Cette hypothèse, qui n'est pas expressément mentionnée par la loi du 17 janvier 2001, est prévue par le décret d'application du 16 janvier 2002, qui ne précise pas les droits à indemnisation dont disposent dans ce cas les propriétaires du terrain. Afin de dissiper toute ambiguïté, il conviendrait de compléter l'article 2 de la loi du 17 janvier 2001 afin de prévoir que, dans ce cas, l'autorité administrative doit procéder au classement du terrain qui renferme les vestiges selon la procédure prévue par la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques qui ouvre droit à indemnisation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable.

M. René-Pierre Signé. Ils ont de la chance !

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.

M. Yves Dauge. Il s'agit d'une excellente mesure. Aussi, nous la voterons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Articles additionnels après l'article 1er

Art. 1er
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. 2

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa de l'article 3 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre de l'établissement de la carte archéologique, l'Etat peut définir des zones où les projets d'aménagement affectant le sous-sol sont présumés faire l'objet de prescriptions archéologiques préalablement à leur réalisation. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Quand un travail est envisagé sur un terrain donné, il nous paraît important que la règle du jeu soit connue et établie avant. On retrouve là l'importance de la réalisation de la carte archéologique.

Il faut renforcer le caractère prévisible des prescriptions archéologiques dans un souci de transparence. Afin de répondre à cette préoccupation, cet amendement vise à inciter les services de l'Etat à déterminer, dans le cadre de la carte archéologique, des zones où il y a en quelque sorte présomption de prescriptions archéologiques.

La disposition proposée, je le souligne, n'a pas vocation à rendre les diagnostics ou les fouilles systématiques, mais constitue un dispositif d'alerte pour les aménageurs. Dans ces zones, les aménageurs sauront à quoi ils s'exposent. Cette disposition a par ailleurs vocation à assurer une certaine homogénéisation de la politique archéologique à l'échelon national. La délimitation de ces zones exigera que soient définis les critères généraux qui rendent nécessaire l'édiction de prescriptions archéologiques.

Ce dispositif ne doit pas avoir pour conséquence de faire oublier au ministère de la culture la nécessité de poursuivre l'élaboration de la carte archéologique, qui aujourd'hui est encore très incomplète, très loin d'être achevée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.

M. Yves Dauge. Nous adhérons à ce dispositif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

L'amendement n° 4, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article 3 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 précitée, il est inséré un article 3-1 ainsi rédigé :

« Art. 3-1. - Les services archéologiques des collectivités territoriales sont organisés et financés par celles-ci.

« Ces services sont soumis au contrôle scientifique et technique de l'Etat.

« Leurs activités scientifiques sont assurées sous la responsabilité de professionnels présentant des qualifications définies par décret en Conseil d'Etat.

« Ces services réalisent des opérations de diagnostics et de fouilles d'archéologie préventive selon les modalités prévues aux articles 4-2, 4-3, 4-5 et 5.

« L'Etat peut transférer par convention aux collectivités territoriales dont ces services relèvent les compétences qu'il exerce sur leur territoire pour l'élaboration de la carte archéologique. Ces conventions définissent les modalités de la compensation financière des charges transférées ainsi qu'éventuellement les conditions de mise à disposition des personnels de l'Etat pour la durée de la convention. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le cadre législatif applicable aux services archéologiques des collectiviés territoriales. Le dispositif proposé prévoit que les collectivités peuvent se doter de services archéologiques. C'est non pas une obligation mais une faculté. Il s'agit donc d'une compétence facultative, ce qui n'est pas différent de ce que prévoyait la loi de 2001 ni de ce qui est proposé dans le projet de loi.

Toutefois, le mécanisme d'encadrement de ces services est allégé. La rédaction retenue substitue à la procédure d'agrément le contrôle scientifique et technique de l'Etat. Cette rédaction s'inscrit dans la logique qui préside aux dispositions du code général des collectivités territoriales et des lois de décentralisation relatives aux compétences culturelles des collectivités territoriales qui, à l'exception de certains secteurs pour lesquels la loi prévoit des compétences obligatoires, disposent que les collectivités sont libres de déterminer l'organisation et le fonctionnement de leurs services culturels sous réserve du contrôle technique de l'Etat.

Le dispositif précise que leurs activités scientifiques seront assurées sous la responsabilité de professionnels présentant des qualifications définies par décret en Conseil d'Etat. Ces activités seront principalement exercées par des agents des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale - conservateurs du patrimoine et attachés de conservation, pour être précis - dont le recrutement par concours et la formation garantissent les compétences.

Je souligne que l'essor de services territoriaux est conditionné par un accroissement du nombre de postes offerts aux concours pour les postes de conservateur du patrimoine. Je me permets d'attirer votre attention sur ce point important, monsieur le ministre. En effet, actuellement, ce nombre est insuffisant pour faire face aux besoins de recrutement des collectivités territoriales. Cet essort est conditionné également par la création de cadres d'emplois de catégorie B et C permettant le recrutement des personnels nécessaires à leur bon fonctionnement.

Enfin, le dispositif proposé ouvre la possibilité pour l'Etat de confier aux collectivités territoriales, en l'occurrence à leurs services archéologiques, l'élaboration de la carte archéologique par voie de convention.

La carte archéologique, qui est d'abord une compétence de l'Etat, doit être élaborée dans des délais plus rapides. Le Sénat vient d'adopter un amendement sur ce point. Il serait bon que, par une convention précise passée avec l'Etat, les services des collectivités territoriales puissent également être habilités à dresser la carte archéologique. En effet, dans la mesure où les collectivités territoriales peuvent s'arroger une compétence en matière de réalisation de diagnostics archéologiques et, éventuellement, de fouilles, elles disposeront à la fois des moyens et des informations leur permettant de contribuer à l'établissement de la carte archéologique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture. Il s'agit là d'une question importante. L'agrément répond avant tout à une nécessité de sécurité juridique. Alors même que le texte invite les collectivités locales à créer des services archéologiques afin d'assurer l'ensemble des diagnostics pendant une longue période, l'agrément représente, dans cette démarche qui engage la gestion de la collectivité pour plusieurs années, l'assurance que ce service pourra assurer effectivement, dans de bonnes conditions, les opérations archéologiques pour lesquelles il aura été créé.

L'agrément répond également à un souci, absolument impératif dans ce nouveau contexte, d'égalité des conditions de mise en concurrence des services archéologiques publics ou privés, et ce pour la réalisation du même type de travaux, c'est-à-dire pour des opérations de fouille.

L'exigence d'un agrément pour chacun des candidats constitue la reconnaissance incontestable de leur qualification technique et scientifique.

Enfin, je tiens à souligner que le principe d'un agrément de ces services par l'Etat existe déjà. Les conditions de sa délivrance ont d'ailleurs été précisées par un décret du 18 janvier 2002, décret qui s'est appliqué sans difficulté et qui a conduit à la délivrance d'une vingtaine d'agréments.

Concernant l'élaboration de la carte archéologique, si je suis bien sûr favorable à un approfondissement de la collaboration entre l'Etat et les collectivités territoriales, cela ne me semble néanmoins pas nécessiter une telle disposition législative.

En conséquence, monsieur le rapporteur, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 4 et, par la suite, les amendements de coordination n°s 9, 10, 11, 14 et 16.

M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Monsieur le ministre, je veux dire, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, que la commission partage tout à fait votre souci de ne pas brader les agréments et de faire en sorte que les agréments, que ce soit pour les collectivités territoriales ou pour les sociétés privées, soient de véritables agréments pouvant d'ailleurs, le cas échéant, être retirés.

Nous avons donc pensé utile de présenter cet amendement soulignant la nécessité de faire avancer la question de la carte archéologique et rappelant l'existence d'une procédure qui devrait, nous semble-t-il, déjà vous donner toute garantie.

Je ne suis pas habilité par la commission à retirer cet amendement. Je tiens néanmoins à dire, pour que les choses soient claires, monsieur le ministre, que nous partageons votre souci, et je note par conséquent votre souhait de ne pas revenir sur le texte déposé par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Je confirme simplement les propos de M. le rapporteur. Pour le groupe socialiste, cet amendement traduit l'intelligence de la participation locale à l'élaboration de la carte archéologique ; la notion de convention, où il faut être deux pour signer, nous semble un premier pas vers la transparence et l'équité des rapports entre l'Etat et les collectivités.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

Art. additionnels après l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. 3

Article 2

M. le président. « Art. 2. - I. - Les premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 4 de la même loi sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Sous réserve des cas prévus à l'article 4-2, les diagnostics d'archéologie préventive sont confiés à un établissement public national à caractère administratif qui les exécute conformément aux décisions délivrées et aux prescriptions imposées par l'État et sous la surveillance de ses représentants, en application des dispositions de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques, de la loi n° 89-874 du 1er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes et de la présente loi. Pour l'exécution de sa mission, l'établissement public associe les services archéologiques des collectivités territoriales et des autres personnes morales de droit public ; il peut faire appel, par voie de convention, à d'autres personnes morales françaises ou étrangères, dotées de services de recherche archéologique.

« L'établissement public assure, dans les mêmes conditions, l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie préventive et la diffusion de leurs résultats, notamment dans le cadre de conventions de coopération conclues avec les établissements publics de recherche ou d'enseignement supérieur. Il concourt à l'enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l'archéologie.

« Les conditions de l'exploitation scientifique des résultats des opérations d'archéologie préventive sont définies par décret en Conseil d'etat.

« II. - Il est créé, après l'article 4 de la même loi, un article 4-1.

« Les quatrième, cinquième, sixième et septième alinéas de l'article 4 de la même loi deviennent respectivement les premier, deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 4-1.

« III. - Il est créé, après l'article 4-1 de la même loi, un article 4-2 ainsi rédigé :

« Art. 4-2. - Les services archéologiques, agréés par l'État, qui dépendent d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales établissent, sur décision de l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement, dans les mêmes conditions que l'établissement public, les diagnostics d'archéologie préventive concernant :

« 1° Soit une opération d'aménagement ou de travaux réalisée sur le territoire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales ;

« 2° Soit, pendant une durée minimale de trois ans, l'ensemble des opérations d'aménagement ou de travaux réalisées sur le territoire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales.

« Lorsque son organe délibérant en a ainsi décidé, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, doté d'un service archéologique agréé, est compétent pour se livrer aux opérations mentionnées au présent article sur son territoire alors même que ce dernier serait inclus dans le ressort d'une autre collectivité territoriale également dotée d'un service archéologique agréé. »

« IV. - Il est créé, après l'article 4-2 de la même loi, un article 4-3 ainsi rédigé :

« Art. 4-3. - La réalisation, par un service archéologique territorial agréé, d'un diagnostic prescrit à l'occasion de travaux effectués sur le territoire et pour le compte d'une autre collectivité, d'un autre groupement ou de l'Etat est soumis à l'accord de cette collectivité, de ce groupement ou de l'Etat. »

« V. - Il est créé, après l'article 4-3 de la même loi, un article 4-4 ainsi rédigé :

« Art. 4-4. - Les collectivités territoriales peuvent recruter pour les besoins de leurs services archéologiques, en qualité d'agents non titulaires, les agents de l'établissement public mentionné à l'article 4 qui bénéficient d'un contrat à durée indéterminée. Les agents ainsi recrutés conservent, sur leur demande, le bénéfice des stipulations de leur contrat antérieur relatives à sa durée indéterminée, à la rémunération qu'ils percevaient et à leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance. Ils conservent, en outre, le bénéfice des stipulations de leur contrat antérieur qui ne dérogent pas aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale. »

« VI. - Il est créé, après l'article 4-4 de la même loi, un article 4-5 ainsi rédigé :

« Art. 4-5. - Une convention, conclue entre la personne projetant d'exécuter des travaux et l'établissement public ou la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales dont dépend le service archéologique territorial chargé d'établir le diagnostic d'archéologie préventive, définit les délais de réalisation des diagnostics et les conditions d'accès aux terrains et de fourniture des matériels, équipements et moyens nécessaires à la réalisation des diagnostics. Les délais courent à compter de la mise à disposition des terrains dans des conditions permettant de se livrer aux opérations archéologiques. La convention détermine les conséquences pour les parties du dépassement des délais.

« Faute d'un accord entre les parties sur les délais de réalisation des diagnostics, ils sont fixés, à la demande de la partie la plus diligente, par l'Etat.

« Lorsque, du fait de l'opérateur, le diagnostic n'est pas achevé dans le délai fixé par la convention, la prescription de diagnostic est réputée caduque à l'expiration d'un délai fixé par voie réglementaire. Dans ce cas, les dispositions du titre III de la loi du 27 septembre 1941 précitée sont applicables aux découvertes faites sur le terrain d'assiette de l'opération.

« Les conclusions du diagnostic sont transmises au propriétaire du terrain. »

La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne devons en aucun cas perdre de vue le fait que l'archéologie préventive est l'une des deux sources de la conscience collective ou, plus simplement, du sentiment de nos concitoyens qu'« ils sont de quelque part ».

Ainsi, l'archéologie préventive, activité d'intérêt national consacrée par la loi du 17 janvier 2001, qui nécessite de ce fait un encadrement strict des services de l'Etat, doit être étroitement liée aux activités des services d'archéologie territoriale.

En un mot, il s'agit d'une proximité constante du terrain, dont la connaissance permettra le développement d'un traitement scientifique de préservation. C'est d'ailleurs le sens de l'un de nos amendements.

La pratique des services territoriaux qui sont constitués depuis vingt-cinq ans, tels ceux de Lyon, de Douai, du Val-de-Marne, ou autres, ont montré que les sources réelles d'économie financière passent impérativement par la proximité des archéologues des terrains que la collectivité a la charge d'aménager.

La présence des structures d'archéologie territoriale constitue une trame efficace pour garantir le respect du patrimoine archéologique au regard de l'aménagement.

Encadré et organisé sous le contrôle de l'Etat, le service territorial est particulièrement apte à structurer une carte archéologique suffisamment précise comportant une évaluation satisfaisante des potentialités archéologiques.

Armé de ce document scientifique, les services d'urbanisme et d'aménagement des collectivités pourront alors structurer et consolider les plans locaux d'urbanisme et les zones d'aménagement concerté, les ZAC, par le biais desquels les aménageurs publics ou privés prendront leur responsabilité. Ces derniers, disposant d'un fonctionnaire archéologue de proximité, pourront alors élaborer des projets avec leur conseil : l'archéologie ne leur paraîtra plus une menace.

L'INRAP, qui sera appelé à fouiller les terrains concernés, n'ayant plus à effectuer de diagnostics sans base ni évaluation préliminaire, sera mieux à même de traiter les terrains.

La collectivité, qui sera à l'origine de la sauvegarde de son patrimoine, pourra diffuser auprès de la population, toujours par le biais de son service d'archéologie territoriale, l'image de son patrimoine, dont Ivan Renar rappelait l'effet mobilisateur.

Pour autant, il est impératif que les collectivités territoriales soient aidées et réellement incluses à ce niveau de la loi.

Pour conclure, je voudrais insister sur le devenir des objets collectés qui se trouvent dans des réserves obsolètes et insuffisantes, comme le souligne un rapport du ministère de la culture.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il ne suffit pas de fouiller ni d'exhumer des témoins archéologiques, encore faut-il en assurer la pérennité, c'est-à-dire en assurer la conservation et la communication aux scientifiques et au public dans des conditions acceptables.

Or, le risque existe que des structures de droit privé ne puissent assumer le maintien, dans le temps, de la cohésion des données issues des sites qu'elles auront à fouiller, ce qui explique la nécessité d'inclure dans ce texte un contrôle extrêmement strict par les services de l'Etat.

M. le président. Sur cet article, je suis saisi de vingt-trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.

L'amendement n° 41, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Cet article 2 constitue le coeur de notre différend. Par cet amendement, nous souhaitons supprimer cet article, qui a pour principal effet de mettre un terme au droit exclusif de l'INRAP à assurer différentes opérations d'archéologie préventive.

Nous ne contestons pas la compétence partagée de cet établissement avec les services archéologiques des collectivités territoriales pour les prestations de diagnostic : toutes les parties s'accordent à dire que ce partage est réaliste et nécessaire, voire qu'il existe déjà de fait.

En revanche, nous sommes totalement opposés au fait que cette compétence soit ouverte au secteur privé pour les opérations de fouille dont les modalités de mise en oeuvre deviennent contractuelles, même pour la fixation des prix des prestations. Nous aurons l'occasion de revenir sur ces nouvelles dispositions qui figurent aux articles 3 et 4 du projet de loi.

L'article 2 contient d'autres dispositions extrêmement dangereuses. Comment, à votre avis, les agents de l'INRAP vont-ils interpréter l'article 4-4 introduit par le paragraphe V de cet article, sinon comme un arrêt de mort de leur établissement programmé par le Gouvernement ? Par ce dispositif, ils sont invités à aller postuler auprès des services des collectivités territoriales, et on leur promet de conserver leurs droits acquis.

Que dire encore de l'article 4-5 introduit par le paragraphe VI de cet article ? Outre qu'il réserve désormais le système conventionnel aux seuls diagnostics d'archéologie préventive, son troisième alinéa prévoit la caducité de la prescription de l'Etat en cas de dépassement du délai fixé pour le diagnostic par la faute de l'opérateur.

Pourquoi forcément tenir l'opérateur pour responsable du dépassement de délai ? Comment est-il possible de savoir à l'avance, au moment de la prescription, ce que le sous-sol recèlera comme vestiges et le temps exact qui sera nécessaire pour établir leur diagnostic ?

La caducité des travaux sera lourde de conséquences en termes de délais. La procédure sera également extrêmement longue puisque, en vertu des dispositions de la loi de 1941 relative aux découvertes fortuites à laquelle renvoie l'article 2, la responsabilité sur les vestiges ou les objets mis à jour sera celle du propriétaire du terrain, à charge pour celui-ci de les déclarer au maire, qui transmettra au préfet, avec ensuite, au terme d'une procédure complexe, la possibilité pour le ministre de la culture d'ordonner ou d'arrêter la poursuite des recherches, ses services bénéficiant d'un droit de visite et pouvant prescrire des mesures utiles pour la conservation des vestiges et des objets.

Toutes ces raisons nous conduisent à demander la suppression de l'article 2, ce qui permettrait d'en rester à la version actuelle de l'article 5 de la loi de 2001 : compétences exclusives de l'INRAP pour les opérations de diagnostic et de fouilles d'archéologie préventive, l'institut pouvant s'adjoindre les prestations des services archéologiques territoriaux et ceux d'autres entreprises publiques et, par le biais d'une convention, ceux d'entreprises privées. Dans tous les cas de figure, l'institut demeurerait maître d'oeuvre de ces opérations.

Ce dispositif était cent fois préférable à celui qui est proposé. Il garantissait réellement le bon déroulement des missions de service public que constituent les opérations d'archéologie préventive selon l'article 1er de la loi de 2001, inchangé par la réforme, la décision du Conseil constitutionnel du 16 janvier 2001 et la convention de Malte.

Nous demandons donc la suppression de l'article 2.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi le premier alinéa du I de cet article :

« L'article 4 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 précitée est ainsi rédigé :

« II. - En conséquence, faire précéder le deuxième alinéa du I de cet article de la mention : "Art. 4". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. Ivan Renar. Oui, mais lourd de conséquences !

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour modifier l'article 4 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, après le mot : "diagnostics", insérer les mots : "et les fouilles". »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Le présent amendement vise à confier la réalisation des diagnostics et des fouilles de manière complémentaire aux services archéologiques des collectivités et à ceux de l'Etat.

Il réaffirme que les opérations d'archéologie préventive ne sont pas destinées à purger un terrain au bénéfice de l'aménageur, mais que, au contraire, elles visent à sauvegarder les informations scientifiques au bénéfice de la collectivité tout entière.

L'amendement rappelle que ce ne peut être l'aménageur qui, sur des critères de coût et de délais, peut choisir un prestataire de services.

Enfin, il corrige un effet pervers du projet gouvernemental qui, en confiant la responsabilité du choix de l'opérateur aux aménageurs, entraîne la mise à l'écart des services archéologiques de collectivités existantes.

C'est pourquoi je vous demande de voter le présent amendement.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 4 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'établissement public réalise des fouilles d'archéologie préventive dans les conditions définies à l'article 5. »

L'amendement n° 7, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« I. - Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 4 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'exécution de ses missions, l'établissement public peut s'associer par voie de convention à d'autres personnes morales dotées de services de recherche archéologique.

« II. - En conséquence :

« 1° Supprimer la dernière phrase du premier alinéa du même texte ;

« 2° Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa du même texte :

« L'établissement public assure l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie préventive et la diffusion de leurs résultats. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. L'article 4 de la loi du 17 janvier 2001 a pour objet de définir les missions de l'établissement public parmi lesquelles il convient de faire figurer la réalisation de fouilles d'archéologie préventive. C'est en effet dans la mesure où la loi attribue cette mission à l'établissement public que ce dernier est dispensé de l'octroi de l'agrément prévu par le projet de loi. L'amendement n° 6 répond au souci de rendre la loi aussi claire que possible.

L'amendement n° 7, outre une amélioration rédactionnelle, vise à préciser que l'établissement public pourra s'associer à d'autres opérateurs, y compris pour la réalisation de fouilles, possibilité que la nouvelle rédaction proposée par le projet de loi pour l'article 4 de la loi du 17 janvier 2001 avait pour effet de supprimer.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 35 est présenté par Mmes Férat et Gourault.

L'amendement n° 73 est présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Compléter la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour modifier l'article 4 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par les mots : ", ainsi qu'avec les services archéologiques des collectivités territoriales". »

La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l'amendement n° 35.

Mme Françoise Férat. Les collectivités territoriales sont des acteurs très soucieux de la diffusion des résultats de la recherche et de la connaissance archéologique. En outre, si elles sont associées aux activités de fouille, il est nécessaire qu'elles soient associées aux actions de diffusion vers le public et que ces actions soient coordonnées avec celles des autres acteurs, par le biais de conventions de coopération.

Cet amendement tend donc à conforter cette diffusion auprès des collectivités territoriales et avec elles.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 73.

Mme Annie David. Cet amendement tend à associer les collectivités territoriales au travail de diffusion des résultats de la recherche. En effet, les collectivités sont des acteurs très soucieux de la diffusion de ces résultats et de la connaissance archéologique. Si elles sont associées aux activités de fouille, il est nécessaire qu'elles soient associées aux actions de diffusion auprès des services et que celles-ci soient coordonnées avec celles des autres acteurs, par le biais de conventions de coopération.

La diffusion des résultats des recherches et des collections nouvellement trouvées permet aux collectivités locales de mettre en valeur le patrimoine historique de leur région, avec les répercussions que l'on sait sur le plan culturel et touristique.

C'est pourquoi je vous demande de voter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le II de cet article :

« II. - Il est inséré, après l'article 4 de la même loi, un article 4-1 ainsi rédigé :

« Art. 4-1. - L'établissement public prévu à l'article 4 est administré par un conseil d'administration. Le président du conseil d'administration est nommé par décret. Le conseil d'administration comprend, outre son président, des représentants de l'Etat, des personnalités qualifiées, des représentants des organismes et établissements publics de recherche et d'enseignement supérieur dans le domaine de la recherche archéologique, des représentants des collectivités territoriales et des personnes publiques et privées concernées par l'archéologie préventive, ainsi que des représentants élus du personnel. Les attributions et le mode de fonctionnement de l'établissement public ainsi que la composition de son conseil d'administration sont précisés par décret.

« Le conseil d'administration est assisté par un conseil scientifique. Les emplois permanents de l'établissement public sont pourvus par des agents contractuels. Le statut des personnels de l'établissement public est régi par le décret en Conseil d'Etat pris en application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et par un décret particulier. Les biens, droits et obligations de l'association dénommée Association pour les fouilles archéologiques nationales sont dévolus à l'établissement public dans des conditions fixées par décret.

L'amendement n° 9, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article 4-2 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, supprimer les mots : ", agréés par l'Etat,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Il s'agit de deux amendements de coordination.

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article 4-2 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, après le mot : "diagnostics" insérer les mots : "et les fouilles". »

L'amendement n° 75, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 4-2 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Ce sont des amendements de conséquence.

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article 4-2 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, supprimer à deux reprises le mot : "agréé". »

L'amendement n° 11, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par le IV de cet article pour l'article 4-3 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, supprimer le mot : "agréé". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Il s'agit là encore de deux amendements de coordination.

M. le président. L'amendement n° 76, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par le IV de cet article pour l'article 4-3 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, après le mot : "diagnostic", insérer les mots : "et les fouilles". »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. C'est à nouveau un amendement de conséquence.

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer le V de cet article. »

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Ce point a été évoqué tout à l'heure. Si la disposition du paragraphe V de l'article 2 peut apparaître sympathique dans un premier temps, elle nous inquiète cependant, à la réflexion, parce qu'elle tend à inciter des agents de l'INRAP, titulaires de contrats à durée indéterminée, à démissionner pour se faire embaucher dans les collectivités territoriales, alors même que ces dernières ont toute possibilité, dans des cadres d'emploi qui sont définis, d'embaucher les personnels qui leur sont nécessaires pour développer leurs services.

Aussi, il est à notre avis inutile de mettre en place un dispositif qui ne manquera pas d'être interprété par les agents de l'INRAP, qui, on le sait, s'inquiètent grandement de ce projet de loi, comme une preuve manifeste du fait que le Gouvernement ne cherche pas réellement à conforter leur position.

Nous souhaitons donc la suppression du paragraphe V de l'article 2.

M. le président. L'amendement n° 77, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le texte proposé par le V de cet article pour l'article 4-4 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 :

« Art. 4-4. - Lorsqu'une collectivité décide d'exercer les prérogatives prévues à l'article 4-2, les services ou parties de service de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) qui participent à l'exercice des compétences transférées, sont pour la durée du transfert mis à disposition de la collectivité. Les agents de l'INRAP qui exercent leur fonction dans ces services ou parties de service sont mis de plein droit à disposition, à titre individuel et après leur accord, auprès du président de l'organe délibérant de ladite collectivité ou du groupement. »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Les cadres d'emploi de fonctionnaires titulaires en spécialité archéologie existent dans la filière patrimoine des collectivités territoriales : attachés, conservateurs, conservateurs en chef, conservateur général.

Par ailleurs, les mêmes collectivités peuvent recruter des contractuels à durée déterminée pour les besoins occasionnels ou saisonniers.

Enfin, le décret portant sur le statut du personnel de l'INRAP prévoit la possibilité de mettre des personnels sous contrat à durée indéterminée de l'INRAP à disposition des collectivités territoriales. Rien ne justifie donc qu'une exception soit faite pour les filières archéologiques à la règle posée par l'article 3 de la loi n° 83-634 qui dispose que les emplois permanents des régions, des départements, des communes et de leur établissement public à caractère administratif sont occupés par des fonctionnaires.

Tel est l'objet du présent amendement.

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le V de cet article pour l'article 4-4 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par un alinéa ainsi rédigé :

« Les collectivités territoriales peuvent en outre recruter des salariés du secteur privé dans le cadre de contrats à durée déterminée. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 78, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le VI de cet article pour l'article 4-5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, après le mot : "diagnostic", insérer les mots : "et les fouilles".

« II. - En conséquence, dans la même phrase, après le mot : "diagnostics", insérer (deux fois) les mots : "et des fouilles". »

L'amendement n° 79, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par le paragraphe VI de cet article pour l'article 4-5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001. »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. L'amendement n° 78 a une logique : il vise à maintenir non pas un monopole pour une structure mais un monopole de service public pour la réalisation du diagnostic et des fouilles partagé entre les services de l'Etat et ceux des collectivités territoriales.

J'en viens à l'amendement n° 79 : l'article 322-2 du code pénal punit de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende quiconque aura détruit, dégradé ou détérioré « une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement sur un terrain contenant des vestiges archéologiques ».

En matière de protection du patrimoine archéologique, conformément aux engagements internationaux de la France, les pouvoirs publics agissent donc par compétence liée. Il n'est donc pas possible que l'Etat se désaisisse de cette responsabilité du simple fait de dépassement de délais dont la responsabilité incomberait à des opérateurs tiers.

La convention prévue au premier alinéa de l'article 4-5 que vise à insérer le projet de loi doit déterminer les conséquences pour les parties du dépassement des délais, ce qui paraît de nature à garantir de manière forte les intérêts des aménageurs et la nécessaire préservation du patrimoine archéologique.

M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par le VI de cet article pour l'article 4-5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 :

« Lorsque le diagnostic n'est pas achevé dans le délai fixé par la convention, l'Etat se prononce sur le caractère caduc ou non de la prescription. »

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Si l'on met en place une convention qui doit définir des délais, la moindre des choses est de faire en sorte que ces délais soient respectés. Nous pensons que, s'ils ne le sont pas, seul l'Etat peut se prononcer sur le caractère caduc ou non de la prescription.

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter le troisième alinéa du texte proposé par le VI de cet article pour l'article 4-5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par une phrase ainsi rédigée :

« Les mesures utiles à leur conservation ou à leur sauvegarde sont prescrites conformément à l'article 2. »

L'amendement n° 13, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé par le VI de cet article pour l'article 4-5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, après les mots : "sont transmises", insérer les mots : "à la personne projetant d'exécuter les travaux et". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. L'amendement n° 12 vise à préciser les conditions dans lesquelles l'Etat peut décider des opérations archéologiques si, dans l'hypothèse de caducité de prescription de diagnostic, des vestiges sont pourtant exhumés au cours des travaux.

Le projet de loi prévoit que s'appliquent les dispositions du titre III de la loi de 1941 relative aux découvertes fortuites. Ces dispositions prévoient, d'une part, que la découverte de vestiges doit être déclarée et, d'autre part, que, si des fouilles sont nécessaires, elles sont exécutées par l'Etat ou après autorisation de l'Etat dans le cadre des titres I et II.

Il s'agit, à l'évidence, d'un cadre peu adapté à la réalisation des fouilles préventives. Il semble donc plus cohérent de prévoir que, si les vestiges sont exhumés, les éventuelles prescriptions sont prises en application de la loi du 17 janvier 2001.

J'en viens à l'amendement n° 13.

Il convient de prévoir que les conclusions du diagnostic soient également adressées à l'aménageur. La situation actuelle montre que nombre d'aménageurs ne perçoivent pas l'intérêt scientifique des opérations archéologiques qu'ils financent, faute d'en avoir les résultats. Il est donc souhaitable que ces conclusions leur soient envoyées. Outre l'intérêt pédagogique que représente cette disposition, elle permettra de mieux comprendre la légitimité d'éventuelles prescriptions de fouilles.

M. le président. L'amendement n° 87, présenté par M. Richert, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« VII _ Il est créé, après l'article 4-5 de la même loi, un article 4-6 ainsi rédigé :

« Art. 4-6. _ Les diagnostics sont réalisés prioritairement au moyen de méthodes non perturbantes pour le sol et le sous-sol. »

La parole est à M. Philippe Richert.

M. Philippe Richert. Certains terrains sont particulièrement fragiles, je pense au secteur viticole. La réalisation de diagnostics aura parfois des conséquences très traumatisantes pour eux.

C'est la raison pour laquelle nous proposons que soient utilisées des méthodes peu perturbantes pour le sol ou le sous-sol, telles les méthodes fondées sur la résonance magnétique. Il serait en effet dommage, dans le cas où les propriétaires ou les porteurs d'un projet renonceraient à exécuter celui-ci, que tous les arbres d'un secteur arboricole ou toutes les vignes d'un secteur viticole soient arrachés au préalable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Dans l'exposé des motifs de l'amendement n° 41, il est écrit : « Le nouveau dispositif constitue un danger réel pour l'archéologie préventive puisqu'il ne confie plus à l'INRAP qu'un pouvoir partagé sur les opérations de diagnostic ».

Nous pensons, quant à nous, qu'un pouvoir partagé n'est pas nécessairement un pouvoir inique. Il est utile pour l'archéologie que plusieurs acteurs puissent intervenir. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Avec l'amendement n° 72 de M. Renar, qui vise à maintenir le monopole public pour la réalisation des fouilles, nous sommes toujours dans le même débat.

Nous pensons qu'il s'agit d'un domaine qui relève d'un pouvoir partagé et non d'un monopole. La commission est donc également défavorable à cet amendement.

La commission partage les préoccupations exprimées par les auteurs des amendements identiques n°s 35 et 73. Toutefois, ces amendements étant satisfaits par l'amendement n° 7 de la commission, je demanderai à leurs auteurs de bien vouloir les retirer.

L'amendement n° 74 est un amendement de conséquence de l'amendement n° 72, qui maintient le monopole de réalisation des fouilles. La commission y est donc défavorable.

J'en viens à l'amendement n° 75.

La possibilité pour une collectivité territoriale de se déclarer compétente pour réaliser le diagnostic sur un projet déterminé sera vraisemblablement peu utilisée, mais cela ne semble pas une raison pour lui refuser a priori ce droit.

La commission est également défavorable à l'amendement n° 76, qui est un amendement de conséquence.

L'amendement n° 42 vise à supprimer la possibilité ouverte aux collectivités territoriales de recruter des agents de l'INRAP sur des postes d'agents non titulaires tout en conservant aux agents concernés le bénéfice de leur contrat à durée indéterminée.

Je vous avouerai, monsieur Dauge, qu'à la lecture de cet article j'ai d'abord eu la même réaction que vous. J'ai, moi aussi, envisagé de déposer un amendement de suppression.

Il paraissait en effet surprenant de pouvoir éventuellement proposer aux agents de l'INRAP - qui ne sont pas obligés d'accepter - d'être embauchés en qualité d'agents non titulaires. En poursuivant notre réflexion, nous nous sommes rendu compte qu'un certain nombre des personnels actuellement recrutés en contrat à durée indéterminée au sein de l'INRAP se trouveraient dans l'impossibilité de postuler dans la fonction publique territoriale faute des diplômes requis. Il nous a donc paru peu opportun de ne pas laisser ouverte cette possibilité à ceux qui le souhaiteraient.

Une partie des agents de l'INRAP, qui sont des fouilleurs très expérimentés, sont, et c'est tout à fait légitime, entrés à l'INRAP en fonction de leur expérience, alors que, dans les services de nos collectivités territoriales, bien souvent, les recrutements se font davantage en fonction des diplômes. Ainsi après avoir tenté au départ, comme vous, monsieur Dauge, de déposer un amendement de suppression, j'ai battu en retraite.

Au bénéfice de ces explications, je souhaiterais donc que vous retiriez le vôtre, sinon je serais obligé d'émettre un avis défavorable.

L'amendement n° 77 prévoit les conditions dans lesquelles peuvent être mis à disposition des collectivités territoriales les personnels de l'INRAP lorsque ces dernières se déclarent compétentes pour réaliser des diagnostics.

Le projet de loi ne procède pas à une décentralisation de l'INRAP. Le dispositif proposé apparaît donc inadapté, même si la possiblilité de mise à disposition des agents de l'INRAP auprès des services territoriaux est sans doute le moyen le plus efficace d'assurer la mobilité des personnels.

Voilà pourquoi je suis obligé d'émettre un avis défavorable.

La commission est défavorable à l'amendement n° 78, amendement de conséquence.

L'amendement n° 79 vise à supprimer la disposition prévoyant la caducité des prescriptions de diagnostics lorsque ceux-ci n'ont pas été réalisés du fait de l'opérateur. Cette disposition procède d'un souci d'équilibre bienvenu, nous semble-t-il, dans le cadre d'un monopole public, même partagé, entre l'INRAP et les collectivités territoriales. A défaut, l'aménageur se retrouverait dans la totale dépendance de l'opérateur.

La commission voulant éviter cette situation est donc défavorable à cet amendement.

J'en viens à l'amendement n° 43, dicté par la même préoccupation puisqu'il vise à revenir sur le principe de la caducité automatique des prescriptions de diagnostics.

Le mécanisme proposé par le Gouvernement nous semble de nature à rééquilibrer les rapports entre l'opérateur et l'aménageur dans un contexte de monopole. Il n'est pas contraire aux exigences de conservation, dans la mesure où, si les vestiges sont exhumés, la loi de 1947 fait obligation à celui qui les découvre et au propriétaire du terrain de les déclarer et alors que la commission propose, dans l'amendement n° 12, de préciser que les opérations nécessaires à leur sauvegarde sont décidées en application de la loi du 17 janvier 2001.

Nous avons ainsi établi un filet de sécurité qui répond à votre préoccupation, mes chers collègues, en faisant référence non pas à des lois lointaines, mais à la loi que nous avons élaborée en 2001.

Voilà pourquoi je suis amené à émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Enfin, j'en viens à l'amendement n° 87, qui répond à une préoccupation légitime, même s'il me semble difficile d'inscrire dans la loi une telle disposition.

Certes, monsieur Richert, il faut envisager que des techniques nouvelles soient utilisées parce que le diagnostic traditionnel a pour inconvénient de rendre le terrain sur lequel il s'est opéré pratiquement inutilisable par la suite.

Il convient, en effet, dès que cela est possible, de mettre en oeuvre des moyens de détection du patrimoine archéologique qui limitent autant que possible les atteintes au sol.

Cela dit, avant de prendre position sur cet amendement, la commission souhaiterait, monsieur le ministre, que vous précisiez votre vision de l'évolution des techniques de diagnostic archéologique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Comme la commission, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 41, qui remet en cause l'économie même du projet de loi.

En revanche, il est favorable à l'amendement n° 5.

Sur l'amendement n° 72, l'avis du Gouvernement est identique à celui de la commission, donc défavorable.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements n°s 6 et 7.

Sur les amendements n°s 35 et 73, le Gouvernement émet un avis favorable pour les raisons qu'a indiquées M. le rapporteur.

Il est également favorable à l'amendement n° 8.

S'agissant de l'amendement n° 9, nous sommes au coeur d'une divergence d'appréciation. Vous le savez, je suis attaché au principe de l'agrément par l'Etat de l'ensemble des organismes qui opèrent, dont bien entendu son propre établissement, qui par nature est agréé. Un agrément doit être également donné aux services archéologiques des collectivités territoriales ou à des services émanant de personnes privées. Je demande donc le retrait de cet amendement, en cohérence avec ce que j'ai dit précédemment.

Sur l'amendement n° 75, j'émets un avis identique à celui de la commission, c'est-à-dire un avis défavorable.

Quant à l'amendement n° 10, qui est un amendement de coordination relatif à la suppression de l'agrément pour les services archéologiques des collectivités locales, par cohérence, j'en demande le retrait.

Sur l'amendement n° 76, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exprimées à l'amendement n° 72, le Gouvernement, à l'instar de la commission, émet un avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 42, monsieur Dauge, le Gouvernement n'a pas l'intention d'inciter les agents de l'INRAP à partir. Nous leur ouvrons la possibilité d'orienter leur carrière vers la fonction publique territoriale. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées par M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n°s 77, 78 et 79. L'amendement n° 78 remet en cause l'économie même du projet de loi. Quant à l'amendement n° 79, si le respect des délais fixés est effectivement très important, j'estime que le texte apporte à cet égard toutes les garanties nécessaires.

S'agissant de l'amendement n° 43, l'avis du Gouvernement est défavorable : pour reprendre l'expression de M. le rapporteur, « le filet de sécurité » existe.

En revanche, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements n°s 12 et 13, présentés par la commission.

S'agissant de l'amendement n° 87, j'entends bien, monsieur Richert, votre souci de limiter les perturbations engendrées par la réalisation de tranchées et de sondages lors de diagnostics effectués sur certains terrains tout particulièrement fragiles.

Les méthodes non intrusives les plus courantes, les méthodes de résistivité, l'utilisation des phénomènes de magnétisme, des radars peuvent fournir des indices d'anomalie de toute nature, d'origine d'ailleurs humaine ou géologique, dont l'interprétation nécessite in fine une ouverture du sol.

Au demeurant, monsieur le sénateur, j'observe que les travaux d'archéologie préventive sont engagés sur des terrains que l'on se propose, par nature, de livrer à une subversion radicale. Par conséquent, les terrains délicats que vous évoquez ne seraient pas menacés par des entreprises de ce genre. Pour les mêmes raisons que M. le rapporteur, je vous invite donc à retirer cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote sur l'amendement n° 41.

M. Yves Dauge. Monsieur le rapporteur, je souhaite bien préciser que notre argumentation n'est pas en faveur du monopole. Nous sommes favorables au partage du service public avec les collectivités territoriales. Or, si on lit bien le texte, on s'aperçoit qu'il s'agit de partage avec le secteur privé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements identiques n°s 35 et 73 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote sur l'amendement n° 9.

M. Ivan Renar. Je m'apprête à voter cet amendement, mais je souhaite obtenir auparavant une précision de M. le rapporteur. Les postes ouverts dans les services archéologiques des collectivités territoriales seront-ils bien, conformément au statut général de la fonction publique, occupés par des fonctionnaires titulaires ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Tout à fait !

M. Ivan Renar. Cet amendement me paraît donc décidément très sage. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 10 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Je ne peux, en dépit de ma volonté, donner satisfaction au Gouvernement en le retirant, puisqu'il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 4.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 76 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 78 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote sur l'amendement n° 87.

M. Philippe Richert. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je comprends fort bien qu'il soit difficile d'inscrire cette disposition dans la loi et je vais retirer mon amendement.

Je veux néanmoins insister sur la nécessité de suivre l'évolution des techniques et de ne pas en rester simplement à ce que l'on sait faire aujourd'hui en matière d'archéologie.

Monsieur le ministre, les opérations de diagnostic ne débouchent pas nécessairement sur les aménagements prévus parce que le résultat des fouilles conduit parfois à renoncer à la réalisation. On se retrouve alors finalement, avec un terrain parsemé de trous, d'où tous les arbres ont disparu et où, en raison de l'importance des vestiges, l'opération prévue ne se fait pas.

Je serais donc heureux que vous incitiez l'INRAP et les autres organismes chargés des opérations de fouilles préventives, lorsque cela est possible, à utiliser les méthodes les moins « traumatisantes » pour le terrain.

M. Jean-François Picheral. Il a raison !

M. le président. L'amendement n° 87 est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je remercie M. Richert et je m'engage auprès du Sénat à ce que toutes consignes soient données à l'ensemble des organismes opérateurs pour qu'ils ne commettent pas des dégâts inutiles quand les fouilles ont vocation à mettre en évidence la présence de vestiges archéologiques destinés à être conservés.

Il est en effet dommageable de livrer des terrains fragiles, arborés ou consacrés à des cultures précieuses à une subversion inutile.

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. 4

Article 3

M. le président. « Art. 3. - L'article 5 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 5. - La réalisation des opérations de fouilles d'archéologie préventive prévues au premier alinéa de l'article 2 incombe à la personne projetant d'exécuter les travaux ayant donné lieu à la prescription. Celle-ci fait appel, pour leur mise en oeuvre, soit à l'établissement public mentionné à l'article 4, soit à un service archéologique territorial ou à toute autre personne de droit public ou privé dont la compétence scientifiques est garantie par un agrément délivré par l'Etat. L'opérateur exécute les fouilles conformément aux décisions prises et aux prescriptions imposées par l'Etat et sous la surveillance de ses représentants, en application des dispositions des lois du 27 septembre 1941 et n° 89-874 du 1er décembre 1989 ainsi que de la présente loi.

« L'Etat autorise la réalisation des opérations de fouilles d'archéologie préventive après contrôle de l'adéquation entre le projet de fouilles élaboré par l'opérateur ainsi désigné et la prescription de fouilles.

« Le contrat passé entre la personne projetant d'exécuter les travaux et la personne chargée de la réalisation des fouilles fixe, notamment, le prix et les délais de réalisation de ces fouilles ainsi que les indemnités dues en cas de dépassement de ces délais.

« Lorsque aucun autre opérateur ne s'est porté candidat ou ne remplit les conditions pour réaliser les fouilles, l'établissement public mentionné à l'article 4 est tenu d'y procéder à la demande de la personne projetant d'exécuter les travaux. En cas de désaccord entre les parties sur les conditions de réalisation ou sur le financement des fouilles, le différend est réglé selon une procédure d'arbitrage organisée par décret en Conseil d'Etat. »

Sur cet article, je suis saisi de treize amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.

Les deux premiers amendements identiques.

L'amendement n° 44 est présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 80 est présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Tous deux sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 44.

M. Yves Dauge. A propos des sociétés privées, je souhaite revenir brièvement sur ce que j'ai eu l'occasion de dire dans la discussion générale.

D'abord, on risque d'avoir affaire à des sociétés privées qui auront un intérêt évident parce qu'elles seront liées à des constructeurs, à des aménageurs, publics ou privés, à des sociétés autoroutières, etc. Un amendement sera examiné tout à l'heure, tendant à l'interdire.

On nous a dit que ce problème serait traité par décret. Il nous paraît trop grave pour ne pas être réglé dans la loi.

Mais, en fait, le recours à des sociétés privées a quelque chose d'assez irréaliste. Qui va créer des sociétés pour effectuer ce travail dont on sait très bien qu'il constitue une charge ? C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est actuellement réalisé dans le cadre du service public. Encore une fois, les expériences britannique, allemande et italienne ont montré que le recours à des sociétés privées ne menait nulle part. Alors, pourquoi s'engager dans cette voie ?

L'ouverture des opérations de fouilles au secteur privé est un de nos grands sujets d'inquiétude. Je répète qu'il s'agit pour nous non pas du tout de défendre le monopole de l'INRAP, mais d'empêcher que se présentent des groupes qui pourraient avoir un intérêt à mener des fouilles. De toute façon, nous ne croyons pas au développement d'activités privées dans ce domaine.

Nous avons également été choqués par le processus suivant lequel, si l'on ne trouve personne pour effectuer le travail, tout simplement parce que ça ne rapporte pas grand-chose, on demandera à l'INRAP de faire le boulot dont les autres ne veulent pas ! Certains pourraient considérer que le service public est ainsi préservé, mais ce n'est pas comme cela que je vois les choses. Il s'agit là d'une divergence de fond.

En conséquence, nous demandons la suppression de l'article 3.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l'amendement n° 80.

M. Ivan Renar. Le présent article ouvre les opérations de fouilles à la concurrence commerciale.

L'aménageur peut faire appel à n'importe quel opérateur d'archéologie préventive, qu'il soit régional, national ou étranger. Des opérations de fouilles décidées après une négociation contractuelle « libre », soumises à un délai de réalisation déterminé par une logique de rentabilité immédiate, ne pourront pas, selon nous, être exécutées selon les normes professionnelles et scientifiques admises.

Les critères de délivrance de l'agrément aux sociétés privées d'archéologie et l'approbation du projet par les organes de l'Etat risquent donc de devenir aléatoires et d'alourdir les délais de mise en place des collaborations nécessaires aux opérations de fouilles.

De plus, toute la chaîne scientifique, depuis les diagnostics jusqu'à la propriété du patrimoine trouvé, se trouvera morcelée.

Le domaine patrimonial exigeant un traitement cohérent, nous demandons la suppression de cet article : c'est encore ce qui garantit le mieux qu'on ne tombera pas dans les travers que je viens de dénoncer.

M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 45 est ainsi libellé :

« A la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, remplacer les mots : "à la personne projetant d'exécuter les travaux ayant donné lieu à la prescription" par les mots : "à l'établissement public ou à un service archéologique territorial". »

L'amendement n° 46 est ainsi libellé :

« Remplacer la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par une phrase ainsi rédigée :

« Pour l'exécution de cette mission, l'établissement public ou le service archéologique territorial peuvent associer d'autres personnes morales de droit public ou, par convention, d'autres personnes morales dotées des services de recherche archéologique. »

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Ces deux amendements s'expliquent par leurs textes mêmes.

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après les mots : "service archéologique territorial", rédiger comme suit la fin de la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 : "soit, dès lors que sa compétence scientifique est garantie par un agrément délivré par l'Etat, à toute autre personne de droit public ou privé". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur C'est encore un amendement de coordination avec l'amendement n° 4. Il s'agit de tirer les conséquences de la suppression de l'agrément pour les services archéologiques des collectivités territoriales.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 39 est présenté par M. Delfau.

L'amendement n° 48 est présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, après les mots : "personne de droit public", supprimer les mots : "ou privé". »

La parole est à M. Gérard Delfau, pour présenter l'amendement n° 39.

M. Gérard Delfau. Nous abordons là un sujet important, voire déterminant pour la compréhension de votre démarche, monsieur le ministre.

Nous souhaitons, par cet amendement, rappeler que, à nos yeux, les opérations de diagnostic d'archéologie préventive doivent rester un monopole public. Quand nous parlons de monopole public, nous visons aussi bien l'établissement public mentionné à l'article 4 que le service archéologique territorial ou toute autre personne de droit public dont la compétence scientifique serait garantie par un agrément délivré par l'Etat.

En revanche, nous voulons exclure tout opérateur privé, qui pourrait - ce risque a déjà évoqué au cours du débat - avoir un lien d'intérêt avec un aménageur privé ou ne pas détenir la qualification requise.

Monsieur le ministre, comme je l'ai dit dans la discussion générale, ce qui sera décidé sur ce point déterminera mon vote sur l'ensemble du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 48.

M. Yves Dauge. Même explication.

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mmes Férat et Gourault, est ainsi libellé :

« Après la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, insérer deux phrases ainsi rédigées :

« L'opérateur qui relève du droit privé doit être totalement indépendant par rapport à la personne projetant d'exécuter les travaux. Les critères d'indépendance sont fixés par décret. »

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Si le recours à des opérateurs publics et privés pour les opérations de fouilles archéologiques est effectivement susceptible de pallier certaines carences du dispositif mis en oeuvre par la loi du 17 janvier 2001, il semble néanmoins indispensable d'encadrer plus strictement les conditions dans lesquelles interviennent les opérateurs relevant du droit privé.

M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 49 est ainsi libellé :

« Après la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, insérer une phrase ainsi rédigée :

« Les personnes de droit public ou privé qui exercent directement ou indirectement des activités dans les secteurs de l'aménagement et de la construction ne peuvent bénéficier de cet agrément. »

L'amendement n° 47 est ainsi libellé :

« Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Cette réalisation fait l'objet d'une convention préalable conclue entre la personne projetant d'organiser les travaux et la personne réalisant les opérations de fouilles. »

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Je me suis expliqué sur cette question plusieurs fois. Tout le monde semble s'accorder sur la nécessité de la traiter dans la loi.

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 :

« L'Etat autorise les fouilles après avoir contrôlé la conformité de leurs modalités de réalisation avec les prescriptions édictées en application de l'article 2. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 50 est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 :

« La convention passée entre la personne projetant d'effectuer les travaux et la personne chargée de la réalisation des fouilles fixe les délais de réalisation de ces fouilles, les conditions d'accès au terrain et les conditions de fourniture des matériels, équipements et moyens nécessaires à leur mise en oeuvre. Cette convention détermine également les conséquences, pour les parties, du dépassement des délais. »

L'amendement n° 51 est ainsi libellé :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001. »

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Il nous paraît vraiment difficile de dire à l'INRAP, après l'avoir mise en concurrence et plus ou moins déstabilisée : « Maintenant, à vous de jouer puisqu'il n'y a personne d'autre pour faire le travail ! »

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Chacun comprendra que nous ne puissions émettre un avis favorable sur les amendements identiques n°s 44 et 80, qui tendent à supprimer l'article 3, lequel ouvre la réalisation des fouilles à une diversité d'opérateurs.

Il s'agit pour moi, je l'ai dit, d'un texte de « respiration ».

M. Ivan Renar. De respiration ou d'asphyxie ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Monsieur Renar, à chacun sa vision des choses !

L'amendement n° 45 vise à préciser que la réalisation des fouilles incombe à l'INRAP ou à un service archéologique de collectivité, Cela veut dire que ce service en assumera non seulement la maîtrise d'ouvrage mais également le coût. On s'éloigne là du principe « casseur-payeur ». Ce n'est pas du tout le dispositif que nous avons retenu, et nous ne pouvons qu'émettre un avis défavorable. Cet avis vaut également pour l'amendement n° 46.

Monsieur Delfau, votre amendement n° 39, qui supprime la possibilité pour les opérateurs privés de réaliser des fouilles d'archéologie préventive, est incompatible avec la position de la commission, et je ne peux donc pas y être favorable.

Cela étant, je tiens à redire que, en dehors de quelques « niches » ou « créneaux » où des opérateurs privés peuvent intervenir - et pourquoi, alors, n'auraient-ils pas la possibilité de le faire ? -, il n'existe pas véritablement de marché de l'archéologie préventive. C'est donc un débat qui nous paraît assez largement théorique.

Rappelons que l'objectif de cette loi, à nos yeux, doit être de favoriser, à côté de l'INRAP, un net développement des services archéologiques des collectivités territoriales, ce qui n'empêche pas que, accessoirement, ici ou là, des gens qui aiment l'archéologie puissent s'y adonner professionnellement. Telle est notre philosophie à propos de ce texte.

Sur l'amendement identique n° 48, j'émets donc également un avis défavorable.

Mesdames Férat et Gourault, je partage totalement votre préoccupation : faire en sorte qu'un opérateur de droit privé soit totalement indépendant par rapport à la personne projetant d'exécuter les travaux. Faut-il l'inscrire dans la loi ? Je ne le pense pas, puisque les conditions d'agrément des opérateurs de fouilles, comme la procédure d'autorisation des fouilles, devraient permettre de garantir l'indépendance scientifique de l'opérateur de fouilles par rapport au maître d'ouvrage.

Il semble toutefois utile que le Gouvernement puisse nous apporter des assurances sur ce point et qu'il indique quelles devraient être les garanties susceptibles d'être prévues par les décrets d'application.

L'amendement n° 49 de M. Dauge et de ses collègues vise à préserver l'indépendance scientifique des opérateurs de fouilles par rapport aux entreprises du secteur de la construction. Je crois avoir déjà indiqué la position de la commission, qui comprend les préoccupations des auteurs de l'amendement. La commission souhaiterait toutefois connaître l'avis du Gouvernement.

Nous n'entendons absolument pas accepter que les fouilles soient réalisées à bon compte. Mais les autorisations de fouilles accordées par l'Etat devraient permettre d'éviter cet écueil. Nous ne pouvons pas suivre M. Dauge jusque dans ses conclusions.

L'amendement n° 47 de M. Dauge étant un amendement de conséquence, la commission y est défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 50, qui revient sur le principe selon lequel l'aménageur supporte le coût des fouilles, nous ne pouvons évidemment pas y être favorables puisque nous ne suivons pas le même raisonnement.

Enfin, l'amendement n° 51, qui est un amendement de conséquence de l'amendement n° 45, vise à supprimer une disposition opportune dans la mesure où elle garantit que toutes les fouilles prescrites seront réalisées. L'INRAP a vocation à être le garant du service public sur l'ensemble du territoire. C'est ainsi que nous définissons son rôle. Vous comprendrez donc que la commission émette un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Tout d'abord, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n°s 44 et 80.

A vrai dire, je ne comprends pas bien ce qui alarme M. le sénateur d'Indre-et-Loire. En effet, ou bien aucune initiative n'est prise dans le champ de la constitution de sociétés privées dans ce domaine et l'alarme est vaine, ou bien des initiatives apparaissent et je vous rappelle que c'est l'Etat qui agrée, qui contrôle et qui peut éventuellement retirer l'agrément ; par conséquent, toutes garanties sont assurées.

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements car il s'agit d'ouvrir une possibilité, celle que des opérateurs privés voient le jour. Mais je suis persuadé que, pour longtemps encore, il appartiendra à des services de l'Etat, donc de l'INRAP, et des collectivités locales de mettre en oeuvre les missions publiques en matière d'archéologie préventive.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 45 pour les mêmes raisons que M. le rapporteur.

De la même façon, il rejette l'amendement n° 46.

Par cohérence avec les raisons que j'ai déjà précisées au cours du débat, je demande le retrait de l'amendement n° 14.

Le Gouvernement émet par ailleurs un avis défavorable sur les amendements n°s 39 et 48.

Le projet de loi établit le principe d'un monopole public de l'INRAP et des collectivités locales sur les diagnostics. Ce choix n'a subi aucune contestation de la part du Sénat puisque le Gouvernement a été mis en minorité sur la question de l'agrément. Cela montre bien que votre assemblée est ouverte au principe de l'intervention de services émanant de collectivités locales dans le domaine tant du diagnostic que des fouilles.

Par ailleurs, pour les fouilles elles-mêmes, le principe de l'ouverture à des opérateurs divers est un choix d'autant plus positif que seul l'Etat peut donner un agrément et qu'il contrôle les travaux.

Il appartiendra à des textes d'application de préciser les conditions déontologiques dans lesquelles les opérateurs privés pourraient intervenir sur les chantiers. A cet égard, madame Férat, je partage tout à fait votre avis : il ne serait pas convenable que des opérateurs privés ayant partie liée avec les intérêts de l'aménageur puissent être agréés pour telle ou telle opération. Il est évident que leur action serait, par la force des choses, contrainte par leur apparentement.

M. Gérard Delfau. Il faut l'écrire, monsieur le ministre !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, je le dis tout à fait clairement : il appartiendra à la circulaire de préciser ce point.

Cela dit, madame la sénatrice, je vous demanderai de bien vouloir retirer l'amendement n° 36 pour les raisons que je vous ai déjà indiquées.

Le Gouvernement a par ailleurs émis un avis défavorable sur l'amendement n° 49 pour les raisons présentées par M. le rapporteur.

Il a émis le même avis défavorable sur l'amendement n° 47.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 15 de la commission.

Il est défavorable à l'amendement n° 50 - j'en suis désolé, monsieur Dauge - ainsi qu'à l'amendement n° 51.

Monsieur Dauge, le texte que vous visez à travers votre amendement marque bien que notre institut national est chargé de missions de service public. Il s'agit, non pas de lui faire réaliser des travaux dont d'autres n'auraient pas voulu, de le limiter ou de le réduire à une fonction résiduelle, mais de bien souligner que, sur l'ensemble du territoire, il a vocation à intervenir quand des services émanant des collectivités locales n'auront pas fait le choix de traiter tel ou tel chantier.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 44 et 80.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote sur l'amendement n° 14.

M. Ivan Renar. Cette brève explication de vote est destinée à bien montrer que nous avons une attitude nuancée sur ce texte : en accord avec le Gouvernement et en cohérence avec nos propositions, nous nous opposerons en effet à cet amendement, qui ouvre la voie de la concurrence de façon plus large que le projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, explication de vote sur les amendements identiques n°s 39 et 48.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, sur ce point crucial je tiens à faire un dernier effort pour vous convaincre.

M. le rapporteur a expliqué, lors de l'examen de ces amendements, voilà quelques instants, que son objectif était de développer, à côté du monopole de l'Etat, le rôle des services archéologiques des collectivités territoriales. Il se trouve que ma position est exactement la même que la sienne.

Il a ensuite indiqué que, s'agissant d'opérateurs privés, le marché, à son avis, n'existait pas et il a laissé entendre qu'il pourrait peut-être y avoir, ici ou là, quelques niches.

Monsieur le ministre, renchérissant sur ces réserves ou, plutôt, voulant désarmorcer nos objections, vous avez assuré les auteurs des amendements n°s 39 et 48, mais aussi celui de l'amendement n° 36, Mme Férat, que leurs craintes étaient légitimes mais seraient prises en compte dans une simple circulaire - même pas dans un décret - sans qu'il soit utile d'inscrire ces précisions dans la loi.

Si le texte est voté, dans la dizaine d'années qui vient, il est certain - j'en prends le pari - qu'un opérateur privé, « faux-nez » d'un opérateur privé aménageur ou d'un promoteur immobilier, pourra faire un diagnostic de complaisance. C'est dans l'ordre des choses.

Toute la presse se lamentera alors, déplorant qu'une fois de plus les intérêts privés priment sur l'intérêt général et que, par voie de conséquence, notre patrimoine archéologique, notre mémoire se dégrade.

Monsieur le ministre, il faut avoir la sagesse d'inscrire dans le texte que ce risque-là ne peut pas être pris par le Gouvernement que vous représentez. Je demande donc à mes collègues de réfléchir à la responsabilité qu'ils prendraient s'ils ne prévoyaient pas les précautions nécessaires.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le président, je tiens à clarifier ma pensée sur ce point.

Tout d'abord, c'est une bonne chose que la loi offre à d'autres opérateurs que les opérateurs publics - l'INRAP ou des services émanant de collectivités locales - la faculté d'intervenir sur des opérations de fouilles, d'autant plus que la loi précise que l'Etat encadre les interventions des différents opérateurs de façon très stricte, qu'ils relèvent de collectivités locales ou appartiennent au secteur privé.

Je suis très attaché au fait que l'ensemble des opérateurs soit assujetti à l'agrément préalable de l'Etat et soit soumis à son contrôle : en cas de manquement, il peut en effet retirer son agrément. L'Etat est également bénéficiaire du résultat des travaux. Nous avons déjà évoqué toutes les questions relatives à la propriété de la production des fouilles et nous y reviendrons. L'Etat n'est donc absolument pas absent du dispositif.

Aujourd'hui, dans le paysage culturel et professionnel de la France, il n'y a pas de tels opérateurs privés, mais il se pourrait qu'il y en ait un jour. La loi ouvre cette possibilité, mais en prenant une précaution positive, dynamique, confiante.

Par ailleurs, il est évident qu'il conviendra de veiller à ce que les décrets ou les circulaires d'application précisent de la façon la plus nette les conditions dans lesquelles les opérateurs autres que l'Institut national de recherche et d'archéologie préventive, notamment les opérateurs privés, pourront intervenir. Il y aura lieu notamment de mettre en place un certain nombre de prescriptions déontologiques pour qu'il n'y ait pas collusion d'intérêts entre l'aménageur et l'opérateur.

Ce genre de précautions est d'ailleurs pris dans d'autres domaines qui relèvent de la mise en oeuvre du service public lorsque le service est délégué à des organismes ou à des opérateurs privés. Il n'y a donc pas de raisons pour que l'on ne puisse pas les prendre en matière d'archéologie préventive, même s'il s'agit naturellement, j'en suis tout à fait conscient, d'un domaine tout à fait sensible.

Mais, monsieur le sénateur, apparemment, une petite différence nous sépare : pour ma part, j'ai tendance à faire confiance aux hommes et à considérer qu'il ne faut pas voir forcément des menaces partout. L'Etat est avisé, ses services sont avisés...

M. Jean-François Picheral. Nous aussi !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. ... et ils travaillent sous le regard de la représentation nationale ! Je n'éprouve donc aucune inquiétude : nous saurons gérer cette évolution avec, à la fois, attention, vigilance et efficacité.

En tout cas, le décret précisera les conditions particulières dans lesquelles des opérateurs privés qui seront apparus dans le paysage professionnel de notre pays et qui auront été agréés par l'Etat pourront intervenir dans ce domaine.

M. le président. Monsieur Delfau, l'amendement n° 39 est-il maintenu ?

M. Gérard Delfau. Oui, monsieur le président, je le maintiens.

M. le président. Monsieur Dauge, l'amendement n° 48 est-il maintenu ?

M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, vous avez été très convaincant, mais la meilleure façon d'aller au bout de votre raisonnement est, me semble-t-il, d'accepter cet amendement.

En précisant que les personnes de droit public ou privé qui exercent directement ou indirectement des activités dans les secteurs de l'aménagement et de la construction, ne peuvent bénéficier de cet agrément on règle en effet le problème.

Monsieur le ministre, je ne vous fais pas de procès d'intention. Mais, comme M. Delfau l'a bien dit, il y aura d'autres ministres.

M. Henri de Raincourt. Pas tout de suite ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Yves Dauge. Certes, on peut continuer avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Mais, alors, que tout le monde le dise !

Mettons les choses au clair et réglons l'affaire dès aujourd'hui. En effet, refuser de traiter ce problème dans le projet de loi me paraît, excusez-moi de le dire, un peu louche !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 39 et 48.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 36.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je tiens à préciser, pour que les choses soient tout à fait claires, que je suis prêt à accepter l'amendement de Mme Férat.

Je suis très attaché à ce qu'il ne subsiste pas la moindre ambiguïté en la matière. En effet, je ne souhaite pas que cette loi, que je perçois comme une loi dynamique visant à régler la situation impossible de l'INRAP et à améliorer les conditions de la mise en oeuvre de l'archéologie préventive dans notre pays puisse prêter à la moindre confusion et donner à penser qu'on livrerait, dans des conditions improbables, les intérêts de l'archéologie préventive à des opérateurs aliénés par leur apparentement aux intérêts de certains aménageurs.

En conséquence, je suis tout à fait prêt à émettre un avis favorable sur l'amendement n° 36.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. J'insisterai avec gravité sur l'amendement n° 36, dont l'objet est très proche de celui de l'amendement n° 49 qu'a présenté M. Dauge.

Notre groupe s'est prononcé contre les opérateurs privés. Mais le ministre, le rapporteur et le Sénat en ont décidé autrement.

Le ministre nous a ensuite montré comment l'agrément lui donnait un outil pour enrayer les abus, et donc pour éviter que des filiales plus motivées par la rapidité voulue par l'aménageur que par les besoins de la science ne puissent être sélectionnées.

Une promesse de circulaire ne nous suffisait pas, parce que nous préférons tenir que courir et que c'est bien ici, dans cette enceinte, que se fait la loi. Imaginons collectivement, demain, Guebouy-Fouilles ou bien Divenvi-Préventive embauchant de bons archéologues, par exemple ceux que l'INRAP vient de licencier : les compétences seront au rendez-vous, l'agrément sera a priori difficile à refuser. Mais où sera l'indépendance ?

Quelle aurait été votre motivation, monsieur le ministre, pour refuser aux parlementaires la preuve par le texte qu'ils ont exercé leur vigilance ?

Vous avez souligné que vos services rédigeaient les textes sous votre responsabilité ; nous, parlementaires, travaillons sous le regard de ceux qui nous mandatent.

Aussi sommes-nous heureux d'entendre votre avis favorable au contenu de l'amendement de Mme Férat.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Après les propos très pertinents de M. Delfau et l'intervention de Mme Blandin, je tiens à mon tour à indiquer que nous voterons cet amendement de repli : la disposition qu'il contient sera, en cas de privatisation, un moindre mal.

M. Henri de Raincourt. Quel succès !

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.

M. Gérard Delfau. Je voterai cet amendement, d'abord par galanterie (Sourires), ensuite, plus sérieusement, parce qu'en émettant un avis favorable sur cet amendement, monsieur le ministre, vous confirmez que vous êtes sensible aux dangers que recèle la procédure de l'agrément de l'opérateur privé et que vous voulez inscrire dans la loi tous les moyens d'en prévenir les risques.

Nous souhaitons que le décret d'application soit précis - je n'ose dire exhaustif - et efficace. En tout état de cause, à défaut de pouvoir m'en tenir à la position de principe que j'avais prise, je voterai sans aucune hésitation l'amendement de Mme Férat.

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.

M. Yves Dauge. Nous retirons l'amendement n° 49 et nous remercions monsieur le ministre d'avoir pris notre préoccupation en compte.

M. le président. L'amendement n° 49 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. La commission n'avait pas eu à connaître de cette évolution de la position du Gouvernement, mais je sais qu'elle souhaitait que, si intervenant privé il y avait, il ait réellement le souci de faire un travail archéologique et ne soit pas un faux nez, quel qu'il soit.

J'ajoute, mes chers collègues - soyons tous très attentifs à cet aspect ! - que le problème de la dépendance est complexe et ne concerne pas seulement le privé.

M. Yves Dauge. C'est sûr !

M. Serge Lagauche. C'est comme pour les procureurs !

M. Jacques Legendre, rapporteur. Un représentant local de l'Institut national peut être sensible à ce que lui dit un préfet, qui, par définition, est attentif au développement de son département. Le service archéologique d'une collectivité territoriale peut également être sensible aux préoccupations exprimées par l'aménageur territorial qui veut voir avancer un dossier.

Si l'on a le souci de préserver une approche véritablement archéologique, l'important est que les archéologues, publics ou privés, puissent faire leur travail et juger les exigences archéologiques en fonction des conditions scientifiques.

Monsieur le ministre, vous venez de montrer votre bonne foi en rejoignant nos préoccupations. En ce qui me concerne, je me réjouis de voter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. Ivan Renar. Embrassons-nous, Folleville !

M. le président. Monsieur Dauge, l'amendement n° 47 est-il maintenu ?

M. Yves Dauge. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 47 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 15.

M. Ivan Renar. Le groupe CRC vote contre.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote sur l'amendement n° 51.

M. Serge Lagauche. Monsieur le ministre, le groupe socialiste va donc voter cet amendement, auquel, paradoxalement, vous vous opposez. Cela signifie, en clair, que vous prenez un engagement vis-à-vis de l'INRAP : vous allez lui demander de prendre en charge un certain nombre d'opérations que tout le monde aura refusées - et il est normal que le service public les assume -, mais il faudra en tenir compte dans vos rapports avec l'Institut. Il faudra notamment veiller à préserver son équilibre financier, comme il faudra veiller à lui attribuer, directement ou indirectement, des opérations du plus haut intérêt pour l'évolution de l'archéologie dans notre pays et lui confier de grosses opérations autour desquelles on fera une certaine publicité, de façon à bien montrer qu'il est capable de mener tant les opérations d'envergure que celles dont personne ne veut.

Nous voterons l'amendement, vous vous y opposez, mais, dans ce cadre-là, vous vous engagez.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. additionnel après l'article 4

Article 4

M. le président. « Art. 4. - L'article 7 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 7. - Lorsque les opérations de fouilles d'archéologie préventive sont réalisées par un opérateur agréé autre que l'établissement public mentionné à l'article 4, cet opérateur est tenu de remettre à l'Etat et à l'établissement public un exemplaire du rapport de fouilles. L'auteur du rapport ne peut s'opposer à son utilisation par l'Etat, par l'établissement public ou par les organismes de recherche et d'enseignement supérieur mentionnés au deuxième alinéa de l'article 4, à des fins d'étude et de diffusion scientifiques à l'exclusion de toute exploitation commerciale.

« Le mobilier archéologique provenant des opérations d'archéologie préventive est confié, sous le contrôle des services de l'Etat, à l'opérateur d'archéologie préventive le temps nécessaire à la rédaction du rapport d'opération. La documentation afférente à l'opération est remise à l'Etat.

« En cas de cessation d'activité de l'opérateur de fouilles ou de retrait de son agrément, le mobilier archéologique provenant des opérations d'archéologie préventive et la documentation qu'il détenait sont remis à l'établissement public mentionné à l'article 4, afin qu'il en achève l'étude scientifique. »

Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 7 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, remplacer les mots : "opérateur agréé autre que l'établissement public mentionné à l'article 4" par les mots : "service archéologique territorial". »

L'amendement n° 16, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 7 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, supprimer le mot : "agréé". »

La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 52 rectifié.

M. Yves Dauge. Il s'agit d'un amendement de cohérence.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 16.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 52 rectifié et sollicite le retrait de l'amendement n° 16 pour les raisons que j'ai déjà évoquées. Je pense cependant que M. le rapporteur réagira une nouvelle fois de la même façon !

M. Jacques Legendre, rapporteur. Bien sûr, monsieur le ministre !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 53, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 7 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, remplacer les mots : "est tenu de remettre à l'Etat et à l'établissement public un exemplaire du rapport de fouilles" par les dispositions suivantes : "est tenu de réaliser un rapport d'opération dans les mêmes conditions que cet établissement public. Ce rapport d'opération est remis à l'Etat et à l'établissement public ; il est communicable conformément à la réglementation applicable aux documents administratifs". »

L'amendement n° 81, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« A la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 7 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, les mots : "remettre à l'Etat et à l'établissement public un exemplaire du rapport de fouilles" sont remplacés par les mots : "réaliser un rapport d'opération dans les mêmes conditions que cet établissement public". »

L'amendement n° 82, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 7 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive :

« Ce rapport d'opération est communicable selon les règles applicables aux documents administratifs. »

L'amendement n° 17, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 7 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, remplacer les mots : "par les organismes de recherche et d'enseignement supérieur mentionnés au deuxième alinéa de l'article 4" par les mots : "par les personnes morales dotées de services de recherche archéologique avec lesquelles il est associé en application du quatrième alinéa de l'article 4 ou par des organismes de recherche et des établissements d'enseignement supérieur". »

L'amendement n° 38 rectifié, présenté par Mmes Férat et Gourault, est ainsi libellé :

« Compléter in fine le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 7 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par une phrase ainsi rédigée :

« Ce rapport d'opération est communicable selon les règles applicables aux documents administratifs. »

La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 53.

M. Yves Dauge. Il s'agit de demander aux opérateurs de réaliser le rapport d'opération dans les mêmes conditions que l'INRAP, de façon que le même niveau d'exigence s'applique à tous.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter les amendements n°s 81 et 82.

Mme Annie David. L'amendement n° 81 vise à assurer la bonne exécution d'un rapport qui est l'élément clé de la recherche scientifique.

En effet, il est indispensable, sous peine de créer des ruptures de traitement, que les institutions se consacrant à la recherche soient soumises aux mêmes obligations en matière de rendu scientifique, quel que soit l'opérateur.

Par ailleurs, l'ensemble de la documentation scientifique de l'archéologie préventive relève, selon la Commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, des règles applicables aux documents administratifs.

Ces deux éléments doivent appuyer l'exigence de rigueur à laquelle il faut que soient astreints les opérateurs de fouilles quant au rendu scientifique de leur documentation.

L'amendement n° 81 tend à mettre en évidence cet aspect, que votre réforme risque de laisser de côté.

L'amendement n° 82, en soulignant le rôle du rapport dans la chaîne de la recherche, vise à assurer de bonnes conditions à sa diffusion. J'insiste sur le fait qu'un rapport d'opération de fouilles est une étape incontournable et très précieuse du travail scientifique et qu'il doit répondre à certaines normes qui ont fait leurs preuves quant à l'efficacité et à la compréhension de sa rédaction : la somme des rapports réalisés sur des chantiers de fouilles dispersés permet ainsi à un archéologue d'obtenir une compilation exhaustive de l'état des recherches. Le rapport doit donc être enregistré et accessible à tous ; la loi doit y veiller, sous peine de briser la chaîne du travail scientifique.

Tel est le sens de l'amendement n° 82.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 17.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l'amendement n° 38 rectifié.

Mme Françoise Férat. Quel que soit l'opérateur, il est indispensable, sous peine de créer des ruptures de traitement, que les institutions se consacrant à la recherche soient soumises aux mêmes obligations en matière de rendu scientifique. Par ailleurs, l'ensemble de la documentation scientifique de l'archéologie préventive relève, selon la CADA, des règles applicables aux documents administratifs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Je proposerai aux auteurs de l'amendement n° 53, comme à ceux des amendements n°s 81 et 82, de les retirer pour se rallier à l'amendement n° 38 rectifié.

Quant à l'amendement n° 38 rectifié, il permet de lever toute ambiguïté sur la question de savoir si les rapports de fouilles adressés par des opérateurs privés à l'Etat et à des établissements publics ont le caractère de documents administratifs et sont à ce titre communicables dans le cadre des dispositions de la loi du 17 juillet 1978.

Cette précision me semble en effet utile. J'émets donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je propose également aux auteurs de l'amendement n° 53 de se rallier à l'amendement n° 38 rectifié. J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 53.

J'émets un avis tout aussi défavorable sur les amendements n°s 81 et 82.

En revanche, je suis favorable aux amendements n°s 17 et 38 rectifié.

M. le président. M. Dauge, l'amendement n° 53 est-il maintenu ?

M. Yves Dauge. Je me rallie à l'amendement n° 38 rectifié et je retire l'amendement n° 53, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 53 est retiré.

Madame David, les amendements n°s 81 et 82 sont-ils maintenus ?

Mme Annie David. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 7 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, insérer une phrase ainsi rédigée :

« Ce délai ne peut excéder deux ans. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Chacun sait que les délais sont importants, y compris pour l'étude scientifique. Il s'agit donc, par cet amendement, de définir le délai maximal dont bénéficiera l'opérateur de fouilles pour procéder à l'étude du mobilier archéologique provenant des opérations d'archéologie préventive.

Un délai de deux ans nous semble suffisant. En effet, si nous allons au-delà, le risque existe que le souvenir des fouilles disparaisse de la mémoire de ceux qui, soit étaient les propriétaires, soit étaient directement concernés par l'opération, et ce serait dommage.

Il est donc utile de prévoir un délai raisonnable, que nous proposons d'établir à deux ans.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement émet un avis absolument favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. 5

Article additionnel après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Il est inséré, après l'article 7 de la même loi, un article 7-1 ainsi rédigé :

« Art. 7-1. - La propriété du mobilier archéologique issu des opérations d'archéologie préventive est partagée pour moitié entre l'Etat et le propriétaire du terrain.

« Si, à l'issue d'un délai d'un an à compter de la réception du rapport de fouilles mentionné à l'article 7, le propriétaire n'a pas exprimé une intention contraire, il est réputé avoir renoncé à la propriété des vestiges qui lui étaient échus par le partage. La propriété de ces vestiges est alors transférée à titre gratuit à l'Etat.

« L'Etat peut toutefois transférer à titre gratuit la propriété de ces vestiges à la commune sur le territoire de laquelle ils ont été découverts, dès lors qu'elle en fait la demande et qu'elle s'engage à en assurer la bonne conservation.

« Dans le cas où le propriétaire n'a pas renoncé à son droit de propriété, l'Etat peut exercer le droit de revendication prévu à l'article 16 de la loi du 27 septembre 1941 précitée. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Mes chers collègues, il s'agit d'un amendement que je crois important.

Il vise à préciser le régime applicable aux vestiges à caractère mobilier exhumés à l'occasion d'opérations d'archéologie préventive.

Le projet de loi instaure à cet égard un vide juridique qui n'est pas satisfaisant. En effet, la nouvelle rédaction de l'article 7 du 17 janvier 2001 a pour effet de supprimer la disposition qui prévoyait que la propriété du mobilier archéologique issu de fouilles préventives était partagée entre l'Etat et le propriétaire du terrain. En l'absence de disposition explicite, il semble difficile de transposer les régimes de propriété prévus dans la loi du 27 septembre 1941 au cadre nouveau, institué dans le projet de loi, selon lequel l'aménageur est le maître d'ouvrage des fouilles. Or l'expérience de trois décennies de fouilles préventives montre que l'incertitude juridique sur le statut des vestiges est pour une large part à l'origine de l'état de déshérence dans lequel ils sont laissés.

Le dispositif que je vous propose vise à concilier deux objectifs, considérés jusqu'ici comme incompatibles: d'une part, le respect du droit de propriété du propriétaire du terrain ; d'autre part, la nécessité d'assurer la bonne conservation du mobilier archéologique et d'éviter sa dispersion, voire sa disparition pure et simple.

Par cet amendement, je propose d'insérer dans la loi du 17 janvier 2001 un article 7-1 qui prévoit que s'applique la règle affirmée par la loi de 1941 pour les fouilles autorisées par l'Etat, reprise par la loi du 17 janvier 2001, selon laquelle la propriété des vestiges est partagée pour moitié entre l'Etat et le propriétaire du terrain. Il reviendra au propriétaire, à l'issue d'un délai d'un an à compter de la transmission du rapport de fouilles - puisqu'il est prévu de lui remettre un exemplaire du rapport - de déclarer s'il souhaite exercer ce droit ou non. S'il ne le fait pas, il sera réputé avoir renoncé à son droit de propriété sur les vestiges, qui sera transféré à titre gratuit à l'Etat.

Dans le souci de permettre aux communes de bénéficier des découvertes réalisées sur leur territoire, le texte prévoit qu'à leur demande l'Etat peut, à son tour, leur en transférer à titre gratuit la propriété, mais à une condition, qu'elles s'engagent à en assurer la bonne conservation. Sinon, il est préférable que les produits de fouilles demeurent dans le patrimoine de l'Etat.

Dans le cas où le propriétaire n'a pas renoncé à son droit de propriété, l'Etat pourra exercer le droit de revendication prévu par l'article 16 de la loi du 27 septembre 1941.

Mes chers collègues, régler le régime de propriété des vestiges ne suffira pas pour garantir leur bonne conservation : la constitution d'un réseau de dépôts de fouilles apparaît nécessaire. Je me permets d'insister sur ce point, monsieur le ministre, et je pense que la représentation nationale aura intérêt à être vigilante dans l'avenir, car un tel objectif suppose un effort budgétaire de l'Etat et des collectivités territoriales.

Tel est, mes chers collègues, le dispositif qui vous est proposé pour régler ce problème important dans le respect des droits de tous.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Il s'agit d'un amendement effectivement très important. Je remercie la commission et le rapporteur de cette excellente proposition.

La question de la propriété des objets issus des fouilles devait en effet être revue. La loi de janvier 2001 se limitait sur ce point à un renvoi à la loi de 1941 et conduisait à un partage systématique entre l'Etat et le propriétaire.

Monsieur le rapporteur, la solution que vous proposez est dynamique. Elle a le mérite de faciliter le maintien des collections d'objets issus des fouilles préventives dans un ensemble cohérent, ce qui constitue un véritable progrès pour l'étude scientifique.

Par ailleurs, cette formule permet aux collectivités territoriales intéressées de revendiquer la mise à disposition et la propriété des objets. J'ai souvent pu mesurer l'attachement des collectivités locales aux oeuvres et aux objets issus de leur sous-sol. Ils constituent pour nombre de collectivités une référence d'identification très forte. Je pense notamment aux objets issus des fouilles d'Entremont, à Aix-en-Provence, ou, plus précisément encore, au vase de Vix, à Châtillon-sur-Seine.

Selon moi, cette proposition, outre qu'elle règle la question de la propriété, nous place tous dans une perspective de valorisation scientifique et muséographique de ces objets. C'est la raison pour laquelle j'approuve totalement cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. M. le ministre a effectivement cité des fouilles extrêmement intéressantes, mais il en est d'autres qui le sont beaucoup moins. D'ailleurs, les collectivités territoriales n'ont pas toujours d'information sur l'intérêt des fouilles.

Cela veut dire - et je rejoins ici M. Legendre - que l'Etat s'engage fortement sur cette question dans la mesure où, une fois les fouilles effectuées, si la collectivité territoriale ne peut pas mettre en valeur le produit de ces fouilles, ce sera à l'Etat de le faire. Nous pouvons donc penser qu'un certain nombre d'autres dispositions, notamment financières, seront nécessaires. Même avec la décentralisation, l'Etat s'engage en cette matière.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je remercie notre rapporteur d'avoir prévu tous les cas de figure qui pourraient se présenter concernant la propriété des objets découverts. Cependant, il est un point sur lequel je m'interroge et sur lequel j'appelle l'attention de la Haute Assemblée, de M. le rapporteur et de M. le ministre, pour la suite du travail législatif.

En effet, pour ma part, cela me gêne toujours qu'un même objet ait deux propriétaires, car se pose bien vite la question de la conservation dudit objet.

Avons-nous l'assurance, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que l'Etat consacrera toujours les moyens financiers nécessaires pour assurer, aux côtés des collectivités, la conservation de ces objets, notamment lorsqu'il faudra les restaurer ? J'ai bien peur, comme on le voit malheureusement habituellement, que l'Etat, faute de mobiliser des moyens suffisants, ne se repose entièrement sur les collectivités locales pour assurer la conservation de biens dont elles ne seraient propriétaires qu'à 50 %. Il faudrait une clause dans le texte qui puisse garantir aux collectivités, au cas où une restauration s'imposerait, un apport financier de l'Etat au minimum équivalent au leur. Je serais alors complètement rassuré par cette copropriété.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.

Art. additionnel après l'article 4
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. 6

Article 5

M. le président. « Art. 5. - L'article 8 de la même loi est ainsi modifié :

« I. - Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Par la redevance d'archéologie préventive prévue à l'article 9. »

« II. - Il est ajouté un dernier alinéa ainsi rédigé :

« Par les rémunérations qu'il perçoit en contrepartie des opérations de fouilles qu'il réalise. »

L'amendement n° 54, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. C'est un amendement de conséquence, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. L'avis est évidemment défavorable, compte tenu des positions prises précédemment par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Avis défavorable, de conséquence également. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Art. 5
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. additionnel après l'art. 6

Article 6

M. le président. « Art. 6. - L'article 9 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 9. - I. - La redevance d'archéologie préventive est due par les personnes publiques ou privées projetant d'exécuter, sur un terrain d'une superficie égale ou supérieure à 5 000 mètres carrés, des travaux qui sont soumis à une autorisation ou à une déclaration préalable en application du code de l'urbanisme ou donnent lieu à une étude d'impact en application du code de l'environnement ou, dans les cas des autres types d'affouillement, qui sont soumis à déclaration administrative préalable selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. En cas de réalisation fractionnée, la surface de terrain à retenir est celle du programme général des travaux.

« Le fait générateur de la redevance d'archéologie préventive est :

« 1° Pour les travaux soumis à autorisation ou à déclaration préalable en application du code de l'urbanisme, la délivrance de cette autorisation ou la non-opposition aux travaux ;

« 2° Pour les travaux autres que ceux mentionnés au 1° et donnant lieu à une étude d'impact, l'acte qui décide, éventuellement après enquête publique, la réalisation du projet et en détermine l'emprise ;

« 3° Pour les autres types d'affouillement, le dépôt de la déclaration administrative préalable.

« Dans le cas où l'aménageur souhaite que le diagnostic soit réalisé avant la délivrance de l'autorisation préalable ou la non-opposition aux travaux visée au 1°, ou avant l'édiction de l'acte visé au 2° du présent article, le fait générateur de la redevance est le dépôt de la demande de diagnostic.

« Pour un lotissement ou une zone d'aménagement concerté, la personne publique ou privée qui réalise ou fait réaliser le projet d'aménagement est débitrice, pour l'ensemble du projet d'aménagement, de la redevance d'archéologie préventive. Elle bénéficie des exonérations prévues à l'article 9-1.

« Cette redevance ne peut être perçue qu'une seule fois pour un même terrain d'assiette. Elle n'est pas due lorsque celui-ci a déjà fait l'objet d'une opération visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par l'étude scientifique du patrimoine archéologique, effectuée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

« II. - Le montant de la redevance d'archéologie préventive est égal à 0,32 EUR par mètre carré. Ce montant est indexé sur l'indice du coût de la construction.

« La surface prise en compte est selon le cas :

« 1° Les surfaces incluses dans les périmètres composant la zone pour les zones d'aménagement concerté ;

« 2° La surface du terrain d'assiette de l'opération faisant l'objet d'une autorisation ou d'une déclaration en application du code de l'urbanisme ;

« 3° La surface au sol des installations autorisées pour les aménagements et ouvrages dispensés d'autorisation d'urbanisme et soumis à autorisation administrative qui doivent être précédés d'une étude d'impact en application de l'article L. 122-1 du code de l'environnement ;

« 4° La surface au sol des aménagements et ouvrages dispensés d'autorisation d'urbanisme et non soumis à autorisation administrative qui doivent être précédés d'une étude d'impact en application de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, sur la base du dossier transmis pour prescription de diagnostic éventuelle en application de l'article 2 ;

« 5° La surface de la zone sur laquelle porte la demande de détection du patrimoine archéologique prévue au sixième alinéa du I.

« III. - Le montant de la redevance est arrêté par décision de l'établissement public mentionné à l'article 4 ou, dans le cas visé au 2° de l'article 4-2, de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales compétent.

« IV. - La redevance d'archéologie préventive est recouvrée par l'agent comptable de l'établissement public selon les règles applicables au recouvrement des créances des établissements publics nationaux à caractère administratif.

« Elle est recouvrée, comme en matière de contributions directes, par la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales dans le cas prévu au 2° de l'article 4-2.

« Toutefois, lorsque l'établissement public réalise un diagnostic prescrit à l'occasion de travaux d'aménagement effectués pour le compte d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales qui n'a pas donné son accord, en application du quatrième alinéa de l'article 4-2, à l'intervention du service archéologique de la collectivité territoriale visée au 2° de l'article 4-2, cette dernière reverse à l'établissement public le montant de la redevance d'archéologie préventive perçue au titre de ces travaux.

« Dans le cas où une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales assure l'intégralité d'un diagnostic en application du 1° de l'article 4-2, la redevance lui est reversée par l'établissement public, la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales qui l'a recouvrée.

« Lorsque les travaux définis à l'article 1er ne sont pas réalisés par le redevable et que l'opération de diagnostic n'a pas été engagée, le produit de la redevance d'archéologie préventive lui est reversé. Des frais de dossiers d'un montant de 300 euros sont déduits du reversement. Ce montant est indexé sur l'indice du coût de la construction.

« A défaut de paiement intégral de la redevance par le redevable dans les délais fixés par l'avis des sommes à payer, une pénalité de retard est liquidée au taux de 10 % des sommes restant dues. Une lettre de rappel est adressée au redevable.

« La redevance est prescrite à la fin de la quatrième année qui suit celle de la réalisation du fait générateur. »

La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Avec l'article 6 ressurgit le débat que nous avons eu, ici même, le 9 décembre 2002, lors de l'examen de la dernière loi de finances. Sur le fond, vont réapparaître aujourd'hui les positions des uns et des autres, clarifiées.

L'article 59 quater du projet de loi de finances prévoyait que, après le IV de l'article 9 de la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, il soit précisé que « le montant des redevances d'archéologie préventive serait réduit de moitié ».

M. le rapporteur général s'était alors ému de cette situation, tout comme les représentants du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste, qui avaient déposé chacun un amendement de suppression. Il apparaissait qu'une telle réduction de la redevance porterait un coup mortel à l'archéologie préventive, le ministre délégué présent au banc n'hésitant pas à accepter, au nom du Gouvernement, la suppression de l'article. Les trois amendements de suppression ont été adoptés - quel consensus ! - mais, et vous le savez bien, mes chers collègues, avec des intentions différentes et, par conséquent, dans la plus grande confusion.

Notre rapporteur général, M. Marini, se fondait sur une contestation de la loi du 17 janvier 2001, mais il ne pensait pas que ce soit la bonne méthode pour la remettre en cause. Nos collègues MM. Thierry Foucaud et Gérard Miquel pensaient qu'il fallait refuser un amendement privant l'INRAP, donc le service public, des moyens pour la préservation et la mise au jour du patrimoine commun. M. Lachenaud intervenait alors, affirmant qu'il ne voulait pas que le régime de la loi de 2001 perdure en 2003.

Quant au ministre, M. Lambert, après avoir soutenu la position de M. Lachenaud, il confirmait un engagement du Gouvernement de proposer une réforme en profondeur du système et soutenait alors les trois amendements identiques de suppression de l'article 59 quater.

Vous le voyez, mes chers collègues, le décor est planté pour l'examen de la loi que nous propose M. le ministre ce soir, mais avec une confirmation d'une situation qui se dessinait hier, avec un caractère d'aggravation.

En relisant le dossier publié ce matin dans le journal la Croix, je relève les propos de M. Demoule : « Le montant de la redevance et l'augmentation mathématique des prescriptions de fouilles à cause de l'application de la loi ont été sous-évalués, d'où le déficit de 40 millions d'euros de l'établissement public. » Vous venez même, monsieur le ministre, d'estimer ce déficit à 45 millions d'euros.

Nous y sommes ! Monsieur le ministre de la culture, « vous ne souhaitez pas reconnaître les responsabilités de l'Etat, car vous ne voulez pas les prendre en charge ».

A l'unanimité formelle de la suppression de l'article 59 quater de la loi de finances pour 2003, se substitue le vrai débat, aujourd'hui clarifié.

Premièrement, l'Etat reconnaîtra-t-il l'INRAP comme structure qualifiée, responsable de la mise en valeur de notre patrimoine ? Vous l'avez, monsieur le ministre, c'est vrai, réaffirmé comme objectif de la loi modificative et, évidemment, je m'en félicite.

Deuxièmement, l'Etat consentira-t-il à reconnaître ses fonctions régaliennes de prise en compte de la valorisation des sites, des vestiges, des lieux de vie, des richesses produites hier et qui constituent nos richesses nationales ? Vous l'avez affirmé, c'est vrai aussi, monsieur le ministre, comme troisième objectif de votre loi modificative. Vous avez déclaré que l'Etat conserverait un rôle essentiel, qu'il délivrerait les agréments et que les services de l'Etat veilleraient aux règles d'application de la loi. Nous avons pris acte de cet objectif clairement exprimé.

Troisièmement, l'Etat, alors logique avec lui-même, ne devrait-il pas donner tout ou partie des moyens à l'INRAP pour qu'il conduise ses missions de recherche et de mise en valeur de tout ce qui fut créé dans notre pays au cours des siècles et qui doit être découvert et préservé ?

Monsieur le ministre, quelle aide, quelle part l'Etat compte-t-il apporter à l'INRAP pour développer ses activités ? La réponse est essentielle, qui fera la clarté au plan politique, et qui fera l'efficacité du travail de l'organisme compétent qu'est l'INRAP. La logique voudrait que, concernant l'essentiel des responsabilités, l'Etat n'écarte pas totalement toutes celles qui conditionnent un engagement financier de sa part.

L'Etat décide, monsieur le ministre, mais ne se refuse-t-il pas à payer le moindre centime ? Je partage l'avis de notre collègue M. Dauge, l'archéologie coûtera de plus en plus cher.

L'aide à apporter à l'INRAP est l'objet essentiel du débat. Vous avez rejeté cette possibilité, monsieur le ministre, avec toutes les conséquences pour cette structure. Actuellement, son budget avoisine 120 millions d'euros, soit un millième du budget du bâtiment et des travaux publics en France, ce qui ne lui permet d'ouvrir le dossier que d'un permis de construire sur trois. Vous savez bien qu'un champ immense de recherche ne peut pas être honoré, faute de moyens en hommes, en crédits, en matériels, en responsabilité. (M. Alain Vasselle s'exclame.)

Si nous attribuions un fonds d'Etat d'aides à l'INRAP équivalent au montant de la taxe prévue, l'archéologie n'interviendrait toujours que pour un site sur neuf aménagé avec un lot de destruction non volontaire, certes, mais qui prive la collectivité de la connaissance de son patrimoine.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelle aide financière prévoit l'Etat. Elle est devenue nécessaire pour que la France honore la convention de Malte qu'elle a signée en 1992 et qui a été ratifiée voilà neuf ans par le Parlement. La France a reconnu l'archéologie préventive en tant que service public. Elle doit mettre en oeuvre un régime juridique de protection du patrimoine archéologique. Un des problèmes majeurs à régler est celui de la participation financière de l'Etat, que le Sénat s'honorerait de fixer à parité de rapport de la redevance fixée par les aménageurs.

Le financement d'une partie des travaux engagés par l'INRAP est la garantie que les archéologues au service d'aménageurs mercantiles ne viendront pas priver la collectivité des biens et des créations de nos prédécesseurs.

La loi de 2001 a mis vingt-cinq ans pour voir le jour. Que, deux ans après, une nouvelle loi donne les moyens financiers à l'INRAP pour conduire sa mission et devienne une étape décisive pour une archéologie indépendante, conquérante, libre des choix nationaux qu'elle aura faits serait une reconnaissance responsable de l'archéologie préventive et de ses bienfaits pour notre société.

Par ce projet de loi modificative, cette orientation est rejetée de façon illogique et irresponsable. Nous allons le voir avec cet article 6. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas l'approuver.

M. le président. Sur l'article 6, je suis saisi de quinze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.

L'amendement n° 55, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« Le II de l'article 9 de la même loi est ainsi rédigé :

« II. - Le fait générateur de la redevance d'archéologie préventive est constitué par l'obtention de l'autorisation ou la déclaration préalable de la personne projetant d'effectuer les travaux.

« La redevance est perçue pour les opérations de diagnostic et de fouilles par les services de l'Etat et est indexée sur le coût de la construction.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe l'assiette et le montant de la redevance. L'assiette et les modalités de calcul de la redevance peuvent être variables notamment compte tenu de la valeur du terrain sur lequel il est projeté d'exécuter des travaux et selon qu'il est situé en zone urbaine ou rurale.

« Pour la redevance pour les opérations de fouilles, le décret fixe les conditions dans lesquelles la structure archéologique du terrain est prise en compte. »

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Je reviens rapidement sur la question du financement.

Le dispositif que vous proposez, monsieur le ministre, a, certes, la vertu de la simplicité, mais je ne suis pas sûr qu'il ait celle de la justice : il subsiste une inégalité de traitement entre l'urbain et le rural, même si la surface retenue est de 1 000 mètres carrés. En effet, une telle surface à Paris suppose une opération de grande envergure.

Certes, il s'agit d'un progrès rédactionnel, et chacun peut comprendre le mécanisme facilement mais, encore une fois, ce n'est pas parce que c'est simple que c'est bien ! Cela ne suffit pas.

En outre, j'ai quelques doutes quant à la performance du système. On verra combien ce dispositif rapportera. Là, je défie quiconque aujourd'hui de nous donner des assurances ; nous en reparlerons. Sachant que l'on prélève ensuite 30 % sur le produit pour alimenter le fonds, on voit dans quelle difficulté l'INRAP va se trouver pour assurer ses missions de diagnostic, la recherche, les publications. Franchement, j'ai de grandes inquiétudes.

J'en viens à l'amendement n° 55. Nous revenons à la logique de la redevance, tout en sachant parfaitement qu'il aurait fallu la revoir et l'établir sur des bases plus justes en prenant en compte la différenciation entre le secteur urbain et le secteur rural, car c'est sans doute là que nous avons le plus péché.

On ne manquera pas de m'objecter qu'il faudrait du même coup fixer « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement » de cette redevance, si du moins la compétence du Parlement est la même s'agissant de l'impôt et de la redevance.

En tout cas, il nous faudra revenir sur les mécanismes de financement, c'est incontestable. Tout à l'heure, nous examinerons un amendement de M. Arthuis qui pose également le problème du financement dual : d'un côté une mutualisation au niveau national pour assurer le fonctionnement de l'archéologie et des outils de l'archéologie en tant que service public ; de l'autre, un dispositif de redevance au coup par coup établi sur des bases justes. Après tout, pourquoi ne pas s'orienter vers ces solutions ?

Depuis un an que nous sommes sur le sujet, on aurait pu imaginer qu'une solution nous serait aujourd'hui proposée qui nous donnerait satisfaction. Au lieu de cela, on a pris des mesures du type moins 50 %, puis moins 25 %, pour finir par constater que, l'INRAP connaissant une situation extrêmement difficile, il fallait, dans l'urgence, mettre au point un système simple.

En fait, on a repoussé à demain la réponse à la question du financement de l'archéologie en France.

Le problème reste entier à mes yeux.

M. le président. L'amendement n° 83, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« L'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 précitée est ainsi modifié :

« 1° Le dernier alinéa du I est complété par les mots : "pour les logements à usage locatif construits ou améliorés avec le concours de l'Etat".

« 2° Au deuxième alinéa (1°) du II, après les mots : "pour les opérations de diagnostics archéologiques", sont insérés les mots : ", sur le fondement d'une déclaration préalable faite par les personnes visées au I et qui en constitue le fait générateur,".

« 3° Dans le même alinéa, les mots : "de la formule R (en francs par mètre carré) = T/320" sont remplacés par les mots : "sur la base d'un taux de 0,20 euro par mètre carré pour les projets dont l'emprise au sol des travaux ou aménagements est supérieure à 10 000 m² ; pour les projets situés dans des zones de risques particuliers définies par arrêté préfectoral, le seuil de déclenchement est inférieur et le taux est porté à 0,35 euro pour les communes à fort potentiel archéologique et à 10 euros pour les parties de communes correspondant à des sites majeurs.".

« 4° A la fin de la première phrase du 2° du II, après les mots : "sur le fondement des diagnostics", sont insérés les mots : "et sur le fondement des prescriptions de l'Etat qui en constituent le fait générateur".

« 5° Dans le b) du 2° du II, la formule : "T [(1/450) (Ns/10 + Nc) + H'/30]" est remplacée par la formule : "T [(1/450) (Ns/10 + Nc/2) + H'/30]".

« 6° L'antépénultième alinéa du II (de : "Pour les constructions affectées" jusqu'à : "document d'urbanisme" est supprimé.

« 7° Dans le premier alinéa du III, les mots : "d'archéologie préventive" sont remplacés par les mots : "pour les fouilles archéologiques préventives". »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Les mécanismes financiers envisagés sont politiquement inacceptables, puisqu'ils prévoient une redevance de base payée uniquement pour les aménagements implantés sur des parcelles de plus de 5 000 mètres carrés et dont le taux est fixé à 0,32 euro par mètre carré de terrain.

L'article 6 du projet de loi est contraire à l'article xviii de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de valeur constitutionnelle, qui pose le principe de l'égalité de traitement devant l'impôt. En effet, l'article 6 institue une taxe, improprement dénommée « redevance », destinée à financer notamment les opérations de diagnostic et les fouilles réalisées gratuitement, ainsi qu'à alimenter un fonds de péréquation destiné à subventionner certains aménageurs.

Ainsi, pour un hangar agricole de 500 mètres carrés construit sur une parcelle de dix hectares, un agriculteur devrait payer une taxe de 32 000 euros, tandis qu'un projet immobilier de 4 900 mètres carrés en centre urbain serait exonéré ! De manière encore plus injuste qu'auparavant, l'aménagement des campagnes devrait subventionner celui des villes.

M. Gérard Delfau. C'est banal !

M. Ivan Renar. Sur cet impôt de base, 30 % serait versé à un fonds destiné à financer en totalité les fouilles réalisées sur les projets de logements sociaux, essentiellement urbains, les projets de particuliers construisant pour eux-mêmes et de lotissements. Ce même fonds servirait à subventionner les fouilles des aménageurs qui le demandent. Les crédits ainsi limités réduiraient inéluctablement les surfaces « diagnostiquées ». De nombreux sites seraient détruits sans même avoir été repérés.

L'INRAP, chargée des opérations gratuites et des fouilles dont les autres opérateurs n'auront pas voulu, verrait ses difficultés financières actuelles démultipliées.

La négociation au coup par coup pour les fouilles supprimerait toute possibilité de mutualisation et de péréquation. Le coût des fouilles, qui ne serait plus encadré par des barèmes nationaux objectifs, serait, dans certains cas, augmenté de façon considérable à l'occasion des négociations au coup par coup. Les aménageurs devraient supporter des coûts nouveaux et des délais considérablement rallongés, du fait du transfert des charges de maîtrise d'ouvrage. Ce n'est pas Apocalypse Now que je décris là, c'est une réalité de terrain déjà bien connue des archéologues eux-mêmes.

Nous proposons que, comme prévu dans la loi du 17 janvier 2001, le choix du taux de la redevance « fouilles » dépende des prescriptions scientifiques des services de l'Etat. En effet, dans le respect du principe de proportionnalité, le montant de la redevance « fouilles » doit être en rapport avec l'importance des travaux archéologiques devant être engagés.

Nous pensons, et c'est le sens de notre amendement, qu'il faut diminuer de moitié le montant des redevances sur les sites recelant des structures complexes. Les pertes de recettes sont compensées, d'une part, par la suppression des exonérations des redevances « diagnostics », et, d'autre part, par le déplafonnement des redevances sur sites stratifiés. En effet, le coût des redevances « diagnostics » n'a qu'une faible incidence sur les projets à caractères sociaux tandis que le plafonnement ne bénéficie qu'à des projets urbains à but lucratif dégageant une forte plus-value.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de voter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 89 rectifié bis, présenté par M. Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 :

« Il est institué une redevance d'archéologie préventive établie sur la construction, la reconstruction et l'agrandissement des bâtiments de toute nature, à l'exclusion de ceux qui sont définis par le 1° du I de l'article 1585 C et le II de l'article 1585 D du code général des impôts, sur les installations et travaux divers autorisés en application de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme, sur des travaux donnant lieu à une étude d'impact en application du code de l'environnement, ainsi que sur d'autres types d'affouillement soumis à déclaration administrative préalable selon les modalités fixées par décret en Conseil d'État.

« II. - Remplacer le premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par deux alinéas ainsi rédigés :

« II. - Le montant de la redevance d'archéologie préventive est fixé à 0,5 % de la valeur de l'ensemble immobilier déterminée conformément à l'article 1585 D du code général des impôts.

« Lorsqu'elle est établie sur les installations et travaux divers autorisés en application de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme ou sur des types de travaux non soumis à la taxe prévue à l'article 1599 B du code général des impôts, la redevance est assise sur la superficie des terrains faisant l'objet de l'autorisation et égale à 0,32 EUR par mètre carré. Ce montant est indexé sur l'indice du coût de la construction.

« III. - Rédiger comme suit les deux premiers alinéas du IV du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 :

« IV. - La redevance est recouvrée selon les mêmes modalités et sous les mêmes sanctions que la taxe locale d'équipement. Elle doit être payée au comptable du Trésor de la situation des biens en un versement exigible à l'expiration du délai prévu au troisième alinéa de l'article 1723 quater du code général des impôts pour le premier versement ou le versement unique de la taxe locale d'équipement.

« Son produit est perçu au profit de l'établissement public mentionné à l'article 4 ou, dans le cas visé au 2° de l'article 4-2, de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales compétent. »

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. L'objet de cet amendement est très proche de celui que s'est fixé le Gouvernement dans le texte qu'il nous propose : il s'agit d'élargir l'assiette de la redevance d'archéologie préventive.

Il nous semble que le Gouvernement ne va pas assez loin dans le financement de l'archéologie préventive et qu'il institue une inégalité de traitement entre le milieu urbain et le milieu rural. Il existe, notamment, une possibilité de surtaxation des opérations d'aménagement et de construction dans les collectivités rurales par rapport aux secteurs urbains.

Aussi cet amendement vise-t-il à pallier cet inconvénient en assujettissant la totalité des opérations à la redevance d'archéologie préventive, selon un système proche de celui qui permet d'assurer le financement des CAUE, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement.

Nous ne doutons pas, compte tenu à la fois du but visé et de la façon technique de l'atteindre, du soutien de la commission et du Gouvernement sur cet amendement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 :

« Il est institué une redevance d'archéologie préventive due... »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, supprimer les mots : "d'une superficie égale ou supérieure à 5 000 mètres carrés". »

La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Cet amendement vise, lui aussi, à élargir l'assiette de la redevance d'archéologie préventive afin de permettre un meilleur abondement du fonds de péréquation destiné au financement de subventions accordées aux personnes auxquelles la réalisation d'une fouille archéologique a été prescrite.

Nous serons ainsi en mesure d'assurer, dans des conditions plus satisfaisantes, le financement des recherches et des fouilles archéologiques effectuées au profit de ceux qui seront exemptés du paiement de la redevance et surtout de venir en aide aux collectivités locales, notamment aux petites collectivités rurales, qui, faute de moyens financiers suffisants, ne pourront pas assumer la lourde charge que représentent les fouilles archéologiques.

En écoutant Mme Beaudeau tout à l'heure, je pensais au barème introduit par la loi de 2001, qui a eu pour conséquence de multiplier par cinq le coût des fouilles que doit supporter, par exemple, la petite communauté de communes rurales que je préside dans le département de l'Oise. Ainsi, alors qu'une fouille me coûtait, avant la réforme du précédent gouvernement, entre 200 000 et 300 000 francs, elle me coûte cinq fois plus cher avec le nouveau dispositif et place les finances locales dans une situation intenable.

Je me réjouis donc de cette réforme, qui vise à réduire sensiblement la taxation, à venir en aide aux collectivités rurales qui vont procéder à des fouilles et à ouvrir les opérations à la concurrence de manière à ne pas laisser l'INRAP dans une situation de quasi-monopole qui devenait insupportable.

Pourquoi proposer l'application de ce dispositif à partir du premier mètre carré ? Je sais que, sur ce point, il y a une divergence d'appréciation avec la commission et avec le Gouvernement. Je le fais parce que ma proposition a pour corollaire, lorsque sera examiné l'article 7 prévoyant les cas d'exonération, d'étendre le champ de ces exonérations. Et à partir du moment où ces exonérations existent, l'argument selon lequel il ne faut pas taxer les surfaces inférieures à 5 000 mètres carrés parce que cela affecterait les aménageurs de petites surfaces tombe.

C'est la raison pour laquelle la taxation dès le premier mètre carré est envisageable. Evidemment, ce dispositif est beaucoup plus proche de celui que propose le Gouvernement que de celui que vient de présenter Michel Mercier, qui, lui, s'oriente vers une taxation beaucoup plus lourde.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

« L'amendement n° 21 est présenté par M. Legendre, au nom de la commission.

« L'amendement n° 65 est présenté par M. Vasselle.

« Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, remplacer les mots : "5 000 mètres carrés" par les mots : "1 000 mètres carrés". »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 21.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'élargir l'assiette de la redevance afin d'en accroître le rendement, ce qui nous paraît nécessaire, et d'y inclure les opérations d'aménagement en zone urbaine ou périurbaine et donc de procéder à ce rééquilibrage que vous avez été un certain nombre à évoquer entre le rural et l'urbain.

Il s'agit là d'éviter de retomber dans les errements du mécanisme actuel de financement de l'archéologie.

Le dispositif proposé a pour effet d'exonérer de fait les opérations en milieu urbain, ce qui n'apparaît guère satisfaisant au regard de considérations d'équité, mais également de la volonté du Gouvernement d'inciter les collectivités territoriales, en particulier les communes, à se doter de services archéologiques.

En effet, ce sont les communes les plus importantes qui disposeront des moyens pour constituer de tels services. Or elles risquent de n'y être guère incitées si elles ne disposent pas de la possibilité de percevoir la redevance.

Voilà pourquoi nous proposons d'abaisser le seuil de taxation de 5 000 mètres carrés à 1 000 mètres carrés.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour défendre l'amendement n° 65.

M. Alain Vasselle. Il s'agit d'un amendement de repli.

M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, remplacer les mots : "5 000 mètres carrés" par les mots : "2 000 mètres carrés". »

La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. L'amendement n° 66 est également un amendement de repli.

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, après les mots : "des travaux", insérer les mots : "affectant le sous-sol". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Richert, est ainsi libellé :

« Compléter l'avant-dernier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par les mots : "ainsi que de la prise en charge financière des travaux de fouilles archéologiques prévues au quatrième alinéa de l'article 9-2.". »

La parole est à M. Philippe Richert.

M. Philippe Richert. Le législateur, dans la loi du 17 janvier 2001, a entendu ne pas renchérir le coût de la construction des logements locatifs sociaux et celui des constructions de logements réalisés par des personnes physiques pour elles-mêmes. Afin de ne pas neutraliser l'effet des exonérations en faveur de ces logements, il en a étendu le bénéfice aux aménageurs de lotissement et de ZAC.

Le projet de loi que nous examinons reprend ce principe d'extension pour les diagnostics, mais il ne l'a pas prévu pour les fouilles préventives. Le principe de « transparence fiscale » de l'aménageur au regard des exonérations impose d'en conserver le bénéfice au profit des aménageurs. A défaut, le surcoût se répercutera mécaniquement sur le prix de vente des terrains à bâtir, et cela soulève réellement un problème.

Le cas se pose aujourd'hui dans le département du Bas-Rhin, pour la commune de Marlenheim, que vous connaissez bien, monsieur le président. L'office départemental est propriétaire d'un grand terrain sur lequel l'Etat, c'est-à-dire l'INRAP, a prescrit des fouilles. Malheureusement, ces fouilles tardent. Or cette commune a besoin de logements sociaux. Si, demain, le coût des fouilles n'est pas pris en charge, il sera impossible de réaliser des logements sociaux, ce qui serait dommageable. Nous attendons des réponses.

La commission souhaite, comme moi, que ce coût soit pris en charge par le ministère de l'équipement. Mais je ne peux pas rester dans l'incertitude. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après le premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les travaux exécutés sur des terrains d'une superficie égale ou supérieure à 1 000 mètres carrés et inférieure à 5 000 mètres carrés, le montant de la redevance d'archéologie préventive est fixé forfaitairement à 1 000 euros. Ce montant est indexé sur l'indice du coût de la construction. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. L'amendement n° 23 vise à simplifier la perception de la redevance pour les travaux réalisés sur un terrain d'une superficie comprise entre 1 000 et 5 000 mètres carrés. Cela sera de nature à rendre moins coûteux le recouvrement de la redevance.

Si cette mesure implique la multiplication des dossiers, puisqu'on passe d'une limite de 5 000 mètres carrés à une limite de 1 000 mètres carrés, nous simplifions énormément la perception de la redevance puisque nous fixons forfaitairement son montant à 1 000 euros.

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter, in fine, le II du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par un alinéa ainsi rédigé :

« 6° L'emprise au sol de la construction lorsque l'opération a pour objet la construction d'un bâtiment agricole. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Il s'agit d'éviter l'un des effets pervers des modes de calcul de la redevance d'archéologie préventive. En effet, l'assiette de cette taxe est calculée à partir de la superficie du terrain où est prévue l'opération d'aménagement, ce qui risque d'alourdir considérablement le coût des constructions agricoles qui sont réalisées sur des parcelles importantes. M. Renar, qui a tout à l'heure évoqué ce problème acceptera peut-être de voter cet amendement.

M. Ivan Renar. C'est bien possible !

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le III du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 :

« III. - Le montant de la redevance d'archéologie préventive est arrêté par décision du service départemental de l'équipement compétent.

« La redevance d'archéologie préventive doit être versée au comptable du Trésor de la situation des biens en un seul versement. Toutefois, lorsque la redevance est afférente à des travaux dont la durée d'exécution est au moins égale à cinq ans, elle est versée par tranche annuelle en fonction de la durée des travaux prévue par l'autorisation administrative sans pouvoir excéder dix annuités.

« Le paiement de la redevance est poursuivi par les comptables du Trésor dans les conditions fixées au titre IV du Livre des procédures fiscales. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. L'amendement n° 25 vise à confier le recouvrement de la redevance de l'archéologie préventive aux services de l'Etat, en l'espèce aux comptables du Trésor.

Plusieurs arguments militent en effet en défaveur d'un recouvrement de la redevance par l'INRAP ou par les collectivités. Cette mission fait peser un coût important sur un établissement qui dispose déjà de faibles moyens budgétaires, on l'a dit. Dans la mesure où l'établissement est financé par la seule redevance pour sa mission de diagnostic, l'alourdissement de ses charges de fonctionnement réduira mécaniquement ses capacités opérationnelles.

La modification de l'assiette de la redevance ne rend plus nécessaire l'intervention de l'INRAP dans la liquidation de la redevance. L'INRAP a vocation à employer des archéologues, non des percepteurs. Il existe dans les services de l'Etat à la fois les moyens et les compétences pour assumer ces missions.

Enfin, il n'est pas souhaitable que le collecteur de la redevance en soit également l'utilisateur.

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Remplacer les deux premiers alinéas du IV du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par un alinéa ainsi rédigé :

« La taxe est perçue pour le compte de l'établissement public mentionné à l'article 4 ou, dans le cas visé au 2° de l'article 4-2, pour le compte de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales compétent. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. L'amendement n° 26 est un amendement de coordination avec l'amendement n° 25. Il s'agit de préciser que la redevance est perçue pour le compte de l'INRAP ou des collectivités territoriales compétentes pour réaliser des diagnostics, ce qu'a omis de préciser le Gouvernement dans son projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« A la fin du quatrième alinéa du IV du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, remplacer le mot : "recouvrée" par le mot : "perçue". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. L'amendement n° 27 est un amendement de coordination avec l'amendement n° 25.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. L'amendement n° 55 est contraire - M. Dauge le sait, je le lui avais dit amicalement - au principe affirmé par l'article 34 de la Constitution selon laquelle il appartient à la loi de fixer le taux et l'assiette des impositions de toutes natures et nous ne pouvons pas nous défausser de cette responsabilité sur le Conseil d'Etat.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Je viens d'indiquer à M. Renar que l'amendement n° 24 vise à résoudre le problème qu'il a évoqué pour le milieu rural, à travers l'amendement n° 83.

Son amendement vise à substituer au dispositif proposé par le Gouvernement à l'article 9 un mécanisme qui se borne à aménager le système actuellement en vigueur, conformément au maintien du monopole public. Ce n'est pas le dispositif que nous avons proposé. On voit d'ailleurs réapparaître dans l'amendement de M. Renar des formules algébriques difficilement compréhensibles pour la grande majorité des aménageurs et même pour ceux qui siègent sur ces travées.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. Ivan Renar. Cela mérite pourtant d'être creusé !

M. Jacques Legendre, rapporteur. En effet, surtout en matière d'archéologie. (Sourires.)

L'amendement n° 89 rectifié bis, très réfléchi, ouvre effectivement un débat intéressant sur le financement. Cet amendement, dans sa rédaction rectifiée, nettement différente, n'a pu être examiné par la commission. Je ne suis donc pas mandaté par la commission pour m'exprimer sur cet amendement rectifié, dont, pour l'essentiel, je viens de prendre connaissance.

Il tend à substituer un nouveau dispositif à celui qui est proposé par le Gouvernement pour le calcul de la redevance de l'achéologie préventive. Ce système appelle, me semble-t-il, les mêmes observations que celles que la commission avait formulées sur l'amendement dont elle avait été saisie.

Tout d'abord, le produit de ce prélèvement n'est pas évalué : c'est un inconvénient non négligeable lorsque l'on sait que du montant de la redevance dépendra le bon fonctionnement du mécanisme prévu par le projet de loi.

Par ailleurs, le système demeure assez complexe. En effet, il est, pour certains aménagements, calé sur la taxe perçue en faveur des CAUE et, pour d'autres, sur une base forfaitaire de 32 centimes d'euro, comme le propose le Gouvernement.

Pour ces raisons, il m'est difficile, voire impossible de donner l'avis de la commission sur cet amendement, mais il me serait utile de connaître la réaction du ministre sur le dispositif proposé. Je crois toutefois que cet amendement est satisfait dans son principe, car il nous conduit à nous interroger sur le caractère suffisant du rendement de la redevance. Il nous revient, d'ici à la fin de la navette, de répondre à cette interrogation. C'est, après tout, le sens du travail parlementaire.

L'amendement n° 64 de M. Vasselle vise à élargir l'assiette de la redevance en soumettant à la redevance d'archéologie préventive tous les projets d'aménagement affectant le sous-sol dès le premier mètre carré.

Je rappelle à M. Vasselle que, compte tenu des coûts de collecte, cet élargissement n'est pas réaliste, puisque, dans une grande partie des cas, le coût de la collecte serait supérieur au produit attendu. C'est ce que nous avons voulu éviter en fixant le seuil à 1 000 mètres carrés, seuil qu'avait d'ailleurs évoqué M. Vasselle lui-même.

Son amendement n° 65 étant satisfait, tout comme l'amendement n° 66, qui est une proposition de repli, je lui demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 64.

L'amendement n° 88 de M. Richert vise à préciser que les personnes réalisant des ZAC ou des lotissements bénéficient non seulement d'une exonération mais également de la prise en charge du coût des fouilles. Cette précision me semble utile, car elle permettra au Gouvernement de lever toute ambiguïté sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Toutes ces questions relatives à l'assiette et au taux de la redevance sont naturellement essentielles.

En ce qui concerne l'amendement n° 55 présenté par M. Dauge, je m'en tiens à la règle de simplicité que prévoit le projet de loi. Monsieur le sénateur, contrairement à ce que vous avez dit, ce n'est pas parce qu'un dispositif est compliqué qu'il est forcément bon. Je suis donc défavorable à cet amendement.

J'émets également un avis défavorable sur l'amendement n° 83.

La question que soulève l'amendement n° 89 rectifié bis est très complexe. Cet amendement vise globalement à améliorer le système proposé et le rendement de la redevance.

Toutefois, cette rédaction, finalisée voilà seulement quelques heures, bouleverse totalement le dispositif proposé par le Gouvernement et me met donc, vous vous en doutez, monsieur Mercier, dans l'embarras. Elle contient certes des pistes intéressantes, mais qui nécessiteraient une expertise sérieuse de la part des services de l'Etat afin d'en mesurer l'efficacité, notre souci étant, naturellement, d'assurer à l'ensemble du dispositif des bases financières solides. N'oubliez pas, notamment, que l'existence d'un fonds de péréquation n'a de sens que si on peut l'alimenter de façon satisfaisante.

J'observe, monsieur le sénateur, que la proposition du Gouvernement a l'immense avantage de la simplicité et de l'universalité. S'agissant de la redevance, elle prévoit un taux constant de 0,32 euro par mètre carré pour l'ensemble des opérations au-delà d'un certain seuil.

En définitive, monsieur le sénateur, je vous serais très reconnaissant d'accepter de retirer cet amendement, intéressant mais immensément compliqué, qui, de surcroît, bouleverse et même détruit l'équilibre économique du projet de loi.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 20.

Il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 64, qui vise à supprimer le seuil de l'assiette de la perception de la redevance. La suppression de tout seuil entraînerait, tant pour le contribuable que pour l'autorité publique chargée de la perception, la mise en oeuvre de procédures de recouvrement d'une lourdeur disproportionnée par rapport au produit perçu. Or il faut toujours s'assurer que le coût des actes administratifs nécessaires à la perception d'une redevance n'est pas plus élevé que le produit de la redevance elle-même.

S'agissant de l'amendement n° 21, je suis partagé, monsieur le rapporteur.

Je suis très sensible au fait que la commission souhaite assurer à l'archéologie préventive des ressources plus abondantes, mais l'extension de l'assiette d'ores et déjà proposée par le Gouvernement me paraît de nature à la satisfaire sur ce point.

Je comprends également les arguments sur la nécessité d'un meilleur équilibre entre les zones rurales et urbaines. Par choix politique, la loi en vigueur est en effet déséquilibrée, et elle l'est au détriment des aménageurs ruraux. C'est l'une des causes, incontestablement, de l'échec du dispostif actuel.

Plusieurs dispositions du projet de loi qui vous est présenté démontrent que le Gouvernement est, en la matière, animé de la même volonté que la commission.

En particulier, la charge qui pèsera sur les aménageurs dans la phase des fouilles sera directement établie par rapport au coût réel de l'opération, coût qui est généralement plus faible en zone rurale qu'en zone urbaine.

Par ailleurs, les communes rurales seront vraisemblablement les principales bénéficiaires du fonds de péréquation, qui, je vous le rappelle, sera coadministré par les élus.

S'agissant de la redevance générale d'archéologie perçue au moment des diagnostics, il est exact que nous proposons de ne l'appliquer qu'au-delà de 5 000 mètres carrés, mais, dans le même temps, vous avez pu le constater, nous sommes ouverts à toute proposition concernant les bâtiments agricoles. Nous sommes ouverts à une limitation de la surface prise en compte en milieu rural aux seuls aménagements.

Il serait en effet absurde d'appliquer à un bâtiment agricole, une étable par exemple, occupant quelques centaines de mètres carrés un taux de redevance relatif à toute la parcelle occupée, laquelle peut recouvrir plusieurs hectares, voire plusieurs dizaines d'hectares.

Pour ces raisons, monsieur le rapporteur, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 21, et pour les mêmes raisons, sur l'amendement n° 65, qui est un amendement de conséquence.

L'amendement n° 66 a pour objet d'abaisser le seuil de la surface de terrain servant d'assiette à la redevance à 2 000 mètres carrés au lieu de 5 000 mètres carrés. Pour les raisons que je viens d'exprimer, je préférerais que l'on s'en tienne au seuil de 5 000 mètres carrés.

J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 66.

Sur l'amendement n° 22, j'émets en revanche un avis favorable : cet amendement apporte une précision en effet nécessaire.

Je suis pleinement d'accord avec le principe exprimé dans l'amendement n° 88, mais, monsieur Richert, l'ajout que vous suggérez ne me semble pas totalement à sa place à l'avant-dernier alinéa du I du texte proposé par l'article 6 pour l'article 9 de la loi du 17 janvier 2001 qui ne concerne que la redevance et le droit à l'exonération.

La prise en charge par le fonds de péréquation n'est pas une mesure de nature fiscale puisqu'elle porte sur un prix convenu. Elle découle de l'article 9-2 de la loi du 17 janvier 2001, qui prévoit la prise en charge financière par le fonds de péréquation des travaux de fouille induits par la construction de logements locatifs aidés ainsi que les constructions réalisées par des particuliers eux-mêmes.

L'emploi du verbe « induire » comme le parallélisme avec les dispositions relatives à l'exonération conduisent à reconnaître à l'aménageur d'un lotissement ou d'une zone d'aménagement concertée destinée à recevoir des logements sociaux ou des constructions réalisées par des particuliers pour eux-mêmes un droit à ce que ces fouilles soient prises en charge par le fonds de péréquation.

Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 88.

Comme je vous l'ai annoncé, monsieur le rapporteur, il l'est également à l'amendement n° 23, qui est un amendement de conséquence.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 24.

Sur l'amendement n° 25, le Gouvernement a émis un avis défavorable.

Naturellement, je comprends les réticences manifestées par la commission à l'égard d'une perception de la redevance générale d'archéologie par l'INRAP. Pour autant, les solutions alternatives proposées me semble inadaptées compte tenu du caractère très spécialisé de la ressource à encaisser, de la multiplication des intervenants et donc des inconvénients que le recours aux services de l'équipement et du trésor provoquerait ; et enfin, de la forte charge déjà supportée par les services de l'équipement et du Trésor, à vrai dire peu favorables à un transfert de responsabilités.

De la même façon, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 26, ainsi qu'à l'amendement n° 27, qui est un amendement de coordination.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote sur l'amendement n° 89 rectifié bis.

M. Michel Mercier. Une partie de vos critiques sont justifiées, monsieur le ministre, notamment celles sur le caractère tardif du dépôt de cet amendement, mais je n'ai pas compris ce que vous avez voulu dire lorsque vous avez indiqué que cet amendement semblait extrêmement complexe alors que le système proposé par le Gouvernement tel qu'il a été modifié par la commission - mais j'avoue avoir peiné à distinguer ce que vous acceptiez ou non dans les propositions de M. le rapporteur - serait simple.

Je crois qu'en matière fiscale il faut se méfier de la fausse simplicité.

L'amendement que M. Arthuis a déposé et que je défends apporte, me semble-t-il, de grandes garanties du point de vue fiscal, puisqu'il ne fait que copier un impôt qui existe déjà. Il s'agit, en effet, de reprendre le système de la taxe de financement des conseils d'architecture d'urbanisme et de l'environnement et de l'appliquer à la taxe relative à l'archéologie préventive, c'est-à-dire de conserver la même assiette.

Lorsqu'il y a construction, c'est sur la valeur du bien, et non pas sur les mètres carrés, que l'impôt est calculé, ce qui évite beaucoup de contestations. L'administration ne va pas envoyer ses agents armés d'un mètre mesurer chaque aménagement ! On voit bien l'énorme complexité du système qui nous est proposé.

Lorsqu'il s'agit simplement de travaux de terrassement, on applique le système de la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles, qui est également utilisée pour financer le CAUE. C'est donc un système parfaitement connu de l'administration.

S'il y a un CAUE, le même calcul servira pour les deux taxes, soit une grande économie et une meilleure maîtrise administrative du système. Plutôt que d'inventer un nouveau système qui impose des métrés, on s'en tient à un système connu, simple, et le produit, qui est fonction du taux de la taxe, est assez facile à calculer.

Il nous semblait donc que cet amendement avait l'avantage de la simplicité et de l'économie dans la gestion.

Ce qui nous est proposé me semble, en revanche, plutôt complexe, avec un système à 5 000 mètres carrés, un système à 1 000 mètres carrés, un système pour les propriétés rurales...

Si j'ai bien compris, M. le ministre s'apprête à accepter que la taxe soit assise en ville sur le nombre de mètres carrés du terrain complet et dans les zones rurales en fonction de l'aménagement sur le terrain.

Il y a là, je le signale, un véritable problème au regard de l'égalité devant l'impôt, principe constitutionnel qui est tout de même reconnu par tous. En outre, si l'on calcule différemment l'impôt suivant que l'on est en zone rurale ou en zone urbaine, encore faut-t-il savoir comment distinguer les deux zones ou, d'ailleurs, les bâtiments ruraux et les bâtiments construits en zone rurale !

Le système présenté par le Gouvernement a peut-être l'apparence de la simplicité, mais, quand on « fouille » un peu, on s'aperçoit qu'il est plus complexe qu'on ne le croit. Sans doute, le système que nous proposons n'est-il pas parfait non plus, mais il est connu et il fonctionne déjà. C'est son principal avantage.

Monsieur le ministre, je souhaiterais donc que nous puissions aller un peu plus loin dans ce débat. Vous me demandez de retirer l'amendement de M. Arthuis. Cela me paraît un peu rapide et d'autant plus regrettable que, si l'urgence n'avait pas été déclarée, la navette nous aurait probablement permis de trouver un accord.

Notre idée, c'est de tendre à l'universalité de l'impôt : tous travaux donnent lieu à perception dans un système égalitaire où le calcul de l'impôt ne saurait introduire de discriminations selon que les travaux sont effectués en zone rurale ou en zone urbaine.

Si on doit taxer davantage les aménagements dans les communes rurales pour « nourrir » un fonds de péréquation destiné à ces mêmes communes, je ne suis pas sûr que ce soit la simplicité et la clarté qui l'emportent !

Pour toutes ces raisons, et sauf à ce que vous nous convainquiez dans les quelques minutes qui viennent, monsieur le ministre, je maintiendrai l'amendement n° 89 rectifié bis.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Yvan Renar. L'amendement n° 89 rectifié bis me paraît répondre en partie à nos préoccupations. Il simplifie les choses et va dans le bon sens.

Même si c'est un repli par rapport à nos propres amendements, mes collègues du groupe CRC et moi-même voterons cet amendement s'il continue sa course jusqu'au bout de l'épreuve ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Dans l'application de la loi de 2001, nous nous sommes heurtés à ce même problème de financement, qui est extrêmement complexe, car il est difficile de trouver l'équilibre.

Nous regrettons qu'autant d'amendements de la commission soient rejetés par le ministre. Même si nous ne partageons pas totalement le point de vue de la majorité de la commission, nous pensons que sa démarche est constructive.

Nous avons écouté avec attention M. Mercier et étudié la proposition de M. Arthuis, laquelle mérite quand même qu'on s'y arrête davantage. Si nous l'adoptons, elle pourra au moins être discutée par l'Assemblée nationale, ce qui permettra une réflexion supplémentaire.

Nous souhaitons tous que le système fonctionne. Nous voulons tous trouver un financement équilibré. La proposition de M. Arthuis va dans ce sens, et c'est la raison pour laquelle nous nous y rallions.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. J'avoue que ces arguments m'étonnent un peu.

Monsieur Mercier, vous évoquez la situation des CAUE précisément au moment où le Gouvernement constate qu'il y a lieu de reconsidérer le financement de ces organismes qui concourent à la diffusion de la culture architecturale et de la pratique de l'architecture dans nos départements.

La taxe locale d'équipement à laquelle vous proposez d'amarrer la redevance sur l'archéologie est inégalitaire : elle n'est pas perçue partout - en particulier, elle n'est pas perçue dans les communes de moins de 10 000 habitants - et elle est liée de façon exclusive au permis de construire.

Comment faire alors pour assurer ce caractère universel que vous recherchez avec raison, car c'est la meilleure garantie d'un financement stable des missions de l'archéologie, notamment du diagnostic ?

Monsieur Mercier, malgré votre pugnacité, je ne parviens pas à me convaincre de la pertinence de votre proposition. Et, je le répète, je regrette que de façon aussi tardive on perturbe l'économie d'un texte pourtant mûrement réfléchi au fil d'une très longue concertation avec nombre de parlementaires.

Je crois que le système que nous proposons sera stable et, en tout cas, qu'il améliorera le financement de l'archéologie.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Je souhaite que nous nous comprenions, monsieur le ministre, et que les choses soient claires : les deux systèmes méritent d'être améliorés. Le vôtre est loin d'avoir les mérites dont vous le parez, mais c'est normal ; quant à notre proposition, elle ne vise à instaurer ni une taxe additionnelle à la TLE, ni une taxe additionnelle à la taxe finançant les CAUE. Il s'agit seulement de reprendre le mode de calcul utilisé pour le calcul de ces deux taxes, ce qui est tout à fait différent.

Là où il n'y a pas de CAUE, il n'y a pas de taxe, mais l'administration sait la calculer ; là ou il n'y a pas de TLE, il n'y a pas de taxe, mais l'administration sait la calculer. C'est une habitude qu'elle a déjà.

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.

M. Philippe Nogrix. Quand on aborde un tel sujet, on peut se demander dans quel camp est la complexité. Ce que l'on sait, c'est que, quand on a une habitude, on aime bien la garder, surtout quand il s'agit d'une habitude fiscale. C'est pourquoi nous avons présenté cet amendement.

La seule chose que retiendront les maires ruraux, c'est que, pour une transaction négociée à 20 000 francs l'hectare, il faudra payer 20 000 francs supplémentaires, c'est-à-dire que le prix du terrain va doubler sous prétexte qu'il est destiné à un aménagement. C'est absolument inégalitaire et inadmissible !

M. Ivan Renar. Nous vivons des temps incertains !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Le débat est intéressant et j'ai déjà souligné la qualité intellectuelle de cet amendement, mais je crois aussi qu'à ce stade, il nous est impossible de refaire, en séance publique, l'instruction du dossier. Il y a tout de même, notamment quant au produit de la taxe, de sérieuses inconnues dans le système que nous proposent M. Mercier et ses amis !

Il est très difficile d'accepter maintenant un amendement qui n'a pas pu être examiné en commission, alors que le débat y a été mené de manière assez approfondie. Si le débat doit être repris, c'est ailleurs, me semble-t-il.

De plus, je rappelle que nous sommes en présence d'une autre proposition et d'amendements qui, eux, ont été retenus par la commission, et je regrette, monsieur le ministre, que vous ne puissiez pas accepter cette proposition, mais c'est la règle du débat parlementaire.

Nos propositions sont sous-tendues par la volonté de parvenir à un meilleur équilibre entre l'urbain et le rural, en passant de 5 000 mètres carrés à 1 000 mètres carrés. Je dois vous dire, monsieur le ministre, que, sur ce point, vos remarques ne sont pas parvenues à me convaincre parfaitement. Notre solution a le mérite de la clarté et de la simplicité : entre 1 000 et 5 000 mètres carrés, on recourt au forfait.

Mes chers collègues, au nom de la commission, puisque maintenant il faut prendre position sur l'amendement qui vient de nous être communiqué, je ne peux pas, vous le comprendrez, émettre un avis favorable : la commission a déjà approuvé un autre amendement qui n'a, lui non plus, malheureusement pas l'aval de M. le ministre, mais qui est bien, sur ce point, l'amendement qu'elle souhaite voir adopté.

Voilà pourquoi je vous demande de ne pas retenir l'amendement présenté par M. Mercier et ses amis.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Après réflexion et au vu de l'effet financier pour les collectivités aménageurs qui résulterait de l'amendement n° 89 rectifié bis, je constate que les collectivités rurales auraient intérêt, en termes de taxation, à bénéficier plutôt du dispositif présenté par M. Mercier que du dispositif proposé par le Gouvernement et par la commission.

En effet, le prix du mètre carré en milieu rural n'a rien à voir avec le prix du mètre carré en zone urbaine. En milieu urbain, il s'agit de terrains constructibles et la valeur du foncier est souvent de l'ordre de deux cents à trois cents francs par mètre carré. La taxation de la valeur de l'ensemble de l'immobilier, à la fois du terrain et de la construction, générerait beaucoup plus de ressources en milieu urbain qu'en milieu rural.

Si l'on s'en tient à une taxation qui représente deux francs par mètre carré, soit trente-deux centimes d'euro, on aboutit, pour une surface de dix mille mètres carrés, à vingt mille francs. En revanche, avec un taux de 0,5 %, on obtient un montant bien inférieur, de l'ordre de mille francs, soit un rapport de un à vingt. Selon moi, ce point mérite réflexion.

Cela étant dit, je soutiens M. le rapporteur dans un souci de solidarité et pour ne pas détruire l'ensemble du dispositif auquel vous avez cherché à donner le maximum de cohérence. Cependant, il serait utile, au cours de la navette, que l'on s'intéresse à l'amendement présenté par M. Mercier.

M. le président. Monsieur Mercier, l'amendement n° 89 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Michel Mercier. Je viens d'écouter tout ce qui a été dit. Je ne souhaite pas que cet amendement soit rejeté. En effet, à mes yeux, il est de loin le meilleur des dispositifs qui ont été présentés ce soir. Le Gouvernement ne veut pas entendre la commission. Or celle-ci présente un système, certes imparfait, mais un peu moins que celui qu'il propose.

Certes, le Gouvernement ne veut rien savoir, mais je suis sûr que la raison viendra et que d'ici au débat à l'Assemblée nationale il sera convaincu du bien-fondé de l'amendement que nous avons présenté et dont M. Vasselle vient de souligner le mérite, à savoir l'égalité devant l'impôt.

Il faut que cet amendement puisse être repris à l'Assemblée nationale, notamment par le Gouvernement. Celui-ci serait, en effet, bien inspiré de le reprendre, éventuellement en l'améliorant s'il comporte des points obscurs, pour que sa loi soit meilleure. Compte tenu de la déclaration d'urgence, nous ne pourrons plus revenir sur ce point.

Cela étant dit, je retire cet amendement pour qu'il soit indemne dans la discussion qui aura lieu à l'Assemblée nationale et en commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. L'amendement n° 89 rectifié bis est retiré.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 18 juin 2003, à zéro heure quarante, est reprise à zéro heure quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Je vais retirer cet amendement puisque j'ai présenté un amendement de repli, identique à celui qu'a proposé la commission et qui porte sur 1 000 mètres carrés.

Certes, j'entends bien que les frais de recouvrement pourraient être plus importants, mais rien ne s'opposerait à l'instauration, comme vous l'avez proposé, monsieur le rapporteur, d'une taxation forfaitaire pour éviter les difficultés qui ont été invoquées.

Cela étant dit, je retire l'amendement n° 64.

M. le président. L'amendement n° 64 est retiré.

La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 21 et 65.

M. Serge Lagauche. Nous ne pouvons que nous féliciter de constater que la commission, en particulier son président, maintient sa position face au Gouvernement, qui me paraît toujours en retrait.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 21 et 65.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 66 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Richert, l'amendement n° 88 est-il maintenu ?

M. Philippe Richert. A la suite des précisions que nous ont apportées M. le ministre et M. le rapporteur, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 88 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'amendement n° 24.

M. Alain Vasselle. Si j'ai bien compris M. le rapporteur, l'emprise au sol de la construction deviendrait éligible à la taxe lorsque l'opération a pour objet la construction d'un bâtiment agricole. Or j'ai cru comprendre que M. le ministre envisageait une exonération de la taxation. Dans ces conditions, quel dispositif allons-nous finalement adopter ? Va-t-on taxer ou exonérer ? Pour ma part, je serais plutôt favorable à l'exonération.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Il n'y a pas d'ambiguïté sur ce point. En effet, nous nous rangeons à la solution qui vise à prendre en compte la surface d'emprise du bâtiment, et non la surface totale du terrain - ce qui, je crois, ne serait pas judicieux. D'ailleurs, compte tenu de l'existence d'un seuil, une grande partie de ces constructions ne seront pas soumises à la taxation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Art. 6
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. 7

Article additionnel après l'article 6

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 1647 du code général des impôts est complété par un paragraphe nouveau ainsi rédigé :

« X. _ Pour frais d'assiette et de recouvrement, l'Etat effectue un prélèvement de 1,5 % sur le montant de la redevance d'archéologie préventive prévue à l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence. Cet article additionnel a pour objet de déterminer le montant du prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement qui sera effectué par l'Etat sur le produit de la redevance de l'archéologie préventive.

Il faut être prudent. Il vaut mieux écrire dans le texte 1,5 %, ce qui est le taux le plus bas, sinon nous ne savons pas jusqu'où pourrait aller la voracité des services fiscaux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Puisque nous avons émis un avis défavorable sur la perception de la redevance par un autre organisme que l'INRAP, nous émettons, par voie de conséquence, un avis défavorable sur le présent amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.

Mes chers collègues, il reste à examiner dix-neuf amendements et à entendre les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi.

Monsieur le ministre, sachant que le président de séance est à la disposition du Sénat, souhaitez-vous que nous poursuivions nos travaux ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le président, je m'en remets à la sagesse de la commission, mais j'accepterais volontiers que nous achevions l'examen du projet de loi. En effet, nous avons un bon rythme et il ne reste que dix-neuf amendements à examiner.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Comme vous-même, monsieur le président, la commission est à la disposition du Sénat et du Gouvernement. La commission s'est efforcée d'examiner le projet de loi le plus rapidement possible, même si elle en a été saisie un peu tard, et d'étudier les amendements, même s'ils ont été déposés très tardivement. Nous avons travaillé dans le meilleur esprit possible. Je propose que nous poursuivions nos travaux et que nous achevions l'examen de ce texte.

M. le président. Avec l'esprit de synthèse et la concision de chacun, nous devrions y arriver. A cet égard, de gros efforts ont été faits tout au long de la soirée, et je tiens à rendre hommage aux uns et aux autres.

Art. additionnel après l'art. 6
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Art. additionnel après l'art. 7

Article 7

M. le président. « Art. 7. - I. - Il est inséré, après l'article 9 de la même loi, un article 9-1 ainsi rédigé :

« Art. 9-1. - Sont exonérés de la redevance d'archéologie préventive, les travaux relatifs aux logements à usage locatif construits ou améliorés avec le concours financier de l'État en application des 3° et 5° de l'article L. 351-2 et des articles L. 472-1 et L. 472-1-1 du code de la construction et de l'habitation au prorata de la surface hors oeuvre nette effectivement destinée à cet usage, ainsi que les constructions de logements réalisées par une personne physique pour elle-même. »

« II. - Il est inséré après l'article 9-1 de la même loi un article 9-2 ainsi rédigé :

« Art. 9-2. - L'établissement public, les collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales versent 30 % du produit de la redevance d'archéologie préventive qu'ils ont perçu à un fonds de péréquation géré par l'établissement public.

« Ce fonds est destiné au financement des subventions accordées aux personnes auxquelles la réalisation d'une fouille archéologique a été prescrite.

« Les subventions sont attribuées par l'Etat après avis d'une commission composée, en nombre égal, de représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et de personnalités qualifiées, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

« Les travaux de fouilles archéologiques induits par la construction de logements à usage locatif construits ou améliorés avec le concours financier de l'Etat en application des 3° et 5° de l'article L. 351-2 et des articles L. 472-1 et L. 472-1-1 du code de la construction et de l'habitation, au prorata de la surface hors oeuvre nette effectivement destinée à cet usage, ainsi que les constructions de logements réalisées par une personne physique pour elle-même sont pris en charge financièrement par le fonds précité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à M. Claude Biwer, sur l'article.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'un des mérites du présent projet de loi consiste à réformer le système de financement de l'archéologie préventive en instaurant un système de redevance générale payée par tous les aménageurs au-delà d'un certain seuil - 5 000 mètres carrés proposés par le Gouvernement et 1 000 mètres carrés par la commission et le Sénat -, le taux de cette redevance étant fixé à 0,32 euro par mètre carré.

Lorsque la nouvelle de l'adoption de ce texte en conseil des ministres m'est parvenue, j'ai cru, bien à tort, monsieur le ministre, que la généralisation de cette redevance allait permettre une prise en charge intégrale des frais liés aux diagnostics et aux fouilles supportés jusqu'alors par les collectivités territoriales. Or, à la vérité, tel n'est malheureusement pas le cas.

Une redevance peut en cacher une autre : la nouvelle redevance d'archéologie préventive permettra seulement de financer les études diagnostic et alimentera un fonds de péréquation, mais en aucune manière elle ne pourra prendre en charge le coût des fouilles, qui fera l'objet d'une seconde redevance au prorata du coût réel des travaux entrepris.

Le fonds de péréquation sera néanmoins autorisé à verser des subventions aux collectivités territoriales auxquelles la réalisation d'une fouille archéologique a été prescrite.

Cependant, d'après les chiffres qui nous ont été communiqués, seulement douze millions d'euros serviraient à cette péréquation, ce qui laisse mal augurer de l'importance des subventions qui pourront être accordées. D'autant que, en règle générale, ce ne sont pas tant les études diagnostic que les fouilles qui entraînent un coût prohibitif pour les collectivités territoriales concernées.

Dans ces conditions, comment allons-nous pouvoir défendre votre texte auprès des élus ? En effet, lorsqu'ils apprendront qu'ils vont devoir payer une redevance d'archéologie préventive généralisée au-delà de 1 000 mètres carrés mais que, si leur projet d'aménagement nécessite des fouilles archéologiques, ils devront payer une seconde redevance, ils vont se demander où se situe le progrès !

Ce sont les raisons pour lesquelles, par voie d'amendement, je proposerai tout à l'heure que le fonds de péréquation prenne en charge la totalité des frais liés aux fouilles archéologiques prescrites aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

Cela nécessitera sans doute un engagement financier de l'Etat. Mais n'est-ce pas finalement dans la logique des choses, puisque l'Etat conserve un maximum de pouvoir dans la mise en place des critères de cette nouvelle loi ? Le bien-fondé du contôle de l'Etat, que je reconnais, justifie que, en toute logique, une part de financement lui revienne. L'assiette est peut-être encore trop étroite, malgré les amendements qui ont été déposés, certains ayant été retirés. Le taux peut probablement être encore modifié. Mais il faudrait en tout état de cause faire baisser le seuil ou moduler les taux. ll me semble utile d'apporter un peu d'oxygène à nos collectivités locales pour l'avenir.

Monsieur le ministre, vous avez tenté de nous rassurer sur vos intentions. Il serait peut-être utile que nous nous confirmiez votre volonté de faire en sorte que certaines collectivités ne paient pas deux fois alors que d'autres pourraient, dans certaines circonstances, eu égard au pourcentage que cela représente par rapport aux investissements, passer pratiquement à côté de la redevance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 84, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« I. - Supprimer le I de cet article.

« II. - En conséquence, devant le second paragraphe de cet article, supprimer la mention : "II. - ". »

L'amendement n° 29, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter in fine le texte proposé par le I de cet article pour l'article 9-1 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par les mots : "et les affouillements rendus nécessaires pour la réalisation de travaux agricoles ou forestiers". »

L'amendement n° 56 rectifié, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« I. - Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 9-1 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par une phrase ainsi rédigée :

« Les exonérations sont intégralement compensées par le budget de l'Etat. »

« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« ... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de la compensation par l'Etat des exonérations de la redevance d'archéologie préventive sont financées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement n° 67, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article 9-1 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, par un alinéa ainsi rédigé :

« Sont également exonérés de la redevance d'archéologie préventive les travaux relatifs aux bâtiments publics des collectivités locales, ainsi que les travaux relatifs aux bâtiments à vocation agricole. »

L'amendement n° 68, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article 9-1 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par un alinéa ainsi rédigé :

« Sont également exonérés de la redevance d'archéologie préventive les travaux relatifs aux bâtiments publics des collectivités hébergeant des services de proximité, ainsi que les travaux relatifs aux bâtiments à vocation agricole. »

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 84.

Mme Annie David. Cet amendement a pour objet d'assurer aux services d'archéologie préventive des ressources suffisantes pour mener à bien leur mission de service public.

Quand le ministère de la culture, dans une fuite en avant au mois de novembre 2002, a élargi le bénéfice des exonérations à la quasi-totalité des lotisseurs, cela a généré une perte de recettes de 15 millions d'euros, qui est à l'origine, pour une large part, de la situation financière critique que connaît l'INRAP aujourd'hui.

Il s'agit, par cet amendement, de compenser le rééquilibrage de la redevance entre le domaine urbain et le domaine rural, la division par deux du taux de la redevance « fouilles » pour certaines fouilles en milieu rural, en supprimant les exonérations débridées.

En effet, des exonérations ne font pas un texte de loi et il nous paraît difficile de ne pas soumettre l'ensemble des acteurs concernés à la redevance au titre de l'intérêt collectif et du civisme qu'elle signifie.

M. le président. La parole est M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 29.

M. Jacques Legendre, rapporteur. La redevance d'archéologie préventive s'appliquera à l'ensemble des opérations d'aménagement. Votre commission n'a pas remis en cause ce principe, qui permet de garantir la mutualisation du coût des opérations archéologiques. Toutefois, le mode de calcul de la redevance, qui assoit celle-ci sur la superficie du terrain, génère un déséquilibre au détriment des zones rurales. L'amendement que je vous propose, et qui a été approuvé par la commission, a pour objet d'exonérer les affouillements agricoles et forestiers du paiement de la redevance d'archéologie préventive et vise ainsi à corriger ce déséquilibre.

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 56 rectifié.

M. Yves Dauge. Cet amendement vise à faire supporter par l'Etat la charge des exonéations et des plafonnements qui est supportée par l'INRAP. Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de la compensation par l'Etat des exonérations de la redevance d'archéologie préventive seraient financées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter les amendements n°s 67 et 68.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, ces deux amendements vont un peu dans le même sens, l'amendement n° 68 étant toutefois un peu plus précis dans sa rédaction que l'amendement n° 67.

Il s'agit d'ouvrir le bénéfice des exonérations aux travaux relatifs tant aux bâtiments publics des collectivités locales, plus particulièrement ceux qui sont destinés à héberger des services publics de proximité, qu'aux bâtiments à vocation agricole. Cela s'oppose au dispositif adopté précédemment, M. le ministre ayant approuvé un amendement de la commission tendant à taxer la surface des bâtiments agricoles et à ne pas taxer l'assiette des surfaces de terrains destinés à la construction de bâtiments agricoles.

Si nous voulons préserver cette activité en milieu rural, mais également avoir une action d'aménagement du territoire et de maintien de services publics de proximité, il me paraît souhaitable que nous ayons une action incitative, favorable sur le plan financier, en direction des collectivités rurales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Je comprends bien la préoccupation de M. Biwer, notamment au regard des difficultés soulevées par l'application de la loi de 2001, et son désir de prendre, sur ce point, des précautions. S'il ne remet pas en cause les exonérations prévues par le projet de loi en faveur du logement social et de la construction individuelle, son sous-amendement n° 33 rectifié bis vise à prévoir que le fonds finance automatiquement les fouilles prescrites aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Notre collègue craint que les collectivités territoriales ne puissent bénéficier que de taux de subventionnement très faibles.

Je ne crois pas opportun de prévoir de subventionnement automatique pour les projets d'aménagement dont le maître d'ouvrage serait une collectivité territoriale ; cela aboutirait en effet, d'une certaine manière, à une déresponsabilisation : les collectivités territoriales n'auraient plus à se demander si l'opération qu'elles vont réaliser est située sur une zone archéologiquement riche et sensible ou sur une zone qui ne présente pas, a priori, de contrainte archéologique particulière. Ce serait un risque pour le substrat archéologique que nous voulons protéger. Or, il faut se garder de déresponsabiliser les acteurs tant privés que publics.

Par ailleurs, une telle disposition entraînerait une rupture d'égalité injustifiée avec les projets dont le maître d'ouvrage est une personne privée.

Par conséquent, au-delà de l'aspect sympathique de l'amendement, des problèmes apparaissent.

J'observerai enfin que, si nous multiplions les exonérations, il ne restera plus rien de ce fonds de péréquation dont il est envisagé par ailleurs qu'il soit administré par un conseil où siégeront notamment des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et des aménageurs de manière à lui permettre de définir lui-même sa politique de subventionnement. Voilà pourquoi, mon cher collègue, je souhaiterais que vous acceptiez de retirer votre sous-amendement.

L'amendement n° 84 vise à supprimer les exonérations de redevance prévues par le texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 17 janvier 2001. Il me paraît nécessaire de trouver une position d'équilibre en veillant à ne pas multiplier les exonérations sans pour autant supprimer celles qui sont déjà prévues par la loi et qui, souvent, d'ailleurs, s'inscrivent dans l'esprit de la loi de 2001. Voilà pourquoi j'émets un avis défavorable.

L'amendement n° 56 rectifié est important : il tend à préciser que les exonérations sont intégralement compensées par le budget de l'Etat. La commission comprend et partage les préoccupations des auteurs de l'amendement. L'archéologie ne doit pas assumer les charges de politiques qui sont étrangères à son objet. Les exonérations risquent de réduire très fortement les marges de manoeuvre du fonds de péréquation - je les évoquais à l'instant -, risquant à terme de réduire les possibilités de subventionnement des fouilles.

Par ailleurs, le mécanisme des exonérations pourrait conduire à une relative déresponsabilisation des aménageurs qui en bénéficient, dans la mesure où ces derniers n'auraient pas à tenir compte de l'impact de leur projet sur le patrimoine archéologique.

Voilà pourquoi la commission, qui s'est posé cette question, émet un avis favorable.

Que les choses soient bien claires, monsieur le ministre : nous nous préoccupons de vous permettre de garder les moyens de réussir la politique que vous mettez en place. Pour cela, le fonds de péréquation doit pouvoir jouer un rôle et ne pas être tributaire de telle ou telle demande d'exonération a priori visant à soutenir des politiques sans doute légitimes mais n'ayant pas à être financées par le ministère des affaires culturelles parce que ne relevant pas de ce dernier. Je dis bien que nous comprenons les demandes d'exonérations, mais que celles-ci doivent être imputées non pas sur le budget du ministère des affaires culturelles mais sur celui du ministère qui est à l'origine de la demande de l'exonération. La commission est guidée par un souci de clarté qui devrait me semble-t-il prévaloir au moment où l'on parle de réforme de l'Etat.

Monsieur Vasselle, l'amendement n° 67 est partiellement satisfait par l'amendement n° 24 de la commission en ce qui concerne les constructions agricoles. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir le retirer, faute de quoi je me verrai dans l'obligation d'émettre un avis défavorable. La multiplication des exonérations a priori sans que le conseil d'administration du fonds puisse se prononcer risque de priver d'efficacité le mécanisme de péréquation prévu dans le projet de loi.

Enfin, pour les mêmes raisons, la commission est défavorable à l'amendement n° 68.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je voudrais tout d'abord revenir sur l'intervention préliminaire de M. Biwer, sénateur de la Meuse.

Je tiens, moi aussi, à souligner, après M. le rapporteur, que le dispositif que nous proposons n'empile pas les redevances. En effet, une seule redevance est engendrée au moment de la mise en oeuvre des diagnostics. Ensuite, le financement des fouilles sera assuré non par une redevance mais par un prix convenu entre l'aménageur et l'opérateur des fouilles. Nous sommes donc dans une situation radicalement différente de celle qui a été mise en place par la loi du 17 janvier 2001.

Par ailleurs, il est une autre innovation importante à laquelle, je le sais, les communes rurales, notamment, seront attentives : la mise en place d'un fonds de péréquation qui permettra à une commission de décider une participation au financement des opérations de fouilles elles-mêmes au bénéfice d'aménageurs ou de collectivités dont l'incapacité à assumer seuls le financement de ces opérations aura été constatée.

De ce fait, l'ensemble de notre dipositif - M. le rapporteur l'a d'ailleurs très justement dit - doit préserver la réalité de ce fonds de péréquation, sous peine de s'effondrer.

Monsieur Biwer, je vous conjure d'être très attentif au caractère finalement très subtil de ce dispositif qui prend incontestablement en compte toutes les observations qui nous ont été faites au cours de ces derniers mois par les élus des collectivités locales.

S'agissant de l'amendement n° 84, présenté par Mme David, j'émets un avis défavorable, là aussi un peu par principe. Il convient, me semble-t-il, de s'en tenir à une certaine économie de l'exonération. Un certain nombre d'exonérations ont déjà été consenties, et elles sont stabilisées ; quelques autres - rares, comme l'a dit M. le rapporteur - sont envisagées.

Mais, d'un côté, il ne faut pas démultiplier les exonérations et, de l'autre, certaines exonérations, dont le caractère équitable est patent, ne doivent pas non plus être remises en cause. C'est notamment le cas de ce type d'exonérations.

S'agissant de l'amendement n° 29, présenté par M. le rapporteur, j'émets un avis favorable.

L'amendement n° 56 rectifié, présenté par M. Dauge, prévoit la compensation des exonérations par le budget de l'Etat.

Les exonérations de la redevance archéologique prévues par le Gouvernement se justifient par une politique globale en matière de construction et d'aménagement du territoire. C'est un effort collectif. L'élargissement de l'assiette de la redevance permet précisément de mutualiser le coût de l'archéologie et d'éviter que celui-ci ne compromette la réalisation des autres politiques de l'Etat, parmi lesquelles le logement social et l'encouragement à l'accession à la propriété, qui occupe une place tout à fait importante. J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Je souhaite le retrait de l'amendement n° 67. En effet, l'amendement n° 24 de la commission, accepté par le Gouvernement, réserve déjà un sort particulier aux constructions agricoles en déterminant l'assiette de la redevance par référence à l'emprise du sol et du bâtiment et non au terrain d'assiette de l'opération. Cette mesure de réalisme et d'équité me paraît prendre suffisamment en compte le contexte particulier de ces constructions.

Quant aux bâtiments publics des collectivités territoriales, il ne me paraît pas souhaitable de multiplier les exonérations catégorielles, car on risquerait de créer des inégalités.

L'amendement n° 68 a reçu, pour la même raison, un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 56 rectifié.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. J'invoque l'article 40 de la Constitution, monsieur le président.

M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur Mercier ?

M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Oui, monsieur le président, il l'est.

M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 56 rectifié n'est pas recevable. Mais l'échange de vues à son propos a néanmoins été utile, intéressant et, je pense, plein d'enseignements !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !

M. le président. Monsieur Vasselle, les amendements n°s 67 et 68 sont-ils maintenus ?

M. Alain Vasselle. J'hésite sur la conduite à adopter après l'invocation de l'article 40 sur l'amendement précédent.

Quand cela l'arrange, l'Etat prévoit en effet des dispositions d'exonération, notamment pour ce qui concerne la politique de logement social dont il est le principal financeur.

Mais il n'en va pas de même lorsqu'il s'agit d'envisager des exonérations qui profiteraient, par exemple, à l'agriculture, actuellement dans une passe particulièrement délicate et difficile. A ce sujet, nous aurions pu, je pense, faire un effort plus significatif que celui qui a été proposé par la commission.

Et que dire lorsqu'il s'agit d'aider les collectivités locales à maintenir des services publics de proximité pour lesquels l'Etat opère de plus en plus un transfert de charges vers elles ? On le voit avec l'exemple de La Poste : l'Etat transfère les services postaux à des agences postales et demande aux collectivités locales d'en assurer le financement ; et il va, en plus, faire supporter à ces dernières les dépenses liées aux fouilles en archéologie !

En revanche, lorsque c'est la politique de l'Etat au travers du logement social qui est en cause, on n'a plus d'états d'âme quant à l'exonération !

C'est la raison pour laquelle, par principe et pour exprimer une sorte de protestation, je maintiens mon amendement, sans me faire d'illusions quant au sort qui lui sera réservé ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 57 rectifié, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer le II de cet article. »

L'amendement n° 30, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Remplacer les trois premiers alinéas du texte proposé par le II de cet article pour l'article 9-2 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Il est créé un fonds national pour l'archéologie préventive, géré par l'établissement public mentionné à l'article 4.

« Ce fonds finance les subventions accordées par l'Etat aux personnes projetant d'exécuter des travaux qui ont donné lieu à l'édiction d'une prescription de fouille d'archéologie préventive conformément aux dispositions de l'article 2.

« Les recettes du fonds sont constituées par un prélèvement de 30 % sur le produit de la redevance d'archéologie préventive prévue à l'article 9.

« Les subventions sont attribuées par l'Etat conformément aux critères définis par le conseil d'administration du fonds.

« Le conseil d'administration du fonds comprend un député et un sénateur désignés par leur assemblée respective ; cinq représentants de l'Etat ; cinq représentants des collectivités territoriales ; cinq représentants des personnes visées au premier alinéa du I de l'article 9 et cinq personnalités qualifiées. Le conseil élit son président en son sein. »

Le sous-amendement n° 33 rectifié bis, présenté par M. Biwer, est ainsi libellé :

« I. - Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 30 pour l'article 9-2 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 par une phrase ainsi rédigée :

« Il prend également en charge le financement des fouilles archéologiques prescrites aux collectivités territoriales ou à leurs groupements. »

« II. - Compléter l'amendement n° 30 par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant pour l'Etat, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de la prise en charge de l'ensemble des fouilles archéologiques prescrites aux collectivités territoriales ou à leurs groupements sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

« III. - En conséquence, faire précéder le début de l'amendement n° 30 de la mention : "I. - ". »

L'amendement n° 69, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

« Au dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 9-2 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, après les mots : "ainsi que les constructions de logements réalisées par une personne physique pour elle même", insérer les mots : ", les constructions de bâtiments publics des collectivités territoriales et celles des bâtiments à vocation agricole". »

L'amendement n° 70, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

« Au dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 9-2 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, après les mots : "ainsi que les constructions de logements réalisées par une personne physique pour elle même", insérer les mots : ", les constructions de bâtiments publics des collectivités territoriales hébergeant des services de proximité et celles des bâtiments à vocation agricole". »

La parole est à M. Yves Dauge, pour défendre l'amendement n° 57 rectifié.

M. Yves Dauge. Cet amendement a le même objet que les amendements précédents. Pour nous, le fonds de péréquation n'a pas à financer les exonérations. Je le dis clairement : je suis tout à fait opposé à ce dispositif financier qui ne peut que conduire à une impasse.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 30.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Cet amendement a pour objet de renforcer le rôle du fonds de péréquation et de préciser les conditions dans lesquelles sont définis les critères d'attribution des subventions qu'il finance.

En effet, le projet de loi cantonne la commission prévue par le texte proposé pour l'article 9-2 de la loi du 17 janvier 2001 à un simple rôle consultatif.

Sans dénier à l'Etat la compétence qui lui est dévolue pour l'octroi des subventions, la commission a estimé nécessaire que les critères d'attribution de ces subventions puissent être arrêtés de manière transparente et démocratique.

C'est pourquoi elle a souhaité accentuer l'autonomie du fonds en le dotant d'un conseil d'administration à la composition élargie et présidé non par vous, monsieur le ministre - pardonnez-nous ! - mais par l'un de ses membres, auquel il reviendra de définir les critères d'attribution des subventions.

Ce dispositif apparaît de nature à garantir la souplesse de gestion des recettes du fonds. Chaque année, en fonction des recettes disponibles, pourront être arrêtés les critères à retenir.

Par ailleurs, il permettra d'assurer la transparence de la procédure de subventionnement. Il apparaît en effet essentiel d'éviter de retomber dans l'un des inconvénients de la situation qui prévalait avant la loi du 17 janvier 2001 : l'attribution de subventions relevait de décisions au coup par coup, selon une logique qui échappait aux aménageurs.

Si je voulais illustrer ma pensée, je souhaiterais que ce comité de gestion du fonds ressemble un peu à ce qu'est le comité des finances locales pour l'attribution des subventions de l'Etat à nos collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, pour présenter le sous-amendement n° 33 rectifié bis.

M. Claude Biwer. Je tiens à préciser que je n'ai, pour ma part, demandé aucune exonération et que je ne suis pas du tout hostile à une modification des taux ou de l'assiette. M. Mercier ne pourrait même pas déclarer l'article 40 de la Constitution est applicable !

Néanmoins, j'admets la difficulté que poserait la rupture du financement, si ce sous-amendement était adopté.

Mais des questions restent sans réponse.

Je constate que, finalement, le milieu rural va payer plus que d'autres, malgré ce qui a été décidé pour l'agriculture. Vise-t-on les biens agricoles professionnels ou les biens ruraux ? J'aimerais bien obtenir cette précision. En effet, très souvent, des constructions à usage d'habitation sont bâties sur de grandes parcelles en milieu rural. On va donc retrouver là aussi un déséquilibre qui n'est pas neutre dans l'opération.

Dans l'avenir, il sera probablement nécessaire de réexaminer les idées déjà évoquées aujourd'hui pour tenir compte du coût que représentera cette taxe au prorata de la dépense - les dépenses peuvent être considérables et le taux, s'il est calculé au mètre carré, va toujours, quant à lui, se réduire, eu égard au coût de l'opération - ou, en milieu rural, pour tenir compte du coût que cela représentera par habitant au prorata de la population. Ce sont des éléments de réflexion que je vous soumets pour l'avenir, mes chers collègues.

Toutefois, compte tenu des différents propos tenus, je retire bien volontiers mon sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 33 rectifié bis est retiré.

Les amendements n°s 69 et 70 ne sont pas soutenus.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 57 rectifié ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Je viens de dire quelle importance j'attachais au fonds de péréquation avec la volonté de le protéger, éventuellement, contre une intervention trop directe de l'Etat dans sa politique d'affectation. Notre collègue Dauge, lui, veut supprimer le fonds. Il comprendra donc que je sois contraint d'émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 57 rectifié et 30 ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 57 rectifié et favorable à l'amendement n° 30.

Je tiens à remercier M. le sénateur de la Meuse du retrait de son sous-amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Art. 7
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. 8

Article additionnel après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 85, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article 13 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 précitée, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art... - I. - A la fin de la deuxième phrase de l'article 11 de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques les mots : "est partagée entre l'Etat et le propriétaire du terrain suivant les règles du droit commun" sont remplacés par les dispositions : "revient à l'exception des objets visés par l'article 716 du code civil, à l'Etat. Après études, ces objets sont prioritairement déposés dans le musée de France le plus proche du lieu de la découverte".

« II. - Dans la dernière phrase du même article, après les mots : "objets trouvés", sont insérés les mots : "qui relèvent des dispositions de l'article 716 du code civil". »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Le projet de loi, en renvoyant la propriété des objets archéologiques aux dispositions de la loi du 27 septembre 1941 en matière de partage entre le propriétaire du terrain et l'inventeur, entraînerait la dispersion des objets dans des collections privées.

L'article 717 du code civil relatif aux épaves maritimes et terrestres prévoit que la propriété « des choses perdues dont le maître ne se présente pas » est réglée « par des lois particulières » tandis que l'article 716 prévoit que la propriété des « trésors » était partagée « pour moitié à celui qui l'a découvert et pour l'autre moitié au propriétaire du fonds ».

La loi du 27 septembre 1941 dite « Carcopino », du nom d'un académicien collaborateur, a assimilé l'ensemble des objets archéologiques à des « trésors ».

Cette option, qui se comprend aisément dans le contexte de l'époque, celui de la collaboration - le texte de loi a été amendé au passage de la main même de Pétain -, est contraire à la jurisprudence qui limite la notion de trésor aux objets précieux.

En effet, comme cela est souligné dans un rapport remis au ministre de la culture, « la très grande majorité du mobilier ordinairement découvert sur un site est constitué de tessons de céramique, d'objets en métal rouillé et souvent informes, d'ossements d'animaux, d'éclats de pierre taillée, etc. ».

Aujourd'hui, le choix effectué en 1941 a des conséquences extrêmement néfastes.

Les objets découverts à l'occasion des fouilles réalisées par l'Etat dans le cadre du titre II de la loi de 1941 doivent être partagés entre le propriétaire du terrain, qui n'en a que faire le plus souvent, et l'Etat.

Dans le cadre du titre Ier, tel que proposé par le projet de loi, ces objets reviennent pour moitié à l'opérateur de fouilles, qui peut être une personne physique ou morale de droit privé.

Cette dispersion des collections limite le développement de la recherche et la diffusion des connaissances auprès du public.

L'amendement que nous proposons, qui reprend les conclusions du rapport Papinot, vise à élever sur ce point la législation française au même niveau que celle de la plupart des grands pays européens, en prévoyant que les objets archéologiques issus des fouilles préventives autres que les trésors sont propriété intégrale de l'Etat.

Afin de permettre une présentation de proximité de ces objets, nous proposons que ces vestiges soient déposés prioritairement dans le musée classé et contrôlé le plus proche du lieu de la découverte.

Au-delà de cet amendement, je voudrais dire combien je trouve scandaleux que des lois qui n'ont pas été adoptées par un Parlement - il n'y avait pas de Parlement en 1941 -, qui ont été promulguées par des criminels de guerre, des traîtres à leur pays que l'histoire a condamnés, fassent encore partie du patrimoine législatif de la République.

Je trouve cela insultant pour tous ceux qui se sont battus et sont morts pour la libération de notre pays, pour tous ceux qui ont été massacrés par la milice au service des nazis.

Une réflexion devrait être engagée entre le Parlement et le Gouvernement, afin de régler une fois pour toutes le sort de ce bloc de lois, qui est encore en vigueur.

Je sais bien que le Centre national du cinéma a été créé par le régime de Vichy, mais rien ne nous empêche de voter une loi qui remette les choses en place.

Je trouve honteux pour notre pays que l'on fasse référence à cette période honnie, qui n'a été qu'une parenthèse dans l'histoire de la France puisque l'Etat français n'avait aucune légitimité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Cet amendement vise à attribuer à l'Etat la propriété du mobilier archéologique. Nous avons essayé, tout à l'heure, de montrer le souci de la commission de trouver une solution équilibrée.

Un amendement de ce type avait déjà été proposé au Sénat lors de la discussion de la précédente loi. J'avais probablement commis l'erreur, à l'époque, de le soutenir, ce qui montre que, sur le fond je comprends parfaitement vos aspirations, mon cher collègue.

Toutefois, l'adoption de cet amendement nous mettrait en opposition avec le principe constitutionnel du respect du droit de propriété, avec les conséquences qu'il peut s'ensuivre.

Je crois que l'amendement n° 19 de la commission répond mieux aux préoccupations exprimées en évitant cet écueil de l'inconstitutionnalité tout en permettant de trouver une réponse appropriée, me semble-t-il, aux différents cas de figure que nous avons envisagés. Je souhaiterais donc que les auteurs de l'amendement acceptent de le retirer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission et émet un avis défavorable sur l'amendement n° 85. L'amendement présenté par la commission sur ce sujet est en effet particulièrement équilibré.

Monsieur le sénateur du Nord, s'agissant de vos commentaires sur le caractère inopportun des références à des lois votées pendant une période sinistre de notre histoire, je comprends tout à fait, à la fois moralement et politiquement, votre répugnance.

Cela dit, je me souviens que dans mon enfance, pendant très longtemps, les pièces de monnaie en usage ont porté la francisque. Ce n'était pas très glorieux, mais il fallait bien que la France vive !

Nous nous sommes servis du travail législatif, je pense qu'il faudra au fur et à mesure faire disparaître les références aux textes qui nous rappellent une période peu glorieuse de notre histoire. D'ailleurs, dès la Libération, un tri a déjà été effectué entre les textes jugés irrecevables, inadmissibles, honteux pour la mémoire nationale et ceux qui pouvaient fournir à la France un matériel législatif convenable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 7
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. 9

Article 8

M. le président. « Art. 8. - L'article 10 de la même loi est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 10. - Les litiges relatifs à la redevance d'archéologie préventive sont de la compétence des juridictions administratives. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d'impôts directs. L'autorité compétente pour statuer sur les réclamations est celle qui a arrêté le montant de la redevance. » - (Adopté.)

Art. 8
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. 10

Article 9

M. le président. « Art. 9. - I. - Au premier alinéa de l'article 14 de la même loi, les mots : "31 décembre 2003" sont remplacés par les mots : "31 décembre 2006".

« II. - La même loi est complétée par un article 15 ainsi rédigé :

« Art. 15. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application de la présente loi. »

Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 31, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le I de cet article :

« I. _ L'article 14 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 précitée est ainsi modifié :

« 1° Au premier alinéa, la date : "31 décembre 2003" est remplacée par la date : "31 décembre 2005" ;

« 2° Le dernier alinéa est supprimé. »

L'amendement n° 58, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans le I de cet article, remplacer le millésime : "2006" par le millésime : "2004". »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 31.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Il est souhaitable que soit dressé un bilan de l'application de cette loi, car le diable est souvent dans les détails. (Sourires.) Si je souhaite ardemment que le Parlement ne soit pas, dans quelque temps, saisi d'un troisième texte de loi, je pense qu'il ne serait pas mauvais de pouvoir faire le point de l'application de la loi.

L'archéologie mérite que le Parlement, après lui avoir consacré deux débats, ne l'abandonne pas à son sort pendant des années. Je crois qu'une des raisons du malaise actuel tient au fait que, pendant trop longtemps, l'archéologie et les archéologues ont été un peu abandonnés. J'espère qu'ils verront dans le temps que nous leur consacrons la preuve de l'intérêt que la représentation nationale porte à l'archéologie, aux archéologues et à leur travail.

Cela étant dit, il faut fixer une date pour le dépôt du rapport. L'amendement a pour objet d'avancer cette date au 31 décembre 2005 et d'actualiser la rédaction de l'article 14 de la loi de 2001, qui précisait le contenu du rapport, compte tenu de la suppression de la procédure de contestation que proposait le paragraphe III de l'article 8 de ladite loi.

Cette date nous laissera deux ans pour juger de l'application de la loi. Il s'agit, me semble-t-il, d'une cote relativement bien taillée entre différentes nécessités.

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 58.

M. Yves Dauge. Nous nous rallions à la proposition de M. le rapporteur et nous retirons notre amendement n° 58.

M. le président. L'amendement n° 58 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 31 ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Art. 9
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. 11

Article 10

M. le président. « Art. 10. - Au troisième alinéa de l'article L. 421-2-4 du code de l'urbanisme, les mots : "de fouilles archéologiques préventives" sont remplacés par les mots : "d'opérations d'archéologie préventive" et le mot : "fouilles" est remplacé par le mot : "opérations". » - (Adopté.)

Art. 10
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. additionnels après l'art. 11

Article 11

M. le président. « Art. 11. - I. - La procédure de consultation préalable de la personne projetant d'exécuter les travaux prévue à l'article 2 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 dans sa rédaction issue de l'article 1er de la présente loi n'est obligatoire qu'à compter de la date fixée par le décret en Conseil d'Etat qui l'organise et, au plus tard, à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi.

« II. - Les dispositions de l'article 4-5 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 s'appliquent aux conventions conclues postérieurement à la publication de la présente loi.

« III. - Les articles 5 et 7 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 dans leur rédaction issue des articles 3 et 4 de la présente loi s'appliquent, à compter du premier jour du troisième mois qui suit la publication de la présente loi, à l'exécution des prescriptions de fouilles n'ayant pas donné lieu à signature de la convention d'exécution entre l'opérateur et la personne projetant d'exécuter les travaux. Ces opérations ne sont pas soumises à la redevance prévue au 2° du II de l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001.

« IV. - Les articles 9, 9-1 et 9-2 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, dans leur rédaction issue de la présente loi, sont applicables aux travaux d'aménagement et d'affouillement pour lesquels le fait générateur de la redevance d'archéologie préventive intervient à compter du premier jour du troisième mois qui suit la publication de la présente loi. »

L'amendement n° 32, présenté par M. Legendre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Supprimer le I de cet article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le III de cet article :

« III. _ L'article 7 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 dans sa rédaction issue de l'article 4 de la présente loi s'applique à compter du premier jour du troisième mois qui suit la publication de la présente loi. »

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Il s'agit d'un amendement de conséquence, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les raisons qui ont été exposées à propos de l'amendement n° 44.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le début du IV de cet article :

« IV. _ Les articles 9 et 9-1 de la loi... »

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Il s'agit d'un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 11

Art. 11
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

« L'amendement n° 61 est présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe Socialiste et apparenté.

« L'amendement n° 86 est présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

« Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 105 de la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 de finances pour 2003 est abrogé. »

La parole est à M. Yves Dauge, pour défendre l'amendement n° 61.

M. Yves Dauge. Il convient de supprimer l'article de la loi de finances pour 2003 qui réduit de 25 % le montant des deux redevances d'archéologie préventive.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour défendre l'amendement n° 86.

Mme Annie David. Cet amendement vise à assurer aux services de l'archéologie préventive les moyens de mener à bien leurs missions et à tirer les conséquences du présent projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. La commission a estimé que l'adoption du projet de loi entraînera de fait l'abrogation de la disposition en question et que, par conséquent, il n'est pas nécessaire de le préciser.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. En effet, l'adoption du projet de loi rendra ce dispositif caduc. L'amendement est donc sans objet ; le Gouvernement y est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 61 et 86.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Dauge, Mme Blandin, MM. Lagauche, Picheral, Signé et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans le 3° de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, les mots : "et du patrimoine bâti" sont remplacés par les mots : ", du patrimoine bâti et du patrimoine archéologique". »

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Cet amendement s'explique par son texte même.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Il s'agit, incontestablement, d'une précision utile. Nous devons favoriser une prise en compte systématique, dans les documents d'urbanisme, des zones sensibles sur le plan archéologique.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Cet amendement ne me semble pas forcément utile parce que la prise en compte du patrimoine archéologique est déjà effectuée lors de l'élaboration des documents d'urbanisme par les diagnostics, et garantie par l'association des services de l'Etat et des collectivités locales compétentes.

Cette précision serait d'ailleurs source de contentieux, en particulier en l'absence d'une carte archéologique, que j'appelle également de mes voeux.

Il ne serait pas bon, à l'occasion de l'examen de chaque projet de loi, de compléter l'article L. 121-1, ce qui aboutirait rapidement à un inventaire à la Prévert.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.

Vote sur l'ensemble

Art. additionnels après l'art. 11
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Bernard Fournier, pour explication de vote.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les difficultés rencontrées dans l'application de la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, difficultés que le Sénat, notamment notre excellent rapporteur, M. Jacques Legendre, avait anticipées, se sont révélées, hélas ! plus graves encore que nous ne le pensions.

Le monopole accordé à l'INRAP, établissement public, financé par un impôt insuffisant, a très vite eu des effets pervers : décisions non motivées, délais excessifs de réalisation des opérations de fouilles, financement injuste et déséquilibré entre les zones rurales et les zones urbaines... Aujourd'hui, la situation est totalement bloquée. C'est pourquoi nous ne pouvons que nous réjouir, monsieur le ministre, que vous nous ayez proposé cette réforme.

L'archéologie préventive est désormais ouverte à une diversité d'opérateurs, en particulier aux services archéologiques des collectivités territoriales. Cela devrait permettre de mieux maîtriser les délais mais aussi les coûts des opérations archéologiques, sans remettre en cause le rôle de l'Etat dans la protection du patrimoine archéologique, rôle auquel nous sommes profondément attachés.

L'institution d'une redevance d'archéologie préventive dont les règles sont simples devrait permettre d'assurer une péréquation du financement des fouilles. Monsieur le ministre, vous connaissez nos inquiétudes quant au niveau des sommes qui seront ainsi dégagées. L'adoption de l'amendement élargissant l'assiette de la redevance est susceptible de répondre à ce souci, notamment en ce qui concerne les petites communes rurales dont le potentiel fiscal ne permet pas de supporter des coûts de fouilles archéologiques très élevés.

Quant à l'amendement organisant le processus décisionnel de ce fonds de péréquation de façon plus autonome, il devrait répondre à l'objectif d'équité que nous visons avec ce texte.

Par ailleurs, des précisions utiles ont été apportées par notre Haute Assemblée concernant, par exemple, l'exonération de la redevance des travaux agricoles ou forestiers mais aussi sa limitation pour la construction des bâtiments agricoles.

De même, le vide juridique actuel sur le régime de propriété du mobilier archéologique issu des opérations d'archéologie préventive est comblé de façon équilibrée, conciliant le respect du droit de propriété et la protection de notre patrimoine.

Enfin, je crois que l'établissement d'une carte archéologique devrait apporter un « plus » considérable en permettant d'alerter les aménageurs sur l'existence potentielle de vestiges justifiant des fouilles.

Notre groupe réaffirme son attachement à une archéologie préventive mieux organisée et plus dynamique. C'est pourquoi le groupe UMP votera ce projet de loi tel qu'il a été amendé par notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on n'a pas laissé vivre la loi du 17 janvier 2001, on n'a pas voulu attendre le bilan qui devait être réalisé à la fin de cette année 2003. Pourquoi cette précipitation ? Il y a de quoi être troublé !

Il y a aussi de quoi être inquiet devant un texte qui risque de bouleverser les conditions dans lesquelles le patrimoine archéologique national sera préservé en France. D'autant que le Conseil national de la recherche archéologique, instance de conseil placée auprès du ministre de la culture, s'est prononcé contre la principale orientation de ce texte qui inscrit les opérations archéologiques dans le domaine marchand soumis à concurrence. D'autant que la conférence des conservateurs régionaux de l'archéologie, qui réunit la totalité des chefs des services archéologiques déconcentrés du ministère de la culture a purement et simplement demandé le retrait du projet de loi. D'autant que les personnels, qu'ils appartiennent aux services du ministère de la culture, à l'INRAP, aux services régionaux de l'archéologie ou aux services archéologiques des collectivités territoriales, qu'ils soient directeurs de recherche, chercheurs et techniciens des laboratoires d'archéologie du CNRS, professeurs ou enseignants-chercheurs des universités, sont unanimes à demander le retrait de ce projet de loi.

Sur le débat d'aujourd'hui et le choc des conceptions, l'histoire tranchera. C'est son « métier » d'histoire ! Je pense, pour ma part, que le débat ne fait, en réalité, que commencer.

En attendant, nous voterons contre ce projet.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Je voudrais tout d'abord dire notre satisfaction à la suite du débat qui s'est déroulé dans notre assemblée, d'où ce texte ressort enrichi, parfois grâce à l'adoption d'amendements présentés par notre groupe.

L'alternative proposée par M. Mercier laisse entrevoir quelques possibilités d'ouverture lorsque la discussion se poursuivra à l'Assemblée nationale. Bien sûr, nous serons vigilants quant aux travaux de la CMP.

Je tiens à souligner l'excellent travail accompli par la commission et, en particulier, par le rapporteur.

Cela va de soi, le groupe de l'Union centriste votera, monsieur le ministre, votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cet instant je n'interviendrai évidemment pas sur le fond, qui a été abondamment commenté au cours de ce débat.

Je souhaite avant tout vous dire, monsieur le ministre, combien M. le rapporteur, l'ensemble de la commission des affaires culturelles et moi-même avons apprécié votre disponibilité personnelle et celle de vos collaborateurs, même s'il est arrivé que nous ne partagions pas les thèses que vous souteniez.

Bien sûr, comme toujours, le texte issu de nos débats est perfectible, et nous espérons que des améliorations pourront encore être apportées par l'Assemblée nationale et par la commission mixte paritaire. Tel est le sens du retrait d'un amendement, au demeurant fort intéressant, qui nécessitait effectivement une réflexion plus approfondie.

Je remercie les membres de la commission des affaires culturelles de la contribution que, aux côtés du rapporteur, ils ont apportée au débat en séance publique.

Monsieur le président, je ne saurais conclure sans vous remercier de votre patience, de votre bienveillance et de votre indulgence. Malgré l'heure avancée, vous avez accepté que nous terminions l'examen de ce texte au cours de cette séance, nous épargnant ainsi une coupure dans les débats qui aurait sans doute été préjudiciable à leur qualité.

M. le président. Le président, en principe, ne doit pas s'exprimer, mais il ne peut que s'associer aux paroles qui viennent d'être prononcées.

Je remercie les uns et les autres d'avoir permis que se tienne au Sénat ce débat fort intéressant, où les questions de fond ont été abordées, chacun s'efforçant d'apporter, avec son tempérament propre, mais toujours avec un esprit de synthèse, sa pierre à l'édifice. (Applaudissements.)

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le président, permettez-moi à mon tour de vous remercier, ainsi que les membres de la Haute Assemblée qui ont participé à ce débat, tout particulièrement le rapporteur de la commission des affaires culturelles, Jacques Legendre.

J'ai naturellement été très attentif à la qualité des apports du Sénat à ce projet de loi. Ceux-ci ont été rendus possibles par le travail de la commission, mais aussi par la confrontation des points de vue.

Malgré certaines divergences d'appréciation, notamment avec les élus de l'opposition, j'ai le sentiment que tous les membres de cette assemblée ont marqué leur attachement à l'archéologie préventive ainsi qu'à l'ouverture de cette activité à d'autres opérateurs que l'établissement national.

Je tiens d'ailleurs à dire une nouvelle fois mon estime et ma reconnaissance aux collaborateurs de l'Institut national de recherche et d'archéologie préventive. Ils accomplissent un travail important. Nous savons tous qu'ils joueront demain, une fois cette loi votée, un rôle majeur dans le dispositif de l'archéologie préventive. Nous comptons sur eux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
 

18

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et diverses dispositions relatives aux mines.

La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 356, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

19

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION

DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre les textes suivants, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Projet de position commune du Conseil sur le courtage des armements.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2313 et distribué.

- Projet d'action commune du Conseil /2003/PESC du sur la poursuite du programme de coopération de l'Union européenne en faveur de la non-prolifération et du désarmement dans la fédération de Russie.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2314 et distribué.

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la gestion des déchets de l'indutrie extractive.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2315 et distribué.

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre général pour financer les activités communautaires à mener à l'appui de la politique des consommateurs pendant les années 2004 à 2007.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2316 et distribué.

20

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 18 juin 2003, à quinze heures et éventuellement le soir.

1. Examen des demandes d'autorisation suivantes :

1° Demande, présentée par la commission des affaires économiques, tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information afin de se rendre en Russie pour y étudier la situation des secteurs de l'énergie, de l'agriculture et des transports, de l'économie de ce pays.

2° Demande, présentée par la commission des affaires sociales, tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information afin de se rendre en Afrique du Sud pour y étudier la politique sanitaire de ce pays.

2. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 338, 2002-2003), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, pour l'initiative économique.

Rapport (n° 353, 2002-2003) de M. Jean-Jacques Hyest, Mme Annick Bocandé et M. René Tregouët, fait au nom de la commission spéciale.

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délais limites pour des inscriptions de parole

et pour le dépôt d'amendements

Question orale avec débat n° 18 de M. Jean Bizet sur les organismes génétiquement modifiés :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 18 juin 2003, à dix-sept heures.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour la confiance dans l'économie numérique (n° 195, 2002-2003) :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 23 juin 2003, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 23 juin 2003, à dix-sept heures.

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation budgétaire :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 25 juin 2003, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 18 juin 2003, à une heure quarante-cinq.)

Le Directeur

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD