M. le président. « Art. 1er. - L'article 311-21 du code civil inséré par l'article 4 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille est modifié comme suit :
« I. - La dernière phrase du premier alinéa de cet article est ainsi rédigée :
« En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l'égard de l'un et de l'autre. »
« II. - Il est inséré après le premier alinéa de cet article un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de naissance à l'étranger d'un enfant dont l'un au moins des parents est français, les parents qui n'ont pas usé de la faculté de choix du nom dans les conditions du précédent alinéa peuvent effectuer une telle déclaration lors de la demande de transcription de l'acte, au plus tard dans les trois ans de la naissance de l'enfant. »
L'amendement n° 2, présenté par MM. Lagauche, Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le I de cet article pour la dernière phrase du premier alinéa de l'article 311-21 du code civil, remplacer les mots : "le nom de son père" par les mots : "leurs deux noms accolés dans l'ordre alphabétique, dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux,". »
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Ceux qui ont suivi l'évolution de ce texte - dont je n'était pas, je dois le dire, l'un des thuriféraires les plus acharnés - savent que la solution retenue l'a été en raison du calendrier.
M. Gouzes, dont le nom, je l'espère, restera attaché à la loi, avait déposé une proposition de loi, qui a été votée par l'Assemblée nationale. Notre excellent rapporteur avait évoqué in fine, devant la commission des lois, une solution qui a été acceptée, mais il ne me démentira pas si j'affirme ici que cette acceptation était liée au calendrier. Ce texte, dans sa dernière rédaction, est un texte de calendrier.
Sur le fond, il s'agit de permettre le respect du principe d'égalité entre femmes et hommes, au regard notamment de la tendance de la jurisprudence de la Cour européenne, qui n'est pas tout à fait précise dans ce domaine. Or la solution qui a été in fine adoptée tend non pas à assurer l'égalité entre femmes et hommes, mais à accorder la primauté ultime au nom du père. En effet, dans le silence, c'est ce dernier qui prévaut.
Certes, on me rétorquera que c'est la tradition, paradoxe dont j'ai eu le plaisir de m'entretenir avec notre excellent rapporteur. Nous consacrons donc ici, au nom de l'égalité entre femmes et hommes, la primauté du nom du père, qui n'a jamais été qu'une tradition dans le droit français, car il n'existe pas de texte sur ce point.
Cela étant, puisque nous voulons l'égalité, instaurons l'égalité ! A défaut d'accord entre les parties, les noms du père et de la mère doivent être transmis. C'est aussi simple que cela !
Si nous adoptons cet amendement, nous nous accorderons à la tendance internationale et nous mettrons en oeuvre un peu plus avant le principe, qui nous est tout à fait cher, de l'égalité entre femmes et hommes.
La solution élaborée in extremis au sein de la commission des lois du Sénat, qui était d'ailleurs perplexe, et ensuite acceptée, faute de temps, par l'Assemblée nationale ne me paraît pas correspondre à la finalité du texte et à l'inspiration qui le sous-tend.
C'est pourquoi nous proposons au Sénat d'en revenir à ce qui est la raison d'être de ce texte, à savoir manifester la volonté d'égalité entre femmes et hommes s'agissant du nom patronymique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je voudrais tout d'abord rassurer M. Badinter : il n'est nullement dans mes intentions d'enlever la paternité de ce texte à M. Gouzes, je ne vois aucun inconvénient à ce qu'on l'appelle la « loi Gouzes ».
En revanche, je ne puis être d'accord avec M. Badinter quand il affirme que le texte a été voté conforme par les deux assemblées pour des raisons de calendrier. Mon cher collègue, j'ai pour ma part la faiblesse de penser qu'il s'agit non pas d'une loi de calendrier, mais d'une loi de conviction, de sagesse et de consensus. C'est parce que la proposition de loi relative à la dévolution du nom de famille entérinée par le Sénat lui a paru sage que l'Assemblée nationale, souveraine en dernier ressort, l'a adoptée ; elle n'était en aucune façon contrainte de le faire.
Par ailleurs, vous nous avez dit, monsieur Badinter, que vous n'étiez pas vraiment favorable à ce texte, que vous n'en étiez pas un thuriféraire mais que, puisqu'il existe, il convenait d'instaurer l'égalité entre femmes et hommes. Mais cette égalité, elle réside dans la liberté de choix ! C'est la raison pour laquelle nous offrons la possibilité aux parents de choisir le nom des enfants ; la femme peut donc transmettre son nom.
Cela étant, que se passe-t-il en cas de conflit entre les parents ou lorsque ceux-ci ne ressentent pas l'envie ou le besoin de choisir le patronyme de leurs enfants ? C'est là qu'apparaît une divergence avec la proposition de loi initiale de M. Gouzes. Vous prévoyez, monsieur Badinter, que le droit commun prévaudra dans un tel cas et que l'on accolera les deux noms. Or le droit commun, c'est la tradition française, qui veut en l'espèce que l'on donne le nom du père. Pourquoi obliger les gens à choisir lorsqu'ils ne le veulent pas ? La proposition de loi ne l'impose pas, et cela nous semble sage. En cas de difficulté, il faut toujours retenir une formule qui soit de nature à n'humilier personne. A cet égard, se référer à une tradition multiséculaire pour régler un contentieux permet un apaisement.
C'est pourquoi je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement, monsieur Badinter, qui vise en fait à revenir sur le consensus intervenu lors du vote de la loi du 4 mars 2002.
M. René-Pierre Signé. Pas très convaincant !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. L'amendement défendu par M. Badinter vise, au nom de l'égalité entre femmes et hommes, à donner aux parents la possibilité d'accoler leurs deux noms, dans l'ordre alphabétique. Or retenir une telle proposition ne permettrait précisément pas d'instaurer l'égalité, monsieur Badinter : les noms commençant par les lettres de la fin de l'alphabet tendraient alors à disparaître, et je ne vois pas en quoi cette solution serait plus équitable qu'une autre.
Comme vient de le dire à très juste titre M. le rapporteur, mieux vaut se référer à nos traditions. Une étude récemment réalisée par l'Institut national d'études démographiques, l'INED, révèle d'ailleurs que, dans huit cas sur dix, les parents d'enfants naturels, qui peuvent librement choisir le patronyme de ceux-ci, optent pour le nom du père, tout simplement parce que cela correspond à une tradition.
Je préconise donc, au nom de l'équité, le rejet de cet amendement, afin que toute la richesse de notre héritage patronymique soit préservée.
M. le président. La parole est à M. Philippe de Gaulle, contre l'amendement.
M. Philippe de Gaulle. Je me placerai non pas sur le plan du droit, mais sur celui du fond.
Je suis tout à fait opposé à cette proposition de loi, qui, si elle est adoptée, aggravera l'instabilité sociale et l'« apatrisme » de notre temps. Elle sera une source supplémentaire de confusion en matière d'identité, d'état civil, voire de généalogie.
Après des millénaires, nous étions enfin parvenus à un système d'identification stable, naturel et confirmé. Je n'évoquerai pas ici l'égalité de l'homme et de la femme, qui n'est pas en cause, malgré des rôles humains qui ne sont pas similaires. Je ne développerai pas davantage les inconvénients des anciennes sociétés matriarcales, qui sont primitives. Je rappellerai seulement que, dans notre société évoluée, en cas de divorce - lequel concerne malheureusement, à l'heure actuelle, un ménage sur trois -, si la garde de l'enfant est laissée à la mère, ce qui est bien naturel, le seul lien avec le père reste celui, moral, du nom.
Par ailleurs, remarquons que, dans les pays où il est permis d'accoler et de conserver l'un des deux noms de chacun des parents, le répertoire patronymique s'appauvrit de génération en génération, jusqu'à se réduire à quelques noms, car c'est toujours le nom le plus harmonique ou le plus gratifiant qui est retenu.
Des millénaires d'expérience humaine, de culture et de civilisation ont forgé notre système d'état civil et de filiation. La République l'a confirmé voilà plus de deux siècles ; pourquoi tout déstabiliser aujourd'hui ?
Rappelons en outre qu'existent depuis des siècles des moyens juridiques bien établis pour changer de nom. Nos lois les ont déjà prévus ; pourquoi en inventer d'autres qui seront sources de confusion et de complications tout à fait inutiles ?
Je ne voterai donc ni cet article ni cette proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Mes chers collègues, il suffit d'avoir bien écouté l'orateur qui m'a précédé pour comprendre ce qu'est la tradition patriarcale ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Del Picchia et Cointat, est ainsi libellé :
« Après le I de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Il est inséré après le premier alinéa de cet article un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de naissance d'un enfant dont l'un des parents est français et l'autre est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, le nom de l'enfant est déterminé, au choix des parents, en application soit de la législation française, soit de la législation du pays de l'autre parent. »
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. La loi du 4 mars 2002, qui sera complétée par la proposition de loi de M. de Richemont - à cet égard, s'agissant d'un texte qui permettra d'accoler des noms, on pourra parler de la « loi Gouzes-de Richemont » (Sourires), car je ne vois pas pourquoi on oublierait son second auteur - ouvre des droits nouveaux à nos compatriotes.
On peut s'interroger sur la pertinence des dispositions présentées, comme l'a fait M. de Gaulle, mais après tout il ne s'agit pas d'obligations, ce qui explique d'ailleurs la discussion que nous venons d'avoir. Quoi qu'il en soit, ces droits nouveaux amènent un surcroît de complexité et soulèvent des difficultés, et l'on risque, si celles-ci ne sont pas bien maîtrisées, de ne plus savoir qui est qui ! Il convient donc de prendre des mesures, en particulier pour le cas des unions entre Français et étrangers, que le mariage ait été ou non célébré en France.
En effet, il ne faudrait pas que la confrontation difficile de lois divergentes aboutisse à des situations totalement inacceptables. Or c'est ce qui se produira si nous n'adoptons pas les dispositions adéquates : on risquera ainsi de voir figurer des noms complètement différents sur les passeports des binationaux !
Lors de nos débats de février 2002, j'avais déjà déposé un amendement visant à ce que des certificats de diversité de noms puissent être établis facilement afin de résoudre cette difficulté. Il m'avait été répondu par le garde des sceaux de l'époque, Mme Lebranchu, qu'elle partageait ma préoccupation mais que, pour des raisons techniques, la solution que je préconisais n'était pas la meilleure et qu'il valait mieux multiplier les conventions bilatérales. On en dénombrait alors trois ; j'aimerais que le Gouvernement nous indique combien il en existe aujourd'hui, car il m'étonnerait beaucoup que tous les pays du monde soient désormais liés au nôtre par de telles conventions. Le problème reste entier, et il faut donc prendre des mesures.
Il m'avait été également précisé, en février 2002, que, s'agissant des pays de l'Union européenne, la question se posait différemment en raison de la fiabilité de l'état civil. Voilà pourquoi l'amendement que M. Del Picchia et moi-même avons déposé ne vise que le cas où le parent étranger est ressortissant de l'Union européenne. Il s'agit essentiellement de faire un premier pas dans la voie de la résolution du problème, qui est sans cesse repoussée à plus tard.
La loi a pour finalité d'améliorer le quotidien de nos concitoyens. La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui tend certes à une plus grande ouverture, mais il ne faudrait pas non plus que son application engendre des difficultés pour une partie de la population française, notamment les binationaux.
C'est la raison pour laquelle je souhaiterais connaître l'opinion du Gouvernement sur ce sujet. Si la solution que M. Del Picchia et moi-même préconisons ne lui paraît pas la meilleure, ce qui est fort possible, que nous proposera-t-il alors ? En effet, le problème existe et des situations inextricables se présenteront si l'on n'y prend garde.
Cela étant, compte tenu des objections qui ont été formulées en commission, je souhaiterais rectifier l'amendement, l'alinéa additionnel devant être inséré étant désormais rédigé comme suit :
« En cas de naissance d'un enfant dont l'un des parents est français et l'autre est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, le nom de l'enfant est déterminé, au choix des parents soit par la loi française, soit, sous réserve de réciprocité, par la loi du pays de l'autre parent. En cas de désaccord entre les parents, la loi qui régit les effets du mariage est applicable. »
En effet, le cas d'un désaccord entre les parents a été prévu par la proposition de loi et par la loi du 4 mars 2002. Il est donc normal, dans l'hypothèse qui nous occupe, d'inscrire une telle disposition.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Del Picchia et Cointat, et ainsi libellé :
« Après le I de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Il est inséré après le premier alinéa de cet article un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de naissance d'un enfant dont l'un des parents est français et l'autre est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, le nom de l'enfant est déterminé, au choix des parents, soit par la loi française, soit, sous réserve de réciprocité, par la loi du pays de l'autre parent. En cas de désaccord entre les parents, la loi qui régit les effets du mariage est applicable. »
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. La rédaction présentée est claire à l'exception de la dernière phrase.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. A cette réserve près, elle me paraît acceptable. En réalité, il est fait référence aux conventions bilatérales qui seront sans doute signées dans l'avenir. Pour l'heure, aucune n'existe à ma connaissance ; peut-être en dénombrait-on trois l'année dernière, mais elles ont dû s'évaporer depuis ! Cela étant, une convention nous liant aux Etats membres du Conseil de l'Europe est en préparation. Lorsqu'elle aura été signée et qu'elle sera applicable, elle pourra constituer une bonne solution.
Vous anticipez donc sur la signature de cette convention, monsieur Cointat, ce qui ne me semble pas gênant. Toutefois, l'adoption de la mesure que vous préconisez n'aurait qu'un effet très limité, puisqu'en l'absence de convention c'est la loi française qui s'appliquera.
Quoi qu'il en soit, je ne comprends pas très bien le sens de la dernière phrase de la nouvelle rédaction de l'amendement. Je crains même qu'elle ne dérange considérablement le dispositif présenté. Il se trouve en effet que l'on peut avoir des enfants hors mariage - c'est d'ailleurs assez fréquent -, mais l'amendement ne prévoit pas ce cas de figure.
M. Christian Cointat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Compte tenu de l'intervention de M. le garde des sceaux, je rectifie à nouveau mon amendement en en supprimant la dernière phrase.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Del Picchia et Cointat, et ainsi libellé :
« Après le I de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Il est inséré après le premier alinéa de cet article un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de naissance d'un enfant dont l'un des parents est français et l'autre est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, le nom de l'enfant est déterminé, au choix des parents, soit par la loi française, soit, sous réserve de réciprocité, par la loi du pays de l'autre parent. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je voudrais tout d'abord remercier M. Cointat d'avoir proposé de m'attribuer la copaternité de ce texte, même si je suis hostile à l'accolement des noms ! En outre, l'ordre alphabétique prévalant, mieux vaut décidément que je renonce à cette reconnaissance que je ne demandais pas ! (Sourires.)
Sur le fond, je comprends la portée de la disposition présentée, et je regrette que la commission des lois n'ait pu étudier cet amendement. Vous souhaitez, monsieur Cointat, que, lorsque l'un d'eux est étranger, les parents puissent déterminer le nom de leur enfant en fonction soit de la loi française, soit de la loi du pays concerné, à condition qu'il existe une clause de réciprocité. Or, pour qu'il y ait réciprocité, il faut qu'une convention lie les deux pays. A défaut, je ne vois pas comment des parents vivant en France pourraient décider d'appliquer une loi étrangère. Aussi, prévoir une telle possibilité me semble contraire aux principes juridiques qui prévalent dans notre pays.
C'est la raison pour laquelle je n'étais pas favorable à votre amendement, même si j'en comprends les motivations et si je mesure bien les risques que vous avez soulignés. Ces risques ne résultent pas de la proposition de loi, ils existent déjà, et les parents français et étrangers les connaissent.
La commission reste défavorable à cet amendement, même après l'adjonction des mots « sous réserve de réciprocité ». En l'absence de convention, cet amendement ne sert à rien. S'il y a une convention, elle entrera dans notre droit positif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Si cet amendement doit être adopté, il ne réglerait pas le cas du désaccord. En effet, le texte présenté par M. Cointat ne prévoit pas de solution en cas de désaccord des parents. C'est une vraie difficulté. En cas de désaccord, il faudrait que la loi française s'applique.
J'ai entendu l'avis défavorable de la commission. Comme il s'agit d'une proposition de loi, je ne souhaite pas intervenir davantage dans le débat.
La discussion que nous avons actuellement montre que le débat est peut-être prématuré. Je ne sais pas quel est le calendrier d'avancement de la négociation sur la convention du Conseil de l'Europe, mais, je le crains, son aboutissement n'est pas imminent. Aussi, j'ai l'impression que nous raisonnons de manière virtuelle.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Si j'avais mentionné, dans la phrase que j'ai accepté de supprimer, la loi qui régit les effets du mariage, c'est simplement parce qu'il s'agit d'une jurisprudence de la Cour de cassation. Vous savez bien que cette loi est celle de l'Etat où les parents ont fixé leur domicile commun ! Pour tenir compte des remarques qui ont été formulées par M. le garde des sceaux, j'ai néanmoins supprimé cette phrase, car elle allait dans un sens un peu différent.
Cela étant dit, au vu de sa dernière remarque, je propose une formule de remplacement : « En cas de désaccord entre les parents, le nom de l'enfant est déterminé conformément à la loi française. »
M. Ladislas Poniatowski. On n'est pas sortis de l'auberge ! (Sourires.)
M. le président. Nous faisons du travail de commission, mes chers collègues !
Je suis donc saisi d'un amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. Del Picchia et Cointat, et ainsi libellé :
« Après le I de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Il est inséré après le premier alinéa de cet article un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de naissance d'un enfant dont l'un des parents est français et l'autre est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, le nom de l'enfant est déterminé, au choix des parents soit par la loi française, soit, sous réserve de réciprocité, par la loi du pays de l'autre parent. En cas de désaccord entre les parents, le nom de l'enfant est déterminé conformément à la loi française. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je remercie M. Cointat. Je reconnais là son sens de la mesure et son imagination toujours débordante pour trouver une solution à tous les conflits.
M. le président. C'est très sénatorial !
M. Henri de Richemont, rapporteur. En effet, il me paraît de bon sens d'en appeler à la loi française pour résoudre les conflits. Toutefois, cela ne règle pas le fond du problème : en l'absence de convention bilatérale, l'amendement ne sert strictement à rien. C'est pourquoi, monsieur Cointat, je souhaiterais que vous retiriez cet amendement, en attendant que les Etats se retrouvent pour en approuver les termes dans une convention internationale. Ne légiférons pas dans le vide. Il convient donc de retirer cet amendement. A défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 1 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Je vais céder à l'affectueuse pression de mes amis : je retire l'amendement. Toutefois, je regrette que l'on n'ouvre pas une porte, car cela aurait constitué un signe fort permettant d'accélérer et d'y faire aboutir les négociations pour une convention dans le cadre du Conseil de l'Europe.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Lagauche, Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 311-21 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Toute personne à qui le nom d'un de ses parents a été transmis en application de l'article 311-21 peut y adjoindre en seconde position le nom de son autre parent dans la limite, en cas de pluralité de noms, d'un seul nom de famille.
« Lorsque l'intéressé porte lui-même plusieurs noms, il ne conserve que le premier de ses noms de famille portés à l'état civil.
« Cette faculté doit être exercée par déclaration écrite de l'intéressé remise à l'officier d'état civil du lieu de sa naissance, à compter de sa majorité. Le nouveau nom est porté en marge de son acte d'état civil. »
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Lors de l'examen de la proposition de loi de M. Gérard Gouzes relative au nom de famille qui a eu lieu dans notre assemblée le 20 février 2003, vous aviez proposé, monsieur le rapporteur, d'autoriser toute personne à changer son nom afin de porter un double nom composé des noms de ses deux parents. Pour ce faire, vous proposiez de modifier l'article 61 du code civil relatif au changement de nom afin d'élargir la notion d'intérêt légitime à changer de nom à l'affichage de la double parenté.
Dans votre rapport, vous estimiez « légitime d'appliquer le principe d'égalité hommes-femmes à l'enfant, et non pas seulement à l'intérieur du couple, en lui permettant d'afficher sa double filiation ». Vous considériez « que l'intérêt de l'enfant devenu adulte doit être pris en compte et qu'il convient de lui permettre de revenir sur le choix effectué par ses parents tout en évitant qu'une des deux lignées puisse être lésée ».
Vous ajoutiez que « la modification proposée excède la portée de l'article 43 de la loi du 23 décembre 1985 permettant l'utilisation d'un nom d'usage composé du double nom dans la vie sociale. Elle ne porte pas atteinte au principe de l'immutabilité du nom de famille posé par la loi du 6 fructidor an II, la procédure de changement de nom demeurant suffisamment encadré par la chancellerie. »
Notre assemblée, dans un premier temps, a adopté cet amendement. Ce n'est qu'à l'issue d'une deuxième délibération que le Sénat s'est rangé à l'avis du garde des sceaux, qui considérait que la procédure proposée par la commission était trop lourde. En effet, la procédure de changement de nom telle qu'elle est conçue par la loi du 8 janvier 1993 suppose une autorisation donnée par décret dont l'instruction est assurée par les services centraux de la chancellerie, ledit décret étant soumis à une faculté d'opposition des tiers intéressés.
Or, dans le cas particulier, l'administration n'aurait aucune appréciation à porter sur la demande.
Mme Marylise Lebranchu avait donc déposé un amendement, que le Sénat a adopté à l'occasion d'une deuxième délibération, qui offre, par déclaration écrite remise à l'officier d'état civil, à toute personne à qui le nom d'un de ses parents a été transmis en application de l'article 311-21 la possibilité d'y adjoindre, en seconde position, celui de son autre parent dans la limite, en cas de pluralité de noms, d'un seul nom de famille : lorsque l'intéressé porte plusieurs noms, il ne conserve que le premier de ses noms de familles portés à l'état civil. L'amendement limitait cette faculté aux majeurs avant la naissance de leur premier enfant. Cette disposition figure à l'article 2 de la loi du 4 mars 2002 et à l'article 311-22 du code civil.
Monsieur le rapporteur, voilà un an, vous considériez « indispensable de permettre à l'enfant devenu adulte de corriger le choix de ses parents ». Aujourd'hui, vous supprimez purement et simplement cette possibilité ! Vous passez de tout à rien !
Par le présent amendement, nous proposons de réintroduire le dispositif adopté par le Parlement dans son ensemble, sous réserve d'une modification : nous souhaitons que cette possibilité soit ouverte à toute personne, comme vous le vouliez vous-même il y a un an.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Robert Bret. M. le rapporteur a changé d'avis !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ! (Sourires.) Il m'arrive effectivement de changer d'avis quelquefois.
La qualité d'écoute, mon cher collègue Lagauche, permet de se faire une juste opinion des choses. A partir du moment où votre amendement vise à rétablir une disposition que ma proposition tendait à supprimer, je ne peux, bien sûr, qu'être contre.
Je voudrais toutefois attirer votre attention sur un point. Il est inexact de dire, comme vous venez de le faire, que l'amendement n° 3 a pour objet de rétablir la disposition présentée en deuxième délibération par Mme Lebranchu. En effet, la disposition proposée alors - nous l'avions acceptée dans un but de consensus afin de faire adopter le texte par les deux assemblées, sans bien mesurer peut-être les conséquences d'un tel vote - avait au moins le mérite d'encadrer le choix, qui était uniquement ouvert entre l'âge de dix-huit ans et la naissance du premier enfant.
Or, par cet amendement, vous supprimez un tel encadrement : ainsi, quelqu'un pourra, tout au long de sa vie, adjoindre le nom qui ne lui a pas été dévolu. Par conséquent, on peut très bien concevoir qu'un père ou une mère - qui a donc déjà des enfants - décide un jour ou l'autre de s'adjoindre le nom de ses parents. Cela se traduirait par le fait qu'il ou elle ne porterait pas le même nom que ses propres enfants. Il me paraîtrait déraisonnable et anormal de rompre l'unicité de la famille permise par le nom.
Aussi, votre amendement va beaucoup plus loin que le texte de Mme Lebranchu. Il ne se limite pas, en effet, à restaurer ce qui avait été voté par le Sénat en deuxième délibération, puisqu'il vise à supprimer l'encadrement qu'elle avait elle-même souhaité introduire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Monsieur le sénateur, votre amendement vise à donner la possibilité à l'enfant devenu majeur de pouvoir changer de nom. Je l'évoquais tout à l'heure, le texte précédent avait été voté dans une certaine précipitation, chacun en convient.
Les différents organismes ou représentants que nous avons consultés, qu'il s'agisse de l'Union nationale des associations familiales, des universitaires, des notaires, des maires ou des officiers d'état civil, ont vivement critiqué cette disposition. Dans ce cas aussi, il faut rechercher la stabilité et, comme l'évoquait à l'instant M. le rapporteur, tenir compte des différentes remarques qui nous ont été faites.
C'est la raison pour laquelle je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. « Art. 2. - L'article 311-22 du même code inséré par l'article 2 de la loi n° 2002-304 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 311-22. - Les dispositions de l'article 311-21 sont applicables à l'enfant qui devient français en application des dispositions de l'article 22-1, dans les conditions fixées par un décret pris en Conseil d'Etat. » - (Adopté.)
Article 3
M. le président. « Art. 3. - A la section V du chapitre Ier du titre septième du livre premier du même code, il est inséré après l'article 311-22 un article 311-23 ainsi rédigé :
« Art. 311-23. - La faculté de choix ouverte en application des articles 311-21, 334-2 et 334-5 ne peut être exercée qu'une seule fois. » - (Adopté.)
Article 4
M. le président. « Art. 4. - I. - L'article 5 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille est supprimé.
« II. - Au début du deuxième alinéa de l'article 332-1 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-304 précitée, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Le nom de famille des enfants est déterminé en application des dispositions des articles 311-21 et 311-23". » - (Adopté.)
Article 5
M. le président. « Art. 5. - A l'article 333-5 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-304 précitée, après les mots : "en application des", les mots : "règles énoncées à l'article 311-21" sont remplacés par les mots : "dispositions des articles 311-21 et 311-23". » - (Adopté.)
Article 6
M. le président. « Art. 6. - Le premier alinéa de l'article 334-2 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-304 précitée est ainsi rédigé :
« Lorsque le nom de l'enfant naturel n'a pas été transmis dans les conditions prévues à l'article 311-21, ses parents peuvent, par déclaration conjointe devant l'officier de l'état civil, choisir pendant sa minorité soit de lui substituer le nom de famille du parent à l'égard duquel la filiation a été établie en second lieu, soit d'accoler leurs deux noms, dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. Mention du changement de nom figurera en marge de l'acte de naissance. » - (Adopté.)
M. le président. « Art. 7. - Le premier alinéa de l'article 363 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-304 précitée est ainsi rédigé :
« L'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier. Lorsque l'adopté et l'adoptant, ou l'un d'entre eux, portent un double nom de famille, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du nom de l'adoptant à son propre nom, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux. Le choix appartient à l'adoptant, qui doit recueillir le consentement de l'adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du premier nom de celui-ci au premier nom de l'adoptant. En cas d'adoption par deux époux, le nom ajouté au nom de l'adopté est, à la demande des adoptants, soit celui du mari, soit celui de la femme, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux et, à défaut d'accord entre eux, le nom du mari. »
L'amendement n° 4, présenté par MM. Lagauche, Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter in fine la dernière phrase du texte proposé par cet article pour le premier alinéa de l'article 363 du code civil, par les mots : "ou celui de la femme en fonction de l'ordre alphabétique". »
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Il s'agit d'un amendement de coordination, s'agissant du nom de l'adopté en matière d'adoption simple, avec le dispositif pleinement paritaire que nous venons de proposer pour l'article 311-21 du code civil.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je ne reprendrai pas l'argumentation que j'ai développée tout à l'heure. La commission émet, par coordination, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Une erreur matérielle, sur laquelle j'attire l'attention de M. le rapporteur, s'est glissée dans la rédaction de cet article. En effet, il convient de lire ainsi la dernière phrase de cet article : « En cas d'adoption par deux époux, le nom ajouté au premier nom de l'adopté est, à la demande des adoptants, soit celui du mari, soit celui de la femme, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux et, à défaut d'accord entre eux, le premier nom du mari. »
Je demande donc à M. le rapporteur de rectifier son texte en conséquence.
M. le président. Monsieur le rapporteur, accédez-vous à la demande de M. le garde des sceaux ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission accepte de rectifier cette phrase dans le sens souhaité par M. le garde des sceaux.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)