Service des Affaires européennes
décembre 2004TITRE III. LES COMPÉTENCES DE L'UNION
Article I-11: Principes fondamentaux
1. Le principe d'attribution régit la délimitation des compétences de l'Union. Les principes de subsidiarité et de proportionnalité régissent l'exercice de ces compétences.
2. En vertu du principe d'attribution, l'Union agit dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans la Constitution pour atteindre les objectifs qu'elle établit. Toute compétence non attribuée à l'Union dans la Constitution appartient aux États membres.
3. En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union.
Les institutions de l'Union appliquent le principe de subsidiarité conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Les parlements nationaux veillent au respect de ce principe conformément à la procédure prévue dans ce protocole.
4. En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l'action de l'Union n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de la Constitution.
Les institutions de l'Union appliquent le principe de proportionnalité conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.
Commentaire
Cet article succède à la fois aux articles premier (premier alinéa) et 2 (dernier alinéa) du traité sur l'Union européenne et à l'article 5 du traité instituant la Communauté européenne. Il reprend, sous réserve de modifications rédactionnelles, les principes de base énoncés dans ces articles :
- les compétences de l'Union lui sont attribuées par les États membres et sont d'interprétation stricte (le nouveau texte indique expressément que toute compétence non attribuée à l'Union appartient aux États membres, ce qui est implicite dans les textes en vigueur) ;
- l'exercice des compétences de l'Union est soumis aux principes de subsidiarité et de proportionnalité (la nouvelle rédaction précise que ce dernier principe doit être respecté tant par le contenu que par la forme de l'action de l'Union, ce qui est implicite dans les textes en vigueur).
En même temps, l'article I-11 introduit des éléments nouveaux :
- il renvoie à un nouveau protocole annexé à la Constitution (de même valeur juridique qu'elle) mettant en place un contrôle spécifique du respect du principe de subsidiarité ;
- le niveau régional et local est désormais pris en compte pour l'application du principe de subsidiarité : une action de l'Union n'est justifiée que si son objectif ne peut être atteint par les États membres « tant au niveau central qu'au niveau régional et local ». La portée de cet ajout peut paraître limitée, dans la mesure où la rédaction actuelle couvre implicitement les cas où, au sein d'un État membre, la compétence pour le domaine considéré appartient pour tout ou partie à l'échelon régional et local ; pour autant, la mention du niveau régional et local n'est pas sans signification : elle donne, en particulier, une base à l'intervention du Comité des régions dans le mécanisme de contrôle du respect du principe de subsidiarité mis en place par le nouveau protocole mentionné plus haut ;
- les parlements nationaux sont désormais chargés de veiller au respect du principe de subsidiarité, ce qui leur attribue, pour la première fois, un rôle dans le déroulement du processus législatif de l'Union. Ce rôle est limité au principe de subsidiarité (paragraphe 3 de l'article) et ne concerne donc pas le principe de proportionnalité. Les modalités d'intervention des parlements nationaux sont également définies par le protocole mentionné plus haut.
Article I-12: Catégories de compétences
1. Lorsque la Constitution attribue à l'Union une compétence exclusive dans un domaine déterminé, seule l'Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants, les États membres ne pouvant le faire par eux-mêmes que s'ils sont habilités par l'Union, ou pour mettre en oeuvre les actes de l'Union.
2. Lorsque la Constitution attribue à l'Union une compétence partagée avec les États membres dans un domaine déterminé, l'Union et les États membres peuvent légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants dans ce domaine. Les États membres exercent leur compétence dans la mesure où l'Union n'a pas exercé la sienne ou a décidé de cesser de l'exercer.
3. Les États membres coordonnent leurs politiques économiques et de l'emploi selon les modalités prévues par la partie III, pour la définition desquelles l'Union dispose d'une compétence.
4. L'Union dispose d'une compétence pour définir et mettre en oeuvre une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune.
5. Dans certains domaines et dans les conditions prévues par la Constitution, l'Union dispose d'une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l'action des États membres, sans pour autant remplacer leur compétence dans ces domaines.
Les actes juridiquement contraignants de l'Union adoptés sur la base des dispositions de la partie III relatives à ces domaines ne peuvent pas comporter d'harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres.
6. L'étendue et les modalités d'exercice des compétences de l'Union sont déterminées par les dispositions de la partie III relatives à chaque domaine.
Commentaire
Cet article est nouveau. Il a pour objet de classer les compétences de l'Union en fonction des pouvoirs respectifs de l'Union et des États membres.
Trois grandes catégories de compétences de l'Union sont distinguées :
- les compétences exclusives : dans les domaines concernés (qui sont précisés à l'article I-13), les États membres ont pour seul rôle de mettre en oeuvre les actes de l'Union, à moins qu'ils ne reçoivent une habilitation de celle-ci pour adopter eux-mêmes certains actes ;
- les compétences partagées : dans les domaines concernés (dont les principaux sont énumérés à l'article I-14), les États membres sont compétents pour tout ce que l'Union n'a pas décidé de régler elle-même ;
- les compétences d'appui : dans les domaines concernés (énumérés à l'article I-17), l'Union ne peut intervenir que pour soutenir, coordonner ou compléter l'action des États, sans pouvoir exercer un rôle législatif ni limiter la compétence des États membres.
Par ailleurs, l'article I-12 mentionne deux cas particuliers, qui sont en position intermédiaire entre les compétences partagées et les compétences d'appui. Ce sont :
- la coordination des politiques économiques et de l'emploi : l'Union dispose d'une compétence pour définir les modalités de cette coordination ;
- la politique étrangère et de sécurité commune, dont le régime est complètement spécifique.
Enfin, il ressort du dernier paragraphe que cette classification des compétences a une fonction essentiellement « pédagogique ». En effet, comme dans les traités en vigueur, l'étendue exacte des compétences de l'Union dans chaque domaine, ainsi que les modalités d'exercice de ces compétences, restent fixées par les dispositions de la partie III détaillant les politiques communes.
Article I-13: Les domaines de compétence exclusive
1. L'Union dispose d'une compétence exclusive dans les domaines suivants:
a) l'union douanière ;
b) l'établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur ;
c) la politique monétaire pour les États membres dont la monnaie est l'euro ;
d) la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche ;
e) la politique commerciale commune.
2. L'Union dispose également d'une compétence exclusive pour la conclusion d'un accord international lorsque cette conclusion est prévue dans un acte législatif de l'Union, ou est nécessaire pour lui permettre d'exercer sa compétence interne, ou dans la mesure où elle est susceptible d'affecter des règles communes ou d'en altérer la portée.
Commentaire
Cet article est nouveau. Il énumère limitativement les domaines de compétence exclusive de l'Union. En incluant la politique commerciale commune dans cette liste, il entraîne un changement important : en effet, à l'heure actuelle, certains domaines de la politique commerciale commune - notamment le commerce des services audiovisuels, culturels, d'éducation, sociaux et de santé - sont de compétence partagée entre la Communauté européenne et les États membres, ce qui fait que les accords dans ces domaines sont conclus à la fois par la Communauté européenne et les États membres et que les parlements nationaux doivent autoriser leur ratification. L'article I-13 met fin à ces exceptions (toutefois, l'article III-315, qui précise les modalités de décision pour la politique commerciale commune, maintient un régime particulier pour les domaines en cause : le Conseil statue à l'unanimité pour les accords susceptibles de porter atteinte à la diversité culturelle de l'Union, ou de perturber l'organisation des services sociaux, d'éducation et de santé au niveau national).
Article I-14: Les domaines de compétence partagée
1. L'Union dispose d'une compétence partagée avec les États membres lorsque la Constitution lui attribue une compétence qui ne relève pas des domaines visés aux articles I-13 et I-17.
2. Les compétences partagées entre l'Union et les États membres s'appliquent aux principaux domaines suivants:
a) le marché intérieur ;
b) la politique sociale, pour les aspects définis dans la partie III ;
c) la cohésion économique, sociale et territoriale ;
d) l'agriculture et la pêche, à l'exclusion de la conservation des ressources biologiques de la mer ;
e) l'environnement ;
f) la protection des consommateurs ;
g) les transports ;
h) les réseaux transeuropéens ;
i) l'énergie ;
j) l'espace de liberté, de sécurité et de justice ;
k) les enjeux communs de sécurité en matière de santé publique, pour les aspects définis dans la partie III.
3. Dans les domaines de la recherche, du développement technologique et de l'espace, l'Union dispose d'une compétence pour mener des actions, notamment pour définir et mettre en oeuvre des programmes, sans que l'exercice de cette compétence ne puisse avoir pour effet d'empêcher les États membres d'exercer la leur.
4. Dans les domaines de la coopération au développement et de l'aide humanitaire, l'Union dispose d'une compétence pour mener des actions et une politique commune, sans que l'exercice de cette compétence ne puisse avoir pour effet d'empêcher les États membres d'exercer la leur.
Commentaire
Cet article est nouveau.
Il précise tout d'abord que la compétence partagée entre l'Union et les États membres est le droit commun des compétences de l'Union.
Puis il énumère les principaux domaines de compétence partagée. Trois éléments nouveaux ressortent de cette énumération :
- l'Union reçoit une compétence dans le domaine de l'énergie alors que, jusqu'à présent, en l'absence d'une telle compétence, les interventions de la Communauté européenne se sont appuyées sur la « clause de flexibilité » de l'article 308 du traité instituant la Communauté européenne (voir le commentaire de l'article I-18) ;
- l'Union reçoit également une compétence en matière spatiale, alors qu'actuellement son action dans ce domaine n'est possible que sur la base de ses compétences en matière de recherche ;
- en matière de santé publique, l'Union dispose désormais d'une compétence partagée pour les « enjeux communs de sécurité », alors que, aujourd'hui, la Communauté européenne n'a qu'une compétence d'appui pour l'ensemble du domaine de la santé publique.
Deux grands domaines reçoivent un statut particulier. La cause en est que, lorsqu'une compétence est partagée, l'intervention de l'Union a pour effet de dessaisir les États membres ; ceux-ci ne sont compétents que pour autant que l'Union n'est pas intervenue (ou a décidé de cesser d'exercer sa compétence). Or, pour deux grands domaines où l'Union comme les États membres sont susceptibles d'intervenir, l'article I-14 apporte une dérogation à ce principe : l'intervention de l'Union, dans ces domaines, ne limite pas la compétence des États membres ; il s'agit, d'une part, de la recherche, du développement technologique et de l'espace, et d'autre part, de la coopération au développement et de l'aide humanitaire.
Article I-15: La coordination des politiques économiques et de l'emploi
1. Les États membres coordonnent leurs politiques économiques au sein de l'Union. À cette fin, le Conseil des ministres adopte des mesures, notamment les grandes orientations de ces politiques.
Des dispositions particulières s'appliquent aux États membres dont la monnaie est l'euro.
2. L'Union prend des mesures pour assurer la coordination des politiques de l'emploi des États membres, notamment en définissant les lignes directrices de ces politiques.
3. L'Union peut prendre des initiatives pour assurer la coordination des politiques sociales des États membres.
Commentaire
Cet article est formellement nouveau : il reprend des principes figurant dans le traité instituant la Communauté européenne, mais qui n'étaient pas regroupés dans un article spécifique.
Ces principes sont :
- la coordination des politiques économiques des États membres (articles 4 et 99 du TCE) ;
- la coordination des politiques de l'emploi des États membres (articles 3, 125 et 128 du TCE) ;
- la coordination éventuelle des politiques sociales des États membres (article 140 du TCE).
En outre, l'article I-15 pose un principe nouveau, celui de l'existence de dispositions spécifiques pour les pays membres de la zone euro. Ces dispositions sont précisées à l'article III-194.
Article I-16: La politique étrangère et de sécurité commune
1. La compétence de l'Union en matière de politique étrangère et de sécurité commune couvre tous les domaines de la politique étrangère ainsi que l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune.
2. Les États membres appuient activement et sans réserve la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union dans un esprit de loyauté et de solidarité mutuelle et respectent l'action de l'Union dans ce domaine. Ils s'abstiennent de toute action contraire aux intérêts de l'Union ou susceptible de nuire à son efficacité.
Commentaire
Cet article, qui reprend partiellement l'article 11 du traité sur l'Union européenne, définit les compétences de l'Union en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC).
La PESC ne s'inscrit pas dans le schéma de répartition des compétences de l'Union (compétences exclusives, partagées ou domaines d'appui). La répartition des compétences en la matière entre l'Union et les États membres est ainsi définie :
- le premier paragraphe traite de la compétence de l'Union : elle couvre l'ensemble des domaines de la politique étrangère et les questions de sécurité ;
- le deuxième paragraphe définit les obligations des États membres envers l'Union : soutien actif à la PESC, respect de l'action européenne, abstention de toute action susceptible de nuire aux intérêts de l'Union.
Article I-17: Les domaines des actions d'appui, de coordination ou de complément
L'Union dispose d'une compétence pour mener des actions d'appui, de coordination ou de complément. Les domaines de ces actions sont, dans leur finalité européenne :
a) la protection et l'amélioration de la santé humaine ;
b) l'industrie ;
c) la culture ;
d) le tourisme ;
e) l'éducation, la jeunesse, le sport et la formation professionnelle ;
f) la protection civile ;
g) la coopération administrative.
Commentaire
Cet article est nouveau. Il énumère les domaines où l'Union dispose d'une compétence d'appui. Par rapport aux traités actuels, plusieurs nouveaux domaines de compétence de l'Union apparaissent :
- le tourisme ;
- le sport ;
- la protection civile ;
- la coopération administrative.
À l'heure actuelle, les interventions éventuelles de l'Union dans ces domaines s'effectuent sur la base de la « clause de flexibilité » de l'article 308 du traité instituant la Communauté européenne (voir le commentaire de l'article I-18).
Article I-18: Clause de flexibilité
1. Si une action de l'Union paraît nécessaire, dans le cadre des politiques définies à la partie III, pour atteindre l'un des objectifs visés par la Constitution, sans que celle-ci n'ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil des ministres, statuant à l'unanimité, sur proposition de la Commission européenne et après approbation du Parlement européen, adopte les mesures appropriées.
2. La Commission européenne, dans le cadre de la procédure de contrôle du principe de subsidiarité visée à l'article I-11, paragraphe 3, attire l'attention des parlements nationaux sur les propositions fondées sur le présent article.
3. Les mesures fondées sur le présent article ne peuvent pas comporter d'harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres dans les cas où la Constitution exclut une telle harmonisation.
Commentaire
Cet article s'inspire de l'article 308 du traité instituant la Communauté européenne, qui permet au Conseil statuant à l'unanimité de « prendre les dispositions appropriées » dans les cas où « une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet » .
La « clause de flexibilité » de l'article I-18 reçoit un champ d'application plus étendu, dans la mesure où les objectifs de l'Union sont désormais définis en termes plus larges (voir le commentaire de l'article I-3) et où la référence au « fonctionnement du marché commun » disparaît. Toutefois, il est désormais précisé que le recours à la « clause de flexibilité » doit apparaître nécessaire dans le cadre d'une des politiques communes prévues par la Constitution. En outre, la nouvelle rédaction (paragraphe 3) exclut que la clause de flexibilité puisse être utilisée pour contourner l'interdiction par la Constitution d'harmoniser les législations des États membres dans certains domaines (cette règle ne figure pas explicitement dans les traités actuels, mais, dans un avis rendu le 28 mars 1996, la Cour de justice s'était prononcée dans ce sens).
Enfin, la procédure de mise en oeuvre de la « clause de flexibilité » est modifiée : l'approbation du Parlement européen est désormais requise, alors qu'aujourd'hui son rôle est consultatif. De plus, la Commission européenne doit « attirer l'attention » des parlements nationaux sur le recours à cette clause.