C. LE SENTIMENT DES PARTENAIRES DES CONTRATS DE PLAN QUANT À L'EFFICIENCE DES DÉPENSES CONTRACTUALISÉES EST MITIGÉ
Compte
tenu de l'absence d'indicateurs et de travaux d'évaluation, il est
impossible de déterminer
objectivement
si la procédure de
contrat de plan favorise des dépenses publiques plus efficaces, c'est
à dire des dépenses qui concourent davantage à la
création d'emplois, au développement économique, à
une meilleure prise en compte de l'environnement et à
l'aménagement équilibré du territoire.
Votre rapporteur a toutefois recueilli sur ce point le
sentiment
des
ministères et des Régions.
• De manière générale, la procédure de
contrat de plan favorise-t-elle, toutes choses égales par ailleurs, des
politiques publiques plus efficaces au sens exposé ci-dessus ?
La réponse de la DATAR et de la plupart des ministères est, sans
surprise,
positive
.
En effet, selon la DATAR, "
la procédure de contractualisation
sur le long terme concrétisée par un document global écrit
est
responsabilisante
. A ce titre, elle est favorable aux
préoccupations de long terme, telles que l'environnement, l'emploi et
l'aménagement du territoire. La procédure de contrat de plan a
été crée pour éviter un développement par
à coups et dépenses ponctuelles qui ne puisse avoir que des
effets à très court terme. Elle est adaptée à des
programmations de moyenne durée telles que les trois secteurs
sus-cités en nécessitent
".
Par ailleurs, "
le contrat de plan représente le seul instrument
d'envergure dans le temps et dans l'espace permettant une
synergie
véritable des politiques publiques
".
De même, selon le ministère de la Culture, "
le
discernement de priorités régionales, la mise en cohérence
des politiques de chaque partenaire et l'émergence d'un meilleur
ordonnancement des responsabilités, sinon des compétences tend
à une efficacité accrue de la dépense publique
".
Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité précise et
complète ces arguments :
- "
l'instruction des mêmes demandes par l'Etat, par les
collectivités locales, par l'Europe et par les autres financeurs,
inscrite dans la logique des contrats de plan, assure une
sélection
convergente des projets
... ;
-
les cofinancements... permettent une mobilisation de moyens
conséquents sur des investissements pour lesquels une
taille
critique
est souvent exigée... ;
- pour la partie qui ne renvoie pas aux blocages de crédits par le
ministère des Finances, la sous-exécution des contrats de plan
correspond essentiellement à un
ajustement
des dépenses de
l'Etat aux besoins locaux, dont il est légitime de penser qu'ils
puissent évoluer et ne pas être tous fixés une fois pour
toutes sur une durée de sept ans...
Au total, le
rapprochement
des politiques nationales territoriales et
communautaires, sur des projets globaux, sert l'efficacité des unes et
des autres
".
La procédure des contrats de plan améliorerait donc
l'efficacité des politiques publiques en en renforçant la
cohérence
Votre rapporteur a toutefois montré que la procédure des contrats
de plan ne favorisait qu'une
cohérence limitée
pour les
politiques publiques.
Les Régions sont d'ailleurs plus
prudentes
quant à
l'efficience des dépenses contractualisées.
Ainsi, selon une Région : "
la mise en commun des moyens
financiers permet dans certains cas d'intervenir de manière plus
efficace. Au vu du bilan qualitatif, cette question est toutefois à
nuancer. Il s'avère en effet que certaines mesures inscrites dans les
contrats de plan, auraient pu être réalisées aussi bien,
voire mieux sans contrat de plan (exemples relevés dans les secteurs de
l'enseignement, de la formation professionnelle, de l'aménagement du
territoire...). Compte tenu de la
lourdeur
des procédures, il
semble opportun de ne pas disperser les crédits contrats de plan, pour
cibler plutôt des secteurs stratégiques et des infrastructures
lourdes
. "
Par ailleurs, plusieurs Régions soulignent que "
le contrat de
plan ne favorise une meilleure prise en compte de l'emploi, de l'environnement
et de l'aménagement équilibré du territoire
qu'en
fonction
du degré de coordination existant entre les
partenaires
", ou "
de la qualité du
partenariat
mis en oeuvre, donc de la volonté d'agir ensemble
".
En outre, l'apparence d'abondance budgétaire artificiellement
créée par la procédure de contrat de plan et la
rigidité
des
enveloppes
ministérielles
contractualisées ne sont pas nécessairement facteurs
d'efficacité pour les dépenses publiques.
Enfin, aux dires de certains participants, les ultimes réunions
interministérielles relatives aux contrats de plan voient parfois
plusieurs centaines de millions de francs changer en quelques instants de
destination, sectorielle ou géographique, en fonction de la situation
politique régionale ou des rapports de force entre ministères,
sans que ces
arbitrages
soient toujours source de rationalité
économique.
Au total
, la procédure de contrat de plan ne favoriserait donc
des politiques publiques plus efficaces que dans la mesure où les gains
d'efficacité résultant de mise en cohérence des objectifs
et de la dimension partenariale de certaines politiques, sont supérieurs
aux pertes d'efficacité résultant de la complexité et des
logiques de guichet induites par la procédure.
• La procédure de contrat de plan favorise-t-elle plus
spécifiquement la création
d'emplois
?
Cette question doit être précisée. Il est en effet
évident que la plupart, sinon la totalité des actions
contractualisées, concourent directement ou indirectement à la
création d'emplois. Cependant, on peut s'interroger si la
procédure de contrat de plan favorise les dépenses dont le
contenu en emplois
est le plus élevé.
La plupart des ministères affirment que
oui
, mais aucun d'entre
eux ne se fonde sur des études ou des travaux d'évaluation. En
outre, les ministères n'avancent guère d'arguments convaincants,
à l'exception sans doute de la DATAR, qui rappelle que le
caractère pluriannuel du contrat de plan permet une continuité
des programmes, ce qui facilite l'embauche par les bénéficiaires
ou par les partenaires des contrats.
A contrario
, la quasi totalité des ministères soulignent
qu'ils s'inscriront
à l'avenir
, pour les quatrièmes
contrats de plan, dans le cadre des orientations établies par la
circulaire de la ministre de l'Aménagement du Territoire et de
l'Environnement du 1
er
juillet 1998, qui confortait
"
l'amélioration de la situation de l'emploi
" parmi
les grands objectifs des contrats de plan.
Par exemple, le secrétariat d'Etat au tourisme indique qu'il
"
s'attachera à ce que cette priorité soit bien retenue
dans le cadre de la rédaction des mesures et règlements d'aide
" tourisme " dans le cadre des prochains contrats de plan
".
De même, pour le ministère de la Jeunesse et des Sports,
"
la mise en place de la quatrième génération des
contrats de plan voit inscrire le domaine emploi-formation comme
prioritaire
". Pour sa part, le ministère de la Culture
précise de manière analogue que "
les projets culturels,
tant en investissement qu'en fonctionnement sont toujours créateurs
d'emplois. Cette réalité sera renforcée par une prise en
considération dans le contrat de plan 2000-2006 des projets de
développement local dans leur dimension tant culturelle
qu'économique
".
Ces divers éléments suggèrent que le contenu en emplois de
la dépense publique n'a pas toujours été pleinement pris
en considération au cours de la génération de contrats de
plan 1994-1999.
Certains Conseils économiques et sociaux régionaux avaient
d'ailleurs regretté, dans leurs avis relatifs aux troisièmes
contrats de plan, que l'emploi ne fût pas davantage pris en compte, et
que la plupart des dispositifs d'intervention économique inscrits dans
les contrats de plan ne prévoient ni une forme de
conditionnalité-emploi des aides attribuées, ni un réel
suivi des créations d'emplois induites.
De même, le rapport CHÉRÈQUE avait conclu
159(
*
)
: "
l'emploi,
priorité du gouvernement et de l'action publique, doit être
davantage pris en compte dans les contrats Etat-Régions. Il ne s'agit
pas de la politique de l'emploi en tant que telle, mais d'identifier les
secteurs les plus créateurs d'activité et de promouvoir leur
développement à l'intérieur du contrat... c'est ainsi
qu'il conviendrait d'encourager la prise en considération, très
insuffisante, de la très petite Entreprise (TPE), pourtant à
l'origine de la création de la majorité des nouveaux
emplois
".
• Enfin, dans quelle mesure la procédure de contrat de plan
favorise-t-elle un aménagement équilibré du
territoire ?
Compte tenu des modalités de péréquation entre
régions analysées supra, cela ne semble guère le cas
à l'échelle nationale.
En revanche, la très large majorité des partenaires des contrats
de plan estiment que cela peut être le cas à l'échelle
régionale, en raison :
- des effets
redistributifs
induits par les contrats de plan à
l'intérieur des régions ;
- de ce que la procédure de contrat de plan pourrait favoriser
l'élaboration de
diagnostics partagés
sur les besoins,
notamment à l'aide de systèmes d'information géographiques
et de schémas directeurs ;
- de ce que la procédure de contrat de plan pourrait parfois exercer un
effet d'entraînement sur la
coopération locale
;
- enfin, de ce que "
l'exercice de négociation des contrats de
plan oblige à de nombreux
compromis
qui permettent de promouvoir
une vision plus équilibrée du territoire
".