II. LA PRÉPARATION DES PROPOSITIONS DE L'ÉTAT : DES TEXTES À LA PRATIQUE
A. UN DISCOURS RATIONNEL SUR L'ETAT-STRATÈGE
A la fin
de la circulaire aux préfets de région du 1
er
juin
1990 relative à la mise en oeuvre des deuxièmes contrats de plan
Etat-Région, le Premier ministre, M. Michel ROCARD indiquait :
"
les contrats de plan préfigurent le
renouveau du Service
public
que j'ai souhaité et dans lequel l'Etat tire les
conséquences de la décentralisation, en confiant aux
préfets de région des responsabilités premières
pour leur négociation et leur exécution
".
Au-delà de la volonté de remédier aux défauts des
deuxièmes contrats de plan Etat-Région, négociés
pour la plupart en dehors de toute véritable référence
à des travaux de planification ou de prospective
17(
*
)
, et largement déterminés
par une logique budgétaire et sectorielle, les textes relatifs aux
troisièmes contrats de plan ont poursuivi cette ambition de faire de
la
contractualisation
un symbole, sinon un
levier
, de la
modernisation de l'Etat.
Les
contrats de plan Etat-Région devaient ainsi préfigurer
un Etat qui soit à fois stratège, régulateur,
déconcentré et partenarial.
En premier lieu, les contrats de plan Etat-Région devaient participer de
la construction de "
l'Etat stratège, garant de
l'intérêt général
"
préconisé en 1993 dans le rapport du groupe de travail du
Commissariat général du Plan présidé par M.
Christian BLANC, via notamment le
temps
dévolu à la
préparation des positions de l'Etat (plus d'un an), et :
- les principes arrêtés dès le CIAT du 3 octobre 1991
"
d'une sélectivité accrue des projets
" et
"
d'une contractualisation par objectif sur des projets structurants de
développement à réaliser sur des zones prioritaires ou
dans des domaines sectoriels majeurs
" ;
- L'ambition de faire de l'élaboration des CPER "
l'occasion
d'une véritable
réflexion
stratégique
"
18(
*
)
et la formalisation d'une
stratégie de l'Etat en région ;
- l'objectif inscrit dans le mandat de négociation des préfets de
" renforcer le lien entre la compétitivité
économique et la cohésion sociale
" ;
- l'intégration dans les CPER de toutes les actions contractuelles de
l'Etat (Université 2000, contrats de ville) ;
- enfin, la décision du CIAT de Mende de porter au premier rang la
préoccupation d'un aménagement - donc d'un équipement -
équilibré du territoire.
Par ailleurs, alors que les préfets avaient dû
" sans
cesse en référer aux ministères
" pour
l'élaboration des deuxièmes CPER, comme le soulignait en 1992
l'excellent rapport
19(
*
)
de notre
collègue Georges MOULY, la
déconcentration
de
l'élaboration des troisièmes CPER s'annonçait comme
"
une première administrative passionnante
", selon les
termes de M. Jacques CHÉRÈQUE.
Pour ce faire, la procédure conférait un
rôle pivot aux
préfets
et à la
DATAR
: à partir de la
stratégie de l'Etat en région qu'ils avaient
élaborée, les préfets devaient définir au travers
d'allers et retours avec la DATAR une proposition de répartition de
l'enveloppe budgétaire allouée à leur région entre
différentes actions, la DATAR se chargeant de veiller à la
coordination
interministérielle
et
in fine
de
préparer les arbitrages effectués par le cabinet du Premier
ministre.
Selon la DATAR
20(
*
)
"
les
échanges entre les SGAR et les administrations centrales étaient
limitées au maximum et ne pouvaient avoir lieu que dans le cadre de
réunions présidées par la DATAR
". Ces
dernières ne pouvaient donc théoriquement faire valoir leurs
priorités qu'au stade des arbitrages interministériels
21(
*
)
.
Enfin, l'élaboration des CPER, et plus particulièrement des
propositions de l'Etat, devait reposer sur une
concertation
intense, et
devait s'accompagner d'une large diffusion
d'informations
. La
contractualisation devait ainsi s'opposer en cela à l'action
traditionnelle de la puissance publique, marquée, même
malgré elle, par l'idée de contrainte
22(
*
)
.
Au total, les modalités d'élaboration des propositions de l'Etat
devaient accroître leur
rationalité
et leur
légitimité
.
Ces ambitions ont été déçues.