2. Préconisations
•
Pour ce faire, l'expérience des troisièmes contrats de plan
Etat-Région a permis d'identifier quatre
conditions
préalables de succès :
- la mobilisation de tous autour d'une
démarche
partenariale
et " banalisée " :
l'évaluation ne doit pas être conçue comme une menace pour
les décideurs ou les services, mais comme un instrument normal de
pilotage des politiques publiques. L'ensemble des élus concernés
doivent donc être associés au choix des évaluations, et les
services doivent au moins être systématiquement entendus et
pouvoir formuler leurs observations, au mieux associés à
l'élaboration des évaluations et des préconisations qu'ils
devront mettre en oeuvre par la suite ;
- la prise en compte les impératifs de l'évaluation dès
la
préparation
et la rédaction des contrats. En
particulier, le libellé des objectifs des contrats de plan doit
être plus précis. Comme le soulignait M. Michel
DELEBARRE
166(
*
)
, ancien ministre
d'Etat, Président de la Région Nord-Pas-de-Calais, "
il faut
revenir à une contractualisation par objectifs limités et
réellement évaluables
". Les partenaires du contrat
pourraient aussi s'entendre au préalable sur l'évaluation de
certaines actions, auxquelles seraient associés des indicateurs
prédéfinis et des objectifs exprimés en termes
quantitatifs, et qui feraient l'objet d'un suivi particulier. Votre rapporteur
regrette d'ailleurs à cet égard que les Régions n'aient
guère été associées à l'élaboration
de la
circulaire
relative à l'évaluation des
nouveaux contrats de plan (2000-2006), et que la parution de cette circulaire
soit une fois encore postérieure à la signature des contrats de
plan
167(
*
)
;
- le développement du
suivi
physique
des programmes
contractualisés, la création de " pistes d'audit " et
l'amélioration du suivi des aides publiques, par ailleurs indispensable
au respect des plafonds d'aide édictés par l'Union
européenne. Le dispositif de suivi-évaluation du contrat de plan
mis en place par la Région Bretagne à partir de 600 indicateurs
prédéfinis semble à cet égard
particulièrement utile ;
- enfin, la rédaction de
cahiers des charges
précis, avec
des calendriers serrés, pour les évaluations confiées
à des organismes extérieurs.
• Par ailleurs, pour favoriser la diffusion d'une culture de
l'évaluation en région, et pour approfondir et améliorer
l'évaluation des politiques publiques contractualisées, il
conviendrait aussi :
- de renforcer
l'organisation statistique
autour des contrats de plan
Etat-Région, et de mieux adapter l'échelle et la
périodicité des statistiques régionales
réalisées par l'INSEE au calendrier de décision et
d'évaluation des contrats de plan
168(
*
)
;
- de renforcer les
moyens
d'expertise des
SGAR
en matière
d'évaluation des politiques publiques ;
- d'organiser la complémentarité entre l'évaluation des
fonds structurels
communautaires
et l'évaluation des
contrats de plan ;
- de promouvoir des accords entre l'Etat, les Régions, les
universités et les grandes institutions publiques de recherche pour
mieux mobiliser les capacités
d'expertise universitaires
et
scientifiques ;
- d'améliorer la
diffusion
aux collectivités locales des
travaux préparatoires et des évaluations réalisées
en interne par l'Etat, et relatives à des politiques publiques
contractualisées. Il n'est notamment pas concevable que les
Régions ne soient pas systématiquement destinataires d'au moins
une synthèse des évaluations interrégionales
commanditées par certains ministères ;
- de développer l'élaboration des
guides
méthodologiques
relatifs à certaines politiques
contractualisées, comme ceux réalisés en matière
d'environnement, et de généraliser leur diffusion au Parlement,
aux collectivités locales concernées, et, pour avis critique, aux
centres d'expertise indépendants ;
- plus généralement, d'accroître la publicité des
évaluations réalisées dans le cadre des contrats de plan,
de développer la
mise en réseau
des commanditaires
d'évaluations, comme de l'offre publique et privée
d'évaluation. Votre rapporteur se félicite d'ailleurs à
cet égard de la création récente d'une
"
Société française de
l'évaluation
" ;
- de faire de l'Institut des Hautes Etudes de Développement et
d'Aménagement du Territoire (IHEDAT) installé le 23 mars 2000 par
Mme VOYNET, ministre de l'Aménagement du Territoire et de
l'Environnement, et financé par la DATAR, un lieu de réflexion et
de sensibilisation à l'évaluation de l'impact territorial des
politiques publiques ;
- de renforcer le rôle, la légitimité et les moyens du
Commissariat
général du Plan
en matière
d'évaluation des politiques publiques contractualisées. En
particulier, les ressources humaines dont dispose le Commissariat
général du Plan pour sa mission de coordination de
l'évaluation des politiques publiques devraient être
décuplées
, de manière à créer une
cellule permanente d'une dizaine de personnes, en mesure de rédiger des
guides d'appui pour la rédaction des cahiers des charges et des appels
d'offre ; de conseiller les pouvoirs publics et les chargés
d'évaluation ; de comparer et d'analyser les résultats des
évaluations conduites en région ; d'en diffuser
régulièrement des bilans ; enfin d'exploiter un centre de
ressources pour l'évaluation, à la disposition de tous les
pouvoirs publics et les experts concernés, qui recenserait par grand
thème l'ensemble des résultats et des méthodologies des
évaluations conduites en France, comme à l'étranger. Par
ailleurs, le Commissariat général du Plan devrait être
systématiquement destinataire des évaluations
réalisées en région ;
- parallèlement, de
simplifier
la procédure
d'évaluation des politiques publiques contractualisées, notamment
pour accélérer la délégation des crédits
afférents ;
- de promouvoir des évaluations
interrégionales
;
- enfin, parallèlement aux évaluations scientifiques de
certaines politiques contractualisées, de réaliser des
évaluations légères
moins parcellaires
des contrats
de plan : il est en effet souhaitable de développer
l'évaluation de la cohérence des différents programmes
contractualisés.
• Par ailleurs, sans doute convient-il de ne pas
"
sacraliser
" l'évaluation des politiques publiques.
En effet, si les résultats de certaines évaluations ont pu
apparaître décevants, cela résulte parfois de ce que l'on
en attendait trop : l'évaluation n'est pas par elle même une
méthode de décision publique, mais seulement l'un des instruments
à la disposition des décideurs publics.
De même, il semble souhaitable de mettre en oeuvre et de
combiner
l'ensemble des techniques et des niveaux d'évaluation, depuis des
dispositifs légers d'auto-évaluation, jusqu'au dispositif
particulièrement ambitieux proposé par le Commissariat
général du Plan. En effet, l'évaluation est au moins
autant une
culture
qu'une méthode.
• Le renforcement de l'évaluation des politiques
contractualisées pourrait ainsi emprunter plusieurs
modalités
:
- le développement d'une démarche permanente de
suivi-évaluation
par les services de l'Etat et des
collectivités locales ;
- la création de fonctions de "
fou du roi
",
dévolues soit à une personne, soit à un conseil
scientifique choisis d'un commun accord par le SGAR et le Directeur
général des services de la Région, avec pour mission de
porter un regard critique sur les actions contractualisées ;
- le développement de
cellules
ou de structures
d'évaluation
décentralisées
permanentes
,
cofinancées par l'Etat et les principales collectivités
régionales, relativement autonomes, et susceptibles de réaliser
ou de piloter des évaluations pour le compte de l'ensemble des pouvoirs
publics, à l'instar de l'institut Lorrain d'Etudes et d'Evaluation des
politiques publiques. En effet, ces structures peuvent disposer à la
fois d'une plus grande indépendance que des organismes privés
rémunérés à la tâche, et d'une plus grande
familiarité avec les procédures et les cultures
administratives ;
- la création de
pôles d'expertise interrégionaux
,
voire d'une
mission
nationale
placée sous l'égide
du Commissariat général du Plan, en mesure de participer à
des travaux d'évaluation à la demande des instances
régionales d'évaluation, dans le strict respect du principe
constitutionnel
d'autonomie
des
collectivités locales
.
• En
conclusion
, le dispositif d'évaluation des politiques
publiques introduit dans les troisièmes contrats de plan a
enclenché une réelle dynamique, dont la consolidation suppose des
moyens humains accrus, notamment au Commissariat général du Plan.
Cette démarche ne doit d'ailleurs pas restée confinée
aux politiques et aux moyens inscrits dans les contrats de plan
Etat-Région, qui ne représentent que
0,2 à 0,3 %
des dépenses publiques
.
En particulier, votre rapporteur souhaite que les procédures
d'évaluation des politiques publiques au
niveau national
trouvent
un second souffle dans la dynamique enclenchée par la procédure
d'évaluation des contrats de plan Etat-Région