6. Associer les collectivités locales
Les
collectivités territoriales
seront des acteurs essentiels de la
maîtrise des émissions de gaz à effet de serre
112(
*
)
.
En effet, les collectivités locales assurent la gestion, donc le
chauffage, d'un
patrimoine
public important (écoles,
collèges, lycées, bâtiments sportifs et culturels) et
peuvent engager des opérations de rénovation de l'
habitat
ancien.
Les choix des collectivités locales influencent les émissions de
gaz à effet de serre liées à l'éclairage public et
surtout aux
transports
, au travers des schémas d'occupation des
sols, de la gestion des transports publics et du stationnement urbain, ou plus
simplement de leur parc de véhicules.
Les collectivités locales sont également souvent autorités
concédantes ou opérateurs (en régie) en matière de
distribution
d'énergie
. Enfin, elles jouent
également un rôle prépondérant en matière de
valorisation des déchets, de cogénération, de promotion de
la filière bois (au travers des chaufferies en bois pour les
bâtiments publics).
Au total, selon le Commissariat Général du Plan, les
collectivités locales pourraient très largement contribuer
à la maîtrise de l'énergie et des émissions de gaz
à effet de serre, via :
- la maîtrise des
déplacements
quotidiens, grâce
à un urbanisme plus adapté. Ces déplacements ont en effet
crû de 7 à 11 kilomètres en moyenne au cours des 15
dernières années.
La Commission d'enquête du Sénat
113(
*
)
sur la politique
énergétique de la France suggérait à cet
égard que "
la compétence en matière de transport
collectif, de circulation automobile et d'urbanisme soit confiée
à une autorité unique au niveau de l'agglomération, afin
d'infléchir les actions publiques qui, involontairement, poussent
à un urbanisme de moins en moins dense et à la croissance des
émissions de gaz à effet de serre
" ;
- le développement des transports collectifs et la désincitation
(via les règles de stationnement) à l'usage urbain de la
voiture
, ce qui concourrait par ailleurs à l'amélioration
de la qualité de l'air ;
- le développement de l'incinération, de la méthanisation
des
déchets
organiques et de la récupération des
gaz de décharge du méthane produits par les stations
d'épuration : à titre d'exemple, on estime que les
déchets de 7 familles peuvent en chauffer une huitième ;
- la promotion des
énergies locales
: filière
bois
, cogénération, géothermie, éolien,
petit hydraulique, voire solaire (pour les piscines) ;
- la régulation des feux (cf. encadré) ;
LA RÉGULATION DES FEUX 114( * )
L'instance d'évaluation de la politique de maîtrise de
l'énergie révèle que la loi de décentralisation a
conduit à l'arrêt de la mise en place de systèmes de
régulation du trafic en zone urbaine " pour l'amélioration
du rendement énergétique des déplacements des
véhicules en ville ", actions qui avaient été
entreprises à partir de 1973. 70 % des carrefours à feux ne
sont ainsi pas coordonnés entre eux. Un tel abandon résulte de la
dispersion des responsabilités entre les différents
échelons des collectivités et de l'incompatibilité des
systèmes élaborés par un trop grand nombre de fournisseurs
différents.
Or, de telles opérations, dont le coût est chiffré pour la
ville de Caen à 6.000 F par tep/an économisée, sont
éminemment rentables et pourraient engendrer de
500.000 à
700.000 tep par an d'économies d'énergie
. Elles contribuent
en outre à réduire la pollution, le bruit et la congestion du
trafic.
Il conviendrait donc d'encourager les actions de régulation des feux
dans le cadre du regroupement communal. De telles actions ne peuvent en effet
être efficaces que si elles sont menées à l'échelon
de l'agglomération, et non à celui des seules communes. En outre,
de tels investissements méritent autant le soutien financier de l'Etat
et de l'ADEME que les investissements tendant à améliorer le
réseau routier et la sécurité.
- la maîtrise de la consommation d'énergies fossiles dans les
flottes de véhicules publics, via la diffusion des véhicules
électriques.
PROMOUVOIR LE VÉHICULE ÉLECTRIQUE
Les
véhicules standards capables de transporter 4 à 5 personnes sur
autoroute à 130 km/h ne sont pas conçus pour la conduite en ville
qui véhicule en moyenne 1.25 passager à très faible
vitesse, à grand renfort d'énergie inutile.
A l'inverse, le véhicule électrique est non seulement silencieux
et non polluant, mais aussi économe et simple d'utilisation. Ses
performances de vitesse et d'accélération sont comparables
à celles d'un véhicule moyen dans les zones urbaines. Son
autonomie est certes très faible (autour de 100 km), mais rappelons
que 80 % des projets interurbains sont inférieurs à
50 km par jour. En outre, le véhicule électrique est bien
adapté aux parcs de voitures de fonctions.
Il convient donc aux collectivités publiques de montrer l'exemple.
Un accord-cadre signé en avril 1995 entre l'Etat, les constructeurs
automobiles et Electricité de France prévoyait ainsi que
10 % des nouveaux véhicules urbains des services de
l'administration devraient être électriques (soit au moins 1.000
véhicules). Le même accord-cadre prévoyait d'accorder une
prime de 5.000 F à chaque particulier pour l'achat d'un véhicule
électrique, EDF étant chargé de verser au constructeur une
somme de 10.000 F par véhicule vendu. Quant aux collectivités,
pour chaque véhicule électrique acheté, elles
reçoivent de l'ADEME des primes de 2.000 à 16.000 F par
véhicule selon la charge utile, ainsi que 2.000 F par deux-roues.
L'objectif de cet accord-cadre était de porter le parc de
véhicules électriques à 100.000 unités en l'an 2000.
En dépit de ces dispositifs, le nombre de véhicules
électriques n'atteignait que 3.200 unités en France au
début de 1998, dont 1.150 chez EDF, la seule entreprise qui a converti
2 % de son parc automobile à la propulsion électrique.
Il semble, en effet, que le dispositif de la prime ait été
lancé alors que l'appareil industriel n'était pas encore
prêt et que les constructeurs automobiles étaient mobilisés
sur la vente de véhicules thermiques encouragée par les primes
" à la casse ". Ils n'ont en conséquence guère
investi en information et en promotion.
Pour expliquer le faible empressement des collectivités locales, on
évoque aussi leur recours préférentiel à l'achat de
véhicules d'occasion pour constituer leur parc automobile.
Il convient donc aujourd'hui de relancer les efforts d'équipement des
administrations en véhicules électriques.
Il convient en outre de
mobiliser tous les moyens pour faire
connaître aux Français les avantages du véhicule
électrique
: sa souplesse d'utilisation, son caractère
quasi-indestructible (un moteur électrique est prévu pour tourner
pendant 1 million de kilomètres), le faible coût de son
emploi... Le véhicule électrique serait ainsi susceptible de se
positionner sur le créneau de la deuxième ou de la
troisième voiture ainsi que sur celui des très petits
véhicules de liaison.
Il revient donc à la puissance publique de
faire converger toute une
série d'avantages fiscaux
(vignette, TIP, fiscalité de la
location),
tarifaires
(stationnement) et
réglementaires
(stationnement, autorisation de circuler, normes de sécurité)
pour permettre la segmentation du marché entre véhicules
" banalisés " et véhicules spécifiquement
urbains que le marché n'opère pas spontanément
.
Enfin, il est nécessaire de multiplier les bornes de rechargement.
Certaines de ces politiques se heurtent toutefois à des problèmes
de financement, voire à des distorsions fiscales ou
réglementaires (par exemple pour les réseaux de chaleur). La
contribution des collectivités locales à la maîtrise des
émissions de gaz à effet de serre reposera donc sur la mise en
place d'
instruments financiers
adaptés, notamment par l'ADEME et
les Régions.
Il serait ainsi souhaitable que la maîtrise des émissions de gaz
à effet de serre soit prise en compte de manière cohérente
dans les
contrats de Plan Etat-Régions
et les contrats
d'agglomération.
Il est par ailleurs regrettable que les collectivités locales ne soient
pas davantage informées et conseillées, notamment via la
réalisation de diagnostics énergétiques.
Votre rapporteur estime ainsi indispensable que les
élus locaux
soient étroitement associés à la lutte contre les
émissions de gaz à effet de serre.