II. POURQUOI S'EFFORCER DE RÉDUIRE LES ÉMISSIONS DÈS MAINTENANT ?
1. Le principe de précaution commande de freiner le changement climatique dès aujourd'hui
Le fait
que les émissions humaines de gaz à effet de serre tendent
à perturber le climat et à accroître le risque de
phénomènes climatiques extrêmes est désormais
scientifiquement établi
par les travaux du GIEC, dont le
deuxième rapport a été approuvé mot à mot en
décembre 1995 par les représentants de 116 gouvernements, de 13
organisations intergouver-nementales et de 25 O.N.G.
Certains auteurs toutefois ont argué des incertitudes quant aux
conséquences précises du changement climatique pour
préconiser de ne rien faire avant d'en savoir plus, d'autant plus que
" l'échelle de temps " du phénomène est
très longue : après la stabilisation du niveau des
émissions de gaz à effet de serre, il faudra plusieurs
décennies pour que la concentration de ces gaz dans l'atmosphère
cesse d'augmenter, et plusieurs siècles pour que le niveau de la mer
s'arrête de monter, en raison de l'
inertie
du climat.
Certaines simulations économiques suggèrent par ailleurs qu'il
serait économiquement rationnel de
repousser
dans l'avenir la
maîtrise des émissions afin de l'effectuer à moindre
coût.
Ces simulations reposent toutefois sur un
pari
quant aux
évolutions technologiques futures. Ce pari est contraire au
principe
de précaution
unanimement reconnu lors du Sommet de Rio.
Par ailleurs, si l'on attend pour agir d'être en mesure d'établir
des prévisions climatiques précises à l'horizon d'un
siècle, il est certain que l'on ne fera jamais rien. Or les
connaissances scientifiques accumulées jusqu'à aujourd'hui
soulignent que le changement climatique sera très probablement
dommageable à l'humanité. En outre, certains des
dommages
prévisibles, comme la réduction de la biodiversité et la
destruction d'écosystèmes côtiers, seront
irréversibles
. Dans ces conditions, le principe de
précaution commande d'agir dès aujourd'hui pour freiner
l'accumulation de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
L'article 2 de la convention-cadre sur le changement climatique stipule ainsi
que " ...
quand il y a risque de perturbations graves ou
irréversibles, l'absence de certitudes scientifiques absolues ne doit
pas servir de prétexte
" et qu'il "
incombe aux parties
de prendre des mesures de précaution pour prévoir,
prévenir ou atténuer les causes du changement climatique ou en
limiter les effets néfastes
" (c'est-à-dire
" mitiger " le changement climatique).
D'un point de vue économique, il est rationnel de payer dès
aujourd'hui une "
prime d'assurance
", sous la forme de
mesures de maîtrise des émissions, pour retarder le changement
climatique, en attendant d'en savoir plus.
Réduire dès aujourd'hui les émissions de gaz à
effet de serre est également plus
équitable
, notamment
vis-à-vis des générations futures. En effet, cela revient
à répartir une partie du coût des dommages potentiels sur
les pollueurs actuels, au travers des coûts de maîtrise des
émissions.
Enfin, l'
inertie
des émissions de gaz à effet de serre
invite à des
décisions publiques rapides
. Les choix
publics contemporains en matière d'urbanisme et d'infrastructures de
transports conditionnent en effet le niveau des émissions de gaz
à effet de serre du siècle prochain, en particulier pour les pays
en développement, qui effectuent aujourd'hui des choix de
développement irréversibles
12(
*
)
.