3. Les difficultés pratiques soulevées par les mécanismes de flexibilité sont liées au principe même des quotas, et non pas aux instruments d'échange
On
impute parfois aux imperfections des
instruments
d'échange
(marchés de permis, application conjointe), les difficultés de
mesure, de contrôle ou de sanction.
En fait, ces difficultés ne proviennent pas des instruments
eux-mêmes, mais du choix d'une approche par des
quotas
:
c'est le respect des quotas lui-même qui est difficile à mesurer,
contrôler et sanctionner.
4. Le mécanisme de développement propre présente des risques spécifiques
Les
mécanismes de développement propre, et, dans une moindre mesure,
de mise en oeuvre conjointe, soulèvent des problèmes de
mesure
spécifiques. Ces mécanismes supposent en effet de
déterminer le montant des émissions évitées par un
projet précis par rapport à un scénario de
référence "
business as usual
". Or le niveau
d'émission du scénario de référence est soumis
à de grandes incertitudes : par exemple, qui sait si la cimenterie
concernée par un projet de développement propre n'aurait pas
été modernisée quoi qu'il advienne un ou deux ans plus
tard, parce que cette modernisation aurait été rentable ?
La
comptabilisation
des émissions évitées donnera
donc lieu à des calculs complexes, susceptibles d'accroître les
coûts de transaction et de créer une incertitude
préjudiciable au développement de ces mécanismes de
flexibilité. "
Si le scénario de référence
était trop laxiste, le mécanisme de développement propre
conduirait à créditer des réductions d'émissions
tout à fait fictives qui porteraient atteinte aux objectifs et à
la crédibilité du processus de Kyoto, si à l'inverse, la
référence était très rigoureuse, on pourrait en
venir à ne créditer que les réductions obtenues dans le
cadre de projets très onéreux et dépourvus de
viabilité économique, le mécanisme demeurant peu efficient
et marginal
"
64(
*
)
.
Lors du sommet de Buenos Aires, la France a par ailleurs souligné
plusieurs
risques
spécifiques liés au mécanisme de
développement propre
65(
*
)
(MDP) :
- le mécanisme pourrait s'avérer un
frein
à
l'adoption, à terme, d'objectifs quantifiés par les
pays en
développement
(bénéficiant déjà du
MDP sans contrepartie, les pays en développement n'ont plus
intérêt à souscrire des engagements précis) ;
- ce mécanisme pourrait paradoxalement les inciter à conserver
des politiques
inefficaces
et peu favorables à l'environnement,
dans le seul but de conserver un gisement de projets de réduction
à bas coût leur permettant d'attirer des financements en
provenance de pays du Nord
66(
*
)
;
- un afflux trop grand de crédits d'émission en provenance des
pays en développement pourrait parallèlement conduire les
pays
industrialisés
à s'affranchir de tout effort domestique
sérieux. La lutte contre l'effet de serre se traduirait alors par des
transferts financiers Nord/Sud à l'efficacité incertaine, sans
prise de conscience des enjeux liés au changement climatique dans les
pays industrialisés ;
- les transferts liés au mécanisme de développement propre
pourraient servir de
prétexte
à certains pays du Nord pour
réduire à due proportion leur aide au développement, ce
qui aurait un effet désastreux sur l'implication des pays en
développement dans la lutte contre le changement climatique ;
- enfin, le MDP requiert une bonne
administration
dans les pays du Sud
"
car ce que l'on vend, c'est finalement du
vent
"
(Olivier GODARD).
La mise en oeuvre du mécanisme de développement propre est
toutefois hautement
souhaitable
.
En effet, ce mécanisme favoriserait la
diffusion
de technologies
propres. Surtout, le MDP est le seul instrument prévu pour
infléchir efficacement les choix énergétiques des pays en
développement.
La mise en oeuvre du MDP pourrait en outre conduire à des
mesures
très
rapides
, puisque les réductions d'émissions
certifiées durant la période 2000-2007 pourront être
utilisées pour les obligations de la période 2008-2012.
Enfin, ce mécanisme est potentiellement source d'efficience collective
puisque les gisements de réduction d'émissions les moins
coûteux se trouvent aujourd'hui dans les pays en
développement : le MDP pourrait donc être fortement
gagnant-gagnant
.
Il est donc nécessaire d'encourager les
expériences
de
projets de développement propre, afin d'établir au plus tôt
une " banque " d'expériences facilitant la définition
de scénarios de référence, renforçant la confiance
des investisseurs dans le système et abaissant les coûts de
traitement des dossiers
67(
*
)
.
La
Banque mondiale
met ainsi sur pied un "
fonds prototype
carbone
", qui est destiné à tester les
mécanismes de mise en oeuvre conjointe et de développement
propre. Ce fonds sera ouvert aux pays intéressés, moyennant une
mise de fond initiale de 10 millions de dollars, ainsi qu'aux entreprises
internationales, moyennant un ticket d'entrée de 5 millions de
dollars. La Norvège, la Finlande, la Suède, la Suisse, les
Pays-Bas et un certain nombre d'entreprises ont d'ores et déjà
décidé d'y participer
68(
*
)
.
Il conviendrait d'inciter les
entreprises françaises
à
participer à ce type d'expérience afin de se bâtir une
expertise en matière de projets de développement propre. Cette
expertise leur permettrait en effet de participer à
l'
élaboration des règles
de calcul des réductions
d'émissions et leur faciliterait à long terme l'accès aux
marchés publics des pays en développement, qui intégreront
de plus en plus une composante liée au mécanisme de
développement propre.
La Commission européenne suggère par ailleurs d'accroître
l'efficacité et la rentabilité du mécanisme de
développement propre en instaurant la
négociabilité
des certificats issus des projets.