II. LE DÉBAT EN COMMISSION
Lors de
sa séance du 17 juin 1998, la commission des Affaires
étrangères, de la défense et des forces armées a
examiné le présent rapport.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Michel Caldaguès a
estimé que, lors de la Conférence intergouvernementale, la France
avait défendu en matière institutionnelle des positions
très ambitieuses et, à ses yeux, peu réalistes et qu'il ne
fallait pas s'étonner, dans ces conditions, de l'échec
enregistré sur ce point. Il a, par ailleurs, observé que seule la
France attachait une importance aussi grande aux questions institutionnelles.
En outre, il n'a pas jugé opportun que le Parlement adresse au
Gouvernement un mandat impératif pour conduire des négociations
dans le domaine de la réforme institutionnelle. M. Michel
Caldaguès a ensuite estimé qu'il était inéluctable
que chaque Etat membre soit représenté au sein de la Commission.
S'il n'a pas contesté le principe d'une position plus positive
vis-à-vis du Parlement européen, il a souhaité que cette
attitude soit réciproque à l'égard des Parlements
nationaux. Quant au couple franco-allemand, M. Michel Caldaguès a
jugé qu'il devait retrouver son rôle moteur à condition de
ne pas s'afficher d'une façon qui pouvait être parfois mal
perçue par certains de nos partenaires.
M. Xavier de Villepin, président, a précisé que la France
n'était pas seule à défendre la nécessité
d'une réforme institutionnelle préalable à
l'élargissement : la Belgique, l'Italie et, dans une certaine mesure,
l'Allemagne, partageaient une telle position. A moins de se résigner
à la dilution de la construction européenne sous la forme d'une
vaste zone de libre-échange, la réforme institutionnelle
apparaissait indispensable et, d'après M. Xavier de Villepin,
président, il importait au Parlement de faire valoir cette exigence,
soit par l'adoption d'une résolution, soit par le vote d'un article
additionnel. S'agissant de la Commission, M. Xavier de Villepin,
président, a estimé qu'il serait sans doute impossible qu'un Etat
accepte de ne pas être représenté au sein de cette
instance. Il a ensuite noté que le moteur franco-allemand serait
incontestablement renforcé si le Royaume-Uni acceptait de s'y joindre.
Il a enfin observé que la représentation française au
Parlement européen souffrait d'un morcellement excessif et que ce fait
réduisait notre influence, alors que des pays comme l'Allemagne ou
l'Espagne avaient su mieux y faire entendre leurs voix.
M. Christian de La Malène a alors indiqué que l'autorisation
éventuelle d'approuver la publication du présent rapport
d'information ne saurait impliquer de sa part un accord sur des conclusions du
rapporteur qu'il ne partageait pas. Il a constaté que le traité
d'Amsterdam nous écartait d'une Europe politique au risque de nous
enfermer dans une Europe économique. Il a par ailleurs manifesté
ses réserves sur la communautarisation d'une partie du troisième
pilier, alors même que l'Europe, dans le cadre des procédures
communautaires, ne paraît pas encore prête à assumer de
telles responsabilités. Il a enfin indiqué que, s'il convenait de
montrer une plus grande ouverture sur les réformes institutionnelles, il
regrettait le déficit démocratique dont souffraient actuellement
les institutions communautaires. Il a souligné les excès de la
technocratie et noté que les pouvoirs du Parlement européen
s'étaient accrus mais que sa légitimité demeurait encore
incertaine.
M. Xavier de Villepin, président, a souligné que le rapport
d'information qu'il avait préparé avait seulement vocation
à réunir des éléments d'analyse nécessaires
pour donner au Sénat le temps de la réflexion sur un débat
qu'il faudrait sans doute, le jour venu, conduire rapidement compte tenu des
contraintes du calendrier parlementaire. Par ailleurs, d'après
M. Xavier de Villepin, président, l'inefficacité des
institutions, plus encore que l'absence de démocratie, constitue
aujourd'hui un sujet de préoccupation. Il a enfin noté que les
excès de la réglementation communautaire ne doivent pas faire
oublier l'inflation législative dont souffre également
l'organisation du travail parlementaire en France.
M. Jean Arthuis a alors jugé très opportun la publication d'un
rapport d'information sur le traité d'Amsterdam. Il a aussi
souhaité que s'ouvre le débat sur les moyens pour le Parlement
d'inviter le Gouvernement à s'engager sur le terrain institutionnel,
même si la question apparaît ici délicate dans la mesure
où la politique étrangère constitue un "domaine
réservé" de l'exécutif. Il a toutefois souligné que
les questions européennes ne pouvaient plus désormais s'assimiler
aux affaires étrangères. Il a rappelé qu'avec la mise en
oeuvre de l'euro, les Etats avaient accepté de partager leur
souveraineté monétaire mais qu'ils montraient encore des
réticences pour accepter d'autres transferts de souveraineté.
Toutefois, a ajouté M. Jean Arthuis, il convenait de ne pas
s'illusionner sur les marges de manoeuvre dont disposent réellement les
Etats en matière fiscale, budgétaire ou sociale. Il a
regretté que la montée en puissance d'un pôle
monétaire n'ait pas, pour l'heure, de contrepartie sur le plan
politique. Il a, à cet égard, estimé que le Sénat
jouait un rôle pleinement conforme à sa vocation lorsqu'il
réfléchissait aux éléments d'une réforme
institutionnelle et qu'il s'interrogeait sur les moyens les plus efficaces pour
inciter le Gouvernement à combler le déficit démocratique
et politique dont souffrait l'Europe. Il a en outre observé qu'en
l'absence de concertation, les Quinze pourraient être
entraînés dans une forme de "désarmement" douanier et
fiscal et que ce risque plaçait au premier plan la
nécessité d'un débat sur une Europe politique.
Puis M. Jacques Genton a estimé que la publication d'un rapport
d'information de la commission sur le traité d'Amsterdam apparaissait
aujourd'hui particulièrement opportun et utile. Il a ensuite
souligné que l'extension des pouvoirs du Parlement européen ne
correspondait pas à sa représentativité ; il a par
ailleurs précisé que la représentation politique au sein
de l'Assemblée de Strasbourg ne reposait pas d'abord sur des
critères nationaux. Il a ajouté, s'agissant de la Commission,
qu'il n'était, à ses yeux, guère concevable de
réduire le nombre des commissaires en deçà du nombre des
Etats membres ; il a précisé en revanche que les
compétences de cette institution devraient être mieux
définies et regretté à cet égard que bien des
sujets soient actuellement traités indirectement au niveau de
l'administration communautaire. M. Jacques Genton a ensuite
déploré que le Conseil des ministres ne puisse réellement
jouer le rôle que lui assignent les traités faute de disposer du
temps nécessaire pour examiner, avec l'attention suffisante, les
dossiers qui lui sont soumis ; la préparation du Conseil européen
s'organise aussi -a-t-il estimé- dans des conditions difficiles. Il a
enfin attiré l'attention sur le rôle des Parlements nationaux en
citant l'exemple de l'influence exercée par le Bundesrat sur les
positions allemandes défendues au sein des instances bruxelloises. Il a
souhaité que le champ d'application de l'article 88-4 de la Constitution
française, qui permet actuellement au Parlement de voter des
résolutions sur les propositions d'acte communautaire, puisse être
élargi.
M. Xavier de Villepin, président, a alors rappelé la
nécessité de mieux organiser la représentation
française, actuellement trop dispersée, au sein du Parlement
européen afin de donner plus de poids aux positions françaises
dans une institution dont les pouvoirs se sont trouvé renforcés.
Il a manifesté son accord avec les observations formulées par M.
Jacques Genton sur l'action des "länder" auprès des institutions
bruxelloises ainsi que sur les difficultés liées à
l'organisation des travaux du Conseil.
Mme Danielle Bidard-Reydet a enfin estimé opportun de rendre public un
rapport d'information sur un dossier aussi important et complexe, pour lequel
tous les éclairages pouvaient se révéler utiles.
La commission a alors autorisé la publication du rapport d'information,
présenté par M. Xavier de Villepin, président, relatif aux
dispositions du traité d'Amsterdam.