N° 508

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 juin 1998

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) relatif aux dispositions du Traité d'Amsterdam ,

Par M. Xavier de VILLEPIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, Charles-Henri de Cossé-Brissac, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, André Gaspard, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, André Rouvière, André Vallet.

Union européenne.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Faut-il ratifier le traité d'Amsterdam ? La réponse à une telle interrogation dépend naturellement de l'appréciation portée sur le contenu même du texte. Or, aucune orientation majeure ne s'est dégagée au terme des travaux de la Conférence intergouvernementale (CIG) ouverte à Turin le 29 mars 1996.

L'Acte unique européen avait jeté les bases du marché unique ; le traité de Maastricht avait ouvert la voie à l'Union économique et monétaire. Ces développements -appelés de leurs voeux par certains, vigoureusement critiqués par d'autres- ont profondément marqué la construction européenne. Rien de tel dans le traité d'Amsterdam et c'est là, sans doute, la première difficulté. Comment apprécier un texte qui offre si peu de prise au jugement ?

Le débat, du reste, a quelque peu négligé le contenu même de l'accord pour se cristalliser sur le rendez-vous manqué avec la réforme institutionnelle ou sur les conditions de la ratification du traité -réforme constitutionnelle et référendum-. Or, le Parlement aura d'abord à se prononcer sur les mérites propres du traité d'Amsterdam.

C'est pourquoi votre commission des Affaires étrangères et de la Défense, soucieuse d' éclairer le choix du Sénat , a pris le parti de présenter de façon détaillée le dispositif adopté par les Quinze à Amsterdam et d'en analyser la portée sans esprit de vaine polémique. Il était indispensable de procurer, en amont du débat sur la ratification du traité, les éléments nécessaires à la compréhension d'un texte souvent très complexe et donner ainsi à la représentation nationale et, au-delà, à l'opinion publique, le temps de la réflexion sur un sujet décisif pour l'avenir de l'Europe. Dans cette perspective, la commission a procédé à l'audition de juristes et de spécialistes des questions européennes .

Sur la base des informations recueillies par votre commission et de l'analyse aussi complète et objective que possible des dispositions du traité, votre rapporteur livrera dans ses conclusions une appréciation d'ensemble sur le contenu du traité ; il présentera en outre plusieurs propositions sur les conditions de ratification de ce texte ainsi que sur les contours possibles d'une réforme institutionnelle. Ces observations constituent une contribution au débat que conduira d'abord notre commission des affaires étrangères avant de rendre son avis sur le projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam, puis le Sénat dans son ensemble lorsqu'il aura à se prononcer, en séance publique, sur ce texte.

Une analyse rigoureuse du traité d'Amsterdam apparaît comme un préalable indispensable à la réflexion sur l'opportunité de ratifier. Elle ne saurait toutefois suffire. Certes, le Parlement juge d'abord de la valeur d'un texte mais à l'occasion du débat sur la ratification du traité, il sera appelé aussi à s'interroger sur les orientations futures de la construction européenne. La réforme institutionnelle, grande absente du traité d'Amsterdam, apparaît dès lors comme un enjeu déterminant pour l'avenir de l'Union européenne. Dans cette perspective, votre rapporteur présentera dans ses conclusions les propositions qui lui paraissent le complément indispensable de la ratification du traité d'Amsterdam.

*

* *

LES RAISONS D'UNE DÉCEPTION

Avant de procéder à l'analyse des dispositions du traité, il n'est pas inutile de revenir sur les raisons du demi échec enregistré par la Conférence intergouvernementale . Le diagnostic peut en effet nous éclairer sur la démarche qu'il conviendra de suivre, dans les mois prochains, pour réussir là où le processus initié à Turin a failli à ses objectifs.

Que la CIG n'ait dégagé aucune avancée profonde, notamment dans le domaine institutionnel, on ne saurait s'en étonner : les objectifs initiaux de la révision, la procédure de négociation retenue et enfin, le contexte politique des discussions n'ont guère favorisé l'aboutissement d'une véritable ambition.

I. DES OBJECTIFS INITIAUX PLUTÔT CIRCONSCRITS

Si l'absence de réforme institutionnelle constitue un échec décevant, il faut reconnaître que la modification du traité n'avait pas pour premier motif un aménagement substantiel des institutions européennes.

A l'instar des chartes fondamentales de la plupart des pays démocratiques, le texte du traité sur l'Union européenne prévoit lui-même à l'article 48 (ancien article N) les modalités selon lesquelles il peut faire l'objet d'une révision à l'initiative de tout Etat membre ou de la Commission.

Au-delà de cette clause générale, naturellement maintenue dans la nouvelle version du traité révisé à Amsterdam, le traité sur l'Union européenne signé à Maastricht en 1991 prévoyait -toujours à l'article N- la convocation en 1996 d'une conférence des représentants des gouvernements des Etats membres pour examiner les dispositions du traité pour lesquelles une révision était prévue.

La réunion ne devait pas ainsi porter sur l'ensemble du traité mais se limiter aux dispositions pour lesquelles un aménagement apparaissait expressément envisagé. Certes, aux termes de l'article B du traité sur l'Union européenne, la révision pouvait concerner, de façon très large, les "politiques et formes de coopération instaurées par le présent traité" dans la mesure où elle cherche à assurer "l'efficacité des mécanismes et des institutions communautaires".

Toutefois, quatre autres dispositions plus ciblées ouvraient la perspective d'une révision relative à la politique extérieure et de sécurité commune (art. J.4 § 6 et J.10), à l'élargissement de la procédure de codécision (art. 189 B § 8), à la prise en compte éventuelle de l'énergie, du tourisme et de la protection civile comme nouveaux titres du traité (déclaration n° 1) et enfin à la question de la hiérarchie des actes (déclaration n° 16).

Ce dispositif initial aurait ainsi conduit davantage à des ajustements qu'à des bouleversements si les perspectives d'élargissement, qui se sont rapidement concrétisées après 1992, n'avaient pas replacé la nécessité de réformes institutionnelles au coeur des priorités de la Conférence intergouvernementale à venir.

En effet, la question institutionnelle et, au premier chef, la repondération des voix au sein du Conseil a connu une nouvelle acuité à la faveur de l'ouverture des négociations avec l'Autriche et les pays nordiques. Une formule de compromis, adoptée à Ioannina en mars 1992, permit alors de reporter une solution plus durable à la Conférence intergouvernementale 1( * ) .

Ainsi, l'ordre du jour de la CIG tel que le mandat confié par le Conseil européen de Corfou de juin 1994 au groupe de réflexion (composé des représentants des ministres des affaires étrangères et du président de la Commission) en fixe les contours, s'est trouvé singulièrement élargi par rapport aux objectifs initiaux assignés à la révision des traité. En effet, le groupe de réflexion se voyait chargé d'examiner non seulement les suggestions relatives aux dispositions du traité sur l'Union européenne dont la révision est prévue sur "la base de l'évaluation du fonctionnement du traité" mais il devait établir également, dans la perspective de l'élargissement futur de l'Union, "des options sur les questions institutionnelles figurant dans les conclusions du Conseil européen de Bruxelles et dans l'accord de Ioannina (pondération des voix, seuil pour les décisions prises à la majorité qualifiée, nombre des membres de la Commission) et toute autre mesure estimée nécessaire pour faciliter les travaux des institutions et garantir leur efficacité dans la perspective de l'élargissement".

L'extension de l'ordre du jour de la CIG avait pour effet de donner une valeur accrue aux enjeux de cette échéance et, en conséquence, de multiplier les attentes au moment même où la difficulté accrue de l'exercice rendait plus incertains les résultats de l'entreprise.

De plus, la procédure de négociations retenue, adaptée pour procéder à des aménagements limités, n'est pas apparue la plus efficace pour surmonter l'hostilité profonde à une réforme institutionnelle.

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