b) Un rejet catégorique des propositions de la Commission Européenne par les organisations syndicales agricoles
La
FNSEA : " l'affirmation d'une identité agricole
Européenne "
Lors de son 52e Congrès fédéral à
Clermont-Ferrand du 7 au 9 avril 1998, la FNSEA a adopté un
rapport d'orientation dont le titre, " Pour un pouvoir économique
fort des agriculteurs ", résume la position de la FNSEA sur les
propositions de réforme de la PAC.
Dans le cadre de l'évolution de la PAC, à l'horizon 2000 et
à plus long terme en vue de l'intégration des pays d'Europe
centrale et orientale (PECO), la FNSEA s'est fixée pour orientation un
rééquilibrage des outils et des moyens de la PAC entre les
soutiens aux produits, les soutiens aux territoires et aux hommes.
La FNSEA souhaite notamment que la PAC ait une approche plus territoriale que
par le passé de l'activité agricole. Afin de favoriser
l'agriculture multifonctionnelle qui fonde l'identité agricole
Européenne, la PAC doit clairement reconnaître et valoriser la
fonction d'occupation du territoire remplie par l'agriculture et les
agriculteurs.
Or, pour la FNSEA :
Le " Paquet Santer " constitue la négation même de
cette orientation
41(
*
)
" La réforme contenue dans " Agenda 2000 " néglige
totalement les équilibres territoriaux entre productions et
régions agricoles, et les emplois à la clé dans des zones
rurales où l'agriculture joue un rôle économique essentiel
et dans lesquelles les possibilités de reconversion professionnelle sont
souvent très limitées. "
La FNSEA considère que :
" - Avec sa " pensée unique ", voire dogmatique, en
faveur d'une baisse des prix institutionnels généralisée,
systématique (compensée seulement partiellement), la Commission
Européenne va favoriser de fait la concentration des exploitations sur
les territoires les plus productifs, la déprise dans les autres, la
course à l'agrandissement et aux primes ;
- la prime unique que la Commission propose dans le secteur des grandes
cultures, entraînerait un fort recul de productions déficitaires
(notamment les oléagineux et les protéagineux, mais
également le maïs dont elle souhaite faire disparaître la
spécificité), ce qui ne manquerait pas de créer de
nouveaux déséquilibres dans les zones de production
concernées (en particulier les zones intermédiaires) ;
- la Commission Européenne ne tient aucun compte des
spécificités régionales de l'Union Européenne.
C'est vrai pour les productions méditerranéennes qu'elle
n'intègre pas dans sa réflexion (ni dans sa programmation
budgétaire). Cela vaut également pour la réforme
proposée dans le secteur de la viande bovine qui va à l'encontre
d'une politique d'occupation de l'espace en pénalisant fortement les
bassins allaitants (notamment français) ;
- enfin, sa proposition pour le secteur laitier est incohérente,
compliquée à l'excès et inopérante. Elle constitue
de facto une attaque en règle contre le système des quotas
laitiers qui joue pourtant un rôle central pour fixer la production
laitière au territoire (à commencer dans les zones de
montagne). "
La FNSEA souhaite la réorientation du " Paquet Santer "
Pour la FNSEA, une politique agricole assurant un rééquilibrage
entre les hommes, les produits et les territoires est un impératif
.Cette politique doit s'appuyer sur trois orientations fortes,:
" - le refus de la baisse systématique et
généralisée des prix institutionnels et du
démantèlement des OCM (cf. chapitre 3 § 21) ;
- la volonté de voir reconnaître la fonction territoriale de
l'agriculture, son rôle dans l'occupation et la valorisation des
territoires, à travers des soutiens de base à l'hectare. C'est le
principe économique de la rémunération de la
multifonctionnalité de l'agriculture qui est en jeu ;
- les soutiens de base aux territoires doivent être
complétés par des soutiens aux produits qui demeurent
indispensables comme leviers de régulation des marchés
(maîtrise quantitative de l'offre), pour favoriser des objectifs
qualitatifs et pour répondre aux logiques spécifiques des
filières en matière de production et d'échanges. En ce
sens, la prime unique proposée par le Paquet Santer pour les grandes
cultures est inacceptable : la FNSEA demande des soutiens
complémentaires pour orienter les productions, notamment pour les
productions déficitaires comme les oléagineux et les
protéagineux. L'Europe doit également mettre en place un nouveau
" plan protéines " afin de réduire son déficit
en protéines végétales et d'accroître la
sécurité de son approvisionnement.
D'une façon générale, conformément aux orientations
du Congrès de Toulouse, la FNSEA propose un soutien communautaire de
base pour l'ensemble des terres " SCOP " et fourragères.
La Commission Européenne va dans ce sens lorsqu'elle propose une prime
non liée aux cultures pour le secteur végétal. Mais elle
s'en éloigne dans le secteur animal, en proposant de concentrer les
aides sur les animaux et en faisant l'impasse sur le territoire. Sa
récente proposition de modulation des primes, tant à
l'intérieur de l'OCM " viande bovine " que de l'OCM
" lait ", est inacceptable en l'état. La Commission entend se
défausser sur les Etats membres de la responsabilité de
rechercher l'équilibre entre les systèmes de production.
Elle propose de constituer des enveloppes nationales à hauteur (en
moyenne) de 30 % des aides compensatoires. Des enveloppes d'une pareille
ampleur équivaudraient à une renationalisation, certes partielle
mais inadmissible, de la PAC. Car le système deviendrait vite
ingérable par les Etats membres et pourrait engendrer des distorsions de
concurrence entre les producteurs Européens, selon les choix retenus sur
le plan national.
C'est pourquoi la FNSEA demande, avec plus de fermeté que jamais, un
soutien communautaire de base à l'hectare. Ce n'est qu'une fois cette
prime actée que l'Europe pourra envisager le recours limité
à la subsidiarité éventuellement nécessaire pour
trouver le meilleur équilibre possible entre systèmes
d'élevage sur le plan national.
En outre, la FNSEA souhaite une vision Européenne offensive de la
ruralité, à partir de l'agriculture. "
Le CNJA : une approche différenciée des productions
Dénonçant la conception par trop libérale de la
réforme de la PAC envisagée par la Commission, le CNJA souhaite
une approche s'articulant autour du triptyque
hommes-marchés-territoires. Il revendique la reconnaissance à
parts égales des dimensions quantitatives et qualitatives de
l'activité agricole. En outre, le CNJA regrette que le renouvellement
des générations ne soit pas considéré par la
Commission Européenne comme un objectif prioritaire.
A travers les nombreux documents élaborés par le CNJA,
celui-ci :
" - exige une refondation de la PAC eu égard au contexte
Européen (baisse du nombre d'exploitations, préoccupations des
consommateurs...) et au contexte international (élargissement à
l'Est, OMC, croissance des marchés...), qui militent en faveur d'une
nouvelle réforme ;
- valide les objectifs affichés par la Commission Européenne
pour une nouvelle réforme (compétitivité de l'agriculture,
renforcement de la politique rurale...) ;
- dénonce l'absence de prise en considération de la
diminution constante du nombre d'exploitations, du vieillissement de la
population agricole et de l'évolution des structures agricoles.
L'approfondissement de la logique " anti-jeunes " de 1992, qui vise
à lier les aides aux facteurs de production, accélérera
encore ces tendances ;
- récuse le schéma général de réforme
retenu par la Commission Européenne qui tend à faire de la
libéralisation des marchés la composante quasi-unique de la
politique agricole ;
- propose au contraire une réforme articulée autour d'une
conception radicalement nouvelle des missions diversifiées de
l'activité agricole, justifiant une reconnaissance à parts
égales et une rétribution des dimensions productives et
qualitatives du métier d'agriculteur ;
- refuse l'approche d'uniformisation des politiques sectorielles retenue
par la Commission et plaide au contraire en faveur d'une politique
différenciée par secteur agricole, en fonction des
spécificités des productions ;
- constate des lacunes majeures dans les dispositifs de réforme
proposés et notamment :
le désengagement de la Commission Européenne dans la gestion des
marchés ;
l'absence des secteurs méditerranéens de ce projet, pourtant
confrontés à d'importants problèmes structurels, qui
militent en faveur d'une réforme profonde ;
l'absence de mesures en faveur de l'allégement des charges et de
l'organisation des filières, sans lesquelles la
compétitivité de l'agriculture et la recherche d'un revenu stable
et durable pour les agriculteurs n'ont que peu de sens ;
l'absence d'une politique de qualité, témoin du peu de
considération dont les consommateurs font aujourd'hui l'objet
auprès de la Commission ;
l'absence d'une politique spécifique pour les zones de montagne.
- invite la Commission à lever les ambiguïtés
concernant :
les nouvelles mesures rurales envisagées mais dont les modalités
ne sont pas précisément définies. Le CNJA se
réjouit de la volonté du projet de simplifier les
procédures existantes, de supprimer les incohérences du zonage et
de mieux prendre en compte les spécificités locales au travers du
rôle accru des régions dans la définition des mesures
éligibles. Toutefois, le CNJA ne peut se prononcer sur un principe sans
connaître la volonté politique réelle de la Commission de
rétribuer les agriculteurs pour les missions économiques de
l'activité agricole liées à l'acte de production (emploi,
environnement, aménagement du territoire...) ;
le projet de regrouper toutes les mesures de politique agricole dans un seul
budget (FEOGA-Garantie). Cette orientation ne doit pas se traduire par un
" habillage " des mesures liées au marché par du
" rural " pour mieux justifier les soutiens (auprès des
contribuables et de l'Organisation Mondiale du Commerce), mais bien par la
reconnaissance des dimensions qualitatives et quantitatives des exploitations
agricoles.
Par ailleurs, un tel regroupement ne doit pas conduire à opposer les
mesures " marché " aux mesures " rurales " au
gré des aléas budgétaires ;
la pertinence d'une nouvelle réforme de la PAC avant les prochaines
négociations au sein de l'Organisation mondiale du Commerce. Il est en
outre nécessaire que la Commission précise en quoi la proposition
de réforme formulée est à même de satisfaire les
exigences de nos partenaires à l'OMC (notamment au regard du couplage
des aides directes) et quelles seront ses priorités de
négociations ;
la motivation réelle de la Commission de mieux répartir les
aides eu égard au dispositif de plafonnement proposé ;
la volonté de tenir compte des préoccupations exprimées
par les citoyens et les consommateurs, qui ne se concrétisent pas dans
les dispositifs envisagés. "
En tout état de cause, le CNJA ne peut cautionner l'approche
générale de la Commission Européenne, qui est une
réponse plus que partielle aux défis auxquels est
confrontée l'agriculture Européenne et aux objectifs qui lui sont
assignés.
La Confédération paysanne : pour une agriculture solidaire et
durable
Pour ce syndicat agricole, la forte baisse des prix programmée pour les
céréales, le lait, la viande bovine montre que la Commission a
choisi, en proposant le démantèlement des organisations de
marché, de s'aligner sur la politique agricole américaine au lieu
de défendre le modèle Européen.
En outre, la Confédération paysanne "
n'admet pas la
logique de la baisse des prix et des aides compensatrices "
. Elle
estime qu'une politique ne se construit pas pour 5 ou 10 % de la
production sans valeur ajoutée mise sur le marché mondial. Une
politique agricole doit aussi, selon la Confédération paysanne,
répondre aux besoins des citoyens Européens en termes d'emploi,
de santé publique, de qualité des produits et de cadre de vie.
La Confédération paysanne exige une " utilisation judicieuse
des aides publiques ". La solution préconisée consiste en
une modulation et le plafonnement des aides en fonction de la taille des
exploitations et du nombre d'actifs.
La Confédération souhaite, de plus, que soit instaurée une
prime unique à la surface fourragère de 800 francs par
hectare. Celle-ci remplacerait la prime au maïs ensilage et la prime
à l'herbe. La Confédération a présenté pour
chaque organisation commune de marché (OCM) -grandes cultures, viande
bovine et lait-, des propositions, la maîtrise de la production restant
le fil conducteur de ces mesures.
La coordination rurale : pour une PAC fondée sur de " justes
prix "
La coordination rurale affirme que les propositions de réforme de la
politique agricole commune signent la "
disparition des
paysans
" Européens.
" La baisse des prix nettement en-dessous des prix de revient oblige
à verser des primes compensatoires pour éviter la faillite
immédiate de tous les paysans ".
Elle considère que
" l'agriculture est sortie du cadre de l'économie réelle et
plongée dans une économie virtuelle dépendante de
l'imaginaire des technocrates bruxellois ".
" L'agriculture, source de richesses fondamentales, est artificiellement
transformée en boulet parce qu'on refuse aux paysans le juste prix de
leur travail, les transformant ainsi en assistés ",
a
déclaré la Coordination rurale devant la mission d'information.
La coordination se place dans le contexte d'une PAC fondée sur de
" justes prix " jugés
" rémunérateurs " et ne nécessitant pas le
versement d'aides. Elle estime que les accords commerciaux passés
-surtout celui de Blair House- ne peuvent pas assurer la sécurité
alimentaire quantitative et qualitative, créer des emplois et vont
conduire à modifier les paysages et détruire les fermes.
M. Jacques Laigneau, président, estime possible de mettre en place
des prix rémunérateurs en convainquant les américains que
la politique des prix va dans leur intérêt. Deux arguments sont
susceptibles, selon lui, dans ce sens. Il estime en premier lieu inutile de
" casser les prix des matières premières agricoles ".
En second lieu, il considère que l'Europe n'est pas surproductrice et
qu'elle n'a pas de vocation exportatrice. Il s'agirait dans ce cas de cultiver
davantage d'oléagineux et de protéagineux en Europe et
" d'échanger à égalité de volume l'arrêt
des importations de PSC contre l'abandon des exportations de
céréales ". Ainsi ce prix rémunérateur serait
" un prix moyen par produit qui permettrait à un maximum
d'agriculteurs de vivre sans aides ", a expliqué M. Jacques
Laigneau devant la mission sénatoriale. Dans ce schéma, les
régions " pauvres " bénéficieraient d'une aide
compensatoire de handicaps naturels.
La Coordination revendique en fait le droit des peuples à définir
leur politique agricole afin de "
sauvegarder leur propre modèle
agricole
".
Le Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF)
dénonce une agriculture livrée au négoce international
Le MODEF a estimé que
" la PAC 2000 telle que définie par
la Commission Européenne livre l'agriculture au négoce
international par l'alignement des prix agricoles sur les cours mondiaux ".
Le MODEF considère que " la chute des revenus agricoles sera fatale
à des milliers d'exploitants familiaux " et contraindra les autres
à " augmenter leur productivité au détriment de
l'emploi, de l'environnement et de la qualité des produits ".
Par ailleurs, le MODEF est favorable à un plafonnement des aides -par
exemple à environ un SMIC par personne-. En outre, il s'est
prononcé pour la multifonctionnalité reposant sur les prix et non
sur les aides.