III. METTRE EN PLACE UN PLAN FRANÇAIS DE DÉVELOPPEMENT DES BIOTECHNOLOGIES
Le
respect du consommateur et le renforcement des instances d'évaluation
sont un préalable absolument nécessaire au développement
d'un secteur des biotechnologies en France. Notre pays, et l'Europe en
général doivent en effet rester dans la course scientifique et
économique des biotechnologies.
Aux Etats-Unis, au Japon, mais aussi en Allemagne, le Gouvernement a pris
conscience que les biotechnologies sont un enjeu stratégique pour
l'économie. Gisement de croissance, gisement d'emplois, levier de
l'innovation et de la création d'entreprises, ce secteur a fait l'objet
de programmes d'action ambitieux, le plus souvent sur le mode de l'incitation
et de la mobilisation des acteurs privés.
La France a, quant à elle, récemment su se mobiliser pour les
technologies de l'information. Alarmée de son retard dans ce domaine
essentiel, elle a, en partie grâce à la mobilisation des plus
hautes autorités de l'Etat, engagé le sursaut nécessaire
à l'entrée de la France dans la société de
l'information.
Une mobilisation de cette ampleur est aujourd'hui nécessaire pour les
biotechnologies. Un " plan français pour les biotechnologies "
doit être mis en place, autour de quatre priorités :
- la mise en place d'un réseau national de recherche en
génomique végétale ;
- l'évaluation et l'amélioration des conditions de
brevetabilité en Europe ;
- le lancement d'un " appel à propositions "
régional sur le modèle allemand ;
- la levée des freins à la création d'entreprises
innovantes.
A. MAÎTRISER LES OUTILS DE LA RÉUSSITE : POUR UN RÉSEAU NATIONAL DE RECHERCHE EN GÉNOMIQUE VÉGÉTALE
1. La génomique, enjeu majeur de la compétition mondiale
La
génomique, ou science de la connaissance des gènes, est
probablement l'un des enjeux économiques les plus importants de la
décennie à venir.
Le décryptage des génomes permet en effet d'identifier les
gènes et de connaître leur fonction. En inversant la logique, et
en partant d'une caractéristique donnée que l'on cherche à
reproduire ou à éradiquer, il devient possible grâce
à ce " séquençage " du génome
d'identifier le gène qui en est responsable et de pouvoir modifier le
patrimoine génétique en vue d'obtenir la caractéristique
désirée.
Le découpage -ou séquençage- du génome humain est
certes un enjeu essentiel, notamment en ce qui concerne les thérapies
géniques. Il a d'ailleurs été perçu en France.
Mais le décryptage des génomes végétaux est lui
aussi un enjeu majeur pour la connaissance et la maîtrise des
métabolismes vivants.
Cet enjeu a été clairement perçu par certaines puissances
économiques mondiales :
Le Congrès américain a récemment mis en place un
programme de financements publics de soutien aux recherches
privées : le " Plant Genom Initiative ".
Faisant suite aux programmes de décryptage du génome humain,
cette initiative est ambitieuse, comme indiqué ci-dessous :
LE PLANT GENOM INITIATIVE AMÉRICAIN
Le Plant
Génome Initiative est un projet scientifique d'intérêt
national destiné à doter les Etats-Unis des moyens
nécessaires pour conforter leur avance en matière de
biotechnologie. Il mobilise les plus grands laboratoires universitaires
américains dans un réseau de collaboration avec les entreprises
privées.
Le Corn Genome Initiative, en particulier, qui mobilise l'ensemble de la
filière maïs américaine, prévoit d'investir
143 millions de dollars sur 5 ans. Le Sénat vient de
libérer une première tranche de 40 millions de dollars. Ces
investissements publics s'ajoutent aux efforts de recherche privés
consentis par les nouveaux conglomérats dans le domaine de la
génomique (100 millions de dollars pour le programme
Monsanto/Dekalb et de plus de 80 millions de dollars pour celui de
Dupont/Pionneer).
Un sénateur américain à l'origine du Plant Genome
Initiative n'hésite pas à affirmer : "
Etant
donnée l'importance capitale du maïs dans l'économie
américaine, il est essentiel que les intérêts
américains, dans la composition et l'amélioration du mais, soient
protégés.
Il relève de l'intérêt national
que les brevets des biotechnologies et des gènes du maïs soient
développés et détenus à l'intérieur des
Etats-Unis ".
Des partenariats privés en biotechnologie et en informatique se mettent
en place aux Etats-Unis. Hendrik Verfaillie, Président de Monsanto, a
confirmé à votre rapporteur l'engagement majeur de sa
société en matière de recherche en génomique
végétale. La société y aurait consacré
environ 200 millions de dollars en 1997 et s'apprêterait à
poursuivre les programmes mis en place par un financement annuel
supplémentaire de 100 millions de dollars. Le Président de
Mansanto prévoit que la génomique sera
le centre de
gravité essentiel de toutes biotechnologies d'ici dix ans. Il parle
à ce sujet de "
bio-informatique
".
Compte tenu de
l'immensité des informations contenues dans chaque génome, la
génomique est en effet au croisement des technologies de l'information
et de la biotechnologie, seuls les moyens informatiques les plus récents
disposant de la puissance de calcul suffisante pour donner un sens aux
informations génétiques.
Des initiatives similaires existent en Allemagne et au Japon
En
Allemagne
, le Max Planck Institute for Plant Breding vient de
conclure un partenariat de recherche avec les principaux industriels allemands,
pour étudier les fonctions d'arabidopsis. Le budget de ce programme est
de 300 millions de francs, dont 80 % de financement public.
Au
Japon
, le ministère de l'agriculture, de la forêt et de
la pêche consacrera en 1998 13 millions de dollars à la
génomique du riz, autre espèce " modèle "
stratégique.
Signalons que des financements publics existent déjà au niveau
communautaire : par exemple,
le quatrième programme cadre de
recherche de l'Union européenne
a un volet
" biotechnologie ", qui représente 4,5 % du total des
financements européens pour la recherche et un total de 40 millions
d'Ecus de 1990 à 2000. Ce programme est organisé autour de quatre
domaines : la compréhension de " l'usine cellulaire ",
l'analyse des génomes ; les biotechnologies végétales et
animales ; la communication cellulaire en neurosciences. Ce programme a
financé des recherches sur le décryptage du génome de
plantes telles qu'Arabidopsis Thaliana.