II. RESPECTER LE CHOIX DU CONSOMMATEUR
A. SORTIR DE L'IMPUISSANCE EN MATIÈRE D'ÉTIQUETAGE
1. Une question qui reste en suspens
L'obligation d'étiquetage s'impose en France depuis le
2 février 1997, date de la parution au journal officiel de
deux avis relatifs à la mention de la présence d'OGM ou
dérivés d'OGM dans l'alimentation humaine et animale et dans
toute l'Union européenne depuis le 15 mai 1997, date
d'entrée en vigueur du règlement " Nouveaux aliments ".
Tous les produits alimentaires contenant des OGM ou des ingrédients
issus d'OGM doivent donc être étiquetés depuis cette date.
Chacun peut constater la violation quotidienne de cette obligation, qui
fait, pourtant, l'objet d'un accord de principe de la quasi-unanimité
des acteurs concernés, tant est passionnel ce débat, tant sont
vives les oppositions et complexes les méandres de cette
problématique.
Revendications légitimes des consommateurs, crainte des industriels,
alarmisme de certains articles de presse, impuissance des autorités
réglementaires : le tableau tourne parfois au psychodrame sur ce
sujet.
Ne rien faire est la solution du pire, celle qui accrédite toutes les
peurs.
2. Pour une mise en oeuvre rapide et complète de l'étiquetage
Blâmer la lenteur et le processus des prises de
décisions européennes en matière de définition des
critères exacts de l'étiquetage est certes légitime. Mais
ce n'est pas suffisant.
Certains Etats membres, comme les Pays-Bas, ont remédié à
la carence communautaire par la mise en place d'une politique nationale
d'étiquetage. La France doit suivre cet exemple.
Le Gouvernement français a défini, il y a près de six
mois, une position sur ce sujet, dont il a précisé très
exactement les contours (rappelés dans l'encadré ci-dessous),
sans pourtant la mettre pleinement en application.
LES CRITÈRES RETENUS PAR LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS
[...]
" Tout produit contenant des
protéines différentes de
celles des produits classiques,
du fait de la modification
génétique du produit de base, devra être
étiqueté.
Les mentions admises pour éviter des étiquetages ambigus sont les
suivantes :
- génétiquement modifié,
- issu d'OGM,
- OGM,
- modifié par les biotechnologies modernes.
Le critère retenu impose un étiquetage pour les produits
contenant les ingrédients suivants :
- farine, protéines de soja et de leurs dérivés,
- extraits de fèves de soja contenant des protéines (ex.
tonyu, tofu...),
- farine ou semoule de mais, gluten de mais ".
Source : dossier de presse du service du Premier ministre, conférence
de presse du 27 novembre 1997
Cette position n'est pas très éloignée de celle des
industriels de l'agro-alimentaire puisqu'elle est basée sur le
critère de la présence de protéine (et non de l'ADN
recombiné), comme fait générateur de l'étiquetage,
qu'elle tend à définir une liste précise
d'ingrédients imposant l'étiquetage, et qu'elle n'envisage pas de
mention du type " peut contenir ".
Malgré la volonté affichée par le Gouvernement, le 27
novembre 1997, de résoudre rapidement cette question, malgré une
intervention de votre rapporteur sur ce sujet lors de la séance publique
du Sénat du 11 décembre 1997, qui attirait l'attention
du Gouvernement sur l'urgence des mesures à prendre, la situation n'a
toujours pas évolué.
Il est urgent d'agir. Les pouvoirs publics doivent assumer leurs
responsabilités en la matière. La décision ne doit pas
être exclusivement renvoyée aux industriels.
Votre rapporteur souhaite qu'à partir des orientations données
par la négociation communautaire, une mise en oeuvre nationale de
l'étiquetage soit effectuée, sans plus tarder.
Pour cela, il convient de définir et de rendre publique la
politique
de détection
que compte mettre en oeuvre l'administration pour le
contrôle de l'allégation des mentions portées sur
l'étiquette.
Rappelons qu'un
fragment d'ADN modifié
peut être
repéré, d'après les experts français du sujet, par
diverses méthodes, dont la technique PCR (Polymerase Chain Reaction) qui
assureraient la détection à des taux allant
de 10
-3
(on détecte une graine transgénique dans
un lot de 1.000 graines) à 10
-
5 (une
parmi 100.000), selon la maîtrise des opérateurs. Toutefois,
cette méthode, fiable actuellement, en raison du petit nombre de
constructions géniques, le sera sans doute moins avec les OGM de
deuxième génération. Si les constructions géniques
autorisées peuvent être détectées, la certitude
n'est pas aussi forte de détecter d'éventuelles constructions
inconnues, éventuellement non autorisées.
Les techniques de
détection des protéines
sont nombreuses : les plus
sensibles sont basées sur l'application des méthodes
immunologiques (sérums réactifs spécifiques). La
détection peut se heurter toutefois au faible taux de présence
protéique, à la sensibilité de la protéine aux
conditions de son milieu (chaleur, oxydation...) qui entraînent des
déformations de sa structure. Une combinaison des deux méthodes
de détection est envisageable.
Cette question doit dans les plus brefs délais faire l'objet d'une
réflexion qui conduise à l'élaboration d'une position
publique en la matière et à la définition de ses moyens de
mise en oeuvre (réseaux de laboratoires, coût, méthodes de
contrôle par, notamment, la DGCCRF).
En outre, l'élaboration de la liste -négative d'après
les orientations communautaires- déclenchant l'obligation
d'étiquetage doit être menée à bien au niveau
national, quitte à rectifier par la suite son périmètre
quand la décision européenne sera intervenue.