QUATRIÈME PARTIE -
POUR DES CHOIX RESPONSABLES
L'Europe
doit sortir de la situation dans laquelle elle a contribué à se
laisser enfermer par les circonstances.
En France, au-delà des voeux pieux, des choix responsables et
respectueux des citoyens sont nécessaires pour permettre, dans le
respect du consommateur et de l'environnement, de valoriser les atouts de la
recherche française en matière de sciences du vivant.
I. SE DONNER LES MOYENS DE LA CONFIANCE
A. RESTAURER LA CONFIANCE
1. Instaurer un débat public
"
L'histoire des sciences et des techniques montre que
le
développement de nouvelles technologies a souvent suscité dans
l'opinion publique craintes et oppositions. Les applications de la biologie
à l'agriculture et à l'agro-alimentaire n'échappent pas
à ce type de réactions. [...]
J'estime donc qu'il est normal qu'un tel défi suscite l'émoi et
je considère celui-ci comme étant un des éléments
du nécessaire débat démocratique que je souhaite voir
s'instaurer à propos de ces technologies. [...]
Je crains que, si un débat n'a pas lieu à brève
échéance en France sur les biotechnologies, un blocage se
produise au moment où arriveront sur le marché les premiers
produits alimentaires issus d'un processus faisant intervenir le génie
génétique.
Il est donc indispensable qu'un débat national s'instaure sur le
développement de ces technologies ".
Cette analyse, clairvoyante, vu l'indifférence quasi
générale sur le sujet à cette époque, était
formulée en 1990 par notre collègue député
Daniel Chevallier dans son rapport sur les biotechnologies appliquées
à l'agriculture et à l'industrie agro-alimentaire
90(
*
)
.
Faute de la mise en place d'un débat public d'envergure sur ce sujet,
les craintes exprimées dans ce rapport sont en passe de se
réaliser.
Dans un tel contexte, le Gouvernement précédent avait
envisagé, en 1997, le dépôt d'un rapport au Parlement sur
le sujet suivi d'un débat en séance publique, tandis que le
ministre de la recherche réfléchissait
91(
*
)
aux modalités d'acclimatation
nationale et régionale, sous le parrainage des plus hautes
autorités morales et scientifiques du pays, des formes de débat
participatif des pays du Nord de l'Europe.
La volonté du Gouvernement actuel d'organiser un débat public
-postérieur à la décision d'autorisation des
premières plantes transgéniques- va dans le même sens. La
méthode choisie est celle de la conférence de consensus, sur le
modèle danois, comme ce fut le cas au Royaume-Uni et aux Pays-Bas sur la
question des biotechnologies :
LE PROJET GOUVERNEMENTAL DE CONFÉRENCE DE CONSENSUS
Les
conférences de consensus sont une forme de débat entre des
citoyens sélectionnés et des experts.
Deux groupes d'acteurs interviennent dans le processus :
- un panel de citoyens qui n'ont aucune connaissance particulière
du sujet de la conférence. Ils sont invités à
acquérir les connaissances fondamentales sur le sujet, pendant une
période de préparation, puis à élaborer la liste
des questions essentielles qu'ils poseront aux experts.
- le panel d'experts est composé de personnes ayant une
connaissance scientifique ou professionnelle reconnue dans un domaine ou
légitimées par leur appartenance à des organisations
concernées par le thème choisi, dans toutes ses dimensions
(scientifique, juridique, éthique, économique).
La conférence se tient en public et dure trois jours selon le
schéma suivant : le premier jour est consacré aux questions
que pose le panel des citoyens et aux réponses qu'apporte le panel des
experts. Le deuxième jour permet au panel des citoyens de revenir sur
des points pour lesquels il souhaite un complément d'information de la
part des experts. A la fin du deuxième jour, le panel des citoyens se
retire et élabore un texte écrit qui rend compte de son analyse
du sujet, et donne son avis sur les questions qui lui sont apparues comme des
enjeux importants. Au cours du troisième jour, le panel des profanes
rend son avis qui est, ensuite, largement médiatisé.
Source : Conférence de presse du Gouvernement le
27 novembre 1997.
On peut se demander toutefois quelle sera la portée donnée par la
suite à " l'avis " élaboré par le groupe de
citoyens " profanes " : cet avis se verra-t-il conférer le
statut de parole d'évangile ou simplement celui de
" super-sondage " ?
En effet, si le débat est nécessaire, s'il doit être
entretenu et médiatisé, si son issue doit être un
élément pris en compte en tant qu'indicateur partiel de
l'état de l'opinion, il n'exonère pas les responsables et en
particulier la représentation nationale et le Gouvernement, de leur
obligation d'assumer les fonctions qui leur incombent.
Afin d'élargir le cercle des citoyens impliqués, votre
rapporteur suggère une déclinaison régionale des
débats publics, organisée avec la participation des
parlementaires et des élus locaux, afin d'ancrer le dialogue dans la
réalité géographique de la France et de permettre,
ensuite, des prises de décisions éclairées au niveau
national.
Mais le débat seul ne suffira pas à restaurer entièrement
la confiance perdue du consommateur. En effet, la crédibilité des
procédures françaises d'évaluation scientifique des
risques a été atteinte par les décisions contradictoires
intervenues ces dix-huit derniers mois.