C. UNE ATTITUDE QUI CONTRASTE AVEC CELLE D'AUTRES RÉGIONS DU MONDE
Afin de
mener une étude comparative des attitudes des différents pays en
matière de biotechnologies, votre rapporteur s'est rendu aux Etats-Unis.
Il a également interrogé les ambassades de France des 15 pays de
l'Union européenne, mais aussi d'Argentine, d'Australie, du Canada, de
Chine, du Japon et des pays d'Europe centrale et orientale, qui ont fourni des
éléments de réponse fort intéressants.
Qu'elles en soient ici remerciées.
Cette enquête fait apparaître les conclusions suivantes :
GÉOPOLITIQUE MONDIALE DES BIOTECHNOLOGIES
- l'Amérique du Nord dispose d'une avance certaine
en
matière de biotechnologie ;
- la sphère Pacifique semble s'engager dans cette voie (notamment
le Japon et l'Australie) ;
- d'autres Etats émergents se sont résolument investis dans
ce secteur : ainsi l'Amérique du Sud et la Chine ;
- au sein des pays européens, des différences sensibles
apparaissent dans la politique des différents Etats, des refus
autrichien et luxembourgeois à la mobilisation des pouvoirs publics
allemands.
QUELQUES CHIFFRES ÉLOQUENTS :
SURFACES DE CULTURES TRANSGÉNIQUES PAR PAYS EN 1997
TAUX DE CROISSANCE DES SURFACES TRANSGÉNIQUES ENTRE 1996 ET 1997
(en %)
Source : rapport de l'ISAAA précité.
1. L'avance Nord-Américaine
a) L'engagement des Etats-Unis
Votre
rapporteur l'a constaté : aux Etats-Unis, les biotechnologies sont
perçues comme un enjeu économique majeur. La croissance de ce
secteur a d'ailleurs été impressionnante depuis 15 ans et elle
est considérée comme un des moteurs de la
prospérité américaine.
Les pouvoirs publics se mobilisent sur la question, d'une façon tout
à fait comparable à l'engagement du Gouvernement américain
en matière de nouvelles technologies. Un homme, que votre rapporteur a
rencontré à Washington, symbolise cet engagement : il s'agit
de M. Mickey Kantor, ancien négociateur américain dans les
discussions commerciales internationales, proche du Président des
Etats-Unis et désormais collaborateur au plus haut niveau de la
société Monsanto.
Une procédure d'agrément qui utilise la législation en
vigueur et fait intervenir trois agences fédérales
La doctrine réglementaire élaborée depuis 1987 est simple.
Les bases légales qui fondent les autorisations ne sont pas des textes
spécifiques aux biotechnologies, mais un corpus de lois existantes, dans
les secteurs sanitaires et environnementaux. L'approche est assez
pragmatique : par exemple, même si elle est systématique, la
consultation de la Food and Drug Administration (FDA) n'est pas juridiquement
obligatoire.
Le
système repose davantage sur la responsabilité de
l'industriel
entendue outre-Atlantique de façon sans doute plus
large, que sur l'autorisation préalable, qui est l'attitude
européenne, même si une évaluation scientifique rigoureuse
est menée par les autorités fédérales.
En plus des autorisations qui sont parfois nécessaires au niveau des
Etats fédérés, trois agences fédérales
interviennent en effet dans la procédure d'évaluation et
d'autorisation :
- le Département de l'Agriculture (USDA), par
l'intermédiaire de l'Animal and Plant Inspection Service (APHIS) ;
- la Food and Drug Administration (FDA), qui est un service du
Ministère de la Santé ;
- l'Environmental Protection Agency (EPA), qui ne dépend que de la
Maison Blanche.
l'APHIS
est chargée de réglementer les essais en culture,
la culture, l'importation et le commerce inter-Etats des OGM ;
la FDA
contrôle la salubrité des aliments,
réglemente l'étiquetage des denrées alimentaires, les
additifs et les nouveaux aliments (sauf la viande et les produits de
l'agriculture), ainsi que les médicaments pour animaux.
Compétente en matière
d'étiquetage
, la FDA a pris
position contre l'identification obligatoire des produits
génétiquement modifiés, car elle les considère
comme assimilables aux produits traditionnels (elle pourrait revenir sur sa
position si, par exemple, il apparaissait que certains OGM
génèrent des allergies) ;
l'
EPA
est chargée de l'autorisation des OGM à
activité phytosanitaire, car elle réglemente la distribution, la
vente, l'usage et l'évaluation des pesticides et établit des
seuils de tolérance pour les quantités de résidus de ces
pesticides dans les produits végétaux
récoltés ; considérant les OGM résistant aux
maladies ou aux insectes et tolérants aux herbicides comme autant de
pesticides, elle intervient dans leur agrément.
En pratique, les entreprises soumettent leur dossier de façon
concomitante aux trois agences.
Ce système a déjà permis, depuis 1987, l'autorisation de :
- 3.332 essais en champs, sur 14.193 sites, portant sur 48
espèces de plantes ;
- la culture de 30 variétés de plantes
transgéniques, 16 autorisations ayant été
délivrées ces derniers 26 mois ;
- la culture de 8,1 millions d'hectares en 1997 plantés en
espèces transgéniques, soit 64 % du total mondial.
Une bonne acceptation de la part du grand public
La principale caractéristique du système américain est la
confiance que la population manifeste à l'égard des institutions
chargées de l'évaluation scientifique de la salubrité et
du risque environnemental lié aux OGM.
Une étude de la mission scientifique et technologique de l'ambassade de
France à Washington sur la perception des biotechnologies par la
population américaine indique à quel point les Américains
sont confiants dans leur industrie des biotechnologies, comme d'ailleurs dans
tous les secteurs de pointe de leur économie et qu'ils adhèrent
aux procédures et aux exigences des organismes chargés de leur
évaluation.
Près de 8 Américains sur 10 (79 %) seraient
informés sur les biotechnologies, la majorité (54 %)
déclarant que la biotechnologie lui a déjà
été très profitable et plus des trois-quarts (78 %)
prévoyant qu'elles lui seront profitables dans les 5 prochaines
années. Les trois-quarts (78 %) approuvent la décision de la
FDA de n'exiger un étiquetage spécial que lorsque la composition
nutritionnelle a été modifiée ou qu'un caractère
allergène a été introduit.
Une forte vitalité du secteur américain des
biotechnologies
Les chiffres sont édifiants : né il y a 15 ans, le
secteur américain des biotechnologies représente
déjà plus de 1200 entreprises, 118.000 emplois et
dépense chaque année près de 8 milliards de dollars
en recherche et développement.
A côté des grands du secteur, un tissu très dense de PME
existe, autour de pôles géographiques tels que San Francisco, Los
Angeles, San Diego, en Californie, mais aussi en Nouvelle-Angleterre, dans
l'Etat de New-York, dans le Maryland, dans le Missouri.
Comme pour les technologies de l'information, les biotechnologies
bénéficient aux Etats-Unis de l'" effet Silicon
Valley ", c'est-à-dire de l'imbrication très étroite
de 3 mondes :
- celui de la recherche universitaire ;
- celui de l'entreprise ;
- celui de la ressource en capital.