2. L'imbroglio communautaire de l'étiquetage
Avant
d'entrer dans les méandres de la négociation communautaire sur
l'étiquetage, il est utile de s'arrêter d'abord sur le dispositif
général du règlement nouveaux aliments.
Le règlement (CE) n° 258-97 du 27 janvier 1997
relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires
est une législation dite " sectorielle " qui a pour but de
définir les modalités d'évaluation de la
sécurité alimentaire des nouveaux aliments et de mettre en place
une procédure d'autorisation communautaire et d'étiquetage de ces
produits.
Ce règlement, dit " nouveaux aliments " (ou " novel
food " dans la version anglaise), est entré en vigueur le 15
mai 1997. En ce qui concerne l'étiquetage de certains produits
issus du maïs et du soja transgéniques, il a été
complété par le règlement (CE) n° 1813-97 du
19 septembre 1997 concernant l'étiquetage de certaines
denrées alimentaires produites à partir d'organismes
génétiquement modifiés, entré en vigueur le
1er novembre 1997.
Ces textes sont directement applicables en
droit français, sans transposition législative.
a) La réglementation " nouveaux aliments " pose le principe de l'étiquetage sans en régler les modalités.
Le
champ d'application
Le règlement " nouveaux aliments " s'applique à la mise
sur le marché dans la communauté d'aliments "
pour
lesquels la consommation humaine est jusqu'ici restée
négligeable
" (d'où l'appellation aliments
" nouveaux ") et qui sont notamment :
- les aliments ou ingrédients qui sont des
OGM ou qui
contiennent des OGM
( au sens de la directive 90-220) ;
- les aliments et ingrédients
issus de tels organismes
mais
qui n'en contiennent pas (tous les problèmes d'interprétation
sont liés à cette catégorie) ;
- les aliments et ingrédients qui ont une
structure
moléculaire
primaire modifiée ou nouvelle.
Sont exclus du champ d'application du règlement les
additifs
alimentaires
(comme par exemple la lécithine de soja) qui
relèvent d'une directive spécifique ; les
arômes
, pour la même raison, ainsi que les
solvants
d'extraction.
La procédure d'autorisation de mise sur le marché de nouveaux
aliments
Le règlement " nouveaux aliments " prévoit d'inclure la
procédure d'autorisation de la directive 90-220 dans son propre
dispositif. Les articles 4 et 6 du règlement,
complétés par une recommandation de la commission du
29 juillet 1997, fixent en effet la procédure suivante en vue
de l'obtention d'une autorisation :
- le demandeur soumet une demande à l'Etat membre dans lequel le
produit doit être mis sur le marché pour la première fois.
Le dossier doit comporter des éléments scientifiques
précis sur la composition nutritionnelle, les essais de toxicité
effectués, le potentiel allergisant... ;
- l'Etat membre fait effectuer une évaluation initiale, dans un
délai de trois mois, et détermine si une évaluation
complémentaire est nécessaire ;
- l'Etat membre transmet le rapport d'évaluation à la commission,
qui le transmet aux autres Etats membres ;
- la Commission et les autres Etats membres ont 60 jours pour
présenter une objection à la commercialisation du nouvel
aliment ;
- s'il n'y a pas d'objection, l'autorisation peut être
délivrée. Elle définit les conditions d'utilisation,
la dénomination et l'étiquetage du produit ;
- en cas d'objection, c'est la procédure décrite par
l'article 13 du règlement qui s'applique : le comité
permanent des denrées alimentaires est saisi par un Etat membre ou par
son Président : il vote à la majorité
qualifiée sur une proposition présentée par la Commission.
En cas d'absence de majorité qualifiée, le dossier est
renvoyé au Conseil des ministres, qui a trois mois pour se
déterminer, à la majorité qualifiée, sur la
proposition, modifiée ou non, de la Commission, faute de quoi la
décision est arrêtée par la Commission.
Signalons que l'article 3 du règlement prévoit
qu'une
procédure de simple notification
(ou procédure d'autorisation
simplifiée)
s'applique aux ingrédients substantiellement
équivalents à des aliments traditionnels
en ce qui concerne
leur composition, leur valeur nutritive, leur métabolisme, leur usage et
leur teneur en substances indésirables. (Notons que cette notion
d'" équivalence " est différente de celle
utilisée à l'article 8 du règlement (voir ci-dessous)
en ce qui concerne l'étiquetage).
Le principe de l'étiquetage
Il a concentré l'essentiel des débats -longs et
passionnés- au niveau communautaire comme à celui des Etats
membres.
L'article 8 du règlement " nouveaux aliments " fixe le
principe d'une obligation d'étiquetage en vue d'informer le consommateur
final dans quatre cas (a, b, c, d).
Il est reproduit ci-dessous :
L'ARTICLE 8 PARAGRAPHE 1 DU RÈGLEMENT " NOUVEAUX ALIMENTS "
Sans
préjudice des autres exigences de la législation communautaire
sur l'étiquetage des denrées alimentaires, les exigences
spécifiques supplémentaires suivantes en matière
d'étiquetage s'appliquent aux denrées alimentaires pour informer
le consommateur final de :
a) toute caractéristique ou propriété alimentaire, telle
que :
- la composition,
- la valeur nutritive ou les effets nutritionnels,
- l'usage auquel l'aliment est destiné,
en raison de laquelle
un nouvel aliment ou ingrédient alimentaire
n'est plus équivalent à un aliment ou ingrédient
alimentaire existant.
Un nouvel aliment ou ingrédient alimentaire est réputé ne
plus être équivalent au sens du présent article si
une
évaluation scientifique fondée sur une analyse appropriée
des données existantes peut démontrer que les
caractéristiques évaluées diffèrent de celles d'un
aliment ou ingrédient alimentaire classique
, compte tenu des limites
admises des variations naturelles de ces caractéristiques.
Dans ce cas, l'étiquetage doit porter le mention de ces
caractéristiques ou propriétés modifiées
accompagnées de l'indication de la méthode selon laquelle cette
caractéristique ou propriété a été
obtenue ;
b) la présence dans le nouvel aliment ou ingrédient alimentaire
de
matières qui ne sont pas présentes
dans une
denrée alimentaire équivalente existante et qui peuvent avoir des
incidences sur la santé
de certaines catégories de la
population ;
c) la présence dans le nouvel aliment ou ingrédient alimentaire
de
matières qui ne sont pas présentes
dans la
denrée alimentaire équivalente existante et qui suscitent une
réserve d'ordre éthique ;
d) la présence d'un
organisme génétiquement
modifié
selon des techniques de modification génétique
dont la liste non exhaustive figure à l'annexe 1 A partie 1 de la
directive 90/220/CEE.
Ajoutons que le règlement précité n° 1813-97 du
19 septembre 1997 étend cette obligation d'étiquetage
aux aliments et ingrédients fabriqués à partir du soja et
du maïs transgéniques dont la mise en marché avait
été autorisée par la Commission préalablement
à l'entrée en vigueur du règlement " nouveaux
aliments ", palliant ainsi les effets de la
non-rétroactivité de ce règlement.
Cette obligation de principe de l'étiquetage, qui s'impose d'ores et
déjà en droit, n'a pas pu, faute de précisions suffisantes
quant à ses modalités d'application, entrer en application dans
les faits. Elle donne toujours lieu à de vifs débats et à
des interprétations contradictoires.
Certaines questions demeurent en effet sans réponse, alimentant ainsi la
polémique.