III. LES RISQUES QUI POURRAIENT DÉCOULER DU DÉVELOPPEMENT DE CES TECHNIQUES
Toute
technologie nouvelle est susceptible d'entraîner des risques directs ou
induits. Il importe de les connaître et de les maîtriser.
Au préalable, il convient de rappeler que le présent rapport n'a
pas pour objet de trancher telle ou telle question scientifique, mais bien
d'apporter à nos concitoyens un éclairage le plus objectif et le
plus complet possible sur un sujet majeur pour leur avenir et celui de notre
pays.
Aussi se limitera-t-il à décrire, dans leurs grandes
lignes
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*
)
, les risques
potentiels liés à l'avènement des OGM, ainsi que le
système d'évaluation de ces risques pratiqué dans notre
pays.
A. DEUX TYPES DE RISQUES POTENTIELS
Il existe deux grands types de risques dont on pense qu'ils pourraient être occasionnés par le développement du génie génétique et, notamment, des plantes transgéniques. D'une part, le risque environnemental lié à la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées, d'autre part le risque alimentaire lié à l'ingestion d'aliments contenant des organismes génétiquement modifiés ou des produits issus d'organismes génétiquement modifiés.
1. Le risque environnemental
a) Les flux de gènes et la dissémination des gènes de tolérance aux herbicides
La
culture de plantes transgéniques entraîne la possibilité de
diffusion des gènes introduits par transgénèse aux
variétés non modifiées de la même espèce ou
aux espèces apparentées. Cette dissémination de
gènes -qui existe d'ailleurs déjà entre les plantes
à l'état naturel- est appelé " flux de
gènes ".
Les flux de gènes sont fréquents entre plantes de la même
espèce. Ils s'opèrent par le croisement sexuel : le pollen est,
d'une façon générale, le vecteur privilégié
de dissémination des gènes, et donc potentiellement, d'un
transgène -dans le cas d'une espèce génétiquement
modifiée- via le vent ou les insectes pollinisateurs. Cette transmission
peut également se faire en direction d'espèces sauvages
apparentées.
Précisions d'emblée que la probabilité de
réalisation d'un flux de gènes
se pose différemment
selon les espèces et l'écosystème concernés
. En
la matière, l'approche au cas par cas est la seule raisonnable. On
considère, en effet, que le maïs, la pomme de terre, le tabac ou le
soja, qui ne sont pas originaires d'Europe, ne posent dans l'ensemble pas de
problème de transmission aux espèces sauvages apparentées
car il n'existe dans l'écosystème européen aucune
espèce sauvage avec laquelle ces plantes soient susceptibles de se
croiser. Le maïs, notamment, est à ce point domestiqué qu'il
ne peut survivre sans l'intervention de l'homme : il est peu vraisemblable que
des graines issues de fertilisations croisées aient une descendance.
Pour ces plantes, la probabilité d'un flux de gènes vers une
variété spontanée est infime.
Il semble que pour d'autres espèces, comme le colza, la betterave ou la
chicorée, le problème se pose différemment, en Europe
surtout, terre d'origine de ces plantes, et la probabilité d'un flux de
gène au sein de l'espèce et avec des espèces proches n'est
pas nulle.
Certains travaux, concernant
le colza
, par exemple, montrent qu'il peut
s'hybrider avec d'autres crucifères sauvages comme la ravenelle, la
roquette bâtarde ou, plus rarement, la moutarde des champs. Les
échanges intervariétaux sont également probables pour le
groupe
endive/chicorée
, ainsi que pour la
betterave
sucrière
dont les cultures sont d'ailleurs largement
contaminées par des betteraves mauvaises herbes, résultant d'une
hybridation entre betteraves cultivées et sauvages (betterave maritime),
ce qui indique la forte probabilité du transfert d'un gène vers
les mauvaises herbes.
Cette question de flux de gènes prend toute son ampleur lorsque l'on
considère que la principale application actuelle de la
transgénèse est l'introduction d'une
tolérance aux
herbicides dans les plantes
. Un éventuel transfert de ce
transgène de résistance vers les mauvaises herbes pourrait donc
entraîner une perte d'efficacité desdits herbicides sur ces
plantes indésirables. S'agit-il alors, comme cela est parfois
avancé, d'un risque seulement économique, pour le fabricant du
produit phytosanitaire considéré, de perte de valeur marchande de
son herbicide et, partant, de la plante transgénique elle-même
(d'autant que ce sont parfois les groupes agrochimistes qui développent
les plantes transgéniques résistantes à leur
herbicide) ? Votre rapporteur estime que l'enjeu est également
environnemental, puisque la perte d'efficacité de ces produits actifs
priverait l'agriculture d'herbicides " totaux "
considérés comme les moins polluants du marché, et
entraînerait le retour à l'utilisation des produits
sélectifs, à la toxicité supérieure.