AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
A un mois du débat public -ou conférence de consensus- sur
l'utilisation des organismes génétiquement modifiés (OGM)
en agriculture et dans l'alimentation, qui se tiendra les 20 et 21 juin
prochains, la France est à l'heure des choix. A ce moment
décisif, la Commission des Affaires économiques du Sénat
tient, sur ce sujet majeur, à apporter sa contribution au débat
public. Tel est l'objet de ce rapport d'information.
Les applications agro-alimentaires du génie génétique,
science récente -elle a moins de 25 ans-, qui repose sur
l'identification et la recombinaison des gènes, sont apparues sur le
marché dans les années 1990, sous la forme des premières
plantes transgéniques. En 1992, une loi
1(
*
)
, dite " loi OGM " a
d'ailleurs été adoptée en France pour réglementer
les utilisations et disséminations de ces organismes. Elle
définissait ainsi un organisme génétiquement
modifié : "
organisme dont le matériel
génétique a été modifié autrement que par
multiplication ou recombinaison naturelle ".
Les perspectives d'application, innombrables, de cette technologie, dans les
domaines agricole, alimentaire, mais aussi industriel, pharmaceutique et
médical, et son rythme très rapide d'adoption, parfois massive,
par certains Etats, en Amérique du Nord mais aussi en Asie et en
Amérique du Sud, laissent présager qu'une vraie révolution
est en marche.
A cette " révolution génétique ",
l'Europe a
répondu par des craintes et des hésitations.
Craintes d'une
avancée trop rapide de la science, qui laisserait de côté
l'éthique et la prudence, qu'il s'agisse d'éventuelles
conséquences sur l'environnement ou sur la santé humaine ;
hésitations des opinions et des gouvernants, durablement
traumatisés par l'actualité récente et devenus pour le
moins méfiants en matière alimentaire.
Ces doutes se sont, à force d'incompréhensions mutuelles, bien
souvent transformés en oppositions. En six mois de travail, en plus
de 90 heures d'entretiens les plus divers avec plus de 130
personnes
2(
*
)
, au Sénat
mais aussi en province et à l'étranger
3(
*
)
, votre rapporteur a pu mesurer la force
des passions, l'étendue des incompréhensions, la violence des
oppositions, l'ampleur des incertitudes des uns et des autres sur ce sujet.
Focalisé autour de l'étiquetage des produits alimentaires issus
d'OGM, ou de la mise en place de filières exemptes d'OGM, ou encore de
la culture en plein champ de variétés transgéniques, le
débat est parfois vif. Alimentée par les indécisions,
voire les contradictions des décideurs publics, la polémique
s'est avivée.
A tel point que l'Europe apparaît aujourd'hui
enlisée dans un imbroglio juridico-scientifico-affectif dont elle tarde
à se dégager.
Pourtant, les enjeux soulevés par la révolution
génétique sont de taille : enjeu éthique, enjeu
économique, les biotechnologies modernes posent aussi la question du
statut, du rôle et de la compétitivité de l'agriculture
européenne. Sur un plan plus global, elles ne peuvent être
dissociées de la problématique du développement durable.
Consciente de ces enjeux, la Commission des Affaires économiques a
souhaité éclairer le débat public à venir, par ce
rapport qui exposera tout d'abord les tenants et aboutissants de cette nouvelle
technologie, ses applications envisageables dans différents secteurs et
les risques potentiels liés à son développement, avant de
mettre en avant les enjeux sociaux, économiques, culturels, liés
à son avènement. Une analyse comparative des positions des
différentes puissances économiques mondiales mettra ensuite en
lumière la spécificité européenne. Enfin, ce
rapport formulera des propositions visant à promouvoir, pour notre pays,
des choix responsables.