B. UNE COMPÉTENCE URBANISTIQUE, FONCIÈRE ET FISCALE
1. Une compétence urbanistique et foncière
On a vu ci-dessus combien l'absence de politique
foncière globale et de moyens financiers adéquats était
préjudiciable à la gestion des espaces périurbains, et
combien il était souhaitable d'élaborer des schémas
directeurs d'agglomération.
Comme le relevait le Conseil économique et social dans son rapport sur
La Question foncière
publiée en 1995 :
"
Le territoire pertinent de l'habitat n'est pas celui de la commune.
C'est à une échelle géographique à mi-chemin entre
la commune et le département que se développe le " bassin de
vie ", regroupant l'essentiel des fonctions de services, d'emplois et de
logements. Dans les zones rurales, le périmètre d'intervention
pourrait être proche de la notion de pays. Dans les zones urbaines, la
taille nécessaire pour agir efficacement sur le marché foncier
est l'agglomération. C'est à cette échelle que la
planification urbaine acquiert une dimension suffisante
[...] "
66(
*
)
.
Seule une autorité d'agglomération pourra mener de front une
politique foncière, une politique de l'urbanisme qui suppose
l'élaboration d'un schéma directeur, et d'une politique globale
d'environnement, des transports et des infrastructures.
Ce dernier point est d'autant plus important que les infrastructures de
communication, -grandes consommatrices d'espace- sont souvent rejetées
à la périphérie des villes, au coeur des espaces
périurbain. Les pouvoirs publics doivent, en la matière,
résoudre une
contradiction majeure,
puisque la
majorité
des habitants souhaitent disposer de voies de communication
tandis que
les propriétaires et les riverains répugnent à les voir
s'installer
à proximité de leur domicile.
Seule une
instance à terme issue du suffrage universel serait en mesure de
résoudre ces contradictions
.
Reste à savoir comment une telle politique serait financée.
2. Une compétence fiscale
La concurrence fiscale à laquelle se livrent parfois les communes résulte du manque d'harmonisation des taux de la taxe professionnelle et de la mauvaise prise en compte du coût des espaces naturels dans la fiscalité locale.
a) Une indispensable harmonisation de la fiscalité locale
Votre rapporteur estime que
le système fiscal actuel
encourage les égoïsmes locaux
et méconnaît la
réalité des échanges et des intérêts communs
aux communes urbaines et périurbaines.
La traduction fiscale de cette
indépendance reste la fixation d'un taux propre de taxe professionnelle
pour chaque commune,
afin d'attirer des entreprises ou des
supermarchés.
Est-il normal que certaines communes abritent des habitants de
l'agglomération, que d'autres accueillent les supermarchés et les
zones industrielles et que les troisièmes soient transformées en
" réserves naturelles miniature ", sans aucune contrepartie
financière ? Une telle situation n'est certainement pas satisfaisante.
Serait-il concevable qu'à Paris, Lyon et Marseille, chacun des
arrondissements détermine sa propre politique fiscale ?
Comme le relevait la SEGESA dans son étude sur les espaces
périurbains : "
le sentiment dominant est qu'il vaut mieux avoir
l'hypermarché chez soi que de le voir chez le voisin avec, dans ce cas,
aucune retombée financière
".
Lors de son déplacement à Valenciennes, votre rapporteur a
constaté que tout près de l'étang du Vignoble,
aménagé par cette commune pour les promeneurs, les communes
" mitoyennes " avaient autorisé des constructions ayant sans
doute une utilité commerciale, mais dont l'apparence dénaturait
le paysage environnant et ruinait les efforts d'aménagement et de mise
en valeur de l'étang du Vignoble.
Dans le domaine de la fiscalité des biens non bâtis, beaucoup
reste également à faire.
Le coût du foncier non
bâti, est, en zone périurbaine, souvent prohibitif eu égard
à la rentabilité des exploitations ou au revenu du fermage.
Cette fiscalité est quelque peu archaïque dans la mesure où
elle pénalise une activité agricole qu'il serait souhaitable
d'encourager, tout en apportant des ressources, somme toutes minimes, eu
égard à la totalité des produits fiscaux que les
collectivités locales recouvrent. En outre, elle s'applique à
toutes les terres agricoles quel que soit le mode de culture, alors même
que la diversité du paysage supposerait que l'on privilégie la
diversité de pratiques culturales autres que les seules cultures
céréalières, voire que l'on encourage une agriculture
alternative.
Au total, il est indispensable de reconnaître à
l'autorité d'agglomération une compétence fiscale qui
assure une péréquation des recettes de taxe professionnelle entre
toutes les communes, afin que les fonctions d'habitation et de loisir soient
mieux financées
et que la solidarité qui unit les
habitants de l'agglomération se traduise dans les faits
.
b) ...pour une meilleure prise en compte du coût des espaces naturels dans les politiques fiscales
Il convient de souligner que le système fiscal
français est loin de favoriser la protection et la mise en valeur des
espaces naturels. Le foncier non bâti supporte, en effet, une
fiscalité très pénalisante, par rapport au foncier
bâti, qui est lui-même plus imposé que les valeurs
mobilières.
Ainsi, en ce qui concerne l'imposition du capital, l'égalité du
taux de prélèvement sur des biens dont les taux de rendement
varient considérablement pénalise fortement les détenteurs
de patrimoines fonciers non bâtis dont le taux de rendement est souvent
faible (inférieur à 2 %). De plus, l'égalité
du taux de prélèvement sur des biens fonciers non bâtis
exploités de manière différente (agriculture extensive ou
intensive, exploitation forestière ou paysagère...)
pénalise les usages non intensifs, moins productifs, et entraîne
une intensification du rendement des biens fonciers non bâtis pour
dégager de nouveaux revenus.
Plus généralement, l'impôt sur le capital, d'un strict
point de vue économique, incite à la recherche d'une allocation
optimale des facteurs de production. Les acteurs économiques
sélectionnent leurs actifs en choisissant la rentabilité à
court terme la plus forte. Ces orientations sont très
pénalisantes en ce qui concerne les espaces naturels, "
qui sont
d'autant plus riches qu'ils sont exploités moins intensivement et
d'autant plus protégés qu'ils sont immobiles
"
67(
*
)
.
S'agissant de la taxe sur le foncier non bâti, le rapport
précité de M. Guillaume Sainteny démontre
également, outre les problèmes posés par cette taxe
-impôt sur le capital assis sur des valeurs locatives
évaluées de façon hétérogène et
déconnectées des loyers réels, dont les taux varient
fortement selon les communes- que la fiscalité locale directe est plus
favorable à la mise en valeur économique des espaces naturels
qu'à leur conservation et à leur gestion écologique.
Cette fiscalité pénalise d'autant plus les espaces naturels
situés en milieu périurbain que l'espace y est rare et cher, ce
qui incite à en retirer une rentabilité économique maximum
et immédiate.
Or, la reconnaissance sociale de la valeur de ces espaces et de la
nécessité de leur entretien implique, comme le soulignait notre
collègue Jean-François Le Grand dans son excellent rapport sur la
protection de l'environnement rural, "
que soient définies les
conditions de l'exercice de la solidarité financière de la Nation
à leur égard, le coût de la gestion de ces espaces ne
pouvant, à l'évidence, être laissé à la
charge exclusive des collectivités rurales ou des
propriétaires "
68(
*
)
.
Votre rapporteur fait sienne plusieurs des propositions émises dans les
rapports précités de MM. Jean-François Le Grand,
sénateur, et Guillaume Sainteny pour recommander que, dans le cadre de
l'expérimentation des terroirs périurbains, plusieurs mesures
fiscales favorables aux espaces naturels soient mises en oeuvre.
- S'agissant de la fiscalité du patrimoine foncier non bâti,
il conviendrait de mieux prendre en compte le coût de son entretien,
notamment par une extension au patrimoine naturel protégé des
avantages attachés au patrimoine immobilier soumis aux dispositions des
lois de 1913 et 1930
. On autoriserait ainsi des déductions de
l'impôt sur le revenu des personnes physiques ou du revenu global au
titre des frais de réparation ou d'entretien des espaces naturels
présentant un intérêt pour la collectivité. Sur ces
mêmes espaces, des exonérations de droits de mutation à
titre gratuit ou de l'impôt de solidarité sur la fortune
pourraient être consenties.
Bien entendu, ces exonérations ou ces abattements seraient
modulés en fonction du statut de protection reconnu à ces espaces
et surtout en fonction des aménagements consentis pour l'ouverture au
public de ces espaces.
- En ce qui concerne les impôts fonciers locaux, une révision
de la valeur locative apparaît indispensable pour mieux prendre en compte
certains milieux naturels, et surtout les types d'activités et les modes
d'exploitation de ces espaces, et favoriser ainsi ceux d'entre eux qui,
au-delà d'une stricte exploitation économique du fonds, assurent
son entretien et sa mise en valeur d'un point de vue paysager ou
environnemental. Ceci devrait sans doute s'accompagner d'un plafonnement des
taux votés par les communes et les départements, et d'une remise
en cause de certaines exonérations comme celle de la taxe
foncière sur les sols de construction et les constructions nouvelles.
La suppression de cet encouragement indirect à l'artificialisation du
sol se justifie particulièrement en milieu périurbain et
permettrait de dégager des ressources nouvelles pour les
collectivités locales.
- Enfin, on ne peut que plaider pour une meilleure prise en compte de la
préservation des espaces naturels dans les critères d'attribution
des dotations de l'Etat aux communes et à leurs groupements. Comme il a
été rappelé plus haut, ces critères,
essentiellement fondés sur l'aménagement,
désavantagent
les collectivités qui protègent et entretiennent leurs espaces
naturels
, alors même que, bien souvent, elles ne disposent pas de
rentrées importantes au titre de la taxe professionnelle. Il faudrait
définir un nouveau critère calculé à partir de la
superficie des espaces protégés dans la commune et d'un
coefficient de protection de ces mêmes espaces évaluant la
qualité de leur protection, de leur mise en valeur ou de leur mise
à disposition du public. Ce nouveau critère pourrait être
introduit dans le calcul des dotations de l'Etat versées aux groupements
de communes à fiscalité propre, afin d'encourager le
développement de l'intercommunalité en milieu périurbain.