B. ACCROÎTRE LA STABILITÉ DES EXPLOITATIONS AGRICOLES À LONG TERME
1. Améliorer la législation sur les baux ruraux
Les dispositions du code rural actuellement en vigueur
fragilisent la position des exploitants agricoles puisque leur bail est
susceptible de prendre fin, à l'initiative du propriétaire,
dès lors que le terrain est " urbanisable ".
Cette situation n'est plus adaptée.
Il serait souhaitable d'instituer un délai minimum de 2 à
4 ans, variant en fonction de la durée du bail agricole restant
à courir durant lequel les exploitants agricoles ne pourraient
être contraints de quitter les terres qu'ils cultivent
même si
leur propriétaire manifestait la volonté de les vendre à
des fins d'urbanisation.
On mettrait ainsi fin à l'exercice d'une prérogative exorbitante
du droit commun afin de préserver l'espace agricole dans le souci de
l'intérêt général.
Ceci aurait, par ailleurs, l'avantage d'assurer une meilleure vision à
moyen terme pour les agriculteurs en place, ce qui leur permettrait de
rentabiliser leur exploitation (choix des cultures, utilisation des intrants).
2. Valoriser la production des exploitations
L'agriculture périurbaine n'est pas un
" conservatoire du monde rural " en milieu urbain. Elle mérite
mieux qu'une transformation en " rempart-vert " dressé contre
la ville. Il est donc nécessaire de lui permettre de tirer profit de son
activité économique et de reconnaître financièrement
son rôle social. La valorisation des exploitations agricoles passe donc
par l'amélioration de leur rentabilité, le développement
de nouveaux débouchés, et par une intensification des contacts
entre la ferme et la cité.
C'est pourquoi,
un projet de développement agricole
devra
être annexé à la charte des territoires urbains et
paysagers.
a) Accroître la rentabilité des exploitations d'élevage
Par l'attribution de quotas spécifiques
Les auditions auxquelles votre rapporteur a procédé l'ont
montré à de nombreuses reprises : la réduction des
surfaces agricoles s'accompagne d'une diminution des droits à produire.
Ce mouvement est spécialement préoccupant en ce qui concerne les
quotas laitiers. C'est ainsi, par exemple, qu'entre 1989 et 1994, dans la zone
périurbaine située au Nord de Nantes, 28 % des quotas
laitiers (soit 16,5 millions de litres de lait), ont été
perdus
58(
*
)
. Certes, les petits
éleveurs qui disposaient de droits à produire, ont
été dédommagés lorsqu'ils ont cessé leurs
activités laitières, dans le cadre des plans de cessation
établis par l'Etat et la CEE. Quant aux droits à produire des
exploitants dont les exploitations ont été
démantelées faute de repreneurs, bon nombre ont été
attribués à des agriculteurs dont le siège d'exploitation
ne se situait pas dans la zone périurbaine.
Or, comme le soulignent la Direction de l'agriculture et de la forêt et
la Chambre d'agriculture de Loire-Atlantique, "
compte tenu de la
législation actuelle dans la filière lait et de la crise
économique qui secoue la filière viande, les droits à
produire (quotas laitiers) et les droits à prime à la vache
allaitante sont indispensables pour la survie et la pérennité des
exploitations ".
Votre rapporteur préconise, en conséquence, en s'inspirant de
ce qui a été réalisé dans les zones de montagne,
que des quotas spécifiques prélevés sur la réserve
départementale soient attribués aux éleveurs
établis dans l'espace périurbain afin d'assurer
l'équilibre financier -donc la pérennité- des
exploitations.
Par une augmentation des aides attribuées pour la mise aux normes des
bâtiments d'élevage
D'une façon générale, les exploitants rencontrent des
difficultés pour installer des bâtiments agricoles dans les
espaces périurbains, même si le POS le leur permet en
théorie sur certaines zones non urbanisables affectées à
l'usage agricole. Les habitants " néoruraux "
n'apprécient guère le voisinage d'une stabulation ou d'un hangar
métallique. Un effort doit donc être entrepris pour assurer la
coexistence des habitations et des activités agricoles, et
spécialement l'insertion paysagère des bâtiments
d'exploitation.
Je prends bonne note de la réponse apportée au Sénat le 28
avril dernier par M. Louis Besson, Secrétaire d'Etat au logement,
à notre collègue M. Désiré Debavelaere qui
soulignait les difficultés posées à nombre
d'éleveurs du fait de la non réciprocité des règles
d'éloignement qui s'imposent à eux à travers la
législation sur les installations classées, mais qui ne
concernent pas les projets urbains et immobiliers.
La parution prochaine d'un texte modifiant l'article R.112-2 du code de
l'urbanisme permettra "
de refuser ou de soumettre à des
prescriptions spéciales des projets de construction, notamment à
usage d'habitation, dès lors qu'ils seront situés à
proximité de constructions ou installations existantes de nature
à porter atteinte à la salubrité ou à la
sécurité publique "
59(
*
)
.
De plus, le projet de loi
d'orientation agricole prévoit une information renforcée sur les
risques de nuisances liés à la proximité d'une
installation classée.
Ces dispositions -notamment l'introduction d'une règle de
réciprocité dans le code de l'urbanisme- devraient aider, plus
particulièrement dans les zones périurbaines, à
prévenir nombre de conflits de voisinage.
En matière d'environnement, les obligations fixées par la
politique de l'eau prennent une importance particulière dans les zones
périurbaines : du fait de la densité des habitats, la
consommation d'eau y est très élevée et les risques
potentiels qui pèsent sur les nappes phréatiques sont
réels en raison de la très forte urbanisation des sols et de
l'implantation des infrastructures et des activité industrielles. Les
activités agricoles -notamment de maraîchage- sont d'ailleurs
pénalisées par des phénomènes de contamination des
nappes d'eau qui peuvent rendre parfois leurs produits impropres à la
consommation.
Mais pour les exploitations d'élevage situées en milieu
périurbain, le respect de ces obligations, tout à fait
justifiées sur le plan environnemental, met en évidence des
contraintes spécifiques :
- la proximité des zones urbanisées limite les
possibilités d'épandage, tant pour des raisons
" psychologiques " de voisinage que pour des raisons techniques
tenant aux superficies de terrain nécessaires ;
- la taille moyenne des exploitations d'élevage en zone
périurbaine ne leur permet pas de relever des aides prévues par
les Agences de l'eau dans le cadre du programme de maîtrise des
pollutions d'origine agricole (PMPOA) décidé en 1992.
En effet, seules les exploitations d'une certaine importance (au-dessus de
40 vaches et 70 unités de gros bétail (pour les bovins)
relèvent du régime des installations classées et peuvent
être aidées, pour le financement de leur mise aux normes, par
l'Etat et l'Agence de l'eau dont elles relèvent. Le maximum des aides
peut alors atteindre 60 % du montant des travaux, alors que pour les
petits élevages relevant du seul règlement sanitaire
départemental, les aides ne viennent que du conseil
général et couvrent seulement 35 % du montant des travaux.
Comme le souligne la Chambre d'Agriculture de Loire-Atlantique, sur
690 exploitations situées dans le périmètre de
l'Association communautaire de la région nantaise (ACRN)
-c'est-à-dire l'espace périurbain situé autour de Nantes-
131 seulement ont la taille suffisante pour bénéficier des
aides de l'Agence de l'Eau. Les autres exploitations ne peuvent
prétendre aux mêmes aides, alors que leur équilibre
financier est plus précaire
60(
*
)
.
Pour assurer la pérennité de ces exploitations
d'élevage qui sont une composante indispensable du paysage agricole
périurbain, votre rapporteur préconise une réorientation
du régime des aides dans le cadre du PMPOA pour prendre en compte les
spécificités du milieu périurbain.
b) Favoriser l'apparition de nouveaux débouchés
Les consommateurs souhaitent, de plus en plus, connaître l'origine des produits qui leur sont vendus. Aussi, les pouvoirs publics pourraient-ils encourager les producteurs locaux en délivrant , moyennant des engagements de qualité , des labels comparables aux appellations d'origine contrôlée (AOC) qui permettent de garantir la qualité et la provenance de proximité du produit. L'expérience prouve d'ailleurs que les productions de qualité se maintiennent mieux en zone périurbaine à proximité des consommateurs.