PREMIÈRE PARTIE -
LES ESPACES PERIURBAINS : CONTRADICTIONS ET
ENJEUX
CHAPITRE IER -
L'ESPACE PÉRIURBAIN :
UNE
SPÉCIFICITÉ DÉSORMAIS RECONNUE
L'espace qui s'étend entre les marges de la ville et
les frontières de l'espace rural connaît un mouvement d'extension
sans précédent depuis la fin des années 1960.
L'accroissement du parc automobile et la cherté du foncier -et donc du
logement- en centre-ville ainsi qu'une absence de gestion foncière des
coeurs de ville expliquent, pour partie, ce développement continu.
Pour autant, aucune étude scientifique n'a, avant le milieu des
années 1990, permis d'en donner une définition univoque. Il
est vrai que cet espace-frontière conserve de nombreuses
caractéristiques de l'environnement et du paysage rural, tout en
gagnant, peu à peu, des traits citadins, sans pour autant
" s'agglomérer " à la ville.
Les géographes éprouvent d'ailleurs une véritable
difficulté à qualifier cet espace singulier. Veulent-ils
souligner ses affinités avec l'espace rural ? Ils le qualifieront
d'espace " rurbanisé " en reprenant le néologisme
employé par G. Bauer et J.M. Roux dans "
La
rurbanisation ou la ville éparpillée
",
1(
*
)
l'un des premiers ouvrages
consacrés au sujet. Veulent-ils souligner son caractère
périphérique par rapport à la ville ? Ils
l'appelleront espace " périurbain " ou
" périurbanisé ", en mettant ainsi l'accent sur sa
relation privilégiée avec la cité qu'il entoure.
En Europe, les villes se sont le plus souvent constituées à
partir d'un noyau initial entouré de murailles, autour duquel se sont
développés des faubourgs entre le Moyen-Âge et
l'époque moderne, puis des banlieues à compter du
XIXe siècle. Faubourgs et banlieues se sont constitués sans
solution de continuité " conceptualisée " avec
l'agglomération à laquelle ils étaient accolés.
L'espace périurbain, lui, est caractérisé par une
extension discontinue de l'urbanisation qui laisse subsister de larges
étendues agricoles, des friches, des usines, des voies de communication,
sans qu'il existe de plan d'ensemble
à cette mosaïque
mi-urbaine, mi-rurale. Cet espace est donc avant tout une zone de contact entre
le monde rural et l'univers urbain, qui conserve des traits du premier tout en
subissant peu à peu l'attraction du second.
De cette coexistence résultent une difficulté statistique
à définir l'espace périurbain, ainsi qu'une relative
méconnaissance de ses spécificités. Pourtant, les zones
périurbaines sont caractérisées par des transformations
humaines et sociologiques profondes, soumises à d'importantes tensions
foncières qui entraînent des modifications écologiques,
voire même des déboires paysagers. Le trait commun à tous
les espaces périurbains
est la précarité de leur
statut
.
Il convient de tenter d'appréhender l'ampleur de ce mouvement
général d'extension par lequel la ville devient, peu à
peu, "
le quartier central d'une agglomération
discontinue
"
2(
*
)
, avant
d'envisager la situation de l'espace périurbain au triple point de vue
humain, foncier, et écologique.
Les espaces périurbains ont posé un problème aux
géographes et aux statisticiens désireux de leur assigner des
contours. La délimitation des espaces périurbains est, en effet,
malaisée. Elle doit combiner des critères géographiques,
urbanistiques, économiques et humains susceptibles de rendre compte d'un
mouvement qui affecte, selon un rythme variable, la quasi-totalité des
agglomérations et l'ensemble des régions françaises, dans
leur diversité.
Faute d'autre cadre statistique, on se référa tout d'abord, au
début des années 1960, au concept de zones de peuplement
industriel ou urbain élaboré par l'INSEE. Ultérieurement,
une étude réalisée par la Société d'Etudes
Géographiques, Economiques et Sociologiques (SEGESA) pour la Direction
de l'espace rural et de la forêt du ministère de l'agriculture, la
Délégation interministérielle à la Ville et la
DATAR, contribua à affiner la définition.
Enfin l'INSEE a récemment procédé à
l'établissement d'une nouvelle nomenclature spatiale basée sur
361 " aires urbaines ".
Ces définitions successives montrent bien la difficulté de
définir, par un concept univoque, le territoire périurbain.