B. LA FRAGILITÉ AGRICOLE

La fragilité de l'agriculture périurbaine se traduit par une déprise progressive des zones cultivées. L'expérience prouve que les herbages et les exploitations d'élevage disparaissent les premiers. Puis les terres arboricoles et maraîchères sont gagnées par la friche ou, plus souvent, loties. Au mieux, les surfaces arables sont exploitées grâce à des cultures céréalières dont le rendement financier est meilleur, compte tenu du plus faible investissement qu'elles nécessitent.

Au total, on assiste à un appauvrissement humain, avec le départ des agriculteurs, écologique en raison de la disparition des espèces animales et de la diminution des types de production et esthétique, car les surfaces sont finalement revêtues d'une couverture plus monotone ou, pire encore, laissées à l'abandon.

Ce processus de lente dégradation procède largement des faiblesses intrinsèques de l'agriculture périurbaine et du problème du coût du foncier.

1. Une agriculture en péril

L'agriculture périurbaine connaît, à quelques exceptions près, un mouvement de régression qui caractérise une activité menacée, -c'est en tout cas la crainte exprimée par les agriculteurs-, à terme, de disparition.

a) Une agriculture diversifiée dont la marginalisation ...

Si l'agriculture périurbaine est aussi diverse que les traditions culturales de notre pays, elle est cependant caractérisée par la présence de nombreuses " ceintures maraîchères " ainsi que de surfaces horticoles à proximité des agglomérations. C'est ainsi que les communes urbaines accueillent 60 % des superficies des cultures de légumes frais de plein air et 70 % des superficies horticoles françaises.

L'agriculture périurbaine représente en France, selon la SEGESA :

- 10 % de la surface agricole utilisée ;

- 12 % des exploitations et de la population familiale agricole ;

- 12 % de la production agricole.

Bien qu'elle occupe encore 52,5 % du territoire des cantons périurbains selon la même source, l'agriculture périurbaine est frappée par un mouvement tendanciel de régression . C'est ainsi que dans les Bouches du Rhône 22 % de la surface agricole utile a disparu 15( * ) au cours des 25 dernières années. La baisse du nombre des exploitations, la réduction de la surface agricole utilisée, ainsi que la diminution de la population agricole sont d'ailleurs plus rapides en zone périurbaine qu'en zone rurale. Cependant, selon la SEGESA, la dégradation de la situation de l'agriculture ne suit pas le même rythme sur l'ensemble du territoire périurbain :

" D'une manière générale, on n'enregistre qu'un très faible recul de la SAU dans les périphéries des villes situées en régions de " grande culture " (Melun, Meaux, Chartres...) alors qu'à l'inverse, des villes situées sur le littoral où s'ajoute la pression touristique, connaissent des pertes très importantes dépassant parfois le quart des superficies agricoles encore présentes en 1979 (Toulon, Bastia, Montpellier...) " .

Néanmoins, le péril encouru par l'agriculture est partout le même :

" L'urbanisation progressive conduit au mitage des terroirs agricoles et à une raréfaction des terres disponibles, elle limite ainsi les possibilités de restructuration et de travail collectif des agriculteurs et induit une déstabilisation de nombreuses exploitations, notamment lors des successions " 16( * ) .

Certaines exploitations agricoles ne subsistent d'ailleurs qu'en contrepartie de la vente de terrains à bâtir, qui permet de moderniser les bâtiments et le matériel voire seulement de " tenir ".

En conséquence, l'accroissement de la déprise agricole entraîne souvent l'apparition de friches , dans des agglomérations très diverses. Il en était ainsi à Perpignan où, avant le lancement d'une opération de reconquête, la friche couvrait les deux tiers des espaces naturels de la commune. Il en va de même dans l'agglomération nantaise où seul un agriculteur de plus de cinquante ans sur dix voit sa succession assurée ! De ce fait, la surface couverte de friches pourrait passer de 6.500 hectares aujourd'hui à 9.500 hectares dans dix ans.

b) ... est favorisée par l'article L.411-32 du code rural

L'article L.411-32 du code rural consacre le primat du droit de l'urbanisme sur le droit rural.

Ce texte dispose en effet que :

" Le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur les parcelles dont la destination agricole peut être changée en application des dispositions d'un plan d'urbanisme ou d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé. Dans ce dernier cas, la résiliation n'est possible que dans les zones urbaines définies par le plan d'occupation des sols ".

Comme le remarque le professeur L. Lorvellec, le droit rural est, du fait de ces dispositions, " balayé par l'exceptionnelle plus-value née de l'urbanisation de la terre. Il ne peut préserver la destination agricole : protéger les agriculteurs ou les propriétaires de terres agricoles et protéger l'agriculture sont parfois antinomiques " 17( * ) .

Cette antinomie est exacerbée par le coût du foncier en zone périurbaine.

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