B. LES REPONSES APPORTEES AUX QUESTIONNAIRE DU 6 MAI 1996
1. Quelle devrait être la part respective des
différents types d'enseignants dans les premiers cycles et notamment la
ventilation entre les enseignants-chercheurs et les professeurs
agrégés du secondaire ?
Seriez-vous favorable à la généralisation d'un tutorat en
premier cycle ?
- certains rappellent que les
seuls enseignants-chercheurs
ont en
principe vocation à enseigner à l'université, mais compte
tenu des problèmes de la recherche en France, admettent la
présence de PRAG " uniquement " dans les premiers cycles :
on
propose également une première année de DEUG
" généraliste " et permettant d'offrir des
possibilités d'orientation en seconde année, la licence et la
maîtrise devant par ailleurs conserver leur rôle traditionnel ;
- par ailleurs, on note que le développement du
tutorat
n'est pas
nécessaire si l'encadrement de la première année de DEUG
est renforcé et " qu'apprendre à fouiller dans les livres
fait partie de la formation universitaire " ;
- on s'interroge sur la présence des
PRAG en premier cycle
, voire
dans les cycles ultérieurs, ainsi que sur l'affectation
éventuelle d'enseignants du supérieur, ayant stoppé leur
activité de recherche, dans l'enseignement secondaire, en soulignant que
la motivation des enseignants devrait d'abord être prise en compte ;
- certains remarquent que de nombreux bacheliers arrivent en première
année sans avoir acquis
les bases et les méthodes de travail
propres à l'université
, du fait des modalités
spécifiques de formation dans l'enseignement secondaire : ils se
demandent comment des enseignants qui n'ont pu dispenser cette formation
à des classes de lycée à effectifs restreints pourraient
le faire, dans des amphis ou des travaux pratiques surchargés pendant
une période limitée et certains s'interrogent également
sur les critères de sélection des enseignants dans le secondaire ;
- d'autres suggèrent de laisser à chaque université le
soin de recourir aux enseignants de leur choix et aux étudiants
d'évaluer leurs professeurs : on remarque cependant que les jeunes
docteurs
ont principalement été formés pour devenir
enseignants-chercheurs
-en fait plus chercheurs qu'enseignants- alors
que les agrégés sont destinés aux lycées ; si les
PRAG avaient une vocation à enseigner à l'université, il
conviendrait à l'inverse de réserver aux docteurs une place dans
les lycées ;
- on souligne également que les docteurs n'ont " pas vraiment la
chance d'exercer leurs talents ", à l'exception de quelques
" élus " qui peuvent devenir moniteurs, ou vacataires s'ils
ont moins de 27 ans, et qu'un souci d'économies conduit le
ministère à privilégier
l'utilisation des PRAG par
rapport aux maîtres de conférences ;
- constatant que les enseignants-chercheurs -et aussi les étudiants-
" s'ennuient " dans les premiers cycles universitaires,
certains
considèrent au contraire que les
PRAG sont beaucoup plus aptes
" à faire passer le message " : les TD et les TP
assurés par les assistants et les thésards ont pour vocation
d'expliciter les cours magistraux alors que cette fonction est assurée
aux Etats-Unis par les professeurs eux-mêmes ;
- on préconise également une plus grande utilisation des
ouvrages fondamentaux
par les étudiants, et un recours
complémentaire aux professeurs agrégés du secondaire qui
sont proches des nouveaux étudiants et dont les qualités
pédagogiques sont reconnues ;
- à l'instar de l'exemple américain, le professeur
d'université devrait être un
guide pour les
étudiants
et le
tutorat apparaît efficace
à
condition que les tuteurs n'aient pas en charge plus de vingt étudiants ;
- d'autres rappellent que les
agrégés ont été
formés pour l'enseignement secondaire
et pas pour
l'université où les savoirs changent rapidement ; les
enseignants-chercheurs, même " peu motivés ", dispensent
un cours préfigurant ce qui attend les étudiants en
deuxième cycle : certains chercheurs participent activement à
l'orientation des étudiants et ces derniers ne devraient pas attendre la
fin de leurs études pour les rencontrer ;
- la présence des PRAG serait admise pour certains enseignements mais
l'université a vocation à rester en contact étroit avec
la recherche,
qui inspire la méthodologie et garantit
l'actualité des cours : ceci implique une forte présence des
enseignants-chercheurs dans les laboratoires et dans les structures de
l'université ;
- si le
tutorat est jugé utile en début de première
année
pour réduire les disparités entre les divers
bacheliers, on estime aussi que sa généralisation n'est pas
souhaitable dans la mesure où l'université doit " pouvoir
favoriser l'autonomie des apprenants ";
- certains considèrent que les premiers cycles ont besoin
des PRAG
comme des chercheurs
, afin que la transition soit assurée entre le
lycée et la fac, et qu'un tutorat systématique est de nature
à faciliter l'intégration rapide des étudiants dans la vie
universitaire ;
- d'autres pensent au contraire que les professeurs des premiers cycles doivent
être des enseignants-chercheurs : on rappelle encore une fois que
de
nombreux docteurs ne trouvent pas d'emploi
, à l'université,
au CNRS et dans les entreprises et que la mission des PRAG est d'enseigner dans
le secondaire ;
2. Quels seraient les moyens de renforcer la motivation des étudiants
dans les premiers cycles ?
- il est rappelé que les étudiants qui n'entrent pas en classe
préparatoire ou en IUT sont contraints de
s'orienter par
défaut
vers l'université, " que cela leur plaise ou
non ", avec des chances de réussite qui sont liées à
leur motivation : si le libre accès à l'université
est à l'origine d'un échec universitaire important, ce principe
démocratique doit cependant être conservé ;
- on estime qu'une
revalorisation de l'image de l'université
est
indispensable : celle-ci passe par une information des étudiants
sur la difficulté des études supérieures, mais aussi sur
la réussite de ses diplômés, sur les relations
désormais établies entre les établissements et les
entreprises et sur les possibilités offertes aux étudiants
d'accéder aux écoles d'ingénieurs ;
- les
bourses d'études
ont déjà pour objet, selon
certains, de prendre en compte l'éloignement des universités du
domicile des étudiants ;
- une orientation plus directive ne saurait remplacer
l'absence de projet
d'études
qui est très souvent constatée chez les
étudiants : une meilleure information des bacheliers est
préconisée ainsi qu'un encadrement renforcé en
première année de DEUG pour assurer une transition plus facile
entre le lycée et l'université ;
- afin de renforcer leur motivation, certains préconisent de
salarier
tous les étudiants
, à la condition que ceux-ci ne soient plus
rattachés au foyer fiscal de leurs parents, et envisagent une sorte de
" salaire minimum de formation pour la jeunesse ", sur
lequel
seraient assises des cotisations sociales, et qui ne saurait être
inférieur au salaire minimum : en contrepartie, l'étudiant
aurait une
obligation de présence
, sauf motifs de santé,
qui ferait l'objet d'un contrôle et une
obligation de
réussite
à ses examens ; une absence non
justifiée entraînerait une interruption immédiate du
versement de ce salaire et
l'obligation de rembourser
la totalité
des rémunérations perçues ; en cas d'échec aux
examens, le même remboursement est proposé sous réserve
d'une année sur quatre consacrée à une
réorientation éventuelle ;
- un tel statut de l'étudiant permettrait de
revaloriser l'image du
système universitaire
auprès des jeunes, qui passeraient d'un
statut d'assisté à celui de responsable, en leur permettant de
prendre " leur place dans la société " : ce statut
salarié permettrait également de réduire l'importance du
travail au noir effectué actuellement par les étudiants en
situation précaire ;
- on propose également une
augmentation des droits d'inscription
qui devraient obligatoirement contribuer au financement des formations :
le contrôle de l'affectation de ces droits serait assuré par une
commission constituée d'au moins un tiers des étudiants, leur
statut de salarié devant renforcer leur participation au fonctionnement
de l'institution universitaire ;
- ceci suppose également la mise en place de
commissions
d'orientation
chargées d'analyser le dossier du futur
étudiant-salarié, et qui serait constituée d'enseignants
du secondaire et de conseillers d'orientation ;
- la mise en place du statut d'étudiant salarié devrait
être précédée d'une
" modélisation " destinée à en
chiffrer le
coût
mais on estime que celui-ci serait en tout état de cause
inférieur au " monstrueux gaspillage " engendré par la
situation actuelle ;
- pour d'autres, l'université n'a pas à " organiser la pause
café, le match de volley, comme au club " : son rôle
doit être de proposer aux étudiants des cours intéressants,
des diplômes de qualité recherchés par les employeurs,
d'offrir de bonnes conditions d'études et l'étudiant pourra
choisir son université en fonction des prestations offertes ;
- on rappelle que l'université est un lieu d'études et que le
lycée n'apprend pas les méthodes de l'enseignement
supérieur mais privilégie toujours un
enseignement
magistral
et l'apprentissage " par coeur " des
disciplines
(travers qui se retrouve d'ailleurs jusqu'en DEA) : on dénonce
également la pauvreté des bibliothèques françaises
par rapport à celles des universités allemandes ;
- certains préconisent un développement des
filières
alternatives
, notamment avec les entreprises, une plus grande participation
des étudiants au fonctionnement des
structures universitaires
,
à l'exemple de l'Allemagne, ainsi que la possibilité pour les
responsables universitaires de
recruter
(et éventuellement
" de changer ") leur personnel enseignant ;
- on souligne qu'une
orientation trop directive
serait mal perçue
par les étudiants et pourrait empêcher des réorientations
éventuelles ;
-une plus grande participation des étudiants au financement de leurs
études est assimilée par d'autres intervenants à une
sélection par l'argent
et l'augmentation du nombre des bourses
n'apparaît pas de nature à compenser les inégalités
entre étudiants : certains souhaiteraient cependant une
modulation des droits
d'inscription en fonction des revenus des parents,
afin notamment d'augmenter les ressources des universités, mais notent
que les bourses sont parfois détournées de leur objet alors
qu'elles devraient en priorité être réservées aux
étudiants en situation difficile ;
- l'absence de motivation des étudiants résulterait
également de leur interrogation quant à l'
utilité de
leurs études
pour la recherche d'un premier emploi et du sentiment
que l'université n'est pas à la hauteur de la réputation
des grandes écoles : l'université n'est pas valorisée
auprès des entreprises alors que la qualité de son enseignement
permet souvent à ses étudiants de rivaliser avec les
diplômés des grandes écoles d'ingénieurs ou de
commerce ;
- ce défaut de motivation concerne également les étudiants
qui, en nombre croissant, " vont s'enfermer dans les
concours du
CAPES
" ;
- au lieu de
s'isoler du monde extérieur
, l'université
devrait être " le vivier dans lequel les entreprises viendront
chercher ce qui leur fait défaut " ;
- la motivation des étudiants ne pourrait résulter que de la
définition d'une véritable
politique de l'emploi
leur
permettant de s'orienter d'une manière réaliste ;
- l'attribution de bourses sur critères sociaux apparaît pour
certains de nature à assurer une
égalité devant
l'enseignement supérieur
alors que la formule des prêts
bancaires est jugée inégalitaire pour les étudiants les
moins aisés ;
- certains expriment en revanche leur scepticisme quant aux effets
redistributeurs des
bourses
même si les critères actuels
d'attribution apparaissent trop restrictifs : on estime que l'extension du
système des bourses ne renforcerait pas la motivation des
étudiants qui entrent à la fac " sans réel
intérêt ", laquelle est considérée comme une
" voie de garage ", faute d'une orientation
satisfaisante ; les
étudiants perdent par ailleurs souvent leur motivation au cours du
premier semestre, du fait d'un manque d'encadrement, de l'anonymat des grands
amphis et du " peu d'intérêt que leur portent les
profs " ;
- d'autres soulignent au contraire
l'efficacité du système
actuel d'orientation
, pour peu que les étudiants effectuent les
démarches nécessaires : on suggère cependant que les
conseillers d'orientation soient plus présents dans les lycées
et de manière permanente, et ainsi d'augmenter leur nombre, car les
professeurs ne sont pas formés à cette tâche et doivent par
priorité se consacrer à leurs fonctions d'enseignement.
3. Quelles devraient être, selon vous, les vocations principales des
antennes universitaires délocalisées ?
- certains estiment que ces antennes doivent proposer les
mêmes
formations que les " universités-mères "
, sans
toutefois aller jusqu'à la création de troisièmes cycles,
ce qui conduirait à diluer " les maigres crédits de
recherche " pour des résultats aléatoires : les
antennes ont l'avantage d'offrir des
formations de proximité
et
de faciliter le passage entre le lycée et l'enseignement
supérieur ;
- on estime également que le développement des antennes
universitaires jusqu'à la maîtrise risquerait de
pénaliser les activités de recherche
des
enseignants-chercheurs qui seraient affectés en deuxième
cycle ;
- d'autres considèrent que l'université doit rester
intégrée dans des
structures solides de recherche et
d'enseignement
en relation avec le tissu industriel, ce qui implique
l'existence de " vrais campus " comportant les trois cycles
de
formation et un coup d'arrêt aux délocalisations universitaires
encadrées par les " rails profs " ;
- on estime que ces antennes devraient d'abord offrir des
formations de
premier cycle
, afin " d'éviter un exil systématique,
coûteux et trop long en cas de problèmes d'orientation ", et
aussi des
formations technologiques
pas nécessairement
liées aux débouchés locaux, dans une perspective
d'aménagement du territoire
, les formations d'excellence devant
plutôt être regroupées dans les universités de
rattachement ;
- pour d'autres, les antennes universitaires ont vocation à
développer des
formations technologiques orientées vers des
débouchés locaux
, si ceux-ci existent, mais servent aussi
à
décongestionner les universités-mères
pour
les premiers cycles : on souligne que les formations universitaires
doivent rester liées à la recherche et que les
enseignants-chercheurs doivent avoir les moyens de s'y consacrer sur place, ou
sur d'autres sites ;
- on souligne enfin l'intérêt des antennes pour
démocratiser
l'enseignement supérieur, en offrant des
formations de proximité,
et on estime que ces antennes devraient
fournir une formation complémentaire à celles de
l'université-mère, ce qui permettrait ainsi de proposer aux
étudiants un éventail plus large d'enseignements.