4. La nécessité d'une professionnalisation des formations supérieures
Depuis vingt ans, les conditions de l'insertion
professionnelle des diplômés de l'enseignement supérieur
ont été profondément modifiées. Alors que la
majorité des diplômés se dirigeaient vers le secteur public
ou les professions réglementées, la moitié des titulaires
de maîtrise et de licence et 70 % des diplômés de
troisième cycle se tournent désormais vers le secteur
privé : la professionnalisation de l'enseignement supérieur
constitue donc aujourd'hui un enjeu majeur et à cet égard, les
IUP peuvent être considérés comme des
références.
La mission d'information considère d'abord que la professionnalisation
doit s'appliquer aussi largement que possible à l'ensemble des cursus
universitaires, y compris aux filières générales et que
cette exigence est de nature à réduire l'écart existant
entre les diplômes et les besoins des entreprises, et plus largement du
monde économique. C'est notamment le cas pour les filières
juridiques ou littéraires pour lesquels l'instauration de stages en
entreprises et la formation en alternance, en particulier par la voie de
l'apprentissage, surtout en troisième cycle, est susceptible de
faciliter considérablement l'insertion professionnelle de leurs
diplômés.
A cet égard, il convient de rappeler, que contrairement aux idées
reçues, le quart des diplômés en lettres obtiennent un
emploi dans le secteur privé et que les diplômés
littéraires de niveau bac + 4 sont embauchés plus vite que les
diplômés des filières scientifiques, même si ce n'est
pas toujours à un niveau correspondant à leur formation.
La mission estime également qu'une professionnalisation d'une partie de
la formation dispensée par les universités et le
développement de l'alternance dans les formations supérieures
devraient bénéficier aux jeunes qui sont sortis
précocement et volontairement du système éducatif,
notamment au niveau du BEP ou après avoir obtenu un baccalauréat
professionnel, en autorisant les intéressés à reprendre
des études ultérieures débouchant sur un diplôme et
en prenant en compte pleinement leur expérience professionnelle
préalablement acquise.
Cette idée d'une formation récurrente permettant à un
jeune de revenir à l'université suppose une concertation entre le
système éducatif et les représentants des employeurs, mais
les textes existants permettent d'ores et déjà de procéder
à des expérimentations en autorisant une modulation des
formations selon les diplômes obtenus et un découpage de celles-ci
en unités capitalisables.
Par ailleurs, si le développement de l'apprentissage dans les formations
supérieures est éminemment souhaitable pour adapter ces
formations aux qualifications demandées par les entreprises, ce
développement suppose que les étudiants en apprentissage puissent
bénéficier d'un statut particulier permettant de prendre en
compte la spécificité de leur situation, notamment au regard de
leur rémunération et de leur protection sociale.
A cet égard, il convient de regretter que l'apprentissage qui est
régi dans notre pays par une législation particulièrement
avancée ne concerne que trop peu d'étudiants, alors que cette
formule de formation en alternance pourrait bénéficier, selon les
estimations les plus autorisées, à 200.000 étudiants
dans l'ensemble des formations supérieures, comme en témoigne sa
mise en oeuvre récente dans certaines grandes écoles commerciales
et dans certaines universités.
Enfin, la mission d'information ne peut pas ignorer le discours
11(
*
)
selon lequel le lien encore existant
entre le diplôme et l'emploi risque bientôt de se trouver rompu du
fait notamment, qu'à la fin du siècle, 200.000
diplômés à bac + 4 devraient se présenter
sur le marché du travail alors que l'économie française ne
pourrait leur proposer que 80.000 postes d'encadrement.
Elle estime à cet égard qu'une professionnalisation des
formations supérieures, et notamment des troisièmes cycles,
devrait permettre de limiter le risque de déclassement
12(
*
)
annoncé, et rappelle que si
50 % des jeunes d'une classe d'âge accèdent désormais
à l'enseignement supérieur, cette proportion équivaut
à celle des ingénieurs, cadres et professions
intermédiaires alors que la proportion des cadres " montés
par le rang " est en constante diminution depuis dix ans.
Il convient donc de relativiser le risque de déclassement des
diplômés de l'enseignement supérieur pour les années
à venir, d'autant que de nouveaux besoins sociaux ne sont pas encore
satisfaits et qu'ils devront l'être par la création de nouvelles
formations supérieures adaptées.
En tout état de cause, la réduction des besoins d'encadrement des
entreprises, au profit des techniciens supérieurs impose de
développer ce type de formations en liaison notamment avec les
collectivités locales et les partenaires sociaux dans un cadre de
dimension régionale.
Au total, la mission considère que la revalorisation de l'enseignement
professionnel, la professionnalisation des formations supérieures et la
mise en oeuvre d'une politique ambitieuse d'insertion professionnelle
conditionnent la réussite d'un système continu d'orientation
à partir de l'enseignement secondaire.