ANNEXES
ANNEXE N° 1 : TEXTE D'APPEL DU FORUM APPRENTIC
FORUM INTERNET
Nouvelles technologies, éducation, monde du travail et citoyenneté
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L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a chargé Franck SÉRUSCLAT , Sénateur du Rhône, d'une mission tendant à évaluer les conditions nécessaires à une bonne insertion dans la société de l'information, notamment du point de vue des apprentissages essentiels à mettre en oeuvre.
L'étude de faisabilité de cette mission, adoptée en novembre 1996, a retenu trois axes essentiels de travail et de réflexion : le premier, autour de l'école -de la maternelle au lycée- comme premier lieu de socialisation et d'égalité dans l'accès aux moyens techniques. Le second est relatif à l'univers professionnel tant les applications multimédia et en réseaux tendent à se développer de façon plus ou moins imposée et créent des inadaptations structurelles auxquelles il convient de remédier. Enfin, la cité et les pratiques qui en découlent sont au coeur de l'enjeu posé par le développement des techniques d'information et de communication. La cyberdémocratie sera-t-elle une dérive ou un nouveau départ pour la démocratie directe ?
Trois textes d'orientation de la réflexion sont soumis à la discussion critique de ce forum ; toutes les suggestions, propositions, contributions sont les bienvenues. En particulier, toute information relative à des expériences particulièrement innovantes dans les trois secteurs évoqués constituerait une aide précieuse à l'information du rapporteur. Preuve peut-être que ce réseau Internet contribue à une action démocratique démultipliée.
Technologies de l'information et éducation :
une révolution pédagogique ?
Éléments pour un débat
Rien ne sera durable ni profitable à tous si l'école n'est pas le lieu premier des apprentissages essentiels. Les rôles que Jules FERRY lui avait confiés dès son origine n'indiquent-ils pas les décisions à prendre : adapter la pédagogie à de nouveaux outils et rendre nécessaire leur usage par des professeurs formés et instruits en ces matières ?
L'égalité des chances pour tous -mission première de l'école publique- est une exigence encore plus impérieuse du fait même des techniques d'information et de communication. Les capacités propres à chacun pour les acquérir et en user feront les différences ensuite dans les postes, les places, les fonctions que chacun occupera.
Depuis presque dix ans, des enseignants, des collectivités locales ont eu le souci d'utiliser les moyens alors nouveaux de la communication. Les expérimentations particulièrement nombreuses, dispersées et sans liens entre elles, fournissent pourtant de nombreuses indications sur l'organisation matérielle de la classe, le rôle nouveau de l'enseignant, les approches pédagogiques utiles à développer, la répartition des activités techniques comme des matières enseignées, sur les phénomènes d'autoformation et de contrôle de soi. Les rapports entre élèves et enseignants prennent un cours différent, s'inscrivent dans un rôle d'apprentissage autre que celui du maître-apprenant, les maîtres devenant plus guides et conseils.
Pourtant, les difficultés sont nombreuses. Le cloisonnement des disciplines, la lourdeur des programmes, les habitudes acquises et l'absence de politique d'ensemble, notamment au niveau financier, ne facilitent pas la diffusion de ces nouveaux outils.
Quoi qu'il en soit, et d'autant plus que le temps passe, tout silence deviendra une faute car le retard de plus en plus sensible, notamment, du point de vue pédagogique, aura des conséquences importantes dans l'organisation économique et sociale de notre pays dans les toutes prochaines années.
Questions plus précises
Dans ce contexte rapidement décrit, des questions plus précises se posent d'ores et déjà :
- Quel est le moment le plus approprié pour la rencontre entre l'enfant et les outils techniques, notamment l'ordinateur ? Est-ce le stade préélémentaire ou maternel, non encore obligatoire, plus lieu de familiarisation à la vie collective ? Faut-il attendre l'école primaire comme point de départ efficace ? Des études semblent mettre en évidence la précocité et l'adaptabilité du tout jeune enfant.
- L'outil à mettre dans les salles de classes : les jeux vidéo avec leurs consoles ? L'ordinateur avec ou non un branchement possible sur les réseaux ? Le lieu d'accueil retenu -salle de classe et/ou CDI et/ou salle d'études- aura-t-il une influence directrice sur la nature des équipements ?
- La pédagogie à proposer ? Faut-il en adapter une aux moyens ou seulement aux résultats ? L'organisation spatiale de la classe ne doit-elle pas être revue ? Le découpage des enseignements dans le temps (cinquante-cinq minutes de cours au collège et au lycée) et par matière ne doit-il pas céder la place à une plus grande interdisciplinarité ?
- Ces questions pédagogiques renvoient inévitablement à la formation des maîtres , à leurs nouvelles responsabilités. Comment, dans la formation initiale des enseignants, intégrer l'importance de cette évolution technique ? Comment favoriser une insertion progressive des futurs « enseignants » afin de permettre d'autres apprentissages ? Quelle formation continue envisager pour les enseignants déjà en poste ?
- Enfin, le coût des investissements est-il un véritable obstacle à la pénétration des outils de la communication dans les établissements scolaires ? La lecture des débats législatifs de la fin du XIXe et du début du XXe siècles nous apprend que la création des écoles, la mise en place de l'électricité, du chauffage, des fournitures scolaires ont été des charges importantes. Les incitations de l'État, l'exigence des parents et la compréhension plus ou moins forcée des responsables municipaux les ont surmontées, même si ce ne fut pas une démarche partout égale .
Comment apprendre, et surtout, qu'apprendre pour que tous, selon leurs capacités, sachent utiliser intelligemment, efficacement, les techniques d'information et de communication pour accéder aux connaissances quelle que soit leur place, leur fonction dans la cité ? Telle est la question essentielle, la question phare.
Technologies de l'information et univers professionnel
Éléments pour un débat
Rares sont les entreprises où les professionnels de tous niveaux n'ont pas à connaître ou à utiliser couramment, constamment, épisodiquement l'ordinateur connecté à des réseaux. Les systèmes bancaires, administratifs et paperassiers, tous les secteurs du tourisme, du voyage ont une partie de leur personnel qui n'a de relations internes ou avec le public que par l'intermédiaire d'un ordinateur, en général connecté en réseaux. Les productions mécaniques recourent à des logiciels spécifiques pour concevoir ou exécuter des tâches de fabrication. Leur maniement est plus intellectuel que l'utilisation des outils traditionnels. Il en est de même dans le secteur alimentaire et commercial. Beaucoup de vendeurs, de gestionnaires de stocks et autres ont régulièrement à faire avec des ordinateurs. Parallèlement, de plus en plus, à la vitesse de la lumière, à travers le monde, les commandes sont passées, les voyageurs de commerce ayant de moins en moins à retourner dans leur entreprise d'origine. Par des réseaux Intranet, la totalité du personnel d'une société est informée d'une directive à suivre et conditionnée à des pratiques de vente.
Bref, il n'est guère d'activités professionnelles dans lesquelles constamment, fréquemment ou par à coup, il ne soit nécessaire d'avoir recours à ces outils qui répondent à des logiciels adaptés à toutes les questions, fournissent toutes les réponses nécessaires à leur exercice correct .
Ces outils sont le plus souvent des serviteurs fiables, pertinents. Ils apportent les réponses utiles dans le moment même où on les pose. Ils soulagent la mémoire au point de la faire oublier. Ils annulent les points fixes et permettent de rester en relations efficaces avec les divers partenaires où qu'ils se trouvent. Ils transforment les astreintes par des gardes à distance, laissant les salariés dans leur milieu familial...
Mais ce mouvement crée des contre-effets tout aussi repérables. La technologie imposée contraint des individus à une remise en cause de leur mode de vie et, plus précisément tend à estomper la frontière entre monde du travail et vie privée. D'où un questionnement des règles de fonctionnement habituelles du monde du travail (lieu, temps, congés, astreintes...).
L'enseignement général de base apportera l'essentiel comme il l'a fait depuis l'obligation de l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. Il faut y ajouter aujourd'hui la découverte des directives propres à l'ordinateur qui, comme des règles de grammaire, d'orthographe, de syntaxe et de sens, lui font accomplir les actes justes. D'autre part, le développement de la formation continue doit permettre de passer d'une manière de travailler à une autre, nouvelle, plus performante ou considérée comme telle .
La période la plus délicate est celle que nous traversons maintenant. Trop de travailleurs ne peuvent exercer leur métier qu'avec les connaissances acquises hier, et trop peu de postes de travail en ont encore besoin ; ils ne peuvent accéder aux postes qu'ils ne savent ni servir ni diriger.
La productivité et la rentabilité offertes par ces technologies seront une chance pour l'emploi si on sait organiser un partage des richesses et de l'accès au savoir. Si, au contraire, on en reste à des schémas d'organisation datant du siècle dernier, ce n'est pas une société duale qui naîtra mais une société éclatée.
Les technologies de l'information et de la communication dans la cité : une nouvelle chance pour la démocratie ?
Éléments pour un débat
On pourrait croire que notre organisation démocratique est épargnée par la révolution numérique. Nous votons toujours selon les mêmes règles : le bulletin de vote et la carte d'électeur paraissent immuables. Nous élisons toujours des représentants qui, aux différents échelons de notre organisation politique, nous représentent et agissent avec, pour limite, la sanction électorale et le contrôle du juge.
Pourtant, déjà, de nombreuses collectivités locales ou des institutions ont recours aux réseaux, essentiellement « babillards » et Internet. Le Sénat, l'Assemblée nationale, les ministères, ont ouvert des sites Web.
Une petite navigation sur ces sites tend à prouver tout l'intérêt de ces initiatives. Par exemple, le serveur du Sénat offre l'accès à des informations jusqu'alors difficilement disponibles. En quarante-huit heures après publication au Journal Officiel , les internautes peuvent trouver les débats intégraux du Sénat ainsi que des rapports parlementaires. L'information devient plus démocratique, car gratuite, et consultable en tous points du territoire par quiconque est connecté.
De nombreuses initiatives locales poursuivent des objectifs à la fois de même nature et différents. Qu'il s'agisse d'information touristique ou économique, beaucoup de sites ont pour vocation d'encourager les projets locaux, d'attirer des emplois et de dynamiser l'activité.
D'autres ont une ambition plus citoyenne. Des communes, départements ou régions proposent aux citoyens des sources d'information consultables à tout moment. Aussi, l'essor d'une citoyenneté active dans la cité est-il favorisé par la mise en réseau. Quelques initiatives vont encore plus loin et s'inscrivent dans un projet global, qui entraîne, ou pourrait entraîner à terme, un bouleversement complet du rôle de l'élu. Dans ce cadre, le citoyen est invité à communiquer véritablement avec ses représentants.
Les conséquences induites par une telle réorganisation seront probablement beaucoup plus importantes qu'on ne l'imagine. Les citoyens acteurs n'attendront pas seulement de leurs représentants qu'ils agissent en leur nom ; ils voudront agir de concert et, pour ce faire, être en contact permanent avec les « chefs d'orchestre » que seront les élus.
Ces procédés de communication nouveaux, interactifs et immédiats, ne font-ils pas courir des risques réels à une conception démocratique respectant le temps de réflexion du citoyen ?
Au prétexte d'une démocratie supérieure à toute autre, une interrogation directe, aussi fréquente que possible sur des sujets complexes ou non, peut-elle véritablement simuler une démocratie directe ? Le citoyen invité à donner une réponse instantanée à la question posée de même manière ne le ferait-il pas par réaction ou intuition et non par réflexion, encore plus superficiellement qu'au cours d'un sondage d'opinion ?
On peut facilement imaginer les effets pervers de ce mode de consultation et combien la participation critique du citoyen à la vie de la cité ou de l'État serait illusion.