CITOYENNETÉ
En ce domaine les perspectives sont claires, mais les choix difficiles.
Dans une société assoupie, mécontente, où les citoyens désertent un concept de démocratie représentative, au moment où les élus, législateurs et encore les responsables des exécutifs veulent « une démocratie citoyenne », des choix sont à faire entre :
- démocratie active,
- démocratie de participation,
- démocratie directe,
toutes formules pour lesquelles les NTIC apportent des supports, porteurs du meilleur et du pire ; l'un et l'autre sont inégalement répartis dans ces divers modèles. Savoir éviter ceux où le pire dominerait est la préoccupation essentielle, le fil d'Ariane à trouver : l'objectif d'une démocratie est le respect du citoyen, la détermination de l'associer à la vie politique de son pays, de faire en sorte « qu'il compte et ne soit pas seulement compté », pour reprendre une belle formule de Fédérico MAYOR.
Le renouveau de la vie politique passe par l'utilisation des NTIC. Tout nous y incite : la volonté de définir une stratégie de concertation et de partenariat avec les acteurs sociaux ou l'ensemble de la population, selon les cas, pourrait trouver une première application pour peu qu'on s'en donne les moyens. Définir de nouvelles méthodes de gouvernement n'est-ce pas avant tout permettre aux citoyens de prendre la parole ? Leur faciliter l'accès à l'information et leur donner les moyens d'exprimer leurs opinions sont autant de nécessités pour lesquelles les NTIC peuvent être d'un grand secours.
*
* *
Sans être exhaustif, seulement pour apporter un argument sur la relativité d'une situation évolutive et pour de possibles autres rapports, un pêle-mêle terminera ce rapport sur le rôle des NTIC en cette fin de siècle.
- Sur le plan des idées, les conséquences de l'avènement de la société de l'information sont encore mal définies. Il faut renforcer les premiers signaux d'une vie politique mondialisée dont les États n'ont plus le monopole. La « société civile » s'internationalise ; des principes communs aux différentes sociétés apparaissent par delà la diversité des cultures (droits de la femme, droits à la survie...) ; une conscience civique planétaire commence à se dessiner face à des périls communs ou des enjeux qui nous concernent tous (effet de serre...).
La responsabilité planétaire commune doit être active ; les NTIC seront mobilisées pour aider à faire émerger une expression politique autonome des forces morales et sociales de la planète.
- Faute de quoi, Internet risque de devenir un instrument aux mains des seuls marchands ; l'invasion des écrans par la publicité semble déjà l'indiquer et, plus encore, les concentrations géantes dans les industries culturelles. L'imbrication de trois secteurs technologiques -informatique, téléphonie et télévision- s'accroît ; chaque groupe vise à contrôler une part du nouvel eldorado, le multimédia. Leur objectif est de devenir le seul interlocuteur du citoyen, de lui fournir à la fois des nouvelles, des loisirs, de la culture, des services professionnels, des informations financières et économiques. Au mépris, quelque part, de sa liberté, chacun d'entre nous serait mis en état d'interconnectivité par tous les moyens de communication disponibles. N'oublions pas que 64 % des Français estiment que « ce sont les marchés financiers qui ont le plus de pouvoir aujourd'hui en France » 148 ( * ) .
- Pire encore, il faut éviter que le réseau soit utilisé pour la diffusion de thèses sectaires ou mafieuses. Le suicide dramatique de plusieurs dizaines de membres de la secte de la Porte du Paradis invite à s'interroger sur les dérives possibles d'Internet. Le réseau est-il la source d'un malaise de la société ou tout simplement son reflet ?
- Ce nouveau procédé de communication, interactif et immédiat, ne fait-il pas courir des risques réels à une conception démocratique respectant le temps de réflexion du citoyen ? Le citoyen, invité à donner une réponse instantanée à la question posée n'est-il pas conduit à se prononcer par réaction et par intuition plus que par réflexion, encore plus superficiellement qu'au cours d'un sondage d'opinion ?
- Il n'est pas sûr que les réponses à ces questions se dessinent déjà. Toujours est-il que les enjeux des réseaux vont bien au-delà d'un seul problème technique. Demain, nous ne penserons plus de la même manière. Des vecteurs de la pensée aussi solidement établis que la presse doivent se préparer à cette nouvelle concurrence ; les média traditionnels joueront-ils le même rôle dans la formation du citoyen à l'avenir ?
* 148 La Vie , 21 novembre 1996.