2. L'absence de données précises sur le devenir des sites proposés pour le réseau Natura 2000
La concertation, quand elle a eu lieu, n'a porté que
sur la délimitation des sites du périmètre et sur leur
intérêt au titre des critères de la directive. Mais elle ne
s'est pas accompagnée d'un véritable travail de réflexion
sur les modes de gestion qui pourraient être appliqués dans les
futurs sites du réseau Natura 2000.
Or, il convient de rappeler le caractère très novateur de la
directive, qui la place sur un terrain différent des textes
préexistants en droit national, en privilégiant une approche
écosystémique c'est-à-dire globale et dynamique et en
préconisant une démarche intégrée prenant en compte
la légitimité des activités humaines.
Il est donc très regrettable que la question du multi-usage compatible
avec le milieu dans les sites du futur réseau Natura 2000 n'ait pas
été étudiée avant même ou, tout au moins,
parallèlement à la procédure de délimitation des
zones ; d'autant plus, que ce sont les Etats membres qui ont
compétence pour définir les moyens de gestion applicables dans
ces sites, la Commission ne s'engageant que sur le principe d'un cofinancement.
Comme il a été indiqué plus haut, l'article 8 de la
directive 92/43/CEE Habitats naturels, prévoit qu'en soumettant à
la Commission sa proposition de liste des sites Natura 2000, chaque Etat
membre communique le montant de cofinancements estimé nécessaire
pour y appliquer des mesures de conservation. Ces besoins seraient couverts par
le fonds spécialisé LIFE-environnement et les fonds structurels.
L'inventaire des sites aurait dû donc s'accompagner d'une
évaluation financière site par site, qui n'a pas
été faite. Procéder à cette évaluation
minutieuse, afin d'être en mesure de formuler auprès de l'Union
européenne une demande globale et cohérente de financements
aurait dû constituer une condition " sine qua non " de la
transmission de la liste des sites proposés au titre de Natura 2000.
En l'absence de réflexion sur ce point essentiel, certains ont pu
espérer faire prévaloir une conception sanctuarisée de la
protection des milieux, alors que d'autres, s'inquiétant de la nature
des contraintes envisagées, cherchaient à obtenir en vain des
garanties sur d'éventuelles compensations financières. D'autres,
enfin, ont pu jouer de ce silence et de cette absence de réflexion pour
alimenter la rumeur et pratiquer la désinformation.
Compte tenu de ces éléments, l'ensemble des acteurs
économiques ont refusé de cautionner un inventaire sans en
connaître les conséquences, la portée juridique et le
financement.
Les présidents des organisations
2(
*
)
représentant l'essentiel des
gestionnaires du monde rural ont adopté le 10 avril 1996 une
déclaration commune dénonçant les méthodes
employées pour l'établissement des listes de sites.
Cette
manifestation unanime constitue d'ailleurs un événement
historique.
Le 19 juillet 1996, le Premier ministre a alors pris, sur proposition
du ministre de l'environnement, la décision de geler en France
l'application de la directive 92/43/CEE Habitats naturels considérant
qu'il n'était pas possible de désigner des sites au titre de
cette directive sans connaître à l'avance avec précision
les règlements qui y seraient applicables et les activités qui
pourraient y être interdites. En vue d'obtenir des précisions sur
les modalités de gestion des sites du réseau Natura 2000 et
sur les moyens financiers que la Commission entendait dégager pour la
mise en oeuvre du dispositif, le Ministre de l'Environnement a
été chargé d'élaborer des propositions à
soumettre dans les meilleurs délais à ses partenaires
communautaires.