B. L'HISTORIQUE DE LA DIRECTIVE 92/43/CEE/HABITATS NATURELS
1. Le précédent de la directive 79/409/CEE Oiseaux sauvages
On peut rappeler que les premières
réglementations communautaires en matière de protection de la
nature ont porté sur la protection de l'avifaune, à travers la
directive 79/409/CEE sur la conservations des oiseaux sauvages. Ce choix
s'explique en raison de la nature transfrontalière des migrations des
oiseaux, qui nécessite l'adoption de règles communes.
Tant sur les objectifs que sur les procédures à mettre en oeuvre,
le texte de la directive est tout à la fois très
général et peu précis, ce qui, en définitive,
laisse une grande marge d'interprétation aux Etats membres mais surtout
au pouvoir judiciaire, qu'il soit national ou communautaire :
- l'article 2 fait obligation aux Etats membres de maintenir ou
d'adapter la population des espèces d'oiseaux vivant à
l'état sauvage correspondant à des prérequis
écologiques et scientifiques, en mentionnant seulement qu'il peut
être tenu compte d'exigences " économiques ou
récréationnelles " ;
- l'article 3 impose aux Etats membres de prendre toutes les mesures
nécessaires pour atteindre l'objectif fixé à
l'article 2 et, en premier lieu, de créer des zones de protection.
Mais, la directive ne donne aucun détail sur la procédure de
création de ces zones, et se contente d'indiquer qu'il faut classer les
territoires les plus appropriés en nombre et en superficie pour la
conservation des espèces d'oiseaux sauvages.
On verra d'ailleurs que les difficultés de mise en oeuvre de cette
directive en France n'ont pas été pour rien dans celles
rencontrées pour l'application de la directive 92/43/CEE/Habitats
naturels.
2. L'élaboration de la directive 92/43/CEE Habitats naturels
On pouvait aisément plaider que la directive 79/409/CEE
Oiseaux sauvages ne constituait qu'une approche fragmentaire dans la mise en
place d'une politique de conservation de la biodiversité et qu'il
fallait protéger également les autres composantes de la vie
sauvage, tant la faune et la flore sauvage que leurs milieux.
De plus, la Communauté européenne devait se doter d'un cadre
juridique lui permettant de mettre en oeuvre la convention relative à la
conservation de la vie sauvage et au milieu naturel de l'Europe, adoptée
à Berne en 1979 et à laquelle elle était devenue partie
contractante depuis le 3 décembre 1981.
La première proposition de directive sur le sujet a été
présentée par la Commission au Conseil en août 1988 et
plusieurs États membres, rendus méfiants par les
difficultés d'application de la directive 79/409/CEE Oiseaux sauvages,
se montrèrent très réticents face à cette
proposition jugée trop contraignante.
La difficulté de l'exercice, notamment la rédaction des annexes
dont dépendait la portée des obligations des États
membres, justifie largement les quatre années de négociations
entre la Commission et les États membres et les modifications
importantes apportées à la première version. Le texte ne
fut définitivement adopté que par le Conseil
" Agriculture " du 21 mai 1992.
Au cours de cette navette, le Gouvernement français a certes enrichi sa
position grâce aux contributions de ses interlocuteurs
privilégiés concernés par la conservation de la nature,
c'est-à-dire les associations de protection de l'environnement, les
organisations représentatives en matière agricole et
forestière ainsi qu'avec les représentants de la chasse et de la
pêche. Mais ces négociations ont été menées
de manière informelle sans cadre juridique strict prenant en compte la
représentativité de chacun des interlocuteurs, ni structure
officielle de consultation.
Enfin, la représentation nationale n'a pas été
consultée puisque l'article 88-4 de la Constitution, au terme
duquel "
le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale
et au Sénat, dès leur transmission au Conseil des
Communautés, les propositions d'actes communautaires comportant des
dispositions de nature législative
" n'a été
inséré que par la loi constitutionnelle n° 92-554 du
25 juin 1992.
On peut penser que cette proposition de directive, en raison notamment de
l'article 6 qui énumère les obligations des États
membres pour assurer la conservation des sites du Réseau Natura 2000,
aurait été soumise à l'examen du Parlement en raison des
éventuelles atteintes à la liberté d'entreprendre, ou au
droit de propriété.