II. LE NOUVEAU SYSTEME COMPORTE DES INCONVENIENTS SERIEUX
L'étude réalisée par le CEPII, à
la demande de votre délégation, fournit des informations
précieuses sur les avantages et les inconvénients du nouveau
système proposé par la Commission. Comme le souligne cette
étude, "
au total, l'esprit du système commun est
véritablement européen ; il prolonge les actions entreprises pour
permettre l'émergence d'un véritable Marché unique
européen et une meilleure intégration commerciale des
différentes économies. Il ne s'agit plus en effet d'articuler
entre eux différents systèmes nationaux, mais de permettre
l'émergence d'entreprises européennes qui opèrent sur
l'ensemble du marché sans se préoccuper des
frontières
".
Mais cet avantage a un coût qui pèse principalement sur les
administrations nationales. Pour l'essentiel ce coût tient à trois
inconvénients majeurs :
- Il ne garantit pas le niveau des recettes des Etats ;
- Il affaiblit les possibilités de contrôle de chacune des
administrations fiscales ;
- Il incite les entreprises à se délocaliser.
A. IL NE GARANTIT PAS LE NIVEAU DES RECETTES DES ETATS
Selon la nouvelle proposition de la Commission, les
recettes nationales ne feraient plus l'objet d'une affection directe aux Etats,
mais seraient peréquées entre les Etats membres sur la base de
données statistiques
. En cela la Commission reste dans la ligne des
propositions qu'elle avait formulées il y a dix ans.
Pour éviter cependant les écueils de ses
précédentes propositions, la Commission propose un
mécanisme de répartition basé, non pas sur une observation
des flux, par définition impossible depuis la suppression des
contrôles des marchandises aux frontières, mais sur des
statistiques macro-économiques. La compensation restera donc assez
grossière et ne sera définitivement soldée qu'au bout de
deux ans. Dans l'intervalle, une compensation transitoire sera calculée
qui viendra en déduction des sommes dues au titre de la ressource propre
assise sur le PNB.
Le CEPII souligne que "
la disponibilité des statistiques
nécessaires à ce calcul n'est pas assurée
. Les
statistiques de consommation devraient être suffisamment précises
pour distinguer les biens et services taxés des autres, en distinguant
les différents taux. Sauf simplification majeure de la
réglementation, ceci n'est possible actuellement qu'en utilisant les
déclarations de TVA qui ne seront plus exploitables s'il y a un lieu
unique de taxation
". Ce point est essentiel, car c'était une
des conditions posées par le Conseil pour le passage au régime
définitif.
B. IL AFFAIBLIT LES POSSIBILITES DE CONTRÔLE DE CHACUNE DES ADMINISTRATIONS FISCALES
Dans la mesure où le nouveau système n'incite
pas les administrations fiscales à améliorer la collecte des
recettes, on peut craindre à l'inverse que celles-ci, surtout pour les
Etats faiblement collecteurs, ne soient incitées à jouer la
concurrence fiscale auprès des entreprises des autres Etats membres.
Le niveau général de fiabilité du nouveau
système sera donc celui du niveau de fiabilité le plus faible des
administrations nationales de contrôle.
C. IL INCITE LES ENTREPRISES A SE DELOCALISER
Dans le système proposé par la Commission,
chaque entreprise peut déterminer librement son lieu de taxation
.
Dans la logique du système, cette disposition est en effet
nécessaire pour permettre aux entreprises de ne faire aucune
différence entre leurs ventes sur le marché intérieur et
dans le reste du marché unique.
Les entreprises pourront dès lors se localiser dans le pays qui leur
offre les meilleurs conditions en matière de TVA, qu'il s'agisse de
taux, d'assiette, de réglementation, ou même d'efficacité
administrative. En outre les administrations nationales, qui seront
amenées à rembourser aux entreprises des taxes perçues par
d'autres Etats membres et à traiter des flux de TVA correspondant
à des échanges qui ne passent pas nécessairement par leur
territoire national, n'auront plus les capacités qui sont les leurs
aujourd'hui pour vérifier la réalité des
déclarations faites par les entreprises, sauf à recourir à
une coopération renforcée avec les administrations nationales des
autres Etats membres.
L'étude du CEPII conduit à constater que "
en l'absence
d'harmonisation des TVA nationales, elle introduit cependant un risque
supplémentaire pour les pays à TVA élevée. Si la
concurrence est grande,
les entreprises qui vendent directement au
consommateur auront évidemment intérêt à se
localiser dans les pays à bas taux de TVA. Ce risque concerne au premier
chef les entreprises de la grande distribution
, qui sont très
concurrentielles, de grande taille, et souvent déjà
internationalisées.
La France, notamment, est l'un des pays où
la grande distribution est la mieux implantée et les taux de la TVA y
sont élevés ; le risque existe de voir certaines de ces
entreprises choisir de s'assujettir dans un pays voisin, pour offrir aux
consommateurs des prix plus bas
. Les petites entreprises de commerce auront
évidemment plus de difficultés à profiter de cette
opportunité de se localiser à l'étranger. Elles devront
donc supporter une fiscalité plus lourde, qu'elle ne pourront
répercuter dans leurs prix puisqu'elles supporteront la concurrence des
plus grandes. Elles se trouveront donc vraisemblablement en difficulté,
sauf à trouver elles aussi une possibilité de se
délocaliser ".
Le CEPII ajoute que : "
En l'absence de définition
précise de la localisation, il est difficile de mesurer l'ampleur
d'éventuelles migrations et leurs conséquences. Les
bouleversements qui peuvent en résulter, et qui ne seront pas
immédiats, ne doivent cependant pas être
négligés :
un déplacement du siège social
des entreprises concernées et de certains emplois administratifs
pourrait en résulter, ce qui pénaliserait l'emploi dans les pays
à TVA élevée et éloignerait les centres de
décision
. On peut même imaginer que certains pays jouent sur
les taux de TVA pour attirer certaines industries
particulières
".