2. Les conséquences du décalage sur l'heure solaire
Le décalage de l'heure légale sur l'heure
solaire comporte des répercussions mécaniques sur la vie
quotidienne, dont les conséquences sont plus ou moins bien vécues
suivant les individus.
Il en résulte une heure de lever plus matinale et une heure de coucher
retardée, du fait de la persistance de la chaleur et de la clarté
en fin de soirée dont l'effet est ressenti de manière variable et
subjective.
Toutefois, les récentes découvertes scientifiques sur la
mélatonine, hormone du sommeil, montrent que l'avancement de l'heure ne
serait pas parfaitement neutre : le retard apparent de la luminosité
entraverait la sécrétion naturelle de cette hormone produite par
le cerveau sous l'effet de l'obscurité.
Outre cet argument de santé publique, dont on peut contester qu'il ait
un effet identique sur l'ensemble de la population, le décalage horaire
n'est pas exempt de conséquences sur divers aspects de l'activité
humaine.
a) Des conséquences pénalisantes : les secteurs professionnels les plus exposés
Le secteur de la construction
L'activité du
secteur de la construction se trouve
conditionnée par l'heure solaire, les travaux s'effectuant de jour et
étant exposés aux conditions météorologiques.
L'avancée horaire d'été conduit les professionnels
à commencer les journées plus tôt, les achever tandis qu'il
fait encore plein jour et observer des pauses de mi-journée en
décalage avec le maximum de température solaire (une reprise de
travail à 14 heures correspond à midi au soleil, soit au plus
fort des chaleurs estivales).
Le secteur agricole
Le décalage de deux heures sur l'heure solaire affecte, à
nouveau, le monde rural, plus que les autres catégories
socio-professionnelles comme en témoignent les sondages d'opinion
particulièrement hostiles à l'instauration de l'heure
d'été dans cette tranche de la population.
L'avancée estivale de l'heure empêche le début des travaux
agricoles dès le matin, en raison de l'humidité des sols ; le
travail est effectué aux moments les plus chauds de la journée et
se prolonge jusqu'au coucher du soleil.
Le travail posté
La contrepartie des soirées plus longues et plus claires, qui tient
à l'heure plus matinale du réveil, affecte ceux qui commencent
leurs journées dès potron-minet. Outre les enfants des campagnes
astreints aux horaires des bus de ramassage scolaire, cette contrainte
pénalise les ouvriers en travail posté, organisés en
" trois-huit ", pour qui la journée commence en pleine nuit.
b) Des conséquences certainement défavorables : les atteintes à l'environnement
La pollution photo-oxydante
Depuis plusieurs années, la contribution de l'avancée horaire
à l'augmentation du niveau de pollution atmosphérique est
sérieusement évoquée : selon les écologistes, la
pointe de circulation coïncidant avec les heures les plus chaudes de la
journée augmente les concentrations d'ozone par phénomène
de photo-oxydation. En 1986, un rapport remis au Gouvernement sur le
dépérissement forestier et les pluies acides de M. Jean Valroff,
député, soulignait déjà la corrélation de ce
phénomène avec la généralisation de l'heure
d'été en Europe.
Dans son volet environnemental, le rapport de 1996 de la Commission
considère que la formation de l'ozone est déterminée par
plusieurs facteurs dont essentiellement les conditions
météorologiques et le caractère rural ou urbain de la zone
géographique concernée. En raison des complexités
chimiques du phénomène
(19(
*
)),
l'étude conclut hâtivement
que le problème de l'augmentation de la pollution de l'air tient
essentiellement à l'impact de la circulation automobile plutôt
qu'à l'instauration d'un horaire particulier.
Ce faisant, elle tient pour quantité négligeable les alertes
à l'ozone qui sont régulièrement émises dans les
grandes villes durant les mois les plus chauds et que des études
scientifiques expliquent par la décomposition
accélérée des polluants par le rayonnement solaire. Or,
dès lors que les déplacements automobiles de la mi-journée
ont lieu autour de quatorze heures (soit midi heure solaire), et, surtout, que
les migrations du soir se produisent à une heure où le
rayonnement solaire reste intense, il n'est pas illogique de supposer que le
décalage horaire contribue -même marginalement- à
l'empoisonnement des villes européennes.
D'après une étude conduite pour le compte de l'agence pour la
qualité de l'air en 1986,
" le passage de l'heure d'hiver
à l'heure d'été entraîne une augmentation de la
concentration maximale en ozone, en moyenne 10 %, et nettement plus pour
la ville de Paris. Pour le P.A.N. (nitrate de peroxyacétyle), les
accroissements sont plus élevés, voisins de 15 % "
(20(
*
)).
· L'impact des voitures sur l'environnement en période d'heure
d'été
Le changement horaire estival n'est pas neutre en la matière et se
rapporte, au minimum aux deux aspects suivants :
- d'abord, les matinées plus fraîches, du fait de l'avancement de
l'heure en été, ralentissent l'efficacité des pots
catalytiques induisant des émissions de polluants supplémentaires
;
- ensuite, l'heure de clarté supplémentaire du soir
entraîne une augmentation des déplacements automobiles de fin
d'après-midi destinés aux loisirs. Cette fois, c'est aux
conditions météorologiques plus ou moins favorables que le
rapport de la Commission impute l'augmentation de l'émission de gaz
polluants plutôt qu'à l'horaire d'été.
Or, si la suppression de l'heure d'été devait avoir le moindre
effet positif sur l'amélioration de l'environnement, il serait malvenu
de l'ignorer, compte tenu de la sensibilité de l'opinion publique
à l'écologie et dans la continuité du souci qui a
inspiré l'examen, actuellement en cours, du projet de loi sur la
qualité de l'air
(21(
*
))
.
c) Des conséquences faussement favorables : certains secteurs non déterminants
Certains des secteurs économiques
répertoriés par la Commission comme favorisés par
l'horaire d'été appellent des appréciations plus neutres :
·
La sécurité routière
:
l'amélioration de la sécurité sur les routes n'est pas
démontrée car les études laissent entendre que les
accidents évités le soir grâce à l'heure de
clarté supplémentaire seraient compensés par ceux qui se
produisent le matin du fait de l'heure d'obscurité supplémentaire
et de la présence éventuelle de verglas.
·
Les activités culturelles
: si la visite des monuments
serait facilitée par l'heure d'été, la
fréquentation des théâtres, cinémas ou
bibliothèques serait moins importante à cette période,
bien qu'on ne puisse exclure que ces " glissements de
consommation "
soient tout simplement inhérents au mode de vie estival.
·
Les activités touristiques
: si les visites touristiques
et la fréquentation des plages sont encouragées par l'heure de
clarté supplémentaire induite par l'heure d'été,
certaines activités nocturnes sont, en revanche,
pénalisées (feux d'artifice, son et lumière...). En outre,
les activités de l'hôtellerie et de la restauration sont
confrontées à des difficultés de gestion de leurs
personnels pour assurer l'accueil d'une clientèle plus tardive.
Le cumul des inconvénients dus aux changements
horaires et au décalage solaire milite pour une modification du
dispositif actuel d'heure d'été et l'hostilité de
l'opinion publique française à sa poursuite, telle qu'elle
ressort des sondages
(22(
*
))
, incline
à pencher en faveur de son abandon pour l'avenir.
Cette conclusion, logique, se heurte toutefois à des difficultés
d'ordre juridique et technique, mais aussi diplomatique. En effet, la France
s'est, par le passé, placée en position d'incitation pour la
généralisation de l'heure d'été ; elle se
trouve aujourd'hui être l'élément récalcitrant, qui
plus est l'année même où est enfin atteint l'objectif
d'harmonisation intégrale du calendrier des changements horaires. Un tel
revirement mérite d'être expliqué et justifié pour
convaincre les autres Etats membres du bien-fondé de la proposition
française.