Faut-il en finir avec l'heure d'été ?
Philippe FRANÇOIS
Délégation du Sénat pour l'Union européenne - Rapport No 13 - 1996 / 1997
Table des matières
-
INTRODUCTION
- I. L'INTERET ECONOMIQUE DU SYSTEME DE L'HEURE D'ETE RESTE A DEMONTRER
- II. COMMENT REMETTRE LES PENDULES A L'HEURE ?
- CONCLUSION
- EXAMEN DU RAPPORT
" La mesure du temps n'est pas chose arbitraire
et
conventionnelle. Elle répond, au contraire, à des besoins
précis et obéit à des règles séculaires
éminemment respectables. "
Ch. Lallemand
Revue scientifique - 13-20 mai 1915
INTRODUCTION
D'inspiration britannique, l'idée d'avancer l'heure
légale durant l'été a été instituée
une première fois en France en 1916, au prix de débats
passionnés entre les partisans
" du devoir impérieux de
ne négliger aucune source d'économie "
en temps de
guerre et les réfractaires à l'édiction
" d'une
mesure aussi grave qui jetterait un trouble général dans la vie
nationale... pour un bénéfice reposant sur des données
assez incertaines "
(1(
*
))
.
Disparu après la seconde guerre mondiale - pour rompre avec "l'heure de
Berlin " imposée pendant l'occupation allemande -, le principe
d'une heure légale variant au cours de l'année a
été réinstauré en France par le décret
n° 75-866 du 19 septembre 1975. Sa justification
économique reposait cette fois encore sur la recherche
d'économies d'énergie, imposées par le premier choc
pétrolier de 1973 : il fut d'ailleurs inspiré par
M. Jean Syrota, alors directeur de l'Agence française pour les
économies d'énergie.
Depuis lors, la modification, chaque semestre, de l'heure légale a
continué de s'appliquer, impliquant d'avancer l'heure de
soixante minutes au printemps, puis de revenir à l'heure initiale
six mois plus tard.
Au fil des ans, d'autres pays de l'Union européenne
(2(
*
))
avaient également adopté ce
principe : en 1980, une
première directive européenne
a commencé d'harmoniser les dates et heures de début et de fin de
la période d'été afin de faciliter l'activité dans
le domaine des transports et des communications particulièrement
sensible aux distorsions horaires entre les Etats.
La
deuxième directive
du Conseil, du 10 juin 1982, retenait une
date commune de début de période - le dernier dimanche de mars -
mais deux dates différentes de fin : pour l'Europe continentale, le
dernier dimanche de septembre, et pour le Royaume-Uni et l'Irlande, le
quatrième dimanche d'octobre. Cette situation dérogatoire a
perduré, dans les directives successives, jusqu'à fin 1995.
La
septième directive
94/21/CE du Parlement européen et du
Conseil du 30 mai 1994 concernant les dispositions relatives à
l'heure d'été
(3(
*
))
actuellement en
vigueur, s'applique à la période 1995-1997 en arguant de
l'importance "
pour le fonctionnement du marché
intérieur, de fixer une date et une heure communes pour le début
et la fin de la période de l'heure d'été valables dans
l'espace communautaire
".
Pour la première fois, elle
harmonise intégralement, à compter de 1996, les dates des
modifications horaires sur l'ensemble du territoire de l'Union
en optant
pour le choix britannique des derniers dimanches de mars et d'octobre.
Le projet de
huitième directive
, dont l'examen est en cours,
propose le maintien du même système pour les années
1998-2001 et fixe les dates de changement horaire qui seront applicables dans
tous les Etats membres durant cette période.
Ce moment transitoire entre deux directives semble bien choisi pour se poser la
question de l'opportunité de prolonger, dans l'avenir, l'organisation
actuelle du changement d'heure légale.
Depuis plusieurs années, en effet, de plus en plus de voix
s'élèvent, dans l'opinion publique, contre ce dispositif.
Plusieurs pays ont abandonné le système de l'heure
d'été après l'avoir pratiqué (la Chine, le Maroc,
l'Islande, le Queensland en Australie...). Au Parlement, deux rapports
(4(
*
))
ont estimé que le débat méritait
d'être ouvert. Plus récemment encore, M. Alain Juppé,
(5(
*
))
Premier ministre, s'est déclaré
hostile au changement d'heure qui venait d'être effectué.
Sur la base de ces déclarations, le Sénat a souhaité
pouvoir être saisi, sur le fondement de l'article 88-4 de la
Constitution, du projet de huitième directive portant sur l'heure
d'été présenté peu après. Certes, ce texte
avait été considéré par le Conseil d'Etat comme de
nature réglementaire -ce qui n'est pas contestable sur un strict plan
juridique-, mais il est toujours loisible au Gouvernement de soumettre un texte
aux Assemblées dès lors qu'il comporte une importance politique
réelle.
Le Gouvernement avait ainsi usé de cette faculté à deux
reprises, à la demande du Président de l'Assemblée
nationale, d'abord en avril 1995 pour la proposition de réglement
portant réforme de l'organisation commune du marché
viti-vinicole, puis plus récemment, en mars 1996, pour la proposition de
réglement portant organisation commune des marchés dans le
secteur des fruits et légumes.
En dépit de l'importance du sujet de l'heure légale et de
l'intérêt qu'il suscite dans l'opinion publique, le Gouvernement
n'a pas jugé bon de satisfaire à la requête du
Président du Sénat. Ne sera donc pas soumis aux Assemblées
le projet de huitième directive concernant les dispositions relatives
à l'heure d'été, sur le motif que "
cette
matière, quelle que soit son importance politique, ne relève pas
du domaine législatif mais rentre dans le champ réglementaire si
bien que le Gouvernement ne ... paraît pas pouvoir constitutionnellement
transmettre au Parlement... une telle proposition d'acte communautaire (6(
*
))
".
La délégation du Sénat pour l'Union européenne ne
dispose donc, pour traiter de cette question controversée, que de la
possibilité d'en étudier les différents aspects par la
voie d'un rapport d'information dont elle souhaite qu'il puisse inspirer la
position de la France -et convaincre ses partenaires- lors de la réunion
du Conseil des ministres des transports consacré prochainement à
l'examen de la huitième directive sur l'heure d'été.
Elle se félicite, toutefois, que le Gouvernement ait par la suite voulu
associer le Parlement à la réflexion conduite en la
matière en confiant à M. François-Michel Gonnot,
Président de la Commission de Production et des Echanges de
l'Assemblée nationale, une mission d'étude et de proposition sur
ce thème. Sa mission est toutefois très encadrée puisque
le principe de la suppression du changement d'heure y est
considéré comme acquis, le débat portant uniquement sur le
choix de l'heure unique à retenir et les modalités de mise en
oeuvre du nouveau dispositif.
Il est heureux que le Parlement - qui n'avait pas été
associé à la décision initiale de 1976 - puisse contribuer
à l'évolution de ce dossier horaire, d'une manière que
l'on espère efficace si l'on rappelle que le rapport de Mme
Ségolène Royal, rendu public en mars 1990, est resté sans
effet et que la proposition de loi votée au Sénat la même
année n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour de
l'Assemblée nationale depuis lors.
I. L'INTERET ECONOMIQUE DU SYSTEME DE L'HEURE D'ETE RESTE A DEMONTRER
Lors de l'adoption de la septième directive, plusieurs
voix s'étant élevées pour contester le bien-fondé
du principe de changement horaire, la Commission s'était engagée
devant le Parlement européen et le Conseil à présenter un
rapport rendant compte de l'état de la question. Deux autres
études avaient déjà été conduites en
décembre 1989 et février 1991 par la Commission, dont les
conclusions restaient réservées quant à
l'efficacité économique du changement d'heure en
été
(7(
*
))
.
Publié le 25 avril 1996, ce nouveau rapport s'est fondé, d'une
part, sur les conclusions d'une étude réalisée en 1995 par
un cabinet de consultants britannique
(8(
*
)),
d'autre
part, sur les contributions des différents secteurs économiques
les plus concernés par l'heure d'été ainsi que des
associations favorables ou hostiles à celle-ci.
Cette évaluation s'est attachée à apprécier les
effets de l'heure d'été et du changement horaire semestriel sur :
- la consommation d'énergie
- la santé publique
- les conditions de travail et les modes de vie
- l'agriculture
- la protection de l'environnement
- la sécurité routière
- les industries du tourisme et des loisirs.
Curieusement, cette étude récente opère un revirement
d'appréciation, notamment en matière d'économies
d'énergie et présente une estimation favorable à
l'intérêt de la poursuite du dispositif actuel.
La conclusion retenue par la Commission est que
" les secteurs
consultés s'accordent unanimement sur la nécessité de
poursuivre l'harmonisation complète et de continuer l'application du
calendrier de la période de l'heure d'été ".
Ce
faisant, elle ne répond pas directement à la question de
l'opportunité même d'une heure variable au cours de
l'année, en se bornant à retenir la nécessité d'une
harmonisation des périodes d'heure d'été.
Or, à l'évidence, aucun agent économique ne peut souhaiter
le retour à un calendrier anarchique des dates de changement horaire par
les Etats membres favorables à la poursuite de ce dispositif. En
revanche, on peut légitimement s'interroger sur l'intérêt
même d'élaborer un calendrier commun dès lors que l'analyse
sectorielle des effets de l'heure d'été montre que ces avantages
sont discutables et ses inconvénients certains.
A. DES AVANTAGES CONTESTABLES
1. L'économie d'énergie : mythe ou réalité ?
a) Les chiffres annoncés
Institué à une époque traumatisée
par l'augmentation du prix du pétrole, le système du changement
d'heure l'été avait pour justification d'économiser les
dépenses d'éclairage en profitant de soixante minutes
supplémentaires de jour le soir.
Selon les statistiques avancées dès l'origine par EDF, l'heure
d'été permettait d'économiser chaque année un
milliard de kilowatts-heure, soit environ 250 000 à
300 000 tonnes d'équivalent pétrole (TEP), chiffres
confirmés en 1991.
En mars 1996, le ministère de l'industrie a demandé
l'actualisation de l'étude menée en 1991 sur les économies
d'électricité découlant du changement d'heure
légale.
Il résulte de cette réflexion commune entre le ministère
de l'industrie, EDF et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie (ADEME) que
l'économie de consommation
électrique est estimée à 1,2 milliard de
kilowatts-heure
(9(
*
)),
soit la consommation
annuelle d'une ville comme Bordeaux,
stricto sensu.
La provenance de cette consommation - qui équivaut à 267.000 TEP,
bien qu'une telle comparaison ne soit plus d'actualité aujourd'hui - est
à répartir entre le charbon (75 %), le fuel (20 %) et le
nucléaire (5 %).
L'avantage attendu de la prolongation de la période d'heure
d'été de septembre à octobre 1996 porte sur une majoration
de 10 % des économies.
La méthode de calcul retenue pour cette mesure n'a pas fait l'objet de
modification par rapport aux années précédentes
considérant qu'
" il semble difficile d'affiner davantage la
méthodologie d'estimation des gains d'électricité retenue
en 1991 ".
Elle s'appuie sur la comparaison de courbes de
consommation
journalières de la semaine qui précède et de celle qui
suit les dates de changement d'heure, rapportée aux gains journaliers
constatés en 1976 lors de l'instauration du dispositif.
b) La réalité des chiffres
Cette observation chiffrée appelle trois remarques : la
première est qu'aujourd'hui, la fourniture d'électricité
est en grande majorité -75 % environ- d'origine nucléaire, donc
non soumise à fluctuation de cours ou dépendante de fournisseurs
étrangers, et non stockable. La question de la dépendance
énergétique de la France n'est donc plus en cause.
La deuxième est que 1,2 milliard de kilowatts-heure ne représente
qu'une fraction minime de la consommation française, de l'ordre de 0,5
%, à relativiser encore compte tenu de la méthode d'estimation
utilisée par EDF, qui ne peut être d'une fiabilité absolue.
La troisième, enfin, est que ces économies pourraient être
illusoires car l'heure d'éclairage artificiel gagnée le soir
serait largement compensée par les dépenses
énergétiques
(10(
*
))
supplémentaires induites le matin, en avril et septembre, pour
l'éclairage et le chauffage, et plus encore, probablement, à
partir de 1996, avec l'allongement de la période d'été
jusqu'à la fin du mois d'octobre. De plus, la promotion de la nouvelle
technologie des lampes fluorescentes à basse consommation
d'électricité, en remplacement des actuelles ampoules à
incandescence, réduirait encore l'écart de consommation. Si le
rapport d'étude de la Commission conclut, à l'inverse, que les
économies l'emporteraient sur les dépenses supplémentaires
induites, elle n'avance aucune estimation chiffrée à l'appui de
cette thèse :
" étant donné ces influences
compensatoires, il est possible de conclure que l'heure d'été
apporte un certain bénéfice par rapport au bilan total de la
consommation d'énergie ".
L'argument avancé par l'Agence de l'environnement et de la
maîtrise de l'énergie (ADEME) selon lequel le renoncement à
l'heure d'été afficherait un désintérêt
national pour l'économie d'énergie ne paraît pas d'un
caractère totalement convaincant si l'on observe que les autres mesures
arrêtées à la même époque que l'heure
d'été ont, depuis, été abandonnées sans
qu'on y voit cet aspect " psychologiquement néfaste "
(extinction des vitrines la nuit, maintien de la température
intérieure à 19°...).
2. L'encouragement à la pratique de loisirs d'extérieur
Le second avantage fréquemment avancé à
l'appui de l'heure d'été a été trouvé dans
l'allongement des journées permettant les activités de plein air
en fin de soirée à la lumière solaire.
Il est exact que l'arrivée brutale de l'été, dès le
mois d'avril, a suscité d'emblée la satisfaction de ceux
(11(
*
))
qui pouvaient effectivement profiter d'une
heure de clarté supplémentaire le soir. On peut leur faire
valoir, à l'inverse,
" la poésie des jours qui
s'allongent en douceur jusqu'à l'été, rompue
brusquement "
(11(
*
))
, ainsi que la
symétrique brutalité de l'arrivée de l'hiver lors du
changement de septembre.
En outre, cet avantage n'est peut-être qu'apparent.
a) L'allongement des journées s'effectue au détriment du temps de sommeil
Par définition, l'heure gagnée le soir, pour profiter de la clarté supplémentaire, entraîne un coucher plus tardif et s'impute donc sur le temps consacré au sommeil durant toute la période d'heure d'été. Le monde médical y voit une source supplémentaire de fatigue, au moment du printemps. Aussi, le bilan globalement positif, en termes de santé publique, dressé par la Commission en 1996 est-il sujet à caution lorsqu'il établit que " les soirées plus claires favorisent la pratique d'activités physiques et sportives qui sont bénéfiques pour la santé quelle que soit la tranche d'âge de la population ". Plus encore lorsqu'il propose une estimation chiffrée des économies réalisées en dépenses de santé grâce aux accidents cardio-vasculaires ainsi évités.
b) L'horaire d'été n'est pas le facteur unique favorisant la pratique de loisirs d'extérieur
Le rapport de la Commission de 1996, établie
d'après l'étude britannique, fait état d'un accroissement
des pratiques sportives et des loisirs d'extérieurs grâce à
l'heure supplémentaire de clarté induite par l'heure
d'été. Si ce fait est avéré, il est étonnant
de constater que cette faculté de loisirs supplémentaires est
expliquée par le seul mécanisme horaire et ni par l'observation
des conditions climatiques estivales qui facilitent les loisirs
d'extérieur, ni par la coïncidence de la période des
congés d'été qui favorise les sorties nocturnes.
Enfin, du strict point de vue technique, l'augmentation des pratiques sportives
n'est réellement possible que si les structures d'accueil
- remontées mécaniques, stades, piscines... - proposent
des horaires d'été plus tardifs et non des horaires maintenus
à l'identique tout au long de l'année.
B. DES INCONVENIENTS MESURABLES
Le système actuellement appliqué en France
comporte deux inconvénients majeurs :
- en premier lieu, -et c'est aussi le cas pour tous les pays ayant
adopté ce dispositif- il implique une " chrono rupture "
(12(
*
))
, c'est-à-dire le fait que le
déroulement du temps soit perturbé deux fois par an ;
- en second lieu, la situation particulière de notre pays fait
qu'historiquement, le principe du changement d'heure a été
instauré à une époque où l'heure légale
française était déjà en avance de soixante minutes
sur l'heure solaire ou, plus exactement, sur l'heure fixée par le
méridien de Greenwich
(13(
*
)).
En effet,
après la seconde guerre mondiale, le décret du
14 août 1945 a fixé l'heure légale à GMT +
1 heure, solution de compromis entre l'heure allemande (GMT + 2 heures) et
l'heure de Greenwich, dans un souci d'unification horaire.
Il en est résulté qu'en période d'heure
d'été, la France se trouve en
décalage de deux heures
sur l'heure solaire
: elle est, avec l'Espagne et les Etats du
Bénélux
(14(
*
)),
soumise au plus grand
décalage avec le temps dont relève son fuseau horaire. En effet,
l'heure française actuelle est la même que celle en vigueur dans
les pays de l'Est de l'Europe, alors que sa position géographique
devrait impliquer l'heure en vigueur en Grande-Bretagne, en Irlande ou au
Portugal qui, récemment, a choisi de revenir à son " heure
naturelle " l'hiver.
Le décalage solaire est encore amplifié dans les régions
de l'ouest de la France où la position géographique par rapport
au soleil d'une ville comme Brest, par exemple, correspond à 17 minutes
d'avance sur l'heure de Paris.
Cette situation très particulière de double décalage
français, permanent et saisonnier, explique le peu
d'intérêt -ou la franche hostilité- de nos partenaires
européens à l'évocation de cette question horaire.
1. Les effets de la chrono-rupture
a) La perturbation des rythmes biologiques
En matière de santé publique, la critique
essentielle porte sur la modification brutale des rythmes biologiques
occasionnant des troubles du sommeil, de l'appétit, de la
capacité de travail, voire de l'humeur, lors des changements horaires et
notamment pour le passage à l'heure d'été où le
temps de sommeil est amputé d'une heure.
Dans son étude de février 1991, la Commission indiquait
déjà que certains inconvénients, passagers, avaient pu
être constatés pour les catégories les plus fragiles de la
population, notamment les personnes âgées, les malades et les
enfants. La même observation figure dans le récent rapport d'avril
1996.
Que ces effets soient qualifiés de transitoires et
considérés comme résorbés au bout d'une
période maximale de trois semaines -deux fois par an- ne doit pas
conduire à les minimiser. La longueur de la période d'adaptation
montre que le problème de l'heure d'été serait d'une autre
nature que celui du décalage horaire. Certaines études
scientifiques
(15(
*
))
ont établi,
en
effet, que dans le cas d'un déplacement transfuseaux, le rythme
biologique du voyageur se trouve certes en décalage avec l'heure locale,
mais l'activité extérieure étant décalée
dans les mêmes proportions, son adaptation est facilitée. Au
contraire, dans le cas du changement d'heure, le temps réel n'est pas
modifié et c'est l'individu qui doit décaler l'ensemble de son
activité par rapport au temps et à sa situation
géographique inchangés.
Si le monde médical reste très partagé
(16(
*
))
sur
l'existence de troubles imputables à
l'heure d'été, 19 % des médecins font état d'une
augmentation de la consommation de médicaments
(17(
*
))
, et singulièrement de tranquillisants, au
moment du changement d'heure, encore qu'aucune étude scientifique ne
puisse l'attribuer à ce seul facteur.
b) Les activités affectées par la chrono-rupture
La rupture du déroulement du temps, deux fois l'an,
implique de nombreuses servitudes parmi lesquelles l'obligation de
régler l'heure intégrée à des équipements de
plus en plus nombreux (horodateurs, installations informatiques,
matériels électroménagers et audiovisuels, systèmes
d'alarme...)
(18(
*
))
ou l'adaptation de
l'organisation des transports publics (en pratique, les trains arrivent une
heure en retard lors du passage à l'heure d'été et sont
mis à l'arrêt pendant une heure pour le retour à l'heure
d'hiver).
Outre ces contraintes de vie quotidienne qui affectent l'ensemble de la
population, l'effet de la chrono-rupture est ressenti par divers secteurs
professionnels directement concernés par la modification semestrielle de
l'heure légale.
En premier lieu, le secteur
agricole
proteste chaque année lors
des changements horaires, notamment dans le secteur de l'élevage et de
la production laitière, compte tenu des impératifs horaires des
soins à donner aux animaux et des baisses de rendement observées
au cours de la phase de transition.
Les mêmes problèmes d'adaptation sont observés dans les
hôpitaux, les crèches, les écoles et les centres de
séjour de personnes âgées
qui sont confrontés
à des difficultés vécues, même si elles sont
difficiles à démontrer.
2. Les conséquences du décalage sur l'heure solaire
Le décalage de l'heure légale sur l'heure
solaire comporte des répercussions mécaniques sur la vie
quotidienne, dont les conséquences sont plus ou moins bien vécues
suivant les individus.
Il en résulte une heure de lever plus matinale et une heure de coucher
retardée, du fait de la persistance de la chaleur et de la clarté
en fin de soirée dont l'effet est ressenti de manière variable et
subjective.
Toutefois, les récentes découvertes scientifiques sur la
mélatonine, hormone du sommeil, montrent que l'avancement de l'heure ne
serait pas parfaitement neutre : le retard apparent de la luminosité
entraverait la sécrétion naturelle de cette hormone produite par
le cerveau sous l'effet de l'obscurité.
Outre cet argument de santé publique, dont on peut contester qu'il ait
un effet identique sur l'ensemble de la population, le décalage horaire
n'est pas exempt de conséquences sur divers aspects de l'activité
humaine.
a) Des conséquences pénalisantes : les secteurs professionnels les plus exposés
Le secteur de la construction
L'activité du
secteur de la construction se trouve
conditionnée par l'heure solaire, les travaux s'effectuant de jour et
étant exposés aux conditions météorologiques.
L'avancée horaire d'été conduit les professionnels
à commencer les journées plus tôt, les achever tandis qu'il
fait encore plein jour et observer des pauses de mi-journée en
décalage avec le maximum de température solaire (une reprise de
travail à 14 heures correspond à midi au soleil, soit au plus
fort des chaleurs estivales).
Le secteur agricole
Le décalage de deux heures sur l'heure solaire affecte, à
nouveau, le monde rural, plus que les autres catégories
socio-professionnelles comme en témoignent les sondages d'opinion
particulièrement hostiles à l'instauration de l'heure
d'été dans cette tranche de la population.
L'avancée estivale de l'heure empêche le début des travaux
agricoles dès le matin, en raison de l'humidité des sols ; le
travail est effectué aux moments les plus chauds de la journée et
se prolonge jusqu'au coucher du soleil.
Le travail posté
La contrepartie des soirées plus longues et plus claires, qui tient
à l'heure plus matinale du réveil, affecte ceux qui commencent
leurs journées dès potron-minet. Outre les enfants des campagnes
astreints aux horaires des bus de ramassage scolaire, cette contrainte
pénalise les ouvriers en travail posté, organisés en
" trois-huit ", pour qui la journée commence en pleine nuit.
b) Des conséquences certainement défavorables : les atteintes à l'environnement
La pollution photo-oxydante
Depuis plusieurs années, la contribution de l'avancée horaire
à l'augmentation du niveau de pollution atmosphérique est
sérieusement évoquée : selon les écologistes, la
pointe de circulation coïncidant avec les heures les plus chaudes de la
journée augmente les concentrations d'ozone par phénomène
de photo-oxydation. En 1986, un rapport remis au Gouvernement sur le
dépérissement forestier et les pluies acides de M. Jean Valroff,
député, soulignait déjà la corrélation de ce
phénomène avec la généralisation de l'heure
d'été en Europe.
Dans son volet environnemental, le rapport de 1996 de la Commission
considère que la formation de l'ozone est déterminée par
plusieurs facteurs dont essentiellement les conditions
météorologiques et le caractère rural ou urbain de la zone
géographique concernée. En raison des complexités
chimiques du phénomène
(19(
*
)),
l'étude conclut hâtivement que le problème de
l'augmentation de la pollution de l'air tient essentiellement à l'impact
de la circulation automobile plutôt qu'à l'instauration d'un
horaire particulier.
Ce faisant, elle tient pour quantité négligeable les alertes
à l'ozone qui sont régulièrement émises dans les
grandes villes durant les mois les plus chauds et que des études
scientifiques expliquent par la décomposition
accélérée des polluants par le rayonnement solaire. Or,
dès lors que les déplacements automobiles de la mi-journée
ont lieu autour de quatorze heures (soit midi heure solaire), et, surtout, que
les migrations du soir se produisent à une heure où le
rayonnement solaire reste intense, il n'est pas illogique de supposer que le
décalage horaire contribue -même marginalement- à
l'empoisonnement des villes européennes.
D'après une étude conduite pour le compte de l'agence pour la
qualité de l'air en 1986,
" le passage de l'heure d'hiver
à l'heure d'été entraîne une augmentation de la
concentration maximale en ozone, en moyenne 10 %, et nettement plus pour
la ville de Paris. Pour le P.A.N. (nitrate de peroxyacétyle), les
accroissements sont plus élevés, voisins de 15 % "
(20(
*
)).
· L'impact des voitures sur l'environnement en période d'heure
d'été
Le changement horaire estival n'est pas neutre en la matière et se
rapporte, au minimum aux deux aspects suivants :
- d'abord, les matinées plus fraîches, du fait de l'avancement de
l'heure en été, ralentissent l'efficacité des pots
catalytiques induisant des émissions de polluants supplémentaires
;
- ensuite, l'heure de clarté supplémentaire du soir
entraîne une augmentation des déplacements automobiles de fin
d'après-midi destinés aux loisirs. Cette fois, c'est aux
conditions météorologiques plus ou moins favorables que le
rapport de la Commission impute l'augmentation de l'émission de gaz
polluants plutôt qu'à l'horaire d'été.
Or, si la suppression de l'heure d'été devait avoir le moindre
effet positif sur l'amélioration de l'environnement, il serait malvenu
de l'ignorer, compte tenu de la sensibilité de l'opinion publique
à l'écologie et dans la continuité du souci qui a
inspiré l'examen, actuellement en cours, du projet de loi sur la
qualité de l'air
(21(
*
))
.
c) Des conséquences faussement favorables : certains secteurs non déterminants
Certains des secteurs économiques
répertoriés par la Commission comme favorisés par
l'horaire d'été appellent des appréciations plus neutres :
·
La sécurité routière
:
l'amélioration de la sécurité sur les routes n'est pas
démontrée car les études laissent entendre que les
accidents évités le soir grâce à l'heure de
clarté supplémentaire seraient compensés par ceux qui se
produisent le matin du fait de l'heure d'obscurité supplémentaire
et de la présence éventuelle de verglas.
·
Les activités culturelles
: si la visite des monuments
serait facilitée par l'heure d'été, la
fréquentation des théâtres, cinémas ou
bibliothèques serait moins importante à cette période,
bien qu'on ne puisse exclure que ces " glissements de
consommation "
soient tout simplement inhérents au mode de vie estival.
·
Les activités touristiques
: si les visites touristiques
et la fréquentation des plages sont encouragées par l'heure de
clarté supplémentaire induite par l'heure d'été,
certaines activités nocturnes sont, en revanche,
pénalisées (feux d'artifice, son et lumière...). En outre,
les activités de l'hôtellerie et de la restauration sont
confrontées à des difficultés de gestion de leurs
personnels pour assurer l'accueil d'une clientèle plus tardive.
Le cumul des inconvénients dus aux changements
horaires et au décalage solaire milite pour une modification du
dispositif actuel d'heure d'été et l'hostilité de
l'opinion publique française à sa poursuite, telle qu'elle
ressort des sondages
(22(
*
))
, incline à
pencher en faveur de son abandon pour l'avenir.
Cette conclusion, logique, se heurte toutefois à des difficultés
d'ordre juridique et technique, mais aussi diplomatique. En effet, la France
s'est, par le passé, placée en position d'incitation pour la
généralisation de l'heure d'été ; elle se
trouve aujourd'hui être l'élément récalcitrant, qui
plus est l'année même où est enfin atteint l'objectif
d'harmonisation intégrale du calendrier des changements horaires. Un tel
revirement mérite d'être expliqué et justifié pour
convaincre les autres Etats membres du bien-fondé de la proposition
française.
II. COMMENT REMETTRE LES PENDULES A L'HEURE ?
A. SUPPRIMER LE PRINCIPE DU CHANGEMENT : L'HEURE DU CHOIX
1. Est-il possible à un Etat membre de revenir sur le changement horaire ?
Le texte de la huitième directive, comme celui des
directives précédentes, a pour objectif d'harmoniser les dates
auxquelles les Etats membres passent de l'heure d'hiver à l'heure
d'été et inversement. Il n'oblige aucunement à appliquer
le principe même du changement horaire, l'action de la Communauté
ne s'avérant nécessaire que si les différents Etats
membres adoptent ce dispositif horaire.
Une saine application du principe de subsidiarité conduit, en effet,
à confier à l'Union le soin d'harmoniser le calendrier des
changements horaires, mais doit laisser à chaque Etat la décision
d'appliquer ou non le principe de l'heure d'été.
Cette analyse ressort clairement de la réponse à une question
écrite
(23(
*
))
posée par un
parlementaire européen sur l'heure d'été, par laquelle la
Commission rappelait "
que l'application ou non du régime
d'heure d'été relève de la seule compétence des
Etats membres. La réglementation communautaire en matière d'heure
d'été a pour seul objet d'harmoniser les dates de début et
de fin de la période de l'heure d'été
".
Dans le même sens, le projet de rapport de la commission des Transports
et du Tourisme du Parlement européen relatif à la sixième
directive
(24(
*
))
exposait également que
" le fait d'avoir ou non une heure d'été est une
décision qui appartient à chaque Etat membre. Le rôle de la
Commission (et celui de la Communauté) consistait seulement à
essayer d'harmoniser la période adéquate et d'éviter toute
rupture perturbant le marché intérieur ".
La faculté d'abandonner le mécanisme de changement d'heure est
à l'évidence du ressort de chaque Etat membre en vertu du
principe de subsidiarité. Il revient toutefois aux Etats qui souhaitent
revenir sur le système actuel de le faire savoir à leurs
partenaires au moment de la négociation de la directive d'harmonisation
des calendriers afin que ceux-ci puissent en tenir pleinement compte.
2. Quand peut-on abandonner le système d'heure d'été ?
La septième directive, qui fixe les dates de
changements horaires est applicable jusqu'à fin 1997. Si la France
devait renoncer au dispositif d'heure d'été avant cette
échéance, une telle attitude ne pourrait que surprendre nos
partenaires au sein de l'Union -outre qu'elle poserait de redoutables
difficultés techniques aux opérateurs économiques
concernés- dans la mesure où la France n'avait aucunement
laissé entendre sa volonté d'abandonner ce mécanisme lors
de la négociation et de l'adoption de cette directive.
Dejà, en 1990, le Sénat avait eu conscience de ce problème
et avait accepté la poursuite du système de l'heure
d'été mais en proposant le rattachement de la France à
" son fuseau horaire naturel ", c'est-à-dire avec une heure
de
moins qu'aujourd'hui sur l'ensemble de l'année pour limiter l'amplitude
du décalage de l'heure légale sur l'heure solaire.
Cette proposition de loi avait en outre le mérite de n'impliquer qu'une
décision nationale puisqu'en tout état de cause, -les textes
européens le confirment-, chaque pays est libre de déterminer le
fuseau horaire auquel il souhaite être rattaché. C'est ainsi que
le Portugal a procédé, en adoptant en février 1996, un
autre fuseau horaire -décision qui s'est traduite, en pratique, par le
maintien de l'heure d'hiver lors du changement de mars 1996, soit l'effet exact
qu'aurait produit l'abandon de l'heure d'été pour cette
échéance.
Dès lors qu'une nouvelle directive doit être adoptée pour
la période 1998-2001, la France doit faire connaître au plus vite
sa volonté de ne plus appliquer de changement d'heure et préciser
l'heure unique qu'elle souhaite adopter dans l'avenir.
B. OPTER POUR UN FUSEAU HORAIRE : LE CHOIX DE L'HEURE
Une fois acquis le principe de la suppression du changement
semestriel de l'heure légale, se posera la question du choix de l'heure
unique que la France pourrait retenir.
Deux possibilités peuvent être envisagées
(25(
*
))
:
- le maintien de l'heure d'été toute l'année (GMT+2)
- le maintien de l'heure d'hiver toute l'année (GMT+1)
1. Conserver l'heure d'été pendant l'hiver
Cette éventualité, sérieusement envisagée, paraît présenter de graves inconvénients. Certes, elle supprime le problème de la chrono-rupture, mais elle accroît encore celui du décalage sur l'heure solaire qui serait désormais de deux heures en permanence.
a) Des difficultés accrues
Le choix de l'heure d'été permanente laisserait
persister les difficultés liées au décalage des
activités par rapport à l'heure solaire, aux atteintes à
l'environnement en période estivale tout en y ajoutant celles
spécifiques à la période hivernale.
En effet, l'avance de deux heures sur le soleil durant la période
où les jours sont les plus courts aura pour conséquence que le
lever du jour ne se produira qu'entre neuf et dix heures, heure légale,
soit bien après le commencement des activités, notamment celui
des horaires scolaires.
En outre, l'économie d'énergie supposée sur l'ensemble de
l'année, estimée à 1,5 milliard de kilowatts-heure
(26(
*
)),
se trouvera plus que compensée par
les dépenses d'éclairage et de chauffage induites par les
matinées d'hiver.
b) La perturbation de l'heure européenne
Le choix français pour GMT+2 introduirait une grave perturbation dans l'horaire européen pendant la période d'heure d'hiver. Les tableaux suivants retracent d'une part, le décalage de l'heure légale sur l'heure solaire, d'autre part, l'heure qui serait relevée simultanément dans les différents Etats membres au passage du soleil sur le méridien de Greenwich :
Heures européennes d'hiver
|
|
Heure légale à midi heure solaire |
Heure légale, à midi sur le méridien de Greenwich |
Grande-Bretagne - Irlande - Portugal |
GMT |
12 H |
12 H |
Espagne |
GMT + 1 |
13 H |
13 H |
France |
GMT + 2 |
14 H |
14 H |
Allemagne |
GMT |
12 H |
13 H |
Grèce |
GMT |
12 H |
14 H |
Heures européennes d'été
(sans changement par rapport à la situation actuelle)
|
|
Heure légale à midi heure solaire |
Heure légale, à midi sur le méridien de Greenwich |
Grande-Bretagne - Irlande - Portugal |
GMT + 1 |
13 H |
13 H |
Espagne |
GMT + 2 |
14 H |
14 H |
France |
GMT + 2 |
14 H |
14 H |
Allemagne |
GMT + 1 |
13 H |
14 H |
Grèce |
GMT + 1 |
13 H |
15 H |
Il résulterait de cette hypothèse une logique horaire absurde durant l'hiver, la France affichant l'heure légale de la Grèce, deux heures de plus qu'en Angleterre et une heure de plus qu'en Allemagne pourtant située plus à l'Est. Cette situation constituerait une réelle difficulté pour l'organisation des transports et communications inter-européens et son caractère perturbant pourrait avoir pour conséquence d'obliger les autres Etats membres à modifier à leur tour leur propre système horaire pour maintenir une cohérence convenable.
2. Conserver l'heure d'hiver pendant l'été
Le maintien de l'heure d'hiver durant toute l'année -
ce qui ne serait jamais qu'un retour à la situation connue par la France
de 1945 à 1976 - constitue la solution la plus adéquate à
promouvoir.
Cette hypothèse limite à une heure le décalage sur l'heure
solaire et n'introduit pas de perturbations dans l'heure européenne.
Bien au contraire, elle libère la France de l'obligation de changement
sans contraindre les autres Etats membres désireux de poursuivre le
dispositif d'heure d'été à l'abandonner.
En effet, il résulterait de ce choix que la France aurait en hiver
l'heure de l'Allemagne et en été celle de l'Angleterre : sa
situation géographique la prédispose d'ailleurs à jouer ce
rôle de compromis entre les différents Etats européens,
ainsi qu'il ressort du tableau suivant :
|
heure d'hiver ---------------------- heure d'été |
Heure légale à midi sur
le méridien de
Greenwich
------------------------------- en été |
Grande-Bretagne - Irlande - Portugal |
GMT ---------------------- GMT + 1 |
12 H ------------------------------- 13 H |
France |
GMT + 1 ---------------------- GMT + 1 |
13 H ------------------------------- 13 H |
Allemagne |
GMT ---------------------- GMT + 1 |
13 H ------------------------------- 14 H |
Grèce |
GMT ---------------------- GMT + 1 |
14 H ------------------------------- 15 H |
La mise en oeuvre de cette heure unique est aisée
puisqu'il suffirait de ne pas se soumettre à l'avancement estival de
mars 1998, le préavis étant suffisamment long pour que les
mesures d'adaptation soient arrêtées au niveau européen.
La seule conséquence de cette proposition serait d'inciter l'Espagne
à réintégrer l'heure de son fuseau horaire, à
l'image du Portugal voici quelques mois, pour ne pas se trouver en heure
avancée tant avec ce pays qu'avec la France.
Quelle que soit la solution retenue, on constate que perdure la coexistence de
trois heures différentes dans la Communauté, qui se justifie par
sa situation géographique étendue sur trois fuseaux horaires et
39 degrés de longitude de l'ouest de l'Irlande aux îles orientales
de la Grèce. L'utopie d'une heure unique dans toute l'Europe, outre son
intérêt symbolique qui reste à démontrer, ne
présente pas d'intérêt économique si l'on rappelle
que les Etats-Unis connaissent, d'Est en Ouest, quatre fuseaux horaires
différents sans que s'en trouve pénalisé leur
développement économique.
CONCLUSION
Il ressort de l'ensemble de cette étude que les
avantages annoncés ou attendus du changement semestriel de l'heure ne
sont pas suffisamment importants pour compenser les inconvénients
ressentis par les populations.
En conséquence, la logique conduit à souhaiter l'abandon de ce
dispositif artificiel et de revenir à un déroulement plus naturel
du temps.
Le choix de la Délégation pour l'Union européenne se
porterait sur le maintien de l'heure GMT + 1 durant toute l'année, qui
présente l'avantage d'être conciliable avec l'horaire global
européen et de limiter le décalage des activités sur
l'heure solaire.
Il autorise en outre chaque Etat membre à choisir, au sein de l'Union,
le dispositif horaire préféré sur le plan national en
n'occasionnant aucune modification perturbante : ce choix n'entraîne pas
la création d'un nouveau " fuseau horaire " pour la France
et
le fait de ne pas modifier l'heure française en été ne
constituera pas de difficulté supplémentaire dès lors que
le dispositif actuellement en vigueur oblige de toute façon à
modifier les horaires de transports et de communication dans toute l'Europe au
moment des changements d'heure.
Si le souci d'économiser l'énergie et le souhait de favoriser les
loisirs devaient être maintenus, une solution plus respectueuse des modes
de vie pourrait être trouvée dans l'instauration
d'horaires
d'été
, plus souples et mieux adaptés aux contraintes
locales que l'heure d'été actuelle. Cette idée,
déjà développée en 1915
(27(
*
))
, conduirait ainsi à
décaler les horaires
des écoles, des administrations ou des entreprises, en fonction de leurs
besoins, de leurs contraintes et de leur situation géographique par
rapport au soleil. Cette solution aurait pour avantage de cesser de manipuler
les données naturelles de la vie, dont on connaît désormais
l'importance et les conséquences qu'elles peuvent avoir en termes de
santé publique.
EXAMEN DU RAPPORT
L'examen du rapport a eu lieu, le 9 octobre 1996, en
présence de M. Charles de Cuttoli, convié à
prendre part à la discussion en sa qualité d'auteur d'une
proposition de loi, votée par le Sénat le 23 mai 1990,
" tendant à rétablir un régime horaire conforme aux
exigences de la situation géographique de notre pays ".
A l'issue de la présentation du rapport, M. Charles de Cuttoli a
rappelé que sa proposition de loi, prévoyant le retour à
l'heure solaire l'hiver, avait bien été adoptée par le
Sénat, mais n'avait jamais été discutée à
l'Assemblée nationale. Evoquant les déclarations du Premier
ministre à ce sujet, il s'est montré très inquiet devant
l'éventualité d'opter pour l'heure d'été permanente
qui aurait des conséquences plus graves encore que celles de la
situation actuelle, en plaçant la France toute l'année deux
heures en avance sur l'heure solaire. En conclusion, il s'est
déclaré en accord avec les propositions du rapporteur visant
à garder l'actuelle heure d'hiver pendant l'ensemble de l'année.
A M. Lucien Lanier qui souhait connaître les décalages horaires
qu'entraînerait le choix de l'heure GMT + 1 avec nos partenaires
européens, le rapporteur a répondu qu'il aboutirait à
donner à la France l'heure du Royaume-Uni pendant l'été et
l'heure de l'Allemagne pendant l'hiver.
M. James Bordas a confirmé l'hostilité constante qu'inspire aux
agriculteurs le principe du changement semestriel de l'heure.
M. Jacques Habert a déploré, toutefois, que le maintien de
l'heure d'hiver en permanence réduise la durée des longues
soirées d'été dont il appréciait l'agrément.
M. Christian de La Malène a déclaré qu'il convenait, en
application des conclusions du rapporteur, d'intégrer, dans la
huitième directive, la volonté française de renoncer
à l'heure d'été.
M. Pierre Lagourgue a précisé qu'en tant qu'élu de La
Réunion, il était favorable à l'heure d'été,
qui rapproche son département de la métropole durant la
période estivale, mais qu'il comprenait les désagréments
qui peuvent résulter de ce dispositif en France métropolitaine.
Le rapport a été adopté à l'unanimité avec
l'abstention de MM. Jacques Habert et Pierre Lagourgue.
(1) Proposition de loi de MM. Honnorat et Breton -
Débats du 18 avril 1916 - Chambre des députés.
(2) L'Irlande et le Royaume-Uni en 1916,
L'Italie en 1966, l'Allemagne et le Danemark en 1980.
Par ailleurs, la Suisse, qui avait rejeté le principe de l'heure
d'été par référendum, a été
amenée à l'adopter, en 1981, afin de ne pas constituer un
" îlot horaire isolé au sein de la Communauté
européenne ".
(3) JO n° L 164 du 30 juin 1994.
(4) Rapports de Mme Ségolène Royal, parlementaire en mission, 20
mars 1990, et de M. Philippe François, Sénat n° 256, 25
avril 1990, sur la proposition de loi, déposée par M. Charles de
Cuttoli, tendant à rétablir en France métropolitaine un
régime horaire conforme aux exigences de la situation
géographique de notre pays.
(5) Entretien à La Croix du 3 avril 1996 : " Il me semble que les
avantages de ce dispositif sont devenus bien inférieurs à ses
inconvénients. Si l'opinion est d'accord, ce pourrait être le
dernier changement de ce type ".
(6) Le Gouvernement n'avait pas fait montre d'un tel formalisme lors de
l'examen de la proposition de loi n° 310, 1988-1989 " tendant
à rétablir un régime horaire conforme aux exigences de la
situation géographique de notre pays " adoptée au
Sénat le 23 mai 1990 et pour laquelle l'exception
d'irrecevabilité tenant à l'éventuel caractère
réglementaire du texte n'avait pas été soulevée.
(7) En décembre 1989, la Commission remettait en cause la justification
officielle économique de l'heure d'été en soulignant que
les économies d'énergie réalisées par le
décalage horaire étaient " infimes " et qu'elles
n'étaient " même pas établies avec certitude ".
(8) ADAS, Consultant, Guildford, Royaume-Uni 1995.
(9) Dans le même temps, une note de l'ADEME du 10 avril 1996 retient une
estimation de 1,1 milliard de kilowatts-heure, soit 250.000 TEP
représentant un peu plus de 0,1 % de la consommation d'énergie
globale de la France et environ 4 % des consommations
d'électricité pour l'éclairage.
(10) et pas uniquement électriques.
(1) " En ville essentiellement, parmi ceux qui ne sont pas tenus de
se
lever au petit matin pour aller travailler, ceux qui n'ont pas d'enfants
à envoyer à l'école et ceux qui ont avalé toute
crue la fable des économies d'énergie " écrit Claude
Michelet " Vive l'heure d'hiver ". Renaudot 1989.
(11) Rapport de Mme Ségolène Royal sur le changement d'heure - 20
mars 1990 - p. 5.
(12) Le terme est emprunté au professeur Boris Sandler, pédiatre,
fondateur de l'ACHE, association contre l'heure d'été.
(13) Greenwich mean time, temps solaire moyen de Greenwich, G.M.T.
(14) Depuis la décision du Portugal du 22 février 1996 de changer
le fuseau horaire et donc de conserver le système de l'heure
d'été sur le modèle appliqué au Royaume-Uni (GMT
l'hiver ; GMT + 1 l'été). Toutefois, en Espagne, les
conséquences du double décalage sont compensées par une
modification des modes de vie : en pratique, l'activité
économique y est plus ou moins décalée d'une heure au
cours de la période de l'heure d'été.
(15) cf. notamment Thimothy H. Monk et Lynne C. Aplin - University of Sussex -
Brighton - 1980 : " Spring and automn daylight saving time changes :
studies of adjustement in sleep timings, mood and efficiency " - Revue
Ergonomics.
(16) A l'inverse, une étude du Pr Alain Reinberg, chronobiologiste,
conclut à l'inocuité de l'heure d'été
d'après l'analyse d'auto-observations effectuées par des
écoliers. L'académie nationale de médecine retient la
même conclusion dans un avis rendu en février 1990 (cité
dans le rapport de Mme Ségolène Royal - Annexe 6). Toutefois,
l'Association contre l'heure d'été conteste cet avis en ce qu'il
s'appuierait sur les travaux de MM. Gundel et Wegmann, docteurs allemands, qui
n'ont pas spécifiquement étudié le problème de
l'heure d'été.
(17) Sondage SOFRES - Janvier 1990.
(18) uniquement à Paris, 2.059 pendules et horloges doivent être
remises à l'heure deux fois par an. " Marathon-pendules à
Paris " Charles Vial - Le Monde - 26 mars 1988.
(19) " La concentration de l'ozone en un endroit et à un moment
donné dépend, entre autres facteurs, du transport horizontal et
vertical de l'ozone et des variations spatiales de l'intensité du
rayonnement solaire ainsi que de la force des processus de
décomposition.
De ce fait, la concentration varie notablement selon les endroits et les
heures ".
Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur
l'application de l'heure d'été dans l'Union européenne -
25 avril 1996 - p. 13.
(20) " Etude sur modèle de l'influence de l'heure
d'été sur la pollution photo-oxydante. " JC. Dechaux,
P. Coddeville et V. Zimmermann. Voir aussi " Daylight saving time
effect
on fuel consumption and atmospheric pollution " W. Hecq, Y. Borisov
et M.
Totte. Centre d'études économiques et sociales de
l'environnement. Bruxelles 1992.
(21) Projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie -
n° 435 (1995-1996))
(22) SOFRES - Janvier 1996 : 72% de la population n'est pas favorable au
maintien du système horaire actuel
(23) Question écrite E-268/94 - JOCE du 23 janvier 1995 - Réponse
de M. Oreja
(24) COM (91) 0253 final du 11 novembre 1991 - Rapporteur : M. Rui Amaral, p. 8.
(25) Il pourrait également être envisagé le retour à
l'heure solaire (GMT) mais cette dernière hypothèse semble
à exclure a priori car elle perturberait le déroulement du temps
européen d'Ouest en Est. Toutes choses égales par ailleurs, la
France se trouverait de ce fait avec une heure de moins en été
que le Royaume-Uni, situé plus à l'ouest, et deux heures de moins
qu'en Allemagne, pendant la même période.
(26) soit à peine plus que celle relative à la seule
période d'été (1,2 milliard de kilowatts-heure).
cf. supra p. 9
(27) cf. La revue scientifique - 13-20 mai 1915