B. DES INCONVENIENTS MESURABLES
Le système actuellement appliqué en France
comporte deux inconvénients majeurs :
- en premier lieu, -et c'est aussi le cas pour tous les pays ayant
adopté ce dispositif- il implique une " chrono rupture "
(12(
*
))
, c'est-à-dire le fait
que le déroulement du temps soit perturbé deux fois par an ;
- en second lieu, la situation particulière de notre pays fait
qu'historiquement, le principe du changement d'heure a été
instauré à une époque où l'heure légale
française était déjà en avance de soixante minutes
sur l'heure solaire ou, plus exactement, sur l'heure fixée par le
méridien de Greenwich
(13(
*
)).
En effet, après la seconde guerre mondiale, le décret du
14 août 1945 a fixé l'heure légale à GMT +
1 heure, solution de compromis entre l'heure allemande (GMT + 2 heures) et
l'heure de Greenwich, dans un souci d'unification horaire.
Il en est résulté qu'en période d'heure
d'été, la France se trouve en
décalage de deux heures
sur l'heure solaire
: elle est, avec l'Espagne et les Etats du
Bénélux
(14(
*
)),
soumise
au plus grand décalage avec le temps dont relève son fuseau
horaire. En effet, l'heure française actuelle est la même que
celle en vigueur dans les pays de l'Est de l'Europe, alors que sa position
géographique devrait impliquer l'heure en vigueur en Grande-Bretagne, en
Irlande ou au Portugal qui, récemment, a choisi de revenir à son
" heure naturelle " l'hiver.
Le décalage solaire est encore amplifié dans les régions
de l'ouest de la France où la position géographique par rapport
au soleil d'une ville comme Brest, par exemple, correspond à 17 minutes
d'avance sur l'heure de Paris.
Cette situation très particulière de double décalage
français, permanent et saisonnier, explique le peu
d'intérêt -ou la franche hostilité- de nos partenaires
européens à l'évocation de cette question horaire.
1. Les effets de la chrono-rupture
a) La perturbation des rythmes biologiques
En matière de santé publique, la critique
essentielle porte sur la modification brutale des rythmes biologiques
occasionnant des troubles du sommeil, de l'appétit, de la
capacité de travail, voire de l'humeur, lors des changements horaires et
notamment pour le passage à l'heure d'été où le
temps de sommeil est amputé d'une heure.
Dans son étude de février 1991, la Commission indiquait
déjà que certains inconvénients, passagers, avaient pu
être constatés pour les catégories les plus fragiles de la
population, notamment les personnes âgées, les malades et les
enfants. La même observation figure dans le récent rapport d'avril
1996.
Que ces effets soient qualifiés de transitoires et
considérés comme résorbés au bout d'une
période maximale de trois semaines -deux fois par an- ne doit pas
conduire à les minimiser. La longueur de la période d'adaptation
montre que le problème de l'heure d'été serait d'une autre
nature que celui du décalage horaire. Certaines études
scientifiques
(15(
*
))
ont
établi,
en effet, que dans le cas d'un déplacement
transfuseaux, le rythme biologique du voyageur se trouve certes en
décalage avec l'heure locale, mais l'activité extérieure
étant décalée dans les mêmes proportions, son
adaptation est facilitée. Au contraire, dans le cas du changement
d'heure, le temps réel n'est pas modifié et c'est l'individu qui
doit décaler l'ensemble de son activité par rapport au temps et
à sa situation géographique inchangés.
Si le monde médical reste très partagé
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))
sur l'existence de troubles imputables
à l'heure d'été, 19 % des médecins font état
d'une augmentation de la consommation de médicaments
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))
, et singulièrement de
tranquillisants, au moment du changement d'heure, encore qu'aucune étude
scientifique ne puisse l'attribuer à ce seul facteur.
b) Les activités affectées par la chrono-rupture
La rupture du déroulement du temps, deux fois l'an,
implique de nombreuses servitudes parmi lesquelles l'obligation de
régler l'heure intégrée à des équipements de
plus en plus nombreux (horodateurs, installations informatiques,
matériels électroménagers et audiovisuels, systèmes
d'alarme...)
(18(
*
))
ou
l'adaptation de l'organisation des transports publics (en pratique, les trains
arrivent une heure en retard lors du passage à l'heure
d'été et sont mis à l'arrêt pendant une heure pour
le retour à l'heure d'hiver).
Outre ces contraintes de vie quotidienne qui affectent l'ensemble de la
population, l'effet de la chrono-rupture est ressenti par divers secteurs
professionnels directement concernés par la modification semestrielle de
l'heure légale.
En premier lieu, le secteur
agricole
proteste chaque année lors
des changements horaires, notamment dans le secteur de l'élevage et de
la production laitière, compte tenu des impératifs horaires des
soins à donner aux animaux et des baisses de rendement observées
au cours de la phase de transition.
Les mêmes problèmes d'adaptation sont observés dans les
hôpitaux, les crèches, les écoles et les centres de
séjour de personnes âgées
qui sont confrontés
à des difficultés vécues, même si elles sont
difficiles à démontrer.