2.2 Le processus devrait désormais conjuguer l'innovation et le retour à un schéma plus conforme à la tradition du contrôle de la sûreté

Innovation et tradition... Ce n'est pas le dernier slogan électoral à la mode mais une double exigence qui m'apparaît particulièrement adaptée à l'avenir du processus engagé sur les déchets TFA. Tradition tout d'abord, non seulement dans l'organisation matérielle et juridique des développements prochains comme cela vient d'être vu, mais surtout dans le respect du principe fondamental tendant à assurer l'autonomie de décision de l'administration.

2.2.1 La DSIN devra préserver l'autonomie et l'indépendance de son jugement pour l'avenir

En effet c'est une des caractéristiques du processus engagé depuis bientôt deux ans que d'aller un peu à contrepied des habitudes administratives en matière de sûreté nucléaire (78 ( * )) . Alors que l'administration doit normalement réagir aux propositions des exploitants, évaluer la pertinence de leurs démonstrations de sûreté et les jauger au regard des objectifs généraux qu'elle s'est fixée, le processus actuel a montré plutôt des exploitants passifs attendant que l'administration définisse les règles du jeu, et répondant aux demandes formulées par celle-ci pour éclaircir des points particuliers.

C'est à cause de cette passivité, et il faut bien le reconnaître aux difficultés posées par le caractère flou de la réglementation actuelle, que la DSIN a été amenée à s'impliquer aussi activement dans un déblocage progressif de la situation. Au mois de juin dernier, lors d'un entretien, M. LACOSTE me disait que la DSIN pouvait être considérée comme un "catalyseur"... heureuse expression puisque le catalyseur est cette espèce chimique qui favorise une réaction sans intervenir dans le bilan final.

Où s'arrête le rôle de catalyseur et où commence celui de promoteur ? Il est difficile à l'oeil extérieur de le dire. Force est de constater que les représentants de la DSIN ont participé aux discussions relatives à des projets très concrets, comme l'avant-projet de stockage (au sein du sous-groupe de travail). Force est de constater aussi que au mois de juin dernier, M. LACOSTE me disait justement qu'il fallait éviter toute ambiguïté dans le rôle de la DSIN, que - selon ses termes mêmes - l'administration ne devait pas être un promoteur, qu'enfin les actions communes actuelles de la DSIN et de l'ANDRA ne devraient pas perdurer.

C'était justement toute la difficulté de l'exercice, qui consistait pour partie - et je suis conscient du paradoxe apparent de cette expression - à acquérir en quelque sorte un « retour d'expérience a priori » ...

Discuter pour mieux se comprendre est une chose, discuter pour mettre au point ensemble une solution en est une autre. Je ne crois pas que l'amalgame ait été fait et je m'en félicite. Il appartient au rapporteur de l'office parlementaire de veiller à ce que les risques de dérive restent limités et en tout état de cause ne se réalisent pas.

Au delà d'un éventuel problème de « positionnement » général vis-à-vis des exploitants pour le reste de son action, le risque serait également que la DSIN se retrouve en quelque sorte « piégée » dans l'appréciation des futurs dossiers TFA soumis à son examen par les positions qu'elle aurait été amenée à prendre dans la phase actuelle. Peut-on bien critiquer ce que l'on a contribué à mettre en place ?

Il me semble à cet égard que là encore les limites n'ont pas été franchies. J'en veux pour preuve divers éléments qui montrent que, de la part de la DSIN, la détermination dans l'affirmation des principes n'a pas empêché la retenue dans les prises de position concrètes :

- les membres du sous-groupe de travail « concepts de stockage » se sont séparés après la remise de leur rapport au groupe plénier, chacun repartant de son côté pour suivre sa propre logique ; cela n'empêche pas la poursuite de collaborations puisque par exemple l'ANDRA a contracté avec les producteurs de TFA au mois de septembre 1995 pour approfondir les travaux menés dans le cadre du sous-groupe ;

- le groupe plénier semble avoir modifié son mode de fonctionnement à partir du mois de juillet 1995, suite à la constatation que les langages parlés par les uns et les autres étaient désormais compatibles ;

- à la demande de la DSIN, l'IPSN a été associé relativement tard aux discussions, sans prendre parti sur les dossiers préliminaires présentés mais à titre d'information ; C. DEVILLERS, Directeur délégué à la gestion des déchets à l'IPSN, m'a indiqué que la seule intervention de l'IPSN avait consisté à demander une plus grande cohérence dans les approches retenues par l'ANDRA pour ses scénarios de sûreté entre ceux adoptés pour les déchets FA (faible activité, destinés au Centre de Stockage de l'Aube) et les déchets TFA.

De l'avis général, l'instant est donc venu où chacun doit repartir de son côté afin tout à la fois d'éviter le mélange des genres et de faire avancer les dossiers techniques. Retour donc à un schéma plus traditionnel où les exploitants mettent au point leurs projets de solutions et les soumettent à l'administration pour examen.

2.2.2 L'enjeu plutôt limité des déchets TFA devrait inciter à rechercher les moyens d'une plus grande participation des intervenants extérieurs

C'est plutôt du côté de l'implication du public (des publics ?) que l'on pourrait chercher à introduire plus d'innovation. L'occasion me paraît en effet inespérée de renouveler « à peu de frais » les modes de fonctionnement de certaines de nos procédures technico-administratives.

Les déchets TFA sont porteurs d'une dimension sociale forte, manifestée de façon éclatante par l'écho donné aux multiples affaires qui sont apparues ces dernières années. Elles ont été fortement ressenties par les citoyens puisque ces mêmes affaires montraient justement que Monsieur Tout le Monde pouvait être mis au contact de ce genre de matières. La problématique touchant à la remise dans le domaine public des déchets TFA accentue Cette dimension sociale. Parallèlement les déchets TFA ont objectivement un enjeu sanitaire relativement faible, au moins en comparaison avec la plupart des autres sujets dérivés de l'énergie nucléaire, certainement en comparaison avec les enjeux des déchets industriels spéciaux (79 ( * )) . De même l'enjeu proprement industriel est quasiment nul : j'entends par là que les crispations qui pourraient apparaître de la part des exploitants comme des opposants sur des objets de débats tels qu'une centrale nucléaire » SUPERPHENIX ou l'usine de La Hague n'ont pas lieu d'être ici.

Dès lors quel est le « risque » d'impliquer plus avant les représentants du public, y compris certaines associations ? Je sais bien que les seuls véritables représentants sont les élus du peuple, désignés par le suffrage universel, et que la loi fixe pour chacun d'eux le cadre de leur action, au niveau national ou au niveau local. Il n'empêche... l'expression directe des citoyens qui s'estiment les plus concernés par ces questions ne saurait être rejetée. M. SCHNEIDER, de l'agence de presse WISE-Paris, regrettait ainsi lors d'un entretien que nous avions en juin dernier, que l'on se trouve encore dans le schéma traditionnel où l'on dit : "on est en train de préparer quelque chose ; attendez, vous verrez plus tard..." Il reconnaissait certes que la politique d'ouverture vers le public annoncée par la DSIN est un bon principe mais demande beaucoup de travail en amont -. Or selon sa propre expression "c'est dès la définition des solutions qu'il faut un débat public, et non sur le résultat des tractations entre les exploitants et la DSIN ! ". Et M. SCHNEIDER de renchérir en remarquant que "l'important est déjà d' « ouvrir la boîte noire »" et en se félicitant à nouveau d'une initiative comme le colloque de Montauban (80 ( * )) .

Il est vrai que quelques amorces de débat ont pu avoir lieu. J'ai la faiblesse de penser que les auditions organisées en novembre 1991 par l'office parlementaire dans le cadre du rapport de J. Y. LE DEAUT peuvent y être rangées. De même il semble que les deux organisations généralement plutôt critiques au regard de l'information et de la politique nucléaires (GSIEN, CRII-RAD) se soient montrées satisfaites des discussions tenues en février 1995 lors des Entretiens de Ségur organisés par le ministre de l'Environnement d'alors, M. Michel BARNIER. Ces entretiens confirmaient officiellement le rejet par l'administration des tentatives visant à instaurer des seuils universels de décontrôle, rejet annoncé lors de l'audition organisée par l'office parlementaire le 17 novembre 1994 et consacrée au démantèlement des installations nucléaires. Enfin les Assises de La Baule (septembre 1995) ont confirmé les engagements de l'administration et ont permis de reprendre les éléments du dialogue.

Est-ce suffisant ? N'est-il pas besoin d'aller plus loin ? C'est pourtant bien ce que semblait demander M. SCHNEIDER... On objectera que le dialogue constructif n'est pas possible avec « certains » et que le seul résultat qui découlerait d'un renforcement de leur rôle serait de leur fournir de nouvelles armes pour la contestation du nucléaire. Là n'est pas la question. D'autant plus que la confrontation et la contestation ne sont pas le destin obligé des relations entre exploitants et associations. R. LALLEMENT, Directeur pour la Gestion des Déchets au CEA ne disait-il pas lors de l'audition du 16 novembre l995 à propos de ses relations avec la CRII-RAD : "sur le fond [...] quatre ans de dialogue font que nos positions sont très voisines " ?

Il serait temps de réaliser que l'implication des associations ne débouche pas nécessairement sur l'affrontement. Je me suis laissé dire par exemple que GREENPEACE Allemagne avait contribué à la mise au point et au lancement d'un « réfrigérateur vert » censé limiter certaines pollutions. Je me souviens que notre collègue M. DESTOT, à l'occasion de son rapport sur les déchets industriels en 1991, avait eu connaissance d'actions positives conduites par l'association « Robin des Bois » sur certains projets d'implantation d'usines de traitement et conditionnement de déchets. Je suis sûr que d'autres exemples pourraient venir à l'appui de ceux-ci.

Un contexte favorable est aujourd'hui en place. J'en veux pour preuve la teneur des entretiens que j'ai pu avoir avec Mme RIVASI à Valence lors de la mission que j'ai conduite en vallée du Rhône les 30 et 31 octobre dernier. Pour le résumer en peu de mots, je dirais que le message principal tenait en deux propositions :

- il est tout à fait possible de faire bouger les choses dans un sens positif ;

- pour cela il faut parvenir à des consensus... et c'est possible !

Mme RIVASI mettait ainsi en avant diverses actions de la CRII-RAD illustrant ce mouvement "dans un sens positif :

- actions menées au sein de l'Association pour la Qualité de l'Air ;

- collaborations entre la CRII-RAD et les exploitants de certaines décharges industrielles : demandes de conseils de la part des gestionnaires, accords pour des analyses (parfois inopinées) par des techniciens CRII-RAD, accords sur les protocoles d'échantillonnage...

- développement d'interventions « croisées » sur des sujets (et des sites !) ayant donné lieu à des controverses dans le passé : une convention de partenariat entre le CEA et l'association Essonne Nature Environnement à propos de la réhabilitation et du contrôle du site du Bouchet (Itteville) a été conclue en 1993 ; cette convention prévoyait l'organisation d'une campagne de mesures « indépendantes » (c'est-à-dire non effectuée par le CEA ou l'IPSN) ; la CRII-RAD a été choisie par l'association, en accord avec le CEA, pour réaliser cette campagne entre le 18 et le 25 septembre 1995, selon un protocole conforme aux dispositions de la convention et en accord avec la DRIRE locale ; je note en passant l'impact tout à fait positif de cette démarche, sensible dans les propos de Mme BLOND, maire-adjoint d'Itteville, tenus à FR3 Région le 19 septembre 1995 : "A partir du moment où les affaires sont devenues plus claires, où l'on a su de manière plus précise ce qui se passait, l'angoisse a un petit peu baissé".

C'est dans le domaine de la radioprotection que les évolutions du discours sont les plus manifestes. De mes « entretiens de Valence », je retire l'impression que la CRII-RAD ne semble pas souhaiter faire continuellement la guerre à l'OPRI mais au contraire sortir de la logique du « tout conflit ». Certes, elle veut que les autorités (en particulier sanitaires) soient plus transparentes, mais elle pense qu'elle pourrait aider l'OPRI à trouver ses marques dès lors qu'existent des passerelles. Il semble que le Bureau de radioprotection mis en place au Ministère de la Santé soit considéré comme l'une de ces passerelles. "L'OPRl doit être crédible" m'a déclaré Mme RIVASI... il y a là une évolution certaine par rapport au temps où il était dit simplement « le SCPRI n'est pas crédible ».

"Si la CRII-RAD est associée elle pourra savoir si les choses avancent et contribuer au mouvement. " Je ne peux qu'être d'accord avec cette perspective, qu'il me paraît justement intéressant d'élargir à d'autres acteurs. Encore faudra-t-il trouver un lieu de dialogue adéquat.

Est-ce l'enquête publique à la française ? J'avais fait part de quelques réflexion personnelles lors de mon rapport 1993, dans le chapitre consacré à SUPERPHENIX. Indépendamment des considérations développées dans ces pages, il me semble que l'enquête publique n'est pas le meilleur instrument pour le processus nouveau que j'appelle de mes voeux. Elle est relative à une installation déterminée, dans un cadre géographique déterminé : elle ne voit qu'une portion du circuit suivi par le déchet. Elle ne participe pas de l'élaboration globale d'une stratégie nationale socialement acceptable.

Les Commissions locales d'Information ont justement une vision plus globale. En ce sens elles restent, j'en suis toujours persuadé, un maillon essentiel du dispositif de participation publique aux processus de décision. Mais elles conservent un caractère local que la Conférence nationale des Présidents de CLI, réunie plus régulièrement aujourd'hui à l'initiative de la DSIN, ne saurait surmonter. Il n'empêche, en dehors de toute réunion formelle de la Conférence la consultation fréquente des CLI sur la question des déchets TFA pourrait assurer une bonne « remontée d'information » au niveau des acteurs investis de la charge de clarifier la politique des déchets TFA au niveau central.

La mise en place d'une telle politique, y compris dans la caractérisation de ses modalités techniques (définition des filières...) s'inscrit dans un cadre beaucoup plus vaste que le cadre local ou départemental. Il s'agit bien dans mon esprit d'associer le public (et au premier chef les associations) à un stade préalable aux choix géographiques, qui au demeurant devront être faits un jour où l'autre et nécessiteront assurément des enquêtes publiques locales. Je disais tout à l'heure qu'il fallait trouver un lieu de dialogue adéquat ; je devrais peut-être préciser et compléter en disant plutôt "un lieu de « dialogue pour l'action »".

C'est pourquoi je m'interroge toujours sur la signification qu'il convient d'accorder aux propos tenus par la DSIN dans l'article déjà cité de la revue Contrôle (81 ( * )) (à propos du contenu de la démarche adoptée par la DSIN, qui donc reposer notamment sur) : " la définition, approuvée par les pouvoirs publics, de filières adaptées pour chaque type de déchets radioactifs, s'appuyant sur des études d'impact et faisant l'objet d'une information ou d'une consultation du public (enquête publique) ; [...] ".

La teneur de ces propos suggère justement que la volonté de la DSIN est d'associer le public très en amont dans le processus de définition des filières. Je comprends à la lecture de ce passage que l'information et/ou la consultation du public doit concerner la filière elle-même (au sens générique) et non tel ou tel établissement ou installation particulier de cette filière. Au cas même où une filière ne nécessiterait qu'un établissement (stockage TFA par exemple ?) et où l'on pourrait envisager que l'enquête publique locale tienne lieu de consultation au sens où semble l'entendre la DSIN dans l'article précité, je crois que ce serait une erreur de se rattacher à cette interprétation par trop restrictive. C'est bien à une « consultation pour l'action » que semble appeler la DSIN.

Peut-on se contenter alors d'écouter les demandes-réclamations-objections-contre propositions-critiques-suggestions-etc. venant des représentants du public ? Certains événements comme les auditions de l'office parlementaire sont utiles pour faire progresser les conditions du dialogue et de la compréhension mutuelle. Il ne faut pas leur demander plus qu'ils ne peuvent donner. Je dois rappeler d'ailleurs que les auditions de l'Office sont destinées en priorité à la bonne information du rapporteur et du Parlement, en dehors de toute visée directement opérationnelle. Tant mieux si elles peuvent avoir des répercussions concrètes, mais ce n'est pas leur objet principal : je ne suis pas co-gérant du nucléaire.

Si j'en appelle à une plus grande participation publique à un stade si précoce, c'est bien parce que je souhaite que l'on évite le « syndrome des décharges de classe 1 » qui a frappé la gestion des déchets industriels. Une trop grande précision a priori dans la définition des options techniques peut réduire l'éventail des choix géographiques envisageables. Elle peut par là même provoquer chez les populations le sentiment d'être en quelque sorte pris en otage par la technique... et par ceux qui en ont décidé ainsi.

Il faudrait donc changer les habitudes et trouver à l'occasion du dossier « déchets TFA » des processus de décisions renouvelés dans leur objectif et leur agencement. Je suis bien conscient de certaines difficultés de l'exercice :

- j'ai du mal à « évacuer » encore aujourd'hui un paradoxe gênant : je réclame une instance de dialogue et d'action tout en demandant que la DSIN conserve l'autonomie de ses capacités d'appréciation et son indépendance de décision ; une question que je devrai « creuser » assurément si les choses suivent le cours que je souhaite...

- une crainte traditionnelle des associations est de se voir « récupérées » par le système ; j'ai en mémoire les courriers échangés sur la question délicate de l'expertise extérieure à propos du dossier SUPERPHENIX : les réticences manifestées alors pourraient tout à fait être opposées encore aujourd'hui ; je note cependant que le risque de « phagocytage » si souvent évoqué ne fonctionne pas toujours dans le même sens : j'ai cru comprendre par exemple que, aux États-Unis, le retour au pouvoir en 1992 de l'Administration démocrate avait amené de nombreux membres de la puissante association Natural Resources Defense Council à occuper des postes de responsabilité importants dans les départements du DoE...

- plus globalement il est clair qu'une telle démarche remettrait en cause de nombreuses certitudes administratives et dérangerait les habitudes, le train-train de la décision ; au demeurant les réticences des associations peuvent relever aussi de cette résistance au changement ; est-ce à dire pour autant que celui-ci est inutile ? impossible ? nuisible ? pourquoi ne pas jouer le jeu ?

Dans un article fort intéressant publié par O. BRIGAUD et C. DUVAL, alors élèves de l'École des Mines, dans Réalités industrielles (82 ( * ) ) , les deux auteurs s'interrogent après un an passé en entreprise : "La confrontation de nos expériences nous a mené à remettre en cause quelques idées reçues. Le changement est-il souhaitable ? Pourquoi est-il parfois décrié et appréhendé, parfois accueilli avec soulagement ? L'habitude est-elle un mal nécessaire ?" Les auteurs soulignent que l'habitude, généralement considérée comme un frein uniquement, est aussi garante d'une adaptation en continu (parfois réflexe) à des situations familières et répétitives pour lesquelles la réponse est quasi-automatique et des situations moins fréquentes ou inconnues pour lesquelles la réponse provient de l'extrapolation des situations familières. Pour sa part "le changement peut rencontrer des obstacles d'ordre culturel. Les comportements et les esprits sont souvent imprégnés de rites et de normes qui s'inscrivent dans le cadre d'une culture d'entreprise, de secteur d'activité voire d'une identité nationale. [...] Souvent on parle d' « inertie » face au changement. Il nous semble que cette apathie est une forme silencieuse de résistance au changement dont les causes réelles sont à trouver ailleurs et plus particulièrement parmi les résistances individuelles : peur de perdre un acquis, peur de ne pas savoir faire ou encore peur de nouveaux rapports hiérarchiques... Ce silence doit être percé pour pouvoir réussir le changement."

Il faut donc "savoir rendre le changement acceptable" et la participation des acteurs concernés semble une des clefs du succès. Au demeurant celui-ci n'est pas assuré pour autant : "même si la participation est souvent favorable à l'installation du changement, il peut arriver qu'on s'enlise dans des consultations sans fin. Tout l'art consistera à définir clairement ce que l'on veut et dans quel délai on le veut."

Placée sous le chapeau "Pratiquer le changement : une habitude excellente", la conclusion montre que la problématique dépasse largement le simple management de l'entreprise. "Le monde est dynamique. Les différentes expériences que nous avons pu vivre dans les entreprises nous ont sans cesse rappelé la valeur du savoir-faire, de la stabilité et de la régularité, mais aussi l'importance de la capacité à se remettre en question, à douter et à se projeter dans le futur."

"D'une problématique posée initialement en termes manichéens - le changement s'opposerait à l'habitude - il nous a semblé important de passer à une vision plus symbiotique : changement et habitude sont tous deux nécessaires de par leur complémentarité pour la survie de l'entreprise. L'entreprise se forge sa destinée en conciliant le double besoin d'évolution et de perpétuation. Mais comment garder son âme et son savoir, rester soi-même et ne pas perdre son identité, quand il faut aussi s'adapter et évoluer, toujours apprendre et se transformer afin de ne pas disparaître ? Ingénieur-citoyen, nous ne pouvons enfin que constater que ce dilemme s'applique également à notre société, vaste entreprise qui vit quotidiennement cet affrontement fécond de la tradition et de l'innovation."

L'un des auteurs de cet article est aujourd'hui chargé de mission sur les déchets TFA auprès de la l ère sous-direction de la DSIN. L'action après la réflexion... ne serait-ce pas un bon exercice pour nos jeunes polytechniciens ?

Nous sommes aujourd'hui dans une phase de profond ajustement : le cadre formel de la gestion des déchets TFA n'est pas encore bien déterminé, le cadre politique (au sens le plus large) gagnerait à s'élargir à de nouveaux acteurs, mais certains paramètres techniques importants sont désormais mieux cernés.

Au total, le contexte de mise en place de la gestion des déchets TFA reste souple tout en se précisant peu à peu. Est-ce à dire que des solutions définitives vont voir le jour bientôt ? Cela serait satisfaisant tant pour l'esprit (peut-on s'empêcher en France de rechercher des « belles solutions », bien solide et bien carrées ?) que pour la pratique quotidienne et la relation avec le public.

Cette vision de l'avenir me semble excessivement idyllique. Je crois plutôt qu'il faut se persuader que la politique des déchets TFA telle qu'elle est actuellement conçue restera longtemps imparfaite et devra s'affiner avec l'expérience.

* 78 Je suis tout à fait conscient bien sûr que cette politique globale des déchets TFA dépasse largement le cadre de la sûreté des installations : ne sont-ce pas justement les inquiétudes sanitaires qui ont amené le dossier sur le devant de la scène ?

* 79 Je renvoie ici au rapport de M DESTOI, Rapport sur les problèmes posés pur le traitement des déchets ménagers, industriels et hospitaliers. Tome I : Déchets industriels, o ffice parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, n° 2146 - ASSEMBLÉE NATIONALE n° 41 5 - SÉNAT, juin 1991.

* 80 Organisé du 21 au 23 janvier 1988 par le Conseil général du Tarn-et-Garonne, le Colloque de Montauban « Nucléaire, Santé - Sécurité » visait à "apporter la contribution [du département] à l'échange et à la confrontation des idées et des faits" (J M BAYLET, Président du Conseil général) Les actes du colloque (interventions et compte-rendus des débats) ont été publiés dans un recueil de plus de 500 pages.

* 81 Qui rappelons le n'est pas une revue du CEA (voir compte-rendu de l'audition du 16 novembre, p).

* 82 O. BRIGAUD, C. DUVAL, « Le changement s'oppose-t-il à l'habitude ? », in Annales des Mines. Réalités industrielles. avril 1994.

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