1.3 L'Académie des sciences a été confrontée à des problèmes similaires en proposant une limite vie entière de 1 Sv pour les travailleurs

Dans son rapport 1989 comme dans son rapport 1995 l'Académie des sciences propose de compléter la limite annuelle existante de 50 mSv par an pour les travailleurs par une limite de 1 Sv sur la vie professionnelle. Cette proposition est présentée avec une insistance plus évidente en 1995 puisque la dose vie de 1 Sv est appelée dans la recommandation n° 2 (p. 36) alors que les recommandations de 1989 disaient simplement que "l'introduction d'une dose limite pendant la carrière professionnelle mériterait d'être envisagée." La valeur de 1 Sv était à rechercher dans le corps principal du rapport.

En 1995, l'Académie des sciences propose ainsi un texte où, de façon tout à fait paradoxale, elle demande d'être à la fois plus sévère et moins sévère que la CIPR 60 !

1. L'Académie estime que la CIPR 60 est trop sévère et qu'il n'est pas nécessaire de réduire les limites actuelles, qui ont donné toute satisfaction. Je ne m'étendrai pas sur ce point, qui est au coeur de toute la démarche du rapport.

2. En revanche je ne comprends toujours pas quelles sont les raisons qui amènent l'Académie à introduire cette limite de 1 Sv vie entière. Il est regrettable que rien ne soit dit dans le rapport qui justifie les options retenues par l'Académie pour procéder à la gestion du risque radiologique et déterminer ainsi cette limite de dose. Aucune indication n'est donnée sur la méthode par laquelle l'Académie procède au passage du facteur de risque correct (par ailleurs non précisé) à la valeur choisie pour la limite de dose. L'explication avancée par le Pr. TUBIANA lors de l'audition du 23 novembre dernier ("on pouvait très légitimement dire que recevoir 50 mSv par an pendant 50 ans de travail conduit à une exposition totale de 2,5 Sv, ce qui est de toute évidence une dose proche des doses présentant des risques.") ne s'accorde pas avec la démarche généralement retenue lorsque les experts souhaitent déterminer une limite de dose.

Toujours est-il que, dans les faits, l'Académie des sciences propose exactement la même limite que la CIPR. Je rappelle que la conclusion à laquelle était arrivée la CIPR en 1990 était qu'il fallait limiter l'exposition sur la vie professionnelle à 1 Sv. L'Académie et la CIPR ne diffèrent que sur la déclinaison de cette valeur de 1 Sv :

- la CIPR a retenu une période de 5 ans, et demande donc de limiter l'acquisition de dose à 100 mSv en 5 ans, soit 20 mSv par an en moyenne ;

- l'Académie des sciences propose que la dose de 1 Sv soit "répartie de façon homogène dans le temps [...] ce qui implique des bilans périodiques tous les 10 ans pour vérifier que le rythme d'acquisition est conforme à cet objectif" ; l'Académie propose ainsi un objectif de 200 mSv environ en 10 ans, soit 20 mSv par an en moyenne.

L'Académie et la CIPR sont séparées seulement par la durée de la période sur laquelle il faut moyenner les doses reçues : 5 ans pour la CIPR, 10 ans pour l'Académie. On pourrait donc conclure - premier paradoxe par rapport au message voulu par l'Académie des sciences - que l'Académie et la CIPR sont en accord quasi parfait.

3. En fait il n'en est rien, et l'Académie des sciences estime - à son corps défendant - que la CIPR n'est pas suffisamment sévère .

Tout le discours de l'Académie consiste à démontrer que le risque causé par les rayonnements est plus faible que celui estimé par la CIPR : celle-ci aurait manifestement surévalué le risque, est-il affirmé plusieurs fois dans le rapport. Dans ces conditions, puisque le risque est numériquement plus faible, le même niveau de protection peut être assuré en fixant une limite plus haute que celle de la CIPR.

Or la limite proposée par l'Académie des sciences est identique à celle proposée par la CIPR. Cela veut donc dire que l'Académie souhaite assurer un niveau de protection supérieur à celui préconisé par la CIPR. En d'autres termes, pour l'Académie des sciences, la CIPR n'est pas suffisamment sévère dans sa gestion du risque radiologique.

Et pourtant elle dit par ailleurs que les limites proposées par la CIPR sont trop rigoureuses ! J'ai beau retourné le problème en tous sens, je ne vois pas d'issue à ce paradoxe apparent...

À trop manier le paradoxe on finit par perdre de vue l'essentiel. Or l'essentiel dans la CIPR 60 n'est pas - n'est plus - la détermination de limites de dose. Comme me l'a indiqué le Pr. CLARKE dans un courrier répondant à quelques questions, le principal apport de la CIPR 60 est qu'elle fait passer d'un simple système de limitation de dose à un véritable système de protection radiologique.

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