2. La PAC remise en cause ?
Les caractéristiques du secteur agricole des PAECO ont été mises en avant par les courants de pensée traditionnellement hostiles à la PAC (qui sont présents tant au sein de la Commission qu'au sein du Conseil) pour justifier l'idée que l'élargissement à l'Est devrait entraîner une réforme radicale de la PAC.
Les dimensions de ce secteur dans les pays candidats et ses orientations souvent similaires à celles de l'agriculture communautaire ont été présentées comme devant conduire, du fait de l'application des mécanismes de soutien prévus par la PAC, à une expansion rapide de la production des PAECO dans des domaines où l'écoulement de la production communautaire peut d'ores et déjà rencontrer des difficultés ; la croissance de la production totale et le coût de la gestion des excédents entraîneraient une dérive du budget communautaire et aboutiraient à des conséquences incompatibles avec les disciplines du commerce international ; pour prévenir de tels résultats, l'adhésion des PAECO devrait donc s'accompagner d'une réforme radicale. Les principes d'une telle réforme sont envisagés -pour être repoussés- dans le « document de stratégie agricole » déjà cité de la Commission européenne, où ils constituent « l'option 2 » :
- « pas de prix de soutien, ou des prix de soutien proches des niveaux du marché mondial ; compensation du revenu (entière ou partielle) par l'intermédiaire de paiements directs ; suppression des quotas et autres mesures de gestion de l'offre » ;
- « nouveau découplage des paiements compensatoires et réduction de ceux-ci au fil du temps » ;
- « aides directes au revenu (pouvant inclure les paiements compensatoires) et paiements rémunérant les services environnementaux sur une base nationale avec ou sans co-financement communautaire ».
Ce schéma, qui peut paraître intellectuellement séduisant, remettrait en cause des objectifs fondamentaux de la PAC : assurer la capacité de l'agriculture communautaire à répondre aux besoins des consommateurs européens, participer à l'expansion des marchés mondiaux. Comme le souligne la Commission européenne, son application entraînerait des « dommages sociaux et environnementaux » dont la compensation excéderait les possibilités budgétaires de la Communauté : « Par exemple le rapprochement des prix du lait et du sucre du niveau des prix mondiaux entraînerait des réductions draconiennes et nécessiterait quelque 10 à 15 milliards d'Écus de paiements directs en cas d'octroi d'une compensation entière. Des montants atteignant de tels ordres de grandeur exerceraient une lourde pression immédiate sur le budget et ne pourraient pas être financés dans le cadre de la ligne directrice » .
Avant tout, aussi bien les analyses de la Commission européenne que l'étude de l'OFCE suggèrent que l'élargissement de l'Union aux PAECO ne pas inéluctable une réforme radicale de la PAC : même si les prévisions dans ces domaines sont affectées de fortes incertitudes, il n'apparaît pas que l'élargissement doive nécessairement conduire à la formation d'excédents massifs, ni qu'il fasse peser la menace d'une dérive inacceptable des dépenses communautaires.