2. Un transfert de Strasbourg à Bruxelles ?
La construction de l'Espace Léopold à Bruxelles ne serait pas inquiétante - on fait abstraction ici, en premier lieu, de la procédure juridique et financière retenue pour mener à bien ce projet, et en second lieu, de son coût qui font l'objet d'un examen très approfondi de la commission de contrôle budgétaire du Parlement européen, mais aussi en troisième lieu du concept architectural retenu qui, sans grâce, a pour principal effet de défigurer un quartier naguère charmant de Bruxelles- si elle ne s'était pas accompagnée de nombreuses tentatives de transférer vers la capitale belge une partie des activités de l'Assemblée de Strasbourg.
a) La réduction envisagée du nombre de sessions tenues à Strasbourg
Comme on l'a vu, la décision d'Édimbourg fixe à douze le nombre de sessions à Strasbourg.
Cependant, le Parlement européen semble faire peu de cas de cette décision. En 1993, déjà, il n'a tenu que onze sessions à Strasbourg et trois à Bruxelles.
Le calendrier adopté pour 1994 est pire encore :
- 10 sessions à Strasbourg ;
- 4 sessions à Bruxelles.
Les parlementaires européens ont en effet choisi de supprimer la session de juin en raison des élections et la deuxième session (budgétaire) d'octobre comme en 1993. Notons en outre :
- que la session de mai, elle aussi, a failli être supprimée, ce qui aurait porté le nombre total de sessions à Strasbourg à neuf ;
- que le bureau élargi du Parlement européen avait initialement proposé cinq sessions à Bruxelles.
Notons encore que les documents du Parlement européen qualifient toutes les périodes de séances plénières du titre générique de "sessions" tandis que la décision du Conseil européen d'Édimbourg évoque, elle, des "sessions" à Strasbourg et des "sessions additionnelles" à Bruxelles.
Il convient ici de relever que la récente tenue de "mini-sessions" à Bruxelles a illustré combien cette formule peut être insatisfaisante non seulement au regard du droit mais encore du point de vue pratique. En effet, ces sessions bruxelloises, qui n'ont point mobilisé l'attention des médias essentiellement intéressés dans la capitale belge par le Conseil et la Commission, ont très largement désorganisé le programme de travail des parlementaires européens.
b) Les transferts d'activités et de services vers Bruxelles
Votre rapporteur l'a exposé précédemment, certains transferts de personnels ou de services entre Strasbourg, Luxembourg et Bruxelles peuvent être effectués, dans certaines limites et sous certaines conditions fixées par la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes.
Cependant, on doit constater que de tels transferts ne se font guère qu'au profit de Bruxelles. Déjà, le bureau central de presse qui dépend de la direction générale de l'information et des relations publiques a été installé dans la capitale belge et ses effectifs ont été récemment renforcés.
De même, une résolution adoptée en septembre dernier (Résolution Oostlander) a autorisé le transfert de la bibliothèque et du service audiovisuel de Luxembourg à Bruxelles.
A l'inverse, on observera que la décision prise en 1987 par M. Pierre Pflimlin, alors Président du Parlement européen, de transférer 105 postes à Strasbourg, est restée lettre morte. Cela est fort dommageable si l'on veut bien considérer l'effectif très réduit de fonctionnaires présents à Strasbourg.
Rappelons d'ailleurs que ces fonctionnaires sont rassemblés dans une structure ayant pour modeste dénomination : "antenne de Strasbourg", laquelle figure, dans l'organigramme des services du Parlement européen, parmi les bureaux extérieurs au même titre que, par exemple, Rome, Athènes ou Copenhague.
Transferts de personnels mais aussi transferts d'activités. On peut en effet relever une tendance de certaines autorités du Parlement européen à déplacer vers Bruxelles tous les événements qui, de prime abord, devraient logiquement avoir lieu à Strasbourg, siège officiel du Parlement.
Quelques exemples :
- La commission des Affaires régionales du Parlement européen qui souhaitait organiser une grande conférence à Strasbourg en février 1994 sur les relations entre le Parlement européen et les pouvoirs locaux a essuyé un refus du Bureau. Motif invoqué : l'utilisation des locaux de Bruxelles serait moins coûteuse que celle des installations de Strasbourg.
- Le Président de l'Assemblée a très récemment annoncé qu'il participerait à la soirée électorale du 12 juin 1994 depuis Bruxelles et non depuis Strasbourg.
- La présidence du Parlement invitant d'une part MM. Arafat et Rabin, d'autre part M. Clinton, pour deux séances solennelles leur a laissé le choix du lieu : Strasbourg ou Bruxelles.
L'idée qui semble sous-tendre ces opérations et qui risque de s'affirmer dans l'esprit des populations est que les événements importants relatifs au Parlement européen se déroulent à Bruxelles. En d'autres termes, l'Assemblée de Strasbourg n'acquerrait sa véritable stature qu'à Bruxelles !
III - L'AVENIR : STRASBOURG, CAPITALE DE "L'EUROPE PARLEMENTAIRE"
Faut-il, de tous les obstacles rencontrés, déduire que le sort de Strasbourg est malheureusement scellé ? Non, au contraire. Les difficultés de Strasbourg proviennent sans doute, pour une large part, de la sourde détermination de quelques personnes farouchement attachées à Bruxelles pour des raisons claires : proximité du Conseil et de la Commission notamment, ou plus obscures.
A cette détermination, il faut en opposer une autre. Strasbourg doit, à terme, devenir la capitale de "l'Europe parlementaire".
Cette volonté nécessite tout d'abord d'améliorer les conditions de travail des parlementaires européens sur place. Elle implique ensuite une stratégie d'accueil des autres assemblées parlementaires européennes. On verra que grâce à l'engagement de l'État notamment, Strasbourg ne manque pas d'atouts pour relever ce défi.