H. UN OUTIL POUVANT SERVIR DE SIGNAL D'ALERTE POUR DÉTECTER CERTAINES NORMES TROP COMPLEXES OU INEFFICACES

Le droit de dérogation, qu'il soit issu du décret général de 2020 ou de textes ad hoc, peut faciliter la réalisation de projets locaux. Il mérite donc d'être encouragé et renforcé.

En revanche, ce droit ne doit pas être perçu comme une solution « miracle » permettant, en lui-même, d'alléger le poids des normes imposées aux collectivités territoriales. Il présente pourtant un intérêt majeur : réinterroger le droit et réfléchir, le cas échéant, à l'adapter.

En effet, à l'occasion de l'exercice de ce droit - ou d'une simple demande en ce sens - les élus et l'État territorial peuvent identifier certaines normes, législatives ou réglementaires, trop complexes ou inefficaces, entravant l'action publique locale de façon objective, au-delà du cas particulier qui a suscité l'usage du droit de dérogation. Tel est notamment le cas des blocages normatifs en matière d'urbanisme et de construction. Autrement dit, si ce droit de dérogation vise d'abord, en permettant la réalisation d'un projet local, à corriger, sans inflation normative, les effets de bords négatifs et marginaux d'une réglementation donnée, laquelle demeure, par ailleurs, pertinente tant dans ses objectifs que dans sa rédaction, il peut aussi servir de révélateur au caractère inadapté de cette réglementation et inciter ainsi à son évolution (simplification voire suppression). Comme l'a souligné le Professeur Géraldine Chavrier lors de son audition : « le pouvoir de dérogation, c'est le symptôme de l'incapacité à produire des normes concises ».

La circulaire précitée de 2020 invite d'ailleurs clairement les préfets à agir dans ce sens : « la redondance avec laquelle l'usage de ce droit de dérogation, appliqué à tout ou partie d'une réglementation donnée, pourra survenir, devra vous amener à questionner la pertinence de celle-ci ou sa rédaction même et pourra vous conduire à saisir l'administration concernée (avec copie à la direction de la modernisation et de l'administration territoriale du ministère de l'Intérieur) de ce questionnement et de Ia possibilité de faire évoluer cette réglementation ».

Le droit de dérogation offre donc l'opportunité à tous les acteurs locaux, élus ou services déconcentrés, d'oeuvrer ensemble à améliorer les normes applicables aux collectivités territoriales, en fournissant au préfet l'occasion de faire systématiquement remonter à l'administration centrale les difficultés identifiées localement.

Tel est le sens de la procédure prévue par la circulaire précitée de 2024. Lors de son audition par la DCT le 30 janvier 2025, Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique, a indiqué que « France simplification » avait reçu 426 sollicitations des préfets et que 85 projets avaient, d'ores et déjà, été débloqués.

Certains exemples fournis dans le cadre du présent rapport55(*) concernent les modalités et conditions de versement de la DETR. Ils doivent nous conduire à une interrogation fondamentale : si les préfets ont dû déroger à certaines des dispositions applicables (cf articles R2334-28 et R2334-30 du CGCT), n'est-ce pas que leur pouvoir est trop encadré par le pouvoir réglementaire et que les textes sont excessivement précis ? Pourquoi les décrets sont-ils descendus à un tel niveau de détail alors que la loi ne les y contraignait pas ? Pourquoi avoir prévu que le taux de subvention figurant dans l'arrêté attributif initial ne pourrait pas être modifié ultérieurement par le préfet ? Pourquoi avoir précisé que le préfet ne pourrait prolonger qu'une seule fois la durée de validité de la dotation ?

Vos rapporteurs estiment qu'il convient de changer de logiciel d'action, ce qui suppose de produire des textes moins « bavards » et de faire ainsi davantage confiance à l'intelligence territoriale et, en particulier au couple maire/préfet.

Là encore, un module IA pourrait utilement être déployé sur la plateforme intranet « droit de dérogation » afin de détecter, parmi l'ensemble des arrêtés de dérogations, ceux dont la fréquence révèle une norme inadaptée.

Recommandation n° 8 : Utiliser le droit de dérogation comme un signal d'alerte permettant de détecter des normes trop complexes, inutiles ou inefficaces.


* 55 Voir la partie I, E.

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