B. LUTTER CONTRE LE PIRATAGE
Recommandation n° 28 : Créer un délit de piratage dans le domaine sportif, semblable à celui prévu par le code de la propriété intellectuelle en matière de contrefaçon de droits d'auteur et de droits voisins, ne visant pas le consommateur final, mais les personnes qui publient des contenus sportifs de façon illicite.
Le caractère illégal du piratage de contenus sportifs doit être reconnu. En effet, aucune sanction pénale n'est pour le moment associée à cette pratique.
Le délit de contrefaçon de droit d'auteur et de droits voisins est, lui, puni d'une peine de 300 000 euros d'amende et de trois ans d'emprisonnement (articles L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle).
Le dispositif doit viser les personnes publiant des contenus de façon illicite, plutôt que les consommateurs finaux de ces contenus.
Recommandation n° 29 : Permettre un traitement en temps réel des adresses IP à bloquer, par des agents habilités et assermentés éventuellement externes à l'Arcom, mais sous son contrôle pour la validation a priori et a posteriori des procédures et outils mis en oeuvre.
À l'initiative du Sénat, la loi a donné à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) la possibilité de bloquer les sites retransmettant illégalement des événements sportifs, sur le fondement d'une ordonnance du président du tribunal judiciaire (voir précédemment au II de la deuxième partie).
Le piratage dans le domaine sportif présente la particularité de devoir être traité en temps réel pour être efficace. Cette contrainte implique une adaptation des dispositifs existants, dans le respect des libertés publiques.
Recommandation n° 30 : Faciliter la mise en oeuvre des accords volontaires avec les fournisseurs de DNS alternatifs et de VPN en permettant à l'Arcom de notifier à leurs signataires la liste des services à bloquer.
La mise en oeuvre des accords volontaires prévus à l'article L. 333-10 du code du sport, avec les fournisseurs de DNS alternatifs et de VPN, se heurte à l'impossibilité juridique pour l'Arcom de leur notifier la liste des sites à bloquer. Ce verrou doit être levé.
C. ENCOURAGER UNE GESTION PLUS ÉQUILIBRÉE DU FOOTBALL PROFESSIONNEL
Recommandation n° 31 : Faire de la santé des joueurs une priorité en freinant l'augmentation du nombre de compétitions, en s'opposant au projet de « coupe du monde des clubs » de la FIFA et en limitant le nombre annuel de matchs par joueur professionnel.
Pour protester contre certaines évolutions imposées par la FIFA, le syndicat mondial des joueurs (FIFPro) et plusieurs ligues nationales, dont la LFP, ont récemment engagé une procédure devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
La création d'une nouvelle coupe du monde des clubs dont la première édition doit avoir lieu aux Etats-Unis à l'été 2025 est, en particulier, en cause. Pour les ligues nationales, la multiplication des compétitions contraint fortement les calendriers et menace l'attractivité des championnats nationaux.
Plus généralement, la santé des joueurs professionnels constitue une préoccupation croissante, alors que le nombre de matchs ne cesse d'augmenter.
Recommandation n° 32 : Limiter l'effectif des équipes professionnelles de football en instituant un nombre maximum de 30 contrats de joueurs professionnels par club de Ligue 1 ou de Ligue 2.
Cette limitation doit permettre de réduire la masse salariale et d'améliorer l'équilibre financier des clubs. Certains clubs disposent en effet d'effectifs bien supérieurs au nombre de joueurs réellement impliqués lors des matchs, la quasi-totalité du temps de jeu étant assuré par moins d'une vingtaine de joueurs.
De plus, cette situation résulte parfois d'une stratégie d'investissement et de prêts qui n'est pas dans l'intérêt des joueurs qui sont ainsi mis à l'écart.
Recommandation n° 33 : Limiter la part de la rémunération du personnel en diminuant le ratio de masse salariale, fixé depuis 2022 à 70 % des recettes des clubs par le règlement de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG).
Un ratio de masse salariale (« salary cap ») de 70 % a été mis place en 2022. Sa mise en oeuvre fait l'objet d'un contrôle de la DNCG (voir ci-dessus au II de la deuxième partie), conjointement avec une analyse des fonds propres.
Un renforcement de cet encadrement est nécessaire, afin de préserver l'équité des compétitions et la viabilité financière des clubs.
Recommandation n° 34 : Renforcer le contrôle de la DNCG sur les reprises de clubs en instituant un pouvoir de blocage (L. 132-2 du code du sport).
L'article L. 132-2 du code du sport confie à l'organe de contrôle la mission d'« assurer le contrôle et l'évaluation des projets d'achat, de cession et de changement d'actionnaires des sociétés sportives ».
La DNCG dispose toutefois de moyens limités pour la mise en oeuvre de cette mission. L'article 11 de son règlement prévoit une évaluation des projets et, le cas échéant, la formulation de recommandations après avoir entendu le club.
Certaines transactions ont pu susciter l'étonnement : un président de club a ainsi indiqué en audition, faisant allusion à la situation des Girondins de Bordeaux : « Je suis d'ailleurs surpris que l'on ait pu redonner un club français à une personne qui n'a toujours pas son domicile fiscal en France et qui a déjà coulé d'autres clubs à l'étranger. En tant que citoyen, payant mes impôts en France, voir quelle est la situation de ce club aujourd'hui en dépit de l'utilisation de fonds publics... C'est assez moyen ! »91(*)
Recommandation n° 35 : Mieux limiter et contrôler la multipropriété en lien avec l'UEFA et la FIFA pour préserver l'équité des compétitions sportives et protéger le modèle sportif européen.
Ce point ne peut être traité qu'au niveau international, dans la mesure où le code du sport interdit déjà la multipropriété au niveau français (cf. ci-dessus au II de la deuxième partie).
La multipropriété est une conséquence de l'internationalisation des financements. Elle pourrait remettre en cause l'équité sportive et entraîner des distorsions de concurrence entre clubs. Elle remet en cause l'idée d'un football des territoires, ancré localement avec des clubs faisant partie du patrimoine historique, culturel et sportif national.
La France doit donc agir au niveau international pour protéger le modèle sportif européen.
* 91 M. Olivier Létang, président du LOSC, audition du 20 juin 2024.