B. DÉVELOPPER LA COMMANDE PUBLIQUE COMME LEVIER DE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES
1. La commande publique peut jouer un rôle clef pour assurer des débouchés aux innovations et aux jeunes entreprises, mais son potentiel reste encore sous-exploité en France
Aux côtés des aides à l'innovation ou des aides à l'export, la commande publique a un rôle majeur à jouer pour soutenir le financement et le développement des entreprises françaises dans les premières étapes de leur cycle de vie.
L'accès à de nouveaux marchés est une étape clef du développement d'une entreprise et de son « passage à l'échelle ». L'achat public, décidé par l'État, les collectivités territoriales et les autres personnes publiques constitue donc un levier de soutien extrêmement efficace. Il assure un débouché certain à l'entreprise pour ses produits, y compris innovants, avec un volume et un chiffre d'affaires clairement établi. La commande publique possède en outre un fort effet de levier, rassurant les financeurs et autres clients quant à la capacité de l'entreprise à répondre à la demande des clients. Surtout, elle permet aux pouvoirs publics de soutenir le développement des entreprises dans le cadre d'une relation gagnant-gagnant, en contrepartie de la fourniture de biens ou de services participant à assurer le service public. Elle se distingue notamment en cela des dispositifs subventionnels.
Dans le cadre de l'enquête menée par le Comité Richelieu préalablement à son audition par les rapporteurs de la délégation, les entreprises interrogées à ce sujet décrivent unanimement le rôle essentiel de la commande publique en soutien à l'innovation et aux jeunes entreprises, le considérant « primordial, car la commande peut créer et maintenir des marchés, dès lors que son usage est simple et ouvert à tous ».363(*)
On estime que la commande publique représente chaque année en France un potentiel d'environ 8 % du produit intérieur brut.364(*) Elle s'élevait à près de 111 milliards d'euros en 2020.365(*)
Les réservations de marchés publics sont largement utilisées aux États-Unis en soutien aux entreprises nationales, en particulier les jeunes entreprises innovantes et les PME, grâce au Small Business Act et à l'action de la Defense Advance Research Projects Agency (DARPA) et de la Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA) dans les domaines de la défense et de la santé. Là-bas, la commande publique est un outil de soutien aux entreprises à part entière.
En France, à l'inverse, le potentiel de la commande publique reste encore sous-exploité.
Il convient de rappeler que le droit encadre strictement les achats publics. Tant le droit international (en particulier l'Accord plurilatéral sur les marchés publics conclu sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce) et le cadre européen relatif aux aides d'État, que les principes constitutionnels (notamment l'égalité de traitement des candidats aux marchés publics) contraignent les possibilités de fléchage de la commande publique vers les seules entreprises françaises, innovantes ou les PME.
Lors des auditions menées par les rapporteurs, la trop faible contribution de la commande publique au soutien des entreprises innovantes a fréquemment été pointée du doigt. Ainsi, le Comité Richelieu a indiqué que les entreprises innovantes accédaient plus difficilement aux marchés à l'export faute d'une commande publique assez développée. En effet, « quand on ne peut pas démontrer que les pouvoirs publics de son propre pays vous font confiance, quand on ne dispose pas de références, comment gagner des marchés à l'export ? ».366(*)
L'achat innovant, de fait, représente aujourd'hui moins de 10 % de l'achat public (malgré des progrès, notamment grâce à la fixation par la direction des achats de l'État - DAE - d'un objectif qui était de 9,5 % en 2019).367(*)
La situation des PME est également moins favorable. Si la part des PME dans l'achat public représentait, au début des années 2010, environ 58 % des entreprises ayant obtenu des contrats, seuls 27 % des montants acquis l'étaient auprès de PME. À titre de comparaison, l'Allemagne octroyait alors en moyenne 49 % du montant de ses achats publics à des PME.368(*) Ces chiffres ont peu évolué au cours de la dernière décennie. Cela témoigne d'une préférence des acheteurs publics français pour les grandes entreprises et les « gros » marchés. Par le passé, l'État s'était fixé des objectifs d'achats auprès des PME (par exemple un objectif de 25 % en 2015), mais il semble que cela ne soit plus le cas.
Le Sénat appelle de longue date à mieux mobiliser la commande publique en soutien au financement et au développement des entreprises françaises, notamment les PME et les entreprises innovantes.
En 2015, la mission sénatoriale commune d'information sur la commande publique avait présenté son rapport « Passer de la défiance à la confiance : pour une commande publique plus favorable aux PME », qui défendait notamment une la mise en place d'une obligation de publication de la part des marchés publics attribués aux PME, l'augmentation de l'avance obligatoire versée par les acheteurs et une diminution de la retenue de garantie, le développement des partenariats d'innovation ou encore la dématérialisation des procédures.369(*)
En 2018, dans son rapport « Pour une France libre d'entreprendre », la délégation aux Entreprises réitérait l'urgence d'améliorer l'accès des PME aux marchés publics, par le biais de la simplification des procédures et par la mise en place d'incitations à agir.370(*)
Plus récemment, la mission d'information sénatoriale constituée en 2022 par le Sénat sur le thème « Transformer l'essai de l'innovation : un impératif pour réindustrialiser la France » préconisait elle aussi de « faire de la commande publique un levier de croissance pour les entreprises innovantes », en privilégiant « le chiffre d'affaires plutôt que la subvention ».371(*)
2. Parachever l'évolution du cadre juridique des achats publics : inciter et simplifier
De nombreuses mesures législatives et réglementaires ont été prises au cours des dernières années pour renforcer le rôle stratégique de la commande publique et pour faciliter sa prise en main par les acheteurs publics. La réforme du code de la commande publique en 2006, puis le paquet de textes européen en 2014, avaient apporté plusieurs évolutions notables visant à faciliter l'accès des PME à la commande publique, comme le principe de l'allotissement, la possibilité de réaliser des candidatures groupées et diverses autres simplifications. Parmi les apports notables, on peut citer :
· L'intégration croissante au droit de la commande publique de critères d'ordre social ou écologique, qui permettent, dans un grand nombre de cas, de valoriser les entreprises françaises plus performantes en la matière, et de sortir de la logique « tout-prix ». La création et le renforcement des schémas de promotion des achats publics socialement et économiquement responsables (SPASER) s'inscrit également dans cette logique d'un meilleur pilotage stratégique de la commande publique ;
· En soutien à l'innovation, la création du partenariat d'innovation visant à susciter l'apport, par des entreprises, de solutions innovantes à des besoins publics ; ou encore l'instauration progressive d'une dispense pérenne de formalités préalables pour les achats innovants inférieurs à 100 000 euros ;
· En soutien aux PME, l'augmentation progressive du montant des avances obligatoires versées par les acheteurs publics aux PME ; la réduction des garanties ; et des parts minimales de marché octroyés aux PME dans le cas des marchés globaux ;
· Enfin, des simplifications procédurales à caractère général, comme le relèvement du seuil de dispense de formalités préalables à 40 000 euros. Ce seuil est actuellement relevé temporairement à 100 000 euros pour les marchés de travaux.
Tableau synthétique des principales
évolutions du droit de
la commande publique au cours de la
dernière décennie
Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire |
- Création des schémas de promotion des achats publics socialement et économiquement responsables (SPASER). |
Décret n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 |
- Diverses simplifications en matière de marchés publics en transposition du paquet européen ; - Création du partenariat d'innovation pour faire émerger des solutions innovantes n'existant pas sur le marché. |
Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte |
- Intégration des enjeux écologiques aux SPASER. |
Décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 |
- Expérimentation temporaire de dispense de formalités préalables pour des achats innovants de moins de 100 000 euros ; - Augmentation à 20 % de l'avance versée aux PME par l'Etat. |
Décret n° 2019-1344 du 12 décembre 2019 |
- Seuil de dispense de procédure élevé à 40 000 euros ; - Augmentation à 10 % de l'avance versée aux PME par les grands acheteurs publics. |
Décret n° 2020-1261 du 15 octobre 2020 |
- Simplification du versement des avances de marchés publics. |
Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (dite « ASAP ») |
- Diverses simplifications procédurales ; - Part minimale de 10 % de l'exécution des marchés globaux réservée à des PME ou des artisans ; - Dispense temporaire de formalités préalables pour les marchés publics de travaux jusqu'à 100 000 euros jusqu'à fin 2022. |
Décret n° 2021-1634 du 13 décembre 2021 |
- Pérennisation de la dispense de formalités préalables pour des achats innovants de moins de 100 000 euros. |
Décret n° 2022-1683 du 28 décembre 2022 |
- Prolongation jusqu'à fin 2024 de la dispense temporaire de formalités préalables pour les marchés publics de travaux. |
Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « Climat-résilience ») |
- Obligation d'inclure des considérations environnementales dans les marchés publics à compter d'août 2026 ; - Renforcement des SPASER. |
Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte (dite « Industrie verte ») |
- Extension du champ des SPASER ; - Prise en compte du meilleur rapport qualité-prix sur la base de critères qualitatifs, environnementaux ou sociaux. |
Décret n° 2022-1683 du 28 décembre 2022 |
- Augmentation à 30 % du montant minimum de l'avance pour les marchés de l'État avec les PME. |
Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 |
- Extension aux jeunes entreprises innovantes de la dispense de formalités préalables pour des achats innovants de moins de 100 000 euros. |
Source : Délégation aux Entreprises du Sénat.
L'évolution du cadre juridique doit se poursuivre au cours des mois à venir pour aller plus loin, avec deux objectifs principaux : simplifier et inciter.
Le Sénat avait pris l'initiative en adoptant, dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification, deux amendements : l'un372(*) (ayant reçu l'avis favorable du Gouvernement) visait à pérenniser l'assouplissement instaurée en 2020 et visant à dispenser de formalités préalables les marchés publics de travaux jusqu'à 100 000 euros, qui a fait ses preuves ; l'autre373(*) visait à élargir les cas dans lesquels la présentation de variantes est autorisée en réponse à des marchés publics, afin d'encourager la proposition d'alternatives innovantes.
En outre, le rapport sénatorial précité « Transformer l'essai de l'innovation : un impératif pour réindustrialiser la France » préconisait en 2022 de relever à 300 000 euros le plafond du régime de l'achat innovant, fixé à 100 000 euros depuis 2021, pour lui donner un caractère réellement incitatif et permettre d'inclure dans son champ, notamment, des biens à caractère industriel, plus onéreux.
Les rapporteurs de la délégation aux Entreprises soutiennent l'ensemble de ces mesures défendues par le Sénat, et recommandent leur adoption rapide pour faciliter l'accès des entreprises, notamment les plus innovantes et les PME, aux marchés publics.
Proposition 24 : Parachever l'évolution du cadre juridique de la commande publique pour faciliter l'accès des entreprises, notamment les plus innovantes et les PME, aux marchés publics, en :
- pérennisant la dispense de formalités préalables pour les marchés de travaux jusqu'à 100 000 euros ;
- relevant à 300 000 euros le seuil limite pour la dispense de formalités préalables visant les achats innovants.
3. Assurer la visibilité des projets d'achats publics et des entreprises pouvant y répondre
Il faut aller plus loin que la modification du cadre juridique pour promouvoir la visibilité des achats publics améliorer la connaissance mutuelle entre acheteurs publics et entreprises susceptibles de répondre aux marchés.
En 2014, l'association Pacte PME avait lancé une « plateforme des achats d'innovation », développée avec le Service des achats de l'État. Ce dispositif permettait aux entreprises intéressées par la commande publique de se signaler aux acteurs publics, soit en réponse à un marché précis, soit spontanément. Sur sa demande, l'entreprise était alors mise en lien avec les acheteurs publics intéressés, préalablement à toute procédure formelle de candidature. En 2018, cette plateforme a été rénovée et renommée « guichet unique des achats de l'État », géré par la Direction des achats de l'État.
Les rapporteurs estiment qu'il s'agissait là d'une solution très intéressante pour permettre aux entreprises de mieux faire connaître leurs produits et leurs solutions aux acheteurs publics, sans l'autocensure et la peur de l'erreur que peut impliquer la procédure de réponse formelle à un marché public. Toutefois, il apparaît que ce guichet est aujourd'hui inactif, ce que l'on ne peut que regretter.374(*)
En sens inverse, un portail dénommé « APProch »375(*) a été lancé en 2022 par la Direction des achats de l'État dans le cadre du Plan de transformation numérique de la commande publique. Cette plateforme a vocation à informer les entreprises des projets d'achats de l'État, des établissements publics, des établissements hospitaliers et des collectivités territoriales ; avant même que ceux-ci fassent l'objet de procédures formelles. Il vise à offrir aux entreprises une meilleure visibilité sur ces opportunités dès le stade du projet d'achat, afin d'établir un dialogue préalable avec les acheteurs publics.
Toutefois, cette plateforme ne recueille actuellement que les contributions des acheteurs publics qui le souhaitent : elle n'offre pas un panorama exhaustif de l'ensemble des achats projetés. À la date de rédaction du présent rapport, environ 5300 projets d'achats étaient répertoriés, tandis que 6400 entreprises s'étaient connectées au portail depuis son lancement.
Plus généralement, les rapporteurs notent que les outils numériques et en particulier la dématérialisation des procédures de la commande publique, généralisée fin 2018, doit être saluée et constitue un début de simplification concrète pour les candidats prospectifs.
Pour les administrations de l'État (au niveau central comme déconcentré), le recours à la plateforme PLACE, qui existe depuis 2012 et publie les consultations et décisions relatives aux achats de l'État dans le cadre de marchés publics a été rendu obligatoire. En 2024, la plateforme compte ainsi 2400 profils d'acheteurs publics.
Le projet de loi de simplification de la vie économique prévoyait en outre d'étendre, d'ici 2028, aux personnes morales de droit public (hors collectivités territoriales) et aux organismes de sécurité sociale l'obligation d'utiliser PLACE.376(*)
Les rapporteurs soutiennent cette mesure, qui permettrait de rassembler sur PLACE une part plus importante encore des procédures relatives aux marchés publics en France (cette extension représenterait près de 10 % du total des marchés publics, en sus des consultations qui y figurent déjà).377(*) Elle doit être adoptée au plus vite, soit dans le cadre d'une éventuelle poursuite de l'examen du projet de loi précité, soit dans un autre véhicule législatif adapté.
Il reste que certains acheteurs publics, non soumis à l'obligation d'utiliser PLACE, recourent aujourd'hui à d'autres plateformes, ce qui peut être perçu comme un frein à la bonne information des entreprises candidates prospectives comme le relève le rapport de la commission spéciale du Sénat chargée d'étudier le projet de loi de simplification de la vie économique.378(*)
Les collectivités territoriales, notamment, ne sont pas tenues de recourir à la plateforme PLACE. Elles ne s'en sont pas moins organisées pour offrir aux entreprises l'information la plus claire possible : il existe ainsi de nombreuses différentes plateformes d'échelle régionale répertoriant les marchés des collectivités territoriales du territoire.379(*) En outre, pour l'instant, il ne semble pas souhaitable techniquement d'imposer l'utilisation de PLACE par les collectivités territoriales, au regard du volume d'activité et d'acheteurs supplémentaires qui cela représenterait pour la plateforme.
Proposition 25 : Poursuivre l'extension du champ de la plateforme PLACE, pour mettre à disposition des entreprises une information dématérialisée et centralisée sur les procédures liées aux marchés publics.
4. Faire de la commande publique un maillon à part entière de la chaîne de soutien public aux entreprises
De nombreuses entreprises entendues par la délégation ont le sentiment que la faible mobilisation de la commande publique envers les entreprises innovantes et les PME traduit un manque de cohérence de l'action publique en soutien au développement des entreprises.
En effet, alors même que les pouvoirs publics subventionnent ou soutiennent parfois l'ensemble des phases préalables (recherche et développement, amorçage, première industrialisation), à la faveur d'une politique d'innovation redynamisée au cours de la dernière décennie, leur soutien s'arrête souvent aux portes de l'achat public.
Déjà, dans son rapport précité de 2018, la délégation aux Entreprises citait les propos d'un chef d'entreprise déçu de ce manque d'articulation : « L'État a accordé à mon entreprise le label d'entreprise stratégique mais je n'ai aucune commande publique. Si l'État ne passe pas de commandes, vais-je pouvoir rester longtemps une PME française ? ».380(*) Six ans plus tard, le constat est le même : une entreprise interrogée dans le cadre de l'enquête menée par le Comité Richelieu indiquait que la commande publique est « essentielle pour rendre efficace les politiques de financement actuelles : il est facile de financer des développements jusqu'[au stade des démonstrateurs], au-delà, il n'y a rien ! La commande publique permettrait d'éviter que ces financements soient versés à fonds perdus ».381(*)
En particulier, les rapporteurs estiment que les grands plans d'investissement et de soutien à l'innovation pilotés par l'État et ses opérateurs, comme France 2030 et les PIA, gagneraient à être complétés par un « volet commande publique ». Il s'agirait là d'une articulation bienvenue avec les autres outils de soutien publics (subventions, avances, apports en capital...), qui interviendrait dans les étapes plus tardives du développement de l'entreprise.
Le Secrétariat général pour l'investissement indiquait, en 2022, avoir sollicité le Conseil d'État pour identifier les verrous juridiques à lever afin de pouvoir recourir plus largement à la commande publique dans le cadre de France 2030. Parmi les pistes provisoirement identifiées figurent la réalisation d'achats publics par les opérateurs du plan ou les ministères, mais aussi des dispositifs subventionnels permettant de compenser les coûts d'achat endossés par d'autres acteurs publics.382(*) Ces pistes, très intéressantes, mériteraient d'être creusées.
Proposition 26 : Mettre en oeuvre un « volet commande publique » des grands plans d'investissement et de soutien à l'innovation, à commencer par France 2030.
5. Promouvoir une nouvelle culture de la commande publique en sensibilisant les acheteurs
La plupart des obstacles juridiques à la plus forte mobilisation de la commande publique en soutien aux PME et aux entreprises innovantes sont aujourd'hui levés.
L'enjeu majeur est donc désormais de dépasser le réflexe de la commande publique « low cost »383(*) et de susciter une nouvelle culture de l'achat public.
Il faut continuer à bâtir la confiance entre acheteurs publics et PME.
Comme l'ont noté de nombreux travaux récents, les acheteurs publics français se tournent encore très majoritairement vers des grands groupes, perçus, à tort, comme ayant « les reins plus solides » ou étant plus fiables. Or, comme l'a noté l'une des personnes entendues par les rapporteurs : « quand une PME dispose d'un produit innovant qui correspond au besoin, on ne va pas attendre une ETI ou une grande entreprise pour faire la même chose, avec la raison que la PME n'est pas assez dimensionnée ! ».384(*)
Les rapporteurs appellent donc à intensifier les efforts de formation et de sensibilisation acheteurs publics et des agents au potentiel de la commande innovante et du recours aux PME locales, avec pour objectif de promouvoir une approche moins « frileuse » de la commande publique. Le cadre juridique permet désormais de construire des marchés publics précis et adaptés aux spécificités des besoins, en donnant le poids souhaité aux critères de performance environnementale ou sociale par exemple. Cela peut permettre de privilégier les circuits courts et donc les entreprises locales.
Certaines régions, notamment la région Grand Est, se sont saisies de cet enjeu et ont mené d'importants efforts de sensibilisation, via des guides ou chartes visant à encourager les personnes publiques à soutenir le tissu économique local par le biais de la commande publique, en pleine conformité au cadre légal en vigueur. La région déploie aussi une communication à l'intention des entreprises.385(*)
Les acheteurs publics doivent aussi se saisir plus largement des possibilités introduites en faveur des achats innovants, notamment le partenariat d'innovation qui reste sous-utilisé. Selon un sondage de l'Observatoire économique de la commande publique, 70 % des acheteurs publics disent n'être pas formés à l'achat innovant. Parmi les acteurs familiers du dispositif des achats innovants (prévoyant une dispense de publicité et mise en concurrence préalable sous le seuil de 100 000 euros), seuls 26 % disent avoir l'intention d'y recourir.386(*)
Enfin, les récents outils offerts par les évolutions législatives et réglementaires, permettant une plus grande prise en compte des critères liés à la performance environnementale des entreprises, doivent être déployés plus largement par les acteurs publics, car ils permettent de mieux valoriser les entreprises locales (les circuits courts) et les entreprises répondant à des normes environnementales plus exigeantes, comme c'est le cas des entreprises européennes. L'effort de formation doit être amplifié dans cet objectif.
De même, seuls 40 % des acheteurs publics disaient, dans ce même sondage, calculer la part des TPE-PME accédant à la commande publique. La mise en place d'indicateurs de suivi figurait pourtant dès 2015 dans les recommandations du Sénat pour améliorer l'accès de ces entreprises aux marchés publics.387(*)
Proposition 27 : Intensifier la formation et la sensibilisation des acheteurs publics au potentiel de la commande publique en soutien au développement des entreprises, notamment en matière d'achat innovant ou pour valoriser la performance environnementale.
* 363 Réponses au questionnaire transmis par les rapporteurs de la délégation.
* 364 Guide du Médiateur des Entreprises et de la Direction des Affaires juridiques des ministères économiques, « Les marchés publics au service de la relance économique des entreprises - Rebondir avec les marchés publics » publié en mars 2021.
* 365 Rapport d'information « Transformer l'essai de l'innovation : un impératif pour réindustrialiser la France », présenté le 8 juin 2022 par Vanina Paoli-Gagin au nom de la mission d'information sénatoriale relative à l'excellence de la recherche et innovation.
* 366 Propos tenus dans le cadre des auditions menées par les rapporteurs de la délégation.
* 367 L'achat innovant est défini comme l'achat réalisé auprès des entreprises percevant le CIR, le CII ou ayant le statut de JEI, selon le rapport de la Cour des comptes relatif aux aides publiques à l'innovation des entreprises publié en avril 2021.
* 368 Rapport d'information « Passer de la défiance à la confiance : pour une commande publique plus favorable aux PME », présenté le 14 octobre 2015 par Martial Bourquin au nom de la mission commune d'information sur la commande publique.
* 369 Ibid.
* 370 Rapport d'information « Pour une France libre d'entreprendre », présenté le 5 avril 2018 par Olivier Cadic au nom de la délégation sénatoriale aux Entreprises.
* 371 Rapport d'information « Transformer l'essai de l'innovation : un impératif pour réindustrialiser la France », présenté le 8 juin 2022 par Vanina Paoli-Gagin au nom de la mission d'information sénatoriale relative à l'excellence de la recherche et innovation.
* 372 Amendement n° 230 au projet de loi de simplification de la vie économique présenté par Nadège Havet et ses collègues.
* 373 Amendement n° 368 au projet de loi de simplification de la vie économique présenté par Jean-Baptiste Blanc et ses collègues.
* 374 Les informations et liens figurant sur les divers documents en ligne (notamment le prospectus électronique publié par la direction des achats de l'État) ne renvoient désormais vers aucune page ou interlocuteur fonctionnel. Il est probable que le portail APProch mis en place en 2022 ait remplacé cette plateforme.
* 375 Accessible à l'adresse http://projet-achats.marches-publics.gouv.fr/.
* 376 Article 4 du projet de loi de simplification de la vie économique.
* 377 Rapport sur le projet de loi de simplification de la vie économique, présenté le 28 mai 2024 par Catherine Di Folco et Yves Bleunven au nom de la commission spéciale sénatoriale chargée de l'examen du texte.
* 378 Ibid.
* 379 Notamment MEGALIS (regroupant plus 1 130 collectivités territoriales de la région Bretagne), ARNIA (1 500 collectivités territoriales de la région Bourgogne Franche-Comté) ou encore MAXIMILIEN (pour plus de 300 collectivités de la région francilienne).
* 380 Rapport d'information « Pour une France libre d'entreprendre », présenté le 5 avril 2018 par Olivier Cadic au nom de la délégation sénatoriale aux Entreprises.
* 381 Réponses au questionnaire transmis par les rapporteurs de la délégation.
* 382 Premier rapport d'évaluation in itinere du plan France 2030 par le Comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA), « Lancement maîtrisé d'un plan d'investissements à impacts majeurs », juin 2023.
* 383 Expression figurant dans le rapport d'information « Transformer l'essai de l'innovation : un impératif pour réindustrialiser la France », présenté le 8 juin 2022 par Vanina Paoli-Gagin au nom de la mission d'information sénatoriale relative à l'excellence de la recherche et innovation.
* 384 Propos tenus lors des auditions menées par les rapporteurs.
* 385 Comme par le guide « PME, TPE : accédez aux marchés publics » publié par le Réseau commande publique Grand Est.
* 386 Étude de l'Observatoire économique de la commande publique, « Étude sur les pratiques des acheteurs en matière d'accès des TPE-PME à la commande publique d'achats innovants et d'achats durables », juin 2020.
* 387 Rapport d'information « Passer de la défiance à la confiance : pour une commande publique plus favorable aux PME », présenté le 14 octobre 2015 par Martial Bourquin au nom de la mission commune d'information sur la commande publique.