FINANCER L'ENTREPRISE DE DEMAIN

INTRODUCTION

II. UNE DÉCENNIE POUR FAIRE FACE À UN BOULEVERSEMENT INÉDIT, MAIS NÉCESSAIRE, DE NOTRE ÉCONOMIE

Lors de son audition par la délégation aux entreprises, le 25 janvier 2024, Philippe Dessertine décrivait le « bouleversement économique » à venir en réponse au triple défi du changement climatique, de l'évolution du cadre monétaire et financier et des innovations de rupture, notant que « nous allons connaître une transformation absolue et brutale de la manière dont fonctionnent les économies et les entreprises, des plus grandes aux plus petites ».

L'intégration rapide - souvent spontanée, parfois voulue par la réglementation - de nouvelles technologies et de nouvelles exigences de performance au coeur des processus de conception comme de production, au premier rang desquelles la décarbonation, va modifier en profondeur le fonctionnement de nos entreprises. Elle impliquera la mobilisation de compétences et de talents nouveaux, l'acquisition de nouveaux équipements et logiciels, l'accélération de l'effort de recherche et de développement.

L'anticipation de ces bouleversements et l'adaptation à leurs conséquences génèrent, dès aujourd'hui, un besoin de financement massif des investissements des plus de 3,8 millions d'entreprises françaises, dont près de 5 750 entreprises de taille intermédiaire (ETI), 140 000 petites et moyennes entreprises (PME) et 3,6 millions de micro-entreprises.

Ces bouleversements remettront parfois en cause le modèle économique même de l'entreprise, en générant de nouveaux coûts immédiats sans assurer de rentabilité à moyen ni même long terme. Il sera donc essentiel d'assurer aux entreprises l'accès à de nouvelles ressources financières plus adaptées, à plus long horizon, nécessaires pour assurer la résilience de notre tissu économique tout au long de ces transformations majeures.

L'entreprise de demain sera l'entreprise d'hier qui se transformera ; mais ce sera aussi celle qui se créera au cours des années à venir. Les besoins des transitions écologique, numérique, et démographique engendrent des besoins nouveaux, tant dans le secteur des services (« silver economy ») que dans l'industrie (« industrie verte », énergies renouvelables) ou la tech (« health tech », « deep tech »). De nouvelles filières vont émerger, devant s'accompagner d'un effort massif de formation de nouvelles compétences et de l'ouverture de nouveaux sites de production. Elles se nourriront de l'innovation de rupture, elle-même issue de l'effort massif de recherche et développement qui a déjà cours. Ces activités nouvelles auront une dimension territoriale forte, car elles devront s'appuyer sur des écosystèmes locaux dynamiques et performants et sur des infrastructures rénovées.

Les évolutions géopolitiques ont également remis en lumière la nécessité de garantir la souveraineté des économies française et européenne, s'appuyant sur une politique renouvelée de compétitivité. Dans son rapport remis en septembre 2024 à la Commission européenne, intitulé « Le futur de la compétitivité européenne », Mario Draghi estime que l'Union européenne doit investir au moins 750 à 800 milliards d'euros par an, soit 5 % de son PIB, pour échapper au décrochage économique par rapport aux États-Unis ou à la Chine.1(*)

La transmission des entreprises est aussi, dès aujourd'hui, un véritable défi, en particulier pour les très petites entreprises (TPE) et les PME. Comme l'a souligné le rapport de la délégation aux Entreprises intitulé « Reprendre pour mieux entreprendre dans nos territoires », présenté par Michel Canévet, Rémi Cardon et Olivier Rietmann en octobre 2022, entre 250 000 et 700 000 entreprises sont susceptibles d'être cédées ou reprises d'ici 2032 environ, alors qu'environ un chef d'entreprise sur quatre a plus de soixante ans. Soutenir le financement de ces projets de reprise ou de rachats d'entreprises, au profit d'une nouvelle génération d'entrepreneurs désireux de conduire ces transitions majeures et de faire croître l'activité, est essentiel pour assurer la pérennité de notre tissu d'entreprises et notre souveraineté économique.

L'entreprise de demain n'implique pas uniquement de nouveaux produits ou de nouvelles techniques de production. Ce sera aussi une entreprise mieux consciente de sa responsabilité sociétale et environnementale (RSE), qui met en oeuvre les changements nécessaires pour améliorer sa gouvernance et sa performance extra-financière. À l'impulsion de la législation européenne comme française, l'adoption de nouvelles normes (comme par exemple la directive « CSRD ») impliquera de déployer des méthodes de « monitoring » et de « reporting » sophistiquées, tout au long de la chaîne de valeur et de l'organisation de l'entreprise. L'enjeu du financement de la mise en oeuvre de ces nouvelles exigences sociétales ne doit pas être négligé.


* 1 Rapport à la Commission européenne, « The future of European competitiveness - A competitiveness strategy for Europe », Mario Draghi, septembre 2024.

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