D. LA REMISE EN ÉTAT DES OUVRAGES D'ARTS « ÉVOLUTIFS » : UNE QUESTION SENSIBLE À AU MOINS UN MILLIARD D'EUROS

L'enjeu principal des discussions qui ont lieu entre l'État et les sociétés d'autoroutes concerne les cibles qui devront caractériser le « bon état » en fin de concessions des ouvrages d'art qualifiés d'évolutifs, c'est-à-dire les ouvrages classés 2E en vertu de l'indicateur de suivi (l'IQOA) dont le système de cotation est précisé dans l'encadré ci-après.

Les différentes classes des ouvrages d'art selon la cotation IQOA

Classe 1 : ouvrage en bon état apparent, avec possibles défauts sans gravité que l'on peut traiter par l'entretien courant ;

Classe 2 : structure porteuse de l'ouvrage en bon état apparent mais dont les équipements ou les éléments de protection présentent des défauts, ou structure présentant des défauts mineurs qui nécessitent un entretien spécialisé sans caractère d'urgence ;

Classe 2E : ouvrage présentant les défauts de la classe 2, mais qui nécessite un entretien spécialisé urgent pour prévenir le développement rapide de désordres dans la structure ;

Classe 3 : ouvrage dont la structure est altérée, et qui nécessite des travaux de réparation sans caractère d'urgence ;

Classe 3U : ouvrage dont la structure est gravement altérée et qui nécessite des travaux de réparation urgents ;

Classe NE : ouvrage non évalué, principalement en raison de parties d'ouvrages non accessibles lors de la dernière visite d'évaluation IQOA.

Source : réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur

La particularité de ces ouvrages est que, s'ils ne posent pas de problèmes de sécurité immédiats, ils présentent des pathologies, relatives notamment au phénomène dit de « gonflement des bétons »77(*), susceptibles de se dégrader rapidement et d'altérer leur structure de manière critique. L'ART signale que ces pathologies relèvent par exemple de « fissures en milieu de travée, qui peuvent s'aggraver sous l'effet d'une charge de trafic importante, et, à terme, mettre en péril l'ouvrage »78(*).

La problématique des ouvrages d'art évolutifs est tout sauf anodine. En effet, en 2022 les infrastructures classées 2E représentaient 24,1 % des 12 100 ouvrages d'art du réseau autoroutier concédé, soit environ 2 900. D'après l'ART, les enjeux financiers associés aux travaux nécessaires à la remise en état des ouvrages d'art évolutifs représenteraient au moins un milliard d'euros.

Les principes généraux relatifs à la doctrine du bon état en fin de concession des ouvrages d'art sont clairs s'agissant des infrastructures classées 1 et 2, qui n'auront pas à faire l'objet de travaux spécifiques en prévision de leur remise au concédant, ainsi que des infrastructures classées 3 et 3U qui, quant à elles, devront faire l'objet de travaux. Le traitement des ouvrages d'art classés 2E reste quant à lui au coeur des enjeux. Pour éclairer cette question, le Cerema a réalisé un travail visant à aboutir à une sous-classification des ouvrages d'art évolutifs, distinguant différentes catégories d'infrastructures et les types de travaux d'entretien requis.

La position de l'ART est la suivante : « une lecture exigeante des contrats devrait permettre » que l'essentiel voire la totalité des ouvrages évolutifs soient traités d'ici à la fin des concessions »79(*).

Très hostiles à cette perspective, les sociétés concessionnaires s'y opposent de façon résolue et demanderont probablement des compensations financières en échange. Toutefois, le président de l'ART l'a exprimé sans ambiguïté devant le rapporteur, l'autorité considère que les clauses contractuelles permettent à l'État concédant d'imposer un tel degré d'exigence et qu'il n'y a absolument aucune raison que des compensations soient accordées aux concessionnaires. En toute hypothèse, les prérogatives de puissance publique dont dispose l'État dans le cadre des contrats concessions étant contrôlées par le juge, ce sujet sera le cas échéant tranché par la juridiction administrative.

Le rapporteur considère que l'État concédant a le devoir de défendre ses intérêts patrimoniaux dans toute leur plénitude et de façon très stricte en ne cédant rien des prérogatives contractuelles dont il dispose. Si cela s'avérait nécessaire, face aux sociétés concessionnaires, l'État ne doit pas craindre de défendre ces intérêts légitimes devant le juge.


* 77 Le Cerema travaille actuellement sur un guide consacré à la gestion de ce risque.

* 78 Réponses écrites de l'ART au questionnaire du rapporteus.

* 79 Réponses écrites de l'ART au questionnaire du rapporteur.

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