C. DE PREMIÈRES AVANCÉES À CONFIRMER

Depuis 2020, incités notamment à le faire par l'ART et la commission d'enquête du Sénat, les services de l'État ont enfin amorcé avec les sociétés concessionnaires les travaux préalables nécessaires à la définition de la notion de « bon état » des biens de retours.

Conformément aux recommandations de l'ART, la première étape, avant de pouvoir fixer une véritable doctrine en la matière, constituait ainsi à concevoir de nouveaux indicateurs spécifiques pour caractériser l'état des infrastructures dans la perspective de leur remise au concédant à l'issue des concessions. Une fois ces indicateurs déterminés et sur la base de ces derniers, l'étape suivante, la plus importante, est celle de la définition du niveau d'exigence attendu en termes d'état des infrastructures à l'issue des concessions. Ce n'est qu'à travers cette dernière opération que l'État concédant aura fixé sa doctrine en matière de « bon état » des biens de retours.

La première étape de détermination des indicateurs porte sur l'état de trois éléments constitutifs du patrimoine autoroutier : les chaussées, les ouvrages d'art et les équipements.

Les travaux les plus avancés en la matière sont observés dans le domaine relatif à l'état des chaussées. En effet, avec le concours du réseau scientifique et technique du ministère chargé des transports, et en particulier du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), un nouvel indicateur d'état structurel des chaussées (ISTRU) a été développé dans la perspective de l'échéance des concessions. Cet indicateur a vocation à évaluer la structure des chaussées et non seulement leur surface comme celui qui est utilisé actuellement (l'IQRA) pour mesurer leur bon état courant. Son suivi, assorti d'objectifs de qualité sanctionnés, est d'ores et déjà intégré au sein des contrats détenus par les groupes SANEF-SAPN et APRR-AREA.

Concernant les ouvrages d'art, des avancées sont aussi à signaler. L'état structurel des ouvrages d'art est bien suivi au moyen d'un indicateur dédié, l'image de la qualité des ouvrages d'art (IQOA). En outre, entre 2022 et 2023 des modifications ont été apportées à quatre des sept contrats historiques. Elles imposent la régénération d'ici à la fin des concessions de l'ensemble des ouvrages dont la structure est altérée. Cependant, dans ce domaine, un point critique aux enjeux financiers substantiels fait actuellement l'objet de fortes dissensions entre l'État concédant et les sociétés concessionnaires sous le regard attentif du régulateur. Il s'agit de la définition de la doctrine de « bon état » en fin de concession des ouvrages d'art dits « évolutifs », une problématique dont les détails sont décrits dans les développements qui suivent.

Comme le souligne l'ART (voir l'encadré ci-après), les travaux de définition des indicateurs relatifs à l'état des équipements sont moins avancés que ceux concernant les chaussées et les ouvrages d'art. Cette situation peut s'expliquer, d'une part, car les enjeux de ces travaux sont moindres et, d'autre part, en raison de la grande diversité des biens concernés. L'inventaire de l'ensemble de ces équipements constitue par ailleurs en elle-même une opération complexe de longue haleine.

Les travaux de définition des indicateurs relatifs à l'état de fin de concession
des équipements

Concernant les équipements, les travaux sont encore en cours. Il s'agit de biens variés : équipements de signalisation verticale, équipements nécessaires à l'assainissement comme les bassins de décantation, dispositifs de retenue, panneaux à messages variables, etc.

Ces équipements ne sont qu'indirectement suivis dans le cadre de l'exécution courante de la concession, par exemple à travers le respect de la loi sur l'eau ou des normes de sécurité. Dans la plupart des cas, le simple respect des règles de sécurité minimales contraindra les concessionnaires à maintenir des pratiques d'entretien et de maintenance satisfaisantes.

Des travaux complémentaires doivent cependant encore être menés afin de prendre les mesures pertinentes lorsque ce n'est pas le cas. Le recensement de l'existant est un travail nécessaire et difficile : à titre d'illustration, une concession de taille moyenne comme Escota comporte près de 150 000 équipements de toute nature.

Source : réponses de l'ART au questionnaire du rapporteur

Les travaux entamés avec le groupe SANEF-SAPN ont notamment conduit à intégrer dans leurs contrats de concessions, par un avenant daté de janvier 2023, une annexe dédiée à la définition du « bon état » en fin de concession.

Présentation par la DGITM des annexes précisant le « bon état d'entretien »
en fin de concessions

Le travail visant à préciser le « bon état d'entretien » de fin de concession s'est accéléré en 2022 avec l'élaboration d'annexes dédiées ayant vocation à être intégrées dans les contrats de concession par voie d'avenant. Ces annexes ont été intégrées aux derniers avenants des contrats SANEF et SAPN. Des négociations pour donner un cadre contractuel sur la base d'annexes similaires sont en cours avec les autres groupes de sociétés (APRR, AREA, ESCOTA, COFIROUTE et ASF).

Ces annexes sont destinées à objectiver certains critères d'appréciation du bon état de fin de concession (état des chaussées, des ouvrages d'art, ouvrages hydrauliques, dispositifs de retenue, etc.) et à contractualiser la volonté du concédant et du concessionnaire d'aboutir à une définition commune des autres critères d'appréciation de ce bon état dans un délai de 8 ans avant la fin de concession.

Source : réponses de la DGITM au questionnaire du rapporteur

Cette étape était importante, notamment car elle a permis d'acter contractuellement le fait que les indicateurs suivis en cours d'exécution du contrat n'étaient pas suffisants pour caractériser le bon état à l'échéance du contrat. Elle a ainsi intégré pour les chaussées et les ouvrages d'art les nouveaux indicateurs spécifiques visant à apprécier leur état à la fin des concessions.

Toutefois, le rapporteur tient à souligner que si cette avancée est notable, elle ne constitue pas pour autant l'aboutissement du processus de définition de la doctrine relative au « bon état » de fin de concession. À travers la conception des indicateurs, le thermomètre a en quelque sorte été choisi mais il s'agit désormais de déterminer où placer le curseur, c'est à dire quel sera le niveau d'exigence attendu par le concédant au moment de la restitution des biens. Ces travaux, en cours notamment avec le groupe SANEF-SAPN, sont bien entendu les plus critiques puisqu'ils détermineront l'ampleur du programme de travaux à la charge du concessionnaire qui devra être réalisé d'ici à la fin des concessions.

L'ART insiste tout particulièrement sur ce point : « l'annexe ne clôt pas les travaux de définition du bon état : des indicateurs y ont été définis pour les principaux domaines (ouvrages d'art et chaussées), mais les cibles associées aux indicateurs n'ont pas été arrêtées, et pour certains domaines comme celui des aménagements environnementaux, le travail d'objectivation de la notion de bon état ne s'est pas encore concrétisé »75(*).

Sur la question de la définition de la doctrine relative au « bon état » des biens de retours, l'ART a signalé au rapporteur apporter un appui très régulier aux services de l'État concédant, notamment à travers des échanges qui ont lieu en moyenne toutes les six semaines. Dans ce cadre, « les services de l'autorité sont tenus informés de l'avancée des travaux et proposent des axes d'amélioration »76(*). Par ailleurs, à travers divers travaux qu'elle a prévu de publier dans les prochains mois, elle entend contribuer à la transparence des procédures en cours.

Des publications à venir de l'ART ont vocation à appuyer l'État concédant
dans ses négociations avec les SCA et à participer à la transparence
des procédures en cours

L'autorité rendra public un document (« focus ») posant les termes techniques, économiques et juridiques de la fixation des objectifs de bon état en fin de concession : l'Autorité considère en effet qu'au regard des enjeux financiers, les contraintes techniques ne peuvent constituer le seul facteur à prendre en considération pour fixer les objectifs ; en explicitant les arbitrages à réaliser, l'autorité entend fournir un appui au concédant dans la finalisation de sa démarche.

Poursuivant les mêmes objectifs d'éclairage du débat sur l'avenir des autoroutes, l'autorité prévoit également de publier des « focus » sur la question des autres investissements dus par les SCA avant l'échéance de leurs contrats, sur les propriétés souhaitables d'un système de tarification des autoroutes et sur les modalités d'une régulation efficace des éventuels contrats du futur - avec ces publications qu'elle souhaite pédagogiques, l'autorité entend armer le concédant pour les différents arbitrages qu'il devra réaliser.

Source : réponses de l'ART au questionnaire du rapporteur


* 75 Réponses de l'ART au questionnaire du rapporteur.

* 76 Réponses de l'ART au questionnaire du rapporteur.

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