IV. DÉBAT

Bruno Daugeron. - Je souhaite poser une question à Victor Fouquet concernant la communication et les coalitions. Sans trahir de secrets, pensez-vous que des parlementaires d'horizons différents, qui ne parviennent pas à s'entendre au sein de l'assemblée, puissent trouver un terrain d'entente lors d'une session ? Observez-vous le regroupement d'individus autour d'un problème spécifique en dehors des logiques de majorité ou de partis ? Êtes-vous en mesure d'identifier et d'analyser ce type de dynamique, ou reste-t-on principalement dans une logique de groupes parlementaires et d'alliances préétablies ?

Victor Fouquet. - Dans mon cas cela a toujours été une logique de majorité sénatoriale. La saisine a été portée par le groupe LR, avec l'appui de quelques sénateurs centristes. À ma connaissance, aucun scénario alternatif n'a été envisagé.

Une intervenante. - Madame Lottin, j'aimerais connaître votre position concernant l'autosaisine que vous avez brièvement évoquée.

Dominique Lottin. - Je ne suis pas favorable à l'autosaisine pour plusieurs raisons. En tant qu'ancien magistrat, je sais que ce concept existe déjà pour les magistrats judiciaires, comme les juges des enfants qui peuvent se récuser. Le risque majeur déjà évoqué est celui du gouvernement des juges, où le Conseil s'emparerait de certains textes.

L'histoire et la pratique montrent que les inconstitutionnalités sont rarement maintenues longtemps dans les textes, notamment grâce à la QPC. D'ailleurs, le nombre de QPC diminue nettement, car de nombreux textes ont déjà été nettoyés ou abrogés. Je m'interroge donc sur l'apport supplémentaire de l'autosaisine.

Pour illustrer, le Conseil constitutionnel rendait environ 100 décisions par an ces dix dernières années (20 en saisine a priori et 80 par QPC). Cette année, le nombre de décisions sur QPC a été réduit à une quarantaine.

De plus, les jurisprudences constitutionnelles irriguent véritablement le débat, notamment à la commission des lois. En suivant les débats parlementaires au Conseil constitutionnel, j'ai constaté que ces jurisprudences sont souvent citées lors des discussions.

Un intervenant. - Concernant la fréquence des contrôles de procédure a priori, notamment pour les lois de finances, est-il possible de simplifier ou d'ajuster ce processus ? Une piste serait de transférer certaines compétences à un organe interne du Parlement.

Philippe Bas. - Je tiens à préciser, concernant le Parlement, que des contrôles internes existent et sont d'une extrême rigueur. Ils font d'ailleurs l'objet de contestations régulières de la part des parlementaires, en matière financière. La recevabilité des amendements est surveillée avec une grande autorité et vigilance par le président de la commission des finances, dont les décisions sont sans appel. Le Parlement est le premier garant de la protection des dispositions constitutionnelles.

Victor Fouquet. - Je confirme. La commission des finances effectue un premier filtre au titre des articles 40 et 45 de la Constitution sur la recevabilité des amendements. Ensuite, le rapporteur général analyse les articles un par un. En cas de soupçon d'inconstitutionnalité, cela est documenté dans le rapport du rapporteur, grâce au travail des administrateurs de la commission. Ce contrôle interne existe déjà et s'avère rigoureux.

Dominique Lottin. - Dans tous les domaines, la présence d'un contrôleur est essentielle. Même lorsque les jurisprudences sont connues, la perspective d'un contrôle renforce la vigilance. C'est pourquoi un contrôle externe, assuré par un organe tel que le Conseil constitutionnel, est nécessaire.

Un intervenant. - Ma question s'adresse particulièrement à Dominique Lottin. Vous avez conclu votre intervention en évoquant le risque de surpolitisation du Conseil constitutionnel, malgré le renforcement des règles d'incompatibilité. Par ailleurs, vous avez souligné l'importance de préserver la diversité des membres. Selon vous, existe-t-il un moyen de lutter contre cette surpolitisation ? Je me souviens du jour de la décision sur le projet de loi immigration, où des bâtiments universitaires ont été bloqués par des manifestants, ce qui m'a semblé préoccupant. Serait-il envisageable de mieux communiquer auprès du grand public sur les règles d'incompatibilité ?

Dominique Lottin. - Dans le contexte actuel, toute décision prend une dimension politique. Pour y remédier, il est essentiel de clarifier la procédure et d'expliquer notre démarche. Le Conseil s'est engagé à motiver davantage ses décisions, bien que cette motivation ne soit pas encore pleinement enrichie. En tant qu'ancien magistrat judiciaire, je reconnais que cette approche comporte certains inconvénients. Néanmoins, c'est la seule méthode efficace pour lutter contre cette politisation, à condition que tous les membres respectent leur devoir de réserve.

Il faut également éviter une médiatisation excessive après un débat politique, même si celle-ci est parfois inévitable dans le contexte sociétal actuel. Le Conseil doit rester vigilant et ne pas systématiquement recevoir les parlementaires lorsque leur saisine n'est pas suffisamment explicite, afin d'éviter de leur offrir une tribune supplémentaire. Il est crucial que le Conseil ne devienne pas une troisième tribune pour le débat politique. La gestion de ces enjeux reste complexe.

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