B. L'IMPACT DES ENTREPRISES SUR LE DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE

1. Un impact au travers des émissions de CO2
a) Des émissions essentiellement dues à l'activité économique

Les émissions de GES31(*) dues aux activités humaines ont réchauffé le climat à un rythme sans précédent. La température de la surface du globe s'est élevée de 1,1°C par rapport à la période pré-industrielle.

Quels que soient les scénarios d'émission, le GIEC estime que le réchauffement de la planète atteindra 1,5 °C dès le début des années 2030. Pour limiter ce réchauffement à 1,5°C et 2 °C, il sera nécessaire d'accélérer et d'approfondir dès maintenant la baisse des émissions pour, d'une part, ramener les émissions mondiales nettes de CO2 à zéro et, d'autre part, réduire fortement les autres émissions de GES.

L'association des entreprises à la lutte contre le réchauffement climatique a été opéré à l'initiative de Kofi Annan, alors secrétaire général de l'Organisation des Nations-Unies, à partir de son discours du 29 janvier 1999 au forum économique de Davos. Lancé en 2000, le Global Compact des Nations unies associe, pour la première fois, les entreprises et les Nations unies. Les Objectifs du Développement Durable (ODD), élaborés en 2015, sont souvent intégrés aux stratégies RSE des entreprises32(*). Le « Pacte mondial des ODD » demande aux entreprises d'aligner leurs stratégies et leurs opérations sur les dix principes universels liés aux droits de l'homme, au travail, à l'environnement et à la lutte contre la corruption ainsi que de prendre des mesures pour faire progresser les objectifs sociétaux et la mise en oeuvre des ODD.

L'atteinte du « zéro émission nette » de CO2 à l'échelle mondiale en 2050 ne peut reposer que sur une large palette sectorielle : bâtiments, transports, énergie, industrie, préservation des systèmes naturels existants. Le secteur de l'agriculture, la forêt et l'usage des terres représentent un potentiel important de réduction des émissions, avec des bénéfices potentiels pour la biodiversité.

La décarbonation des entreprises requiert quatre dimensions :

1. L'électrification des usages joue un rôle essentiel, à condition de produire de l'électricité bas-carbone ;

2. La baisse de la demande en énergie et en matériaux, par la recherche de gains d'efficacité et d'efficience ne freinant ni l'innovation ni la croissance, est essentielle pour réduire les émissions ;

3. La réduction des besoins par l'efficacité énergétique qui pourrait atteindre 45 % d'ici 2050 ;

4. La sortie des subventions aux énergies fossiles permettrait d'atteindre 10 % des réductions d'émissions nécessaires d'ici 2030.

Enfin, la décarbonation des entreprises ne doit pas tarder. Plus la réduction des émissions sera tardive, plus les effets négatifs seront importants, à cause du recours massif aux émissions négatives nécessaire pour atteindre le « zéro émission nette », et des impacts climatiques dus au dépassement temporaire des 1.5 °C qui réduiront l'efficacité des actions.

b) Des émissions en baisse en France, importatrice de carbone

En 2023, les émissions produites sur le territoire national ont continué de baisser pour atteindre 372,9 millions de tonnes CO2 eq33(*), soit -5,8 % par rapport à 2022, avec une baisse dans tous les principaux secteurs (énergie, industrie, bâtiments, transports). Elles ont baissé de 31 % par rapport à 1990.

Ces émissions sont en partie contrebalancées par des puits de carbone dont le stockage est estimé à 20,7 millions de tonnes CO2 eq, portant les émissions nettes à 352,2 millions de tonnes CO2 eq.

Le secteur des transports est le premier secteur émetteur (34 % des émissions en 2023), suivi des secteurs de l'agriculture (20 %), de l'industrie (17 %), des bâtiments (16 %), de la transformation d'énergie (9 %) et des déchets (4 %).

Dans l'industrie en revanche, le budget carbone fixé pour ce secteur dans la deuxième stratégie nationale bas-carbone (SNBC-2) pour la période 2019-2023, de 72 Mt CO2 eq par n en moyenne, ne serait pas respecté, à 3 % près, avec 74 millions de tonnes CO2 eq. La tendance des émissions à la baisse observée en 2022 (-6 % par rapport à 2021) se poursuit en 2023. Les émissions diminuent de 8% en 2023, ce qui s'explique principalement par des baisses de production industrielle, notamment dans les secteurs des minéraux non-métalliques (-7 % pour le ciment), de la chimie (-9 % pour la chimie organique et inorganique) et de la sidérurgie (-6 % pour l'acier brut). De plus, la consommation de gaz naturel a chuté de 19 % dans la grande industrie en 2023 comparativement à 2022, du fait de la baisse de production, mais aussi de phénomènes structurels comme des contraintes d'approvisionnement. Par ailleurs, le secteur industriel poursuit ses efforts de décarbonation dans le cadre des dispositifs de France 2030.

En 202034(*), l'empreinte carbone35(*) était de 552 millions de tonnes CO2 éq, selon le Datalab du ministère de la Transition écologique.

En 2022, elle est estimée à 623 millions de tonnes CO2 eq en 2022, soit 9,2 tonnes CO2 eq par personne. L'empreinte carbone de la France est 1,6 fois plus élevée que les émissions territoriales, supérieure à la moyenne mondiale qui était, en 2019, de 6,8 tonnes CO2 eq par personne36(*).

Par rapport à 1995, le niveau de l'empreinte a diminué de 15 %, alors que la demande finale intérieure, dont le montant conditionne en partie le niveau de l'empreinte, a augmenté de 40 %. Entre 1995 et 2020, les émissions intérieures ont nettement diminué (- 31 %) tandis que les émissions associées aux importations se sont accrues (+ 12 %). En 2020, ces émissions importées représentent la moitié des émissions totales de l'empreinte. Rapportée au nombre d'habitants, l'empreinte carbone est de 8,2 tonnes de CO2 eq par personne en 2020, un niveau supérieur de 45 % aux émissions de l'inventaire (5,7 t CO2 eq/habitant).

L'approche du CITEPA37(*) confirme cette tendance baissière.

Le rapport 2024 du Haut conseil pour le climat souligne que si le deuxième budget carbone de la SNBC 2 pour les émissions brutes (hors Utilisation des Terres, Changements d'Affectation des Terres et de la Forêts, UTCATF)38(*) est en voie d'être respecté, celui pour les émissions nettes (incluant le secteur UTCATF) est en voie d'être dépassé, du fait du faible niveau des puits de carbone.

Or, les objectifs du projet de SNBC 3 pour 2030 devront être nécessairement plus ambitieux que ceux de la SNBC 2. La SNBC 2 implique une baisse des émissions brutes d'environ 8,9 millions de tonnes CO2 eq par an en moyenne entre 2024 et 2030, tandis que les nouveaux objectifs du projet SNBC 3 impliqueraient une baisse de 15 millions de tonnes CO2 eq par an.

2. Une prise de conscience de cet impact

Depuis la loi PACTE39(*) de 2019, toutes les entreprises sont tenues de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité.

a) Une prise de conscience par les entreprises de leur impact climatique

Depuis plusieurs éditions, le Global Risks Report publié en marge du Forum de Davos fait des risques climatiques les principales préoccupations à long terme des chefs d'entreprise.

(1) À l'échelle européenne

Réalisée à la mi-2023 auprès des entreprises européennes, l'enquête de la Banque européenne d'investissement (BEI) sur l'investissement (EIBIS)40(*) a mis en lumière l'impact du changement climatique sur un nombre croissant d'entre elles.

Parmi les entreprises, 64 % ont affirmé avoir été impactées par les événements météorologiques, soit une augmentation de sept points par rapport à 2022. Seule une minorité d'entreprises a toutefois pris des mesures pour y faire face. D'après l'enquête, 36 % des entreprises de l'Union européenne questionnées (40 % aux États-Unis) auraient développé ou investi dans des mesures pour accroître leur résilience face aux risques physiques liés au changement climatique et réduire l'exposition à ces dangers ou les éviter.

La BEI a également interrogé les entreprises européennes sur leur perception de la transition écologique et de son impact sur leurs activités. Une évolution vers des normes et régulations climatiques plus strictes est considérée comme un risque dans 33 % des cas, mais comme une opportunité par 29 % des entreprises tandis que 38 % considèrent que la transition ne les impactera pas.

Si une minorité d'entreprises ont investi face aux risques liés au changement climatique, elles sont en revanche majoritaires à avoir pris des mesures pour s'engager dans la transition écologique. Les entreprises européennes sont 90 % à réduire leurs émissions de GES, 59 % investissent dans l'efficacité énergétique, 67 % dans la réduction des déchets et le recyclage et 32 % dans des secteurs et technologies moins polluants.

On peut y voir une adaptation des entreprises européennes à des normes environnementales plus contraignantes en Europe par rapport au reste du monde. Ces règles sont appelées à être durcies dans les années à venir, afin d'atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction des émissions de GES de 55 % en 2030 par rapport aux niveaux de 1990, conduisant donc également à une anticipation du secteur privé. Parmi ces mesures contraignantes, on peut citer le renforcement du marché du carbone, où les entreprises s'échangent des quotas de droits à polluer.

Cependant, l'envolée des coûts de l'énergie, apparue dans le sillage de la reprise économique post-Covid, puis significativement accentuée par l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, a fortement impacté les entreprises européennes puisque 68 % d'entre elles ont constaté une augmentation de 25 % ou plus de leurs dépenses énergétiques et 78 % indiquent avoir mis en place des stratégies de réduction de la consommation d'énergie41(*).

La prise de conscience des contraintes environnementales se conjugue à la recherche, par les entreprises, de minimisation de leurs coûts dans une économie mondialisée.

(2) À l'échelle nationale

Réalisée par BVA pour le compte du ministère de l'Économie, une enquête, réalisée en septembre 2022 auprès de 501 chefs d'entreprises de plus de dix salariés, a indiqué que 85 % étaient sensibilisés à la limitation de leurs impacts environnementaux et 76 % à limiter leurs émissions de GES. Outre ce premier décrochage (le lien n'étant pas toujours établi entre les GES et l'impact environnemental), deux autres sont plus inquiétants puisque les entreprises des secteurs primaire et secondaire ne sont sensibilisés à 21 % pour l'impact environnemental et 29 % pour les émissions de GES et les PME de 10 à 49 salariés ne sont, pour les mêmes thèmes, que 15 % et 23 %. Ce sont les entreprises du commerce les plus sensibilisées.

Selon une autre étude conduite par Cap Terra en 202242(*), 80 % des entreprises sont préoccupées (52 % être assez préoccupées par ce sujet, et 28 % se disent même très préoccupées) et 76 % des entreprises ont changé leurs pratiques commerciales pour minimiser l'impact du changement climatique. Bien que 24 % des répondants n'aient pas entrepris d'action particulière en faveur du climat, 20 % de ceux-ci se disent toutefois intéressés par l'initiative.

Les raisons qui poussent les entreprises à s'engager dans une stratégie environnementale sont :

Ø la conviction sincère de la nécessité de protéger l'environnement en tant qu'entreprise (52 %) ;

Ø le souhait d'améliorer la réputation de la marque (36 %) ;

Ø la nécessité de répondre aux attentes des investisseurs, des consommateurs ou des clients (32 %)

En effet, 94 % des Français indiquent prendre en considération le facteur de la durabilité dans leurs processus d'achats. La prise en considération du changement climatique influence leurs choix de produits ou de fournisseurs.

Pour prendre en compte cette contrainte, les entreprises privilégient, à hauteur de 44 % une politique de réduction de la consommation énergétique, la réduction des déchets (36 %) ainsi que le recyclage des matériaux utilisés dans le processus de production et/ou dans les bureaux (35 %), le financement de l'utilisation de moyens de transport écologiques pour se rendre au travail (27 % des entreprises), la limitation des voyages d'affaires ( 27 %) ou encore la collaboration avec des fournisseurs déployant des efforts écologiques ( 25 %).

L'une des clés prises en compte par les entreprises dans l'élaboration de leur stratégie environnementale est l'implication des employés ; 32 % des entreprises ayant appliqué des mesures durables évoquent ainsi la sensibilisation de leurs salariés comme l'une des initiatives déployées.

Par ailleurs, d'après une étude de Bpifrance de juin 2020, si 80 % des dirigeants de PME et ETI françaises disent avoir conscience de l'urgence climatique et 86 % se sentent concernés par les objectifs mondiaux de baisse des émissions carbone, peu intègrent cette donnée dans leur stratégie et seuls 13% déclarent pouvoir réduire leurs émissions de carbone de manière importante dans les 5 prochaines années. Surtout, beaucoup de chefs d'entreprise se sentent démunis. À l'occasion des consultations des CCI organisées en 2019, les entrepreneurs faisaient part de leurs appréhensions et de leur sentiment d'être « insuffisamment outillés » pour faire face à ces enjeux.

Pour prendre la mesure de l'impact du dérèglement climatique, les entreprises sont invitées à élaborer une cartographie des risques. Elle consiste à recenser les risques et à les synthétiser sur un document dans lequel ils seront placés en tenant compte de l'impact en cas de survenance du risque et de la fréquence de réalisation du risque43(*).

Depuis 2017, les grandes entreprises44(*) ont l'obligation d'établir un plan de vigilance45(*) de nature à identifier les risques liés à leur activité et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement. Depuis la transposition dans l'ordre interne de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) de 2022, ce rapport doit être inséré dans le rapport de durabilité qui doit être rédigé par les toutes les grandes entreprises à compter de l'exercice 2024.

Si un plan est incomplet, il peut être demandé en justice de le compléter. La première condamnation en justice d'une entreprise a été rendue en décembre 202346(*).

Souvent perçue comme « négative », la prise de risques est pourtant indispensable à la vie de l'entreprise et conditionne son développement. La gestion du risque correspond non pas à un exercice défensif, mais à un levier de création de valeur.

Or, seulement 1 % des PME et ETI ont une approche formalisée de la gestion des risques. C'est négligeable par rapport à des entreprises cotées en Bourse ou à celles du CAC 40, qui ont, presque toutes (95 % des entreprises du CAC 40 et 90 % du SBF 120), investi dans ce domaine. Le fossé est immense.

Pour accélérer la prise de conscience de l'utilité de cette analyse de risque, aider les entreprises à comprendre les menaces et à les anticiper, le MEDEF et l'Association pour le management des risques et des assurances de l'entreprise ont développé, en 2018, l'outil en ligne Macartodesrisques.fr? puis ont construit, fin 2023, un parcours de formation de trois jours.

Toutefois, le « dérisquage » (derisking) est essentiellement perçu comme la nécessité pour les entreprises de diversifier leurs sources d'approvisionnement compte-tenu de la montée des incertitudes géopolitiques. Il ne comporte pas encore de dimension environnementale.

Par ailleurs, les principaux instruments des stratégies climatiques européenne, nationale et locale sont inconnus des chefs d'entreprise.

La stratégie européenne « Fit for 55 » n'est connue que par 10 % des entreprises ; la stratégie nationale bas-carbone que par 16 % des entreprises ; la trajectoire de GES applicable à leur secteur à 19 % ; les plans climat air énergie territoriaux à 21 % ; les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires à 27 %.

Enfin, selon une enquête menée par OpinionWay pour CCI France publiée en janvier 2023, 3 dirigeants interrogés sur 4 considèrent que la transition écologique aura des impacts importants sur l'économie française d'ici 2025, mais moins d'un sur 2 pense que cela aura des répercussions majeures sur son entreprise. Ce résultat est à nuancer cependant en fonction de la taille de l'entreprise : près de 3/4 des dirigeants des structures comptant 10 salariés ou plus estiment que la transition écologique aura un impact important sur leur entreprise, contre 42 % dans celles de moins de 10 salariés.

Pour CCI France, « il ne fait aucun doute que la prise de conscience de l'impact du changement climatique est très largement partagée, mais sa traduction en termes d'actions à mener l'est beaucoup moins, et dépend de la taille de l'entreprise ».

Le Haut conseil pour le climat estime en revanche, dans son rapport 2024, que : « les entreprises françaises ne semblent pas encore s'être approprié les enjeux de l'adaptation et que l'orientation des capitaux vers le financement de l'adaptation nécessite de modifier les conditions économiques et de financements des entreprises pour déplacer les curseurs de la rentabilité. À l'exception de certaines entreprises dont le modèle d'affaires est climato-dépendant et qui ont conduit des stress tests climatiques de leurs activités (ex. gestionnaires de réseau d'eau, d'électricité ou de transport), la plupart des entreprises françaises ont une vision partielle des impacts du changement climatique sur leurs biens et leurs activités et de leurs besoins d'adaptation, très peu d'entre elles ayant conduit des diagnostics de vulnérabilités et des plans d'adaptation ».

De même, Carbone 4 estime que « les entreprises prennent graduellement conscience de la nouvelle palette de risques physiques qui caractérisent un monde plus chaud », mais que « certains extrêmes récemment constatés n'étaient pas escomptés si tôt »47(*). Le risque physique n'est pas bien intégré. Seul un tiers des entreprises de plus de 500 salariés semblent avoir déjà lancé des projets en lien avec l'adaptation au changement climatique. Même lorsque le risque est identifié et un diagnostic établi, il demeure peu ou mal gouverné48(*). Les entreprises qui dédient des moyens humains à l'appréhension des risques physiques sont l'exception.

L'association propose de déconstruire les idées reçues des dirigeants d'entreprises au moyen d'un argumentaire pédagogique :

L'horizon de matérialité des impacts climatiques est trop lointain.

Le dérèglement du climat a déjà des impacts en cascade à toutes les étapes de la chaîne de valeur d'une entreprise.

Nous n'encourons aucun risque réel.

Nous sommes assurés.

Plusieurs aléas, comme les aléas graduels, ne sont pas couverts par les contrats d'assurance. Les événements climatiques pourraient devenir à ce point récurrents qu'ils ne représentent plus un risque à proprement parler. Des assureurs font d'ores et déjà le choix d'une tierce voie : augmenter les prix en réduisant la couverture. L'assurance, par essence, ne peut couvrir les problèmes de discontinuité d'activité.

Nous avons déjà des modèles de risques basés sur les tendances historiques.

Les conséquences du réchauffement climatique croissent beaucoup plus vite que l'élévation de température, les tendances passées ne sont pas suffisantes pour présager des risques futurs.

Les leviers d'actions ne sont pas à notre portée. Les pouvoirs publics feront le travail à notre place.

Les entreprises ne doivent pas s'attendre à ce que l'État prenne en charge le coût des impacts du changement climatique sur leur activité.

Si l'État se doit d'endosser le rôle de coordinateur et de fixer les grandes orientations, pour un acteur économique, un plan d'adaptation au changement climatique se réalise avant tout à l'échelle d'un site.

Nous parviendrons toujours à nous adapter.

Une analyse de risques physiques reste un exercice de prospective, et non de prévision. L'incertitude est donc inhérente à l'exercice, et l'imprévu adviendra. Dans le même temps, plus le réchauffement climatique sera important, plus il sera difficile de s'adapter, et plus les pertes et dommages seront importants. Ce qui apparait pourtant comme une quasi-certitude, c'est qu'il ne sera plus possible de s'adapter partout ni tout le temps

La priorité du moment, c'est l'atténuation.

S'adapter n'est pas renoncer à atténuer. En effet, il y a aura des impacts physiques et donc un besoin d'adaptation dans un monde à “seulement” +1.5°C et inversement, il y aura des efforts de transition dans un monde à +4°C de réchauffement. Les deux combats doivent être menés de front.

Je suis bien informé car j'ai déjà étudié les risques sur mes actifs.

Les analyses de risque conduites se limitent souvent à une étude des actifs détenus en propre par l'entreprise. Or, en regardant uniquement les actifs, de nombreux sujets sont éludés, comme de potentielles ruptures. Une compréhension fragmentaire de l'ampleur du sujet donne lieu à une perception minorée des risques physiques en entreprise. L'aléa climatique peut en effet s'exprimer sur toute la chaîne de valeur de l'entreprise.

J'ai vu les cartes du GIEC ; cela me suffit à comprendre les risques auxquels je serai exposé.

Les diagnostics réalisés se limitent souvent à une synthèse des projections climatiques dans la géographie d'intérêt. Or disposer d'une information sur l'évolution du climat dans le temps ne permet pas de conclure quant aux risques futurs encourus et donc les actions à mettre en place.

Il n'existe pas de méthode standardisée, ou de métrique unique. Ce qui rend l'analyse impossible.

Il n'existe pas une métrique unique permettant d'évaluer le niveau de résilience d'une entreprise (ou de préparation) à des perturbations climatiques futures. Il se mesure par le moyen de 3 métriques distinctes (exposition, vulnérabilité, aléas climatiques), qui doivent être étudiées conjointement pour aboutir à la notion de risque. Ces métriques peuvent être standardisées - comme au sein de la méthode OCARA - mais nécessitent d'être adaptées au système étudié pour estimer la gravité et la probabilité du risque.

Les entreprises ont donc conscience de l'impact du dérèglement climatique, mais ne savent pas encore vraiment comment s'y adapter.

b) Une difficulté pour les TPE et PME à s'engager dans la transition climatique faute de politique publique appropriée
(1) 30 % de l'empreinte carbone de la France

Les PME et ETI françaises représentent entre 27 % et 32 % de l'empreinte carbone française totale. Il s'agit d'une estimation49(*) car il n'existe pas de mesure fiable de l'empreinte carbone sur les PME et ETI, préalable à toute politique publique les concernant.

En 2020 31 % des dirigeants affirmaient suivre les sujets climatiques au sein de leur entreprise, via soit un service dédié, soit une personne ayant d'autres responsabilités. En 2023, 67 % ont déclaré surveiller leurs enjeux environnementaux. De même, en 2020, 16 % de ces chefs d'entreprise avaient évalué les émissions carbones de leur société, contre 35 % en 2023.

Cette évolution positive, qui devrait encore s'intensifier dans les années à venir, reflète une profonde et rapide prise de conscience. Elle est cependant freinée par la difficulté, pour les PME-TPE et ETI, à s'engager dans une démarche opérationnelle de transition climatique.

Selon l'enquête de CCI France précitée, près de trois entreprises sur quatre déclaraient ne pas prévoir de réduire leur consommation d'énergie. Pour les 25 % ayant engagé des plans de décarbonation, les mesures mises en oeuvre consistent essentiellement en des plans de réduction de la consommation énergétique : vigilance renforcée sur le gaspillage d'énergie dans les bureaux, remplacement d'équipements (automobile, chauffage, informatique, machines-outils...).

La remise en question du modèle économique de l'entreprise ou la réduction de son activité font partie des mesures et solutions les moins citées (respectivement 21 % et 7 %).

Pour CCI France, « il est, cependant, désormais nécessaire de viser l'adaptation au changement climatique et non plus uniquement la réduction des émissions de GES, et il importe d'aller plus loin pour accompagner les entreprises qui se trouvent dans des secteurs à risques ».

Le besoin de sensibilisation et d'accompagnement doit être individualisé car « diffuser des guides et des informations via des plateformes numériques ne suffira pas pour que les PME s'engagent dans des démarches de transition si ces outils ne sont pas complétés par des accompagnements personnalisés assurés par des conseillers/experts ».

Plutôt que d'assujettir à des obligations de reporting « complexes, chronophages, et finalement coûteuses » pour les entreprises dont l'impact sur le climat est négligeable, le réseau plaide pour accentuer les démarches de sensibilisation et d'information à destination des TPE-PME pour que celles qui peuvent réduire significativement leurs émissions soient accompagnées, techniquement et, le cas échéant, financièrement. En effet, « les TPE-PME souffrent d'un déficit d'ingénierie et ne sont pas armées pour se saisir spontanément d'opportunités dont elles ignorent souvent l'existence. Elles ont besoin d'être informées et accompagnées pour pouvoir s'engager dans une démarche plus sobre et plus vertueuse. Des incitations financières pour encourager la réalisation de diagnostics ou des offres de formations adaptées pourraient utilement leur être proposées ».

(2) Le cas de la filière de la construction

L'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (UNICEM) et la Fédération française du Bâtiment (FFB)50(*) ont été entendues par vos rapporteurs le 9 avril 2024.

Peu auparavant, les 7 et 8 mars, s'était tenu le Forum mondial bâtiment et climat. Les parties prenantes se sont engagées51(*), dans la déclaration de Chaillot à « mettre en oeuvre des feuilles de route, des cadres réglementaires et des codes de la construction et de l'énergie contraignants afin de tendre vers des bâtiments plus neutres en carbone, ainsi qu'un cadre financier adapté avec des incitations financières, fiscales et des outils réglementaires afin d'augmenter la part des bâtiments résilients, quasi nuls en émissions de gaz à effets de serre, et accessibles ».

En effet, le secteur du bâtiment est responsable de 37 % des émissions mondiales de CO2, dont 9 % pour le seul ciment52(*), représente la moitié de l'utilisation des matières premières. En France, 43 % de la consommation énergétique lui est associée.

Les enjeux de décarbonation de cette filière sont considérables car « la moitié du bâti, en 2050, dans le monde n'existe pas encore »53(*). Ainsi, le ciment devrait représenter à lui seul 12 % des émissions de GES en 2050. Alors qu'auparavant, la construction de bâtiments était réalisée en « circuit court », en utilisant les matériaux locaux, la chaîne de production est aujourd'hui fragmentée. Le lieu où le matériau est extrait n'est plus celui où il sera utilisé pour construire. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050 la filière doit privilégier le réemploi (la rénovation des 85 % de bâtiments construits avant 2001 en Europe, plutôt que la destruction - reconstruction) et la biomasse, comme le bois ou le bambou. Or, actuellement, seuls 11 % des bâtiments européens sont rénovés chaque année et seulement 0,2 % de ces rénovations permettent de réduire les émissions de manière significative. De plus, une rénovation permettant de décarboner un bâtiment de manière significative peut entraîner une augmentation des dépenses d'investissement de 10 à 20 % (et parfois plus) par rapport à une rénovation classique.

Cependant, la France est moins concernée par cette déclaration que les pays émergents, en raison de la nouvelle règlementation énergétique et environnementale de l'ensemble de la construction neuve, « RE 2020 », « la France fait figure d'exemple et est souvent citée en référence dans les discussions européennes en matière de performance énergétique/environnementale des bâtiments » selon l'UNICEM et la FFB.

Les atouts de la RE 2020 pour la compétitivité de la filière

Cette réglementation constitue une rupture dans le mode de conception des bâtiments neufs. Depuis l'instauration des premières réglementations thermiques on ne s'intéressait qu'à la réduction des consommations d'énergies des bâtiments. Le but était jusqu'à présent d'isoler et de concevoir les bâtiments de telle sorte qu'ils soient sobres du point de vue de la consommation d'énergie. Désormais avec la RE 2020, au-delà de la sobriété énergétique, il s'agit concevoir des bâtiments qui soient sobres du point de vue des matériaux et équipements.

Au-delà du volet carbone, la RE 2020 remet également au centre la conception bioclimatique en renforçant les exigences en matière d'isolation, d'exposition et sobriété sur les besoins énergétiques.

Pour répondre au réchauffement climatique, la RE 2020 intègre également un nouvel indicateur sur le confort d'été. Cet indicateur a pour objectif de limiter les températures à l'intérieur des logements au cours des périodes estivales. Pour concevoir des bâtiments résilients au climat futur, la RE 2020 se base sur le scénario météorologique de la canicule de 2003 pour établir le seuil réglementaire. La FFB en lien avec l'association QUALITEL mène un projet d'étude visant à caractériser cet indicateur sur le volet calculatoire ainsi que le volet réel par le biais d'enquêtes sociologiques auprès d'habitants de logements soumis à la RE 2020. Cette étude a pour objectif d'évaluer la pertinence de cet indicateur et de ne pas retomber dans les travers de la RT201254(*) avec des bâtiments qui subissent des surchauffes lors des périodes estivales avec un indicateur réglementaire mal calibré.

La RE 2020 encourage l'utilisation de matériaux à faible impact environnemental et favorise le recours aux énergies renouvelables. De ce fait les normes de mise en oeuvre, notamment les NF DTU55(*), sont amenées à intégrer ces recommandations en soutien contractuel aux nouvelles exigences réglementaires sur les ouvrages par l'introduction progressive de matériaux biosourcés et de nouvelles techniques d'isolation ou de chauffage ayant prouvé leur aptitude technique.

Les normes NF DTU contribueront à cette transition en fournissant des références techniques actualisées et adaptées aux nouveaux défis environnementaux du secteur du bâtiment. En effet, la RE 2020 a permis d'enrichir les normes volontaires telles que les NF DTU en renforçant les exigences en matière de performance énergétique et environnementale, en favorisant l'utilisation de matériaux durables, et en contribuant à l'harmonisation des pratiques de fabrication des produits de construction et de dimensionnement des ouvrages (Eurodoes) au niveau européen.

La RE 2020 permet aux entreprises d'avoir une visibilité à moyen terme avec des seuils réglementaires qui seront évolutifs d'ici à 2031. Cela permet à l'ensemble de la filière de s'adapter et d'anticiper les futurs seuils pour assurer une transition entre les différentes étapes de construction sans encombre.

Source : réponse d'UNICEM-FFB à la délégation aux Entreprises

Depuis 2015, la filière s'est par ailleurs engagée dans de grands programmes56(*) visant l'atténuation du dérèglement climatique dont les axes principaux sont les suivants :

- La diminution de l'émission de CO2 dans la production du ciment : alors qu'une tonne de ciment émettait une tonne de CO2 en 1990, elle n'en n'émet plus que 500 kg.

La recherche de l'efficacité énergétique conduit à utiliser du ciment bas carbone, obtenu avec des températures de cuisson inférieures au clinker57(*) actuel et qui peuvent recourir à d'autres mécanismes de réaction (les géopolymères), voire des bétons à faible teneur en clinker (35-49%). Ces derniers sont déjà rentrés dans le cadre normatif européen et homologués en France depuis mai 2021 (NF EN 197-5). Ces bétons faiblement dosés peuvent être composés d'autres coproduits tels que les laitiers58(*) de hauts fourneaux, la fumée de silice, la pouzzolane, les cendres volantes, le schiste, le calcaire.

La substitution du clinker par du metakaolin issu d'argile calcinée ou du laitier de haut fourneau de la sidérurgie générerait jusqu'à, respectivement, -40 % et -70 % d'émissions de GES par rapport à un ciment classique. Cependant le laitier des hauts fourneaux peut être limité en quantité et nécessite énergie, eau et sable.

Des travaux sont en cours pour introduire dans le béton une nouvelle famille de ciments à base de matériaux de construction recyclés ou des matériaux biosourcés et géosourcés (bois et bois d'ingénierie, mais aussi paille, chanvre...). Ces ciments sont d'ores et déjà normalisés depuis juin 2023 et permettraient de réduire encore drastiquement leur empreinte carbone et de limiter l'épuisement des ressources naturelles. Ces nouveaux bétons impliquent tout de même des modifications dans la manière de construire nos bâtiments car la durée de prise de ces bétons (délais de durcissement) est rallongée par rapport aux béton classiques ce qui engendre des rallongements des délais de chantier.

Des innovations de rupture émergent, tel le remplacement de la phase de cuisson à très haute température, 1450°C, aussi appelée clinkérisation, pendant une durée très longue de 18 heures, par l'activation à froid de la matière par des actions chimiques entre des matériaux grâce à des activateurs spécifiques59(*). Hoffmann Green développe ainsi un ciment fabriqué sans cuisson et donc sans clinkerisation60(*) ; ce qui permet de diviser par 5 son impact carbone. Le site de production, sans four ni cheminée, ne produit pas de déchet, et est alimenté jusqu'à 50% via un parc de trackers solaires.

- La gestion de l'eau, bien qu'insuffisamment prise en compte par la RE 2020, sera prochainement prise en compte dans la performance environnementale des bâtiments.

En effet, les entreprises du bâtiment ont aussi un rôle important à jouer dans la bonne gestion de la ressource en eau, en réduisant leur consommation sur le chantier. Les métiers de la finition, tels que les peintres ont déjà commencé à mettre en place des solutions de réduction des consommations d'eau par le biais de machines fonctionnant avec des agro-solvant en circuit fermé et se contentant de quelques dizaines de litres d'eau par an. Des travaux sont également menés sur d'autres corps de métiers tels que l'isolation thermique par l'extérieur qui nécessite de consommer 2,2 litres d'eau par mètre carré pour nettoyer les supports. La filière a d'ores et déjà répertorié 38 produits destinés au nettoyage des façades sans eau.

- La filière signale61(*) en revanche des difficultés de mise en oeuvre de la REP PMCB - responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du bâtiment -, ou plus simplement REP Bâtiment, entrée en vigueur en 2023.

Malgré une contribution financière, « le dispositif mis en place ne répond toujours pas aux enjeux et aux objectifs » : le maillage territorial est réparti inéquitablement, même s'il progresse, avec des zones blanches dans les territoires ruraux ; l'obligation de payer l'éco contribution, malgré l'absence de contrepartie sous la forme d'une solution de reprise sans frais, conduit à payer une prestation qui n'existe pas ; le volume minimum de reprise sur chantier de 50 m² est trop important pour au moins 80 % des entreprises, principalement celle exerçant une mono activité ; les consignes de tri ne sont pas harmonisées et des centres de traitement refusent des déchets différents, mais triés arrivant sur le plateau d'un seul camion, obligeant les entreprises à faire autant de trajets que de type de déchets ; le dispositif administratif et numérique que l'entreprise doit renseigner en amont de son arrivée dans les points de collecte n'est pas harmonisé, chaque éco-organisme imposant aux plateformes sa procédure et ses modes opératoires.

Enfin, la filière regrette que le marché de la rénovation peine à décoller et que le basculement tant espéré entre neuf et la rénovation de s'opère pas.

(3) Le cas de la filière du transport maritime62(*)

Vos rapporteurs se sont rendus à Marseille le 31 mai 2024 pour des entretiens à la CMA-CGM63(*) et au Grand Port de Marseille Méditerranée (GPMM).

Le secteur maritime pèse près de 3 % des émissions de GES selon l'Organisation maritime internationale.

Le transport maritime est extrêmement polluant car il utilise massivement du fioul lourd, qui émet à la fois du CO2, mais aussi d'autres GES. Les navires relâchent également des particules de soufre dangereuses pour la santé. Comme le secteur aérien, il ne dispose pas aujourd'hui d'une trajectoire crédible pour réduire ses émissions de GES massivement. Le secteur maritime est en pleine croissance : les navires transportent aujourd'hui 11 milliards de tonnes chaque année, contre 4 milliards dans les années 1990. Un tiers de ces marchandises concerne des produits énergétiques : pétrole, gaz et charbon. Si cette tendance se poursuit, en 2050, le transport maritime pourrait représenter 17 % des émissions de GES au niveau mondial.

L'intensité carbone d'un conteneur a été divisé par deux depuis 2008 en raison de l'augmentation de la taille des navires.

En 2018, l'Organisation maritime internationale a publié de premiers engagements visant à réduire de 50 % les émissions d'ici à 2050, sans préciser clairement comment y parvenir. Ces objectifs doivent être redéfinis d'ici 2028.

Ce secteur entend remplacer le fioul lourd par d'autres carburants. Une partie des armateurs, comme CMA-CGM, misent sur le gaz naturel liquéfié (GNL), mais l'augmentation des prix du gaz depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie rend plus difficile la poursuite de cette stratégie. D'autres acteurs misent sur des carburants dits « de synthèse » : de l'hydrogène produit à partir d'électricité renouvelable, de l'ammoniac ou des agrocarburants non alimentaires. Mais produire ces carburants est pour l'instant onéreux, compte tenu de la faible demande. Ensuite, il faudrait changer la motorisation ou utiliser de nouveaux navires qui ne sont pas encore disponibles. Ces carburants seront aussi sollicités par d'autres secteurs - l'aviation, le transport routier, par exemple - qui cherchent également à se décarboner.

D'autres solutions existent, comme le fait d'ajouter un moteur électrique pour une partie des trajets, ou d'ajouter une voile sur certains navires, comme le fait Louis Dreyfus Armateurs. Sur certains trajets, ces solutions permettent d'économiser 20 % de carburant. Ainsi, certaines entreprises tentent de se lancer sur le marché du transport à la voile, comme en atteste un salon qui s'est tenu à Saint-Nazaire en juin 2023 sur le sujet. Toutefois, ces solutions concernent des volumes limités.

Comme le secteur aérien, le transport maritime n'évoque pas la question de la baisse du trafic, pourtant identifiée par les scientifiques du GIEC dans leur dernier rapport comme la solution la plus efficace à la baisse des GES.

CMA-CGM : une gestion en temps réel de la flotte

source d'efficacité énergétique

Créé en 1978 par Jacques Saadé qui possédait alors un bateau et employait 4 collaborateurs, le groupe CMA-CGM est issu de la fusion en 1996 de la Compagnie maritime d'affrètement (CMA) et de la Compagnie générale maritime (CGM), elle-même héritière de la Compagnie générale transatlantique et des Messageries maritimes.

C'est un opérateur mondial qui gère une flotte de 566 navires, assure 257 services maritimes et escales dans 160 pays et 420 ports, sur les 521 ports commerciaux existants dans le monde. Il s'est récemment diversifié dans le transport aérien, en acquérant des Airbus A350F qui consomment 20 % de moins de carburant. Il emploie 160 000 salariés dont 13 000 marins. Il fait partie des 5 premières entreprises mondiale de fret maritime.

Son empreinte carbone totale est évaluée à 37,9 millions de tonnes. Sa stratégie de décarbonation et la réduction de 30 % d'émissions de GES d'ici 2030 et de 80 % d'ici 2040.

Elle repose sur deux piliers :

- Réduire la consommation d'énergie grâce à l'excellence opérationnelle et à l'optimisation des actifs.

La délégation a pu ainsi se rendre au « fleet center » de la compagnie qui gère en temps réel la trajectoire de chacun de ses 900 navires en fonction des conditions de sécurité météorologique et de piraterie. Aidé par l'intelligence artificielle64(*), cette gestion permet d'économiser 400 000 tonnes de fuel annuel et de réduire entre de 12 à 14 % les émissions de GES.

- Utiliser des énergies moins carbonées en augmentant la part des énergies bas carbone dans le mix énergétique, à la fois par l'acquisition d'actifs adaptés et le développement de filières de production durables.

Le groupe a engagé des investissements massifs, sachant qu'une ligne maritime nécessite 12 navires représentant au total 2 milliards d'investissements. D'ici 2028, 119 navires sur 600 environ fonctionneront avec du biogaz et du méthanol. Outre un coût quadruple par rapport au fuel lourd, se pose la question du conflit des usages, les carburants alternatifs étant l'objet d'une vive concurrence.

Depuis septembre 2022, le fonds énergies PULSE, doté d'1,5 milliard d'euros à déployer sur 5 ans, a soutenu 40 projets (dont du carburant ammoniaqué et le moteur à hydrogène) aux côtés de grands groupes, de start-ups innovantes et de fonds d'investissement, en vue d'accélérer la transition énergétique du groupe et de l'ensemble du secteur du transport et de la logistique.

Par ailleurs, le groupe a décidé d'arrêter de transporter du plastique à bord de ses navires.

Les rapporteurs se sont ensuite rendus au Grand Port de Marseille Méditerranée (GPMM) : il a reçu 72 millions de tonnes en 2023, dont 45 de vrac liquides représentant 60 % du trafic maritime. Il occupe un site de 400 ha à Marseille et 10 000 ha à Fos-sur-Mer. Il emploie 42 600 salariés dont 1050 dans le secteur public et sa chaîne de valeur compte 1570 entreprises.

Le site de Marseille est le seul de la Méditerranée à proposer une connexion électrique des navires à quai (CENAQ) qui permet d'améliorer considérablement la qualité de l'air et contribue à l'augmentation significative de l'accueil des grands paquebots de croisière. Le port a par ailleurs installé des panneaux photovoltaïques sur les toitures des entrepôts.

Le site de Fos accueille, pour sa part, de nombreuses entreprises de la « greentech » : H2V qui produit de l'hydrogène vert et du e-carburant, ELYS qui produit des carburants alternatifs pour alimenter 40 navires, GRAVITY qui propose la réduction électrique du minerai de fer, CARBON entreprise de panneaux photovoltaïques, SAF produisant du carburant durable pour l'aviation et AO6, un projet de parc éolien flottant en Méditerranée.

La mise à niveau des infrastructures de communication, routière et ferroviaire, comme le déploiement d'une ligne de très haute tension à 400 000 volts entre Fos-sur-Mer et Jonquières-Saint-Vincent65(*), sont indispensables au développement de ce « hub » de la décarbonation.

3. Un impact qui interroge le modèle économique et suscite la mobilisation des réseaux d'entreprises
a) Un dérèglement climatique qui interroge le modèle économique

Certains experts auditionnés par vos rapporteurs ont évoqué des scénarios conduisant à une remise en cause des modèles économiques classiques, qui ont partagé les rapporteurs.

Pour M. Philippe Dessertine, professeur à l'Institut des administrations des entreprises de l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne, directeur de l'Institut de haute finance à Paris et président de l'association « Comité 21 », auditionné par la délégation aux Entreprises le 25 janvier 2024 : « le dérèglement climatique, qui a aussi une dimension économique. Le modèle économique mondial que nous utilisons ne fonctionne pas pour huit milliards de personnes - il ne fonctionnait pas, déjà, pour six ou sept milliards de personnes. Ce modèle a dérivé du modèle industriel, créé il y a environ deux siècles et demi. Il est condamné. Il doit être bouleversé. À mon sens, ce changement doit être profond et rapide. C'est la raison pour laquelle je n'aime pas la notion de « transition ». L'urgence climatique nous oblige ».

Auditionné par les rapporteurs le 21 mai, le président de l'association du Collège des directeurs du développement durable (C3D), Fabrice Bonnifet, par ailleurs directeur de la stratégie RSE du groupe Bouygues, a également appelé à changer de paradigme économique.

Pour ce dernier, « aucune entreprise au monde ne peut suivre sa trajectoire de décarbonation car il faut réduire de 10% l'an quelle que soit sa croissance (si elle est de 3%, il faut baisser de 13% les GES). Beaucoup d'entreprises vont mourir si elles ne changent pas rapidement ». Il a récusé à la fois le discours de la « croissance verte » « un mensonge alors qu'il faut parler de décroissance et arrêter de mesurer la performance d'une entreprise en croissance ou en gain d'argent », et celui de la géo-ingénierie qui « ne fera que nous précipiter encore un peu plus vite vers le chaos climatique, ne serait-ce que parce que cela nous incitera à cesser d'atténuer nos émissions ». Ainsi : « vouloir tout climatiser va rendre les villes encore plus invivables pour ceux qui ne pourront pas y avoir accès et sera interdit à terme car cela augmente le réchauffement des villes ».

Abandonner la ressource fossile pour passer au tout électrique serait également « une illusion » car les énergies renouvelables vont avoir besoin de 10 fois plus de métaux critiques nécessitant « d'extraire dans les 25 prochaines années autant de métaux que depuis Antiquité, ce qui est impossible ». Les tensions sur les prix sont phénoménales : le prix du cuivre a, par exemple, fortement évolué depuis le début des années 2000 , comme l'indique le graphique ci-après :

Source : prix-du-cuivre.fr

« La transition climatique, ce n'est pas garder le mode de vie sans rien changer. Il faudra des modèles d'affaires différents avec l'économie régénérative, développer le réemploi et les matériaux comme un service (bâtiment dont l'utilisateur n'est pas propriétaire des équipements) avec une haute intensité d'usage pour combattre l'actuelle mauvaise allocation des ressources : on utilise une voiture 4 % de son temps ; 17 % des logements en permanence vides ».

Le 31 janvier 2024, il déclarait qu'il était « plus que jamais urgent de s'attaquer aux racines profondes de la crise écologique et sociale, plutôt qu'à ses symptômes. Nous avons passé bien trop de temps à essayer de trouver des artefacts pour atténuer les conséquences de notre aveuglement, à croire que l'on pouvait substituer le “sale” par du “pseudo-propre” dans une approche phasiste du “progrès”, mais l'implacabilité des faits démontre que les impacts négatifs ne diminuent pas. Nous ne remplaçons rien, nous continuons d'empiler les sources énergétiques et de déplacer les pollutions ailleurs. Six limites planétaires sur neuf sont déjà dépassées, la crispation sociale est au plus haut, les dettes explosent... Et on constate chaque jour à quel point nos prétendues solutions miracles ne résoudront rien à l'échelle du problème ».

Il a évoqué des nouveaux modèles d'affaires innovants, en repensant les activités et modes de production des entreprises, mais aussi à l'adaptation, afin de réduire l'impact négatif, de générer un impact positif, tout en demeurant rentable :

- L'entreprise contributive, dont le modèle d'affaires repose sur le partage, la réparation, la réutilisation permettant ainsi de préserver les ressources et de favoriser un mode de consommation soutenable.

- L'économie circulaire, qui vise à maximiser l'utilisation des ressources et à minimiser les déchets, en favorisant la réutilisation, la réparation, le recyclage et la régénération des matériaux et des produits. Elle s'oppose ainsi au modèle économique linéaire traditionnel qui consiste à extraire des matières premières, à produire des biens, à les consommer et à les jeter. Elle repose sur trois principes fondamentaux : la conception de produits durables et réutilisables, la réutilisation et le recyclage des matières premières et des produits en fin de vie, et l'optimisation de l'utilisation des ressources naturelles. Elle implique une collaboration entre les différents acteurs de la chaîne de valeur, de la conception des produits à la gestion des déchets, en passant par la production, la distribution et la consommation.

- L'économie de la fonctionnalité, quant à elle, se base non plus sur la vente d'un produit, mais sur la vente de son usage. Ce modèle économique dépasse la notion de priorité et se reconnecte au besoin du consommateur en lui fournissant des solutions durables. Les entreprises cherchent alors à maximiser la valeur pour le client tout en minimisant leur impact environnemental et en optimisant l'utilisation des ressources. L'économie de la fonctionnalité peut également être bénéfique pour les entreprises, qui peuvent réduire leurs coûts en optimisant l'utilisation des ressources et en améliorant leur efficacité opérationnelle.

- L'économie collaborative, également appelée économie du partage, est un modèle économique qui permet à des individus ou des entreprises de partager des biens, des services ou des connaissances avec d'autres personnes, avec ou sans échanges monétaires, souvent à travers une plateforme en ligne. Les ressources sont alors utilisées de manière plus efficace car plusieurs personnes peuvent utiliser le même bien ou service. L'économie collaborative peut prendre de nombreuses formes, telles que le covoiturage, la location de logements ou d'objets, le partage de compétences ou de connaissances, ou encore le financement participatif.

Pour Fabrice Bonnifet, « ces modèles ont pour objectif central de redéfinir ce qui a de la valeur et permettent de valoriser des modes de consommation environnementalement, socialement et économiquement vertueux. C'est à l'entreprise d'amorcer cette transition vers de nouvelles offres et au consommateur de s'emparer de ces opportunités de consommer moins, mais mieux ».

b) La mobilisation des réseaux d'entrepreneurs

Lors d'un déplacement à Nantes, puis Vannes, vos rapporteurs ont rencontré, les 4 et 5 avril de nombreux chefs d'entreprises appartenant à des réseaux d'entrepreneurs sensibilisés et mobilisés en faveur de la transition climatique, à l'occasion du « Jour E » organisé par Bpifrance et consacré aux solutions opérationnelles offertes aux entreprises pour entrer en transition climatique.

Ces échanges se sont poursuivis à l'occasion d'une audition, le 28 mai, du Mouvement Impact France, représenté par Mme Caroline Neyron, directrice générale du Comité 21, représenté par M. Philippe Dessertine, de la Convention des Entreprises pour le climat (CEC), représentée par MM. Éric Duverger, fondateur de la CEC et Grégoire Fraty, conseiller spécial de la CEC, et du Collège des directeurs du développement durable (C3D), représenté par son président, M. Fabrice Bonnifet.

Le Mouvement Impact France, qui se définit comme le « premier réseau lobbying et business des acteurs économiques à impact social et écologique » réunit depuis dix ans « une communauté de pionniers qui ont démontré qu'un autre modèle est possible », car « l'urgence sociale et écologique nous appelle à changer de modèle pour répondre aux besoins de tous et toutes, pour faire mieux avec moins. Entrepreneurs, nous pensons que le succès de la transition écologique et sociale repose sur un nouveau type d'entreprises qui se développent, en préservant le capital écologique et social de l'humanité ». Ce réseau considère que les entreprises pouvaient grandir :

- en revendiquant un rôle sociétal dans son coeur de métier, en interne vis-à-vis de ses salariés et en externe avec des services et produits inclusifs ;

- en engageant une véritable transition en matière d'éco-consommation et d'éco-conduite, dans l'entreprise et auprès de ses parties prenantes ;

- en partageant la valeur, avec une stratégie financière éthique, fondée sur des modes de gestions équitables et transparents (transparence des écarts de rémunération, échelle de rémunération proportionnée, partage de la valeur avec les fournisseurs et les salariés) ;

- en partageant le pouvoir, en instaurant un principe de gouvernance éthique avec une transparence décisionnelle, une parité de genre et de hiérarchie dans les instances de décision et l'intégration de l'entreprise dans son écosystème territorial.

Le réseau d'entrepreneurs à impact social et écologique entend démontrer que « l'efficacité économique peut se conjuguer avec justice sociale et transition écologique » et qu'ainsi, les entreprises pourront répondre aux aspirations de la jeunesse et attirer les jeunes talents, pourront renouer avec la confiance des consommateurs, et pourront investir de nouveaux marchés.

Le Comité 21 se présente comme « le plus grand réseau français des acteurs du développement durable », qui fédère depuis 1995 les acteurs du développement durable en France. Il regroupe à la fois des collectivités locales, des entreprises, des associations, des établissements d'enseignements supérieurs et des citoyens qui « veulent avoir un impact positif sur la société » en la transformant vers un modèle durable en s'appuyant sur l'Agenda 2030 et les 17 Objectifs mondiaux du Développement Durable (ODD).

La Convention des Entreprises pour le Climat (CEC), créée en décembre 2020, est une association d'intérêt général dont la vocation est d'organiser des parcours de prise de conscience et de transformation pour décideurs économiques. Elle entend « rendre irrésistible la bascule de l'économie extractive vers l'économie régénérative avant 2030 » (même si « toutes les entreprises ne deviendront pas régénératives avant 2030 »), en promouvant « un modèle d'affaires allant au-delà de la réduction d'impact ou même du "net zéro” pour viser la régénération des écosystèmes en s'appuyant sur des formes nouvelles et élargies de coopérations entre acteurs d'un même territoire ».

Elle propose dans cet objectif un programme qui vise à accélérer la transition écologique des entreprises en formant des chefs d'entreprise afin de leur faire « prendre conscience de l'urgence climatique et écologique », « d'assimiler les connaissances nécessaires sur les enjeux », « d'élaborer une feuille de route pour transformer son entreprise dans le sens d'un modèle régénératif66(*), respectueux du vivant ».

Les rapporteurs se sont déplacés à Vannes sur le site de l'entreprise « Les bottes d'Anémone », fleuriste éco-responsable qui s'approvisionne en circuit court, « générant ainsi 11 fois moins d'émissions de GES qu'un bouquet traditionnel ». Tiphaine Turluche, sa fondatrice a ainsi estimé qu'il est « essentiel de ne pas créer une claque climatique, qui permet de prendre conscience de l'immensité et de l'imminence de ce qui arrive et de la nécessité de bifurquer, sans l'accompagner d'une démarche encourageant les dirigeants vers l'action et la transition climatique de leur entreprise ».

Les entreprises regroupées au sein de la Convention des entreprises pour le climat imposent la réalisation d'un BEGES de scope 367(*) pour les entreprises de plus de 50 salariés, conditionnent les rémunérations des dirigeants à la réussite de critères environnementaux, favorisent les mobilités les moins polluantes en entreprise, accélèrent la rénovation énergétique des bâtiments d'entreprise.

Pour son fondateur, Éric Duverger : « 450 contributeurs bénévoles de la convention accompagnent les 2000 entreprises représentant 80 milliards de chiffre d'affaires dans un Parcours de transformation et de réinvention de leur business model pour feuille de route de l'économie régénérative, faite de modèles d'affaires allant au-delà de la réduction d'impact ou même du "net zéro” pour viser la régénération des écosystèmes en s'appuyant sur des formes nouvelles et élargies de coopérations entre acteurs d'un même territoire ». Il estime ainsi que « la transition climatique n'est pas encore engagée car sous information des dirigeants d'entreprise ne sont pas tous conscients des limites planétaires et de leur dépassement ou du caractère systémique de la crise qui invite à changer le modèle économique actuel (qui raisonne en activité en augmentation de volume et en linéaire) avec seulement 7 % d'économie circulaire actuellement », selon son intervention lors de la table-ronde du 28 mai.

Enfin, la Communauté du Coq Vert, rencontrée à Nantes lors du « Jour E » qui proposait une série de masterclass traitant de thématiques techniques liées à la transition énergétique et écologique, est une communauté de dirigeants et de dirigeantes convaincus de la nécessité d'agir et déjà engagés dans la transition écologique et énergétique. Lancée par Bpifrance, en partenariat avec l'ADEME et le ministère de la Transition écologique, ce réseau a vocation à favoriser le partage d'expertise entre entrepreneurs engagés. Ainsi, sa publication « Climat cherche patrons militants », coécrit par 36 entrepreneurs engagés dans la transition écologique et énergétique, met en lumière les témoignages d'entrepreneurs et d'acteurs économiques et institutionnels dont le point commun est l'engagement pour le climat.

Ces réseaux d'acteurs sont essentiels car ils permettent de mobiliser les dirigeants d'entreprise dont l'implication est le préalable à la modification du business model et à la décarbonation. L'effort est parfois conséquent. Jean-Paul Chapron, président du conseil de Surveillance d'ASI68(*) et représentant de la Convention des entreprises pour le climat, a cité ainsi le cas de l'entreprise Mustela qui arrêtera en 2027 la production et la commercialisation de lingettes jetables représentant 20 % de son chiffre d'affaires afin de prendre en compte des impacts négatifs d'un produit qui génère un déchet à usage unique bouchant les canalisations, et des microparticules se retrouvant dans les océans et les écosystèmes69(*).


* 31 Les GES sont des constituants gazeux de l'atmosphère, tant naturels qu'anthropiques, qui absorbent et émettent un rayonnement à des longueurs d'onde données du spectre du rayonnement terrestre émis par la surface de la Terre, l'atmosphère et les nuages. C'est cette propriété qui est à l'origine de l'effet de serre. La vapeur d'eau (H 2O), le dioxyde de carbone (CO 2), l'oxyde nitreux (N 2O), le méthane (CH 4) et l'ozone (O3) sont les principaux GES présents dans l'atmosphère terrestre. Il existe également des GES résultant uniquement des activités humaines, tels que les hydrocarbures halogénés et autres substances contenant du chlore et du brome, dont traite le Protocole de Montréal. Outre le CO2, le N 2O et le CH 4, le Protocole de Kyoto traite, quant à lui, d'autres GES tels que l'hexafluorure de soufre (SF6), les hydrofluorocarbones (HFC) et les hydrocarbures perfluorés (PFC).

* 32 Trois des dix principes concernent les entreprises :

« Principe 7 : Les entreprises sont invitées à appliquer l'approche de précaution face aux problèmes touchant l'environnement.

« Principe 8 : Les entreprises sont invitées à prendre des initiatives tendant à promouvoir une plus grande responsabilité en matière d'environnement.

« Principe 9 : Les entreprises sont invitées à favoriser la mise au point et la diffusion de technologies respectueuses de l'environnement ».

* 33 Les équivalents CO2 (CO2e) sont une unité de mesure visant à uniformiser l'effet climatique des différents gaz à effet de serre. Afin de comparer l'impact des différents gaz à effet de serre, le GIEC a défini le « potentiel de réchauffement global » (Global Warming Potential). Cet indice exprime la contribution au réchauffement climatique d'une certaine quantité de gaz à effet de serre sur une période définie (en général 100 ans) par rapport à celle du CO2. Ainsi, l'effet climatique du méthane est par exemple 28 fois supérieur à celui du CO2, mais le gaz reste moins longtemps dans l'atmosphère. L'effet climatique de l'oxyde nitreux est quant à lui près de 300 fois supérieur à celui du CO2. Les émissions de gaz à effet de serre peuvent ainsi être converties et synthétisées en équivalents CO2. Les équivalents CO2 sont désignés par l'abréviation «CO2e ».

* 34 La réduction de l'activité et des déplacements avec la crise sanitaire a largement contribué à la baisse de l'empreinte en 2020 (- 9 % par rapport à 2019). En 2019, l'empreinte carbone est estimée à 605 Mt CO2 eq (9 tonnes par personne), soit un niveau inférieur de 7 % à celui de 1995.

* 35 L'empreinte carbone est différente de l'approche utilisée pour élaborer les inventaires nationaux d'émission de GES (GES) réalisés par le Citepa pour le Ministère de la Transition Ecologique. Alors que l'approche inventaire se focalise sur les émissions dites territoriales (approche production : émissions ayant lieu sur le territorial national), l'empreinte carbone, elle, intègre toutes les émissions (rejetées en France et à l'étranger) induites par la consommation en France, de produits fabriqués en France et à l'étranger.

* 36 Au niveau européen, l'empreinte carbone de la France restreinte au CO2 est de 7,6 t CO2 par personne, pour une moyenne européenne de 8,3 t CO2 et une valeur mondiale de 4,8 t CO2. L'empreinte CO2 rapportée à la population est supérieure à la valeur moyenne mondiale, alors que les émissions territoriales de CO2 de la France sont proches de la moyenne mondiale (4,8 t CO2 en 2019).

* 37 Le Citepa est une association sans but lucratif, indépendante, réunissant des experts rigoureux, impartiaux, impliqués dans la protection de l'environnement et prônant le dialogue et le partage de connaissances.

* 38 Selon l'INSEE, le secteur UTCATF (Utilisation des terres, changement d'affectation des terres et foresterie) permet de rapporter les flux de CO2 entre différents réservoirs terrestres (biomasse, sols, etc.) et l'atmosphère qui ont lieu sur les surfaces gérées d'un territoire. Il peut ainsi constituer une source nette ou un puits net de CO2. Ce secteur, défini dans le cadre des inventaires nationaux d'émissions de gaz à effet de serre, reflète notamment les émissions et absorptions liées à l'utilisation des terres (croissance, mortalité de la biomasse et prélèvement de bois en forêt ; impacts des changements de pratiques agricoles sur les sols cultivés, etc.) et aux changements d'utilisation des terres (déforestation, afforestation, artificialisation des sols, etc.). Les méthodes de calcul de ces émissions et absorptions sont définies par le GIEC.

* 39 Article 169 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 modifiant l'art. 1833 du code civil.

* 40 Chaque année depuis 2016, la BEI mène une vaste enquête auprès de 12 000 grandes entreprises et PME de l'UE pour connaître leurs besoins de financement et les difficultés qu'elles rencontrent. Le panel comprend également 800 entreprises installées aux États-Unis.

* 41 La renégociation des contrats avec les fournisseurs d'énergie a aussi été évoquée par 67 % d'entre elles, tandis que 62 % déclarent avoir transféré la hausse des coûts vers leurs consommateurs.

* 42 Enquête en ligne réalisée en décembre 2022 auprès de 1 400 gérants et managers d'entreprise, issus de divers secteurs d'activité situés en Australie, France (360 répondants), Italie, aux Pays-Bas, et au Royaume-Uni.

* 43 C'est une carte qui permet de synthétiser les risques de l'entreprise. Le placement se fait selon deux axes : un axe horizontal qui correspond à l'impact en cas de survenance du risque, impact allant de nul à très élevé et un axe vertical correspondant à la fréquence de survenance du risque allant de rare à très fréquent. Les risques qui se trouvent à une fréquence élevée avec un impact important sont considérés comme non tolérables. Ceux qui se trouvent dans le coin gauche ont un impact et une fréquence de survenance faible. Ils sont donc plus tolérables.

* 44 Les sociétés anonymes françaises employant dans leur groupe au moins 5 000 salariés et ayant leur siège social en France, ou ayant au moins 10 000 salariés et ayant leur siège social à l'étranger.

* 45 La loi du 17 mars 2017 a créé un article L. 225-102-4 du Code de commerce relatif au devoir de vigilance des sociétés qui oblige les entreprises dépassant ces seuils à « identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation »

* 46 Saisi par la Fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunications (SUD PTT) à l'encontre de la société La Poste, le Tribunal judiciaire de Paris a prononcé, par une décision du 5 décembre 2023, une injonction à l'encontre de la Poste, de compléter son plan de vigilance par (1) une cartographie des risques destinée à leur identification, analyse et hiérarchisation, (2) des procédures d'évaluation des sous-traitants, (3) un mécanisme d'alerte et de recueil des signalements après avoir consulté les organisations syndicales, et, enfin, (4) de publier un réel suivi des mesures de vigilance, qui ne se contente pas de propos généraux[20]. En revanche, le Tribunal judiciaire a rejeté les demandes de publication d'une liste exhaustive de tous les fournisseurs et sous-traitants ainsi que la mise en place de mesures visant à prévenir le travail illégal ou les risques psychologiques et de sécurité qui étaient réclamés par le syndicat SUD PTT.

* 47 «  Les entreprises face aux risques physiques liés à la dérive climatique : Idées reçues, positionnement stratégique et bonnes pratiques », novembre 2023.

* 48 « Même au sein des entreprises employant des risk managers (une typologie d'entreprise plutôt prédisposée à l'exercice d'analyse de risque donc), un tiers déclare qu'il n'existe aucune gouvernance des risques climatiques dans leur organisation, et que la responsabilité du pilotage reste encore floue ».

* 49 Cette estimation est un ordre de grandeur, recomposé par le Lab de Bpifrance à partir de l'empreinte carbone de la France et d'éléments de comptabilité nationale, et ne s'apparente en aucun cas à un bilan des émissions de gaz à effets de serre des PME et ETI en France. En comparaison, la British Business Bank (l'équivalent britannique de Bpifrance) estime que les PME britanniques comptent pour 29 à 36 des émissions nationales, pour un poids globalement comparable des PME dans son économie.

* 50 Représentant à elles deux, les deux tiers de la production annuelle du secteur (soit 166 milliards d'euros hors taxes du CA) et emploient les deux tiers des 1 273 000* salariés travaillant dans le bâtiment.

* 51 Qui a réuni une cinquantaine d'États, trente ministres, des industriels, des institutions financières, 1 800 participants au total. Parmi les États présents se trouvent la Chine et les États-Unis, les plus grands émetteurs, le Japon, l'Allemagne, mais aussi le Brésil, l'Egypte, la Turquie, la Côte d'Ivoire, le Cameroun et l'Afrique du Sud, directement concernés par l'emballement urbain.

* 52 En raison notamment d'un constituant, nommé clinker, que l'on obtient grâce à la combustion d'énergies fossiles et qui contient une grande quantité de calcaire, qui libère du CO2 lorsqu'il est chauffé.

* 53 « Climat : réunis à Paris, une cinquantaine d'États prêts à revoir la manière de construire », Émeline Cazi, Le Monde, 7 mars 2024.

* 54 Ancienne règlementation thermique.

* 55 Les NF DTU (NF pour norme française et DTU pour document technique unifié) sont des normes volontaires qui précisent les conditions techniques de bonne exécution des ouvrages.

* 56 RAGE (Règles de l'Art Grenelle de l'Environnement), PACTE (Programme d'Action pour la qualité de la Construction et la Transition Énergétique), OMBREE (programme inter Outre-Mer pour des Bâtiments Résilients et Économes en Énergie), et plus récemment et PROFEEL (programme de la Filière pour l'innovation en faveur des Économies d'Énergies dans le bâtiment et le Logement).

* 57 Constituant du ciment obtenu par calcination d'un mélange d'acide silicique d'alumine, d'oxyde de fer et de chaux. Moulu puis additivé avec des laitiers de hauts-fourneaux par exemple, le clinker sert à fabriquer le ciment, entrant lui-même dans la liste des constituants du béton.

* 58 Le laitier correspond aux scories qui sont formées en cours de fusion ou d'élaboration du métal par voie liquide. Cette matière est un important coproduit des hauts fourneaux, appréciée comme remblai ou comme matière première dans la fabrication du ciment.

* 59 Il est fabriqué à partir d'un mélange de coproduits issus de l'industrie qui sont ainsi recyclés. Aujourd'hui, il s'agit d'un ciment à base de laitier alcali-activé, issu de haut fourneau de l'industrie métallurgique et sidérurgique. À termes, d'autres ciments pourraient être développés notamment à base de gypse/désulfogypse issus de déblais de chantier, d'argile flashée qui est un co-produit issu des boues d'argile ou en réutilisant des cendres de chaufferie bois. Ces techniques variées permettraient de donner une seconde vie à ces déchets.

* 60 Ensemble des réactions physico-chimiques à hautes températures conduisant à la formation du clinker. Il s'agit des réactions de déshydratation et deshydrolylation (150-800°C) puis de décarbonatation (950-1100°C) des minéraux constitutifs du cru de cimenterie.

* 61 Notamment à l'occasion d'un déplacement de la délégation aux Entreprises en Alsace, les 23 et 24 mai 2024.

* 62 La décarbonation de la filière aéronautique a fait l'objet d'un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (n° 2703 Assemblée nationale et n° 650 Sénat) du 30 mai 2024 de M. Jean-François Portarrieu, député, et M. Pierre Médevielle, sénateur.

* 63 Le groupe CMA CGM est issu de la fusion en 1996 de la Compagnie maritime d'affrètement (CMA) et de la Compagnie générale maritime (CGM), elle-même héritière de la Compagnie générale transatlantique et des Messageries maritimes.

* 64 Tous les conteneurs réfrigérés sont équipés d'un logiciel de gestion de la consommation d'énergie, afin de suivre la température des marchandises au plus près et d'éviter le gaspillage et les navires les plus récents comptent à leur bord des milliers de capteurs.

* 65  Selon RTE, cette nouvelle ligne doit notamment permettre d'accompagner le vaste mouvement de décarbonation de la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer ; l'installation de projets liés à la transition énergétique ; différents projets du territoire tels que le développement des datacenters, le raccordement des navires à quai ; l'électrification des usages pour les particuliers : développement des pompes à chaleur, des véhicules électriques, etc.

* 66 Alors que la RSE cherche principalement à réduire des impacts négatifs de l'activité d'une entreprise sur l'environnement et la société, en montrant les interdépendances entre ces sphères, la démarche régénérative place l'entreprise au sein de l'environnement duquel elle dépend, en le priorisant. Elle vise l'impact positif « net » sur l'environnement et la société en allant au-delà de la neutralité carbone. La démarche régénérative cherche à réparer les services écosystémiques qui soutiennent les conditions de vie sur Terre (cycle de l'eau, biodiversité, régulation du climat) et à renouveler les ressources naturelles. « La régénération stimule la refonte et l'innovation du modèle économique ainsi que la manière d'apporter et partager la valeur, car produire en régénérant pose un nouveau défi : comment produire et régénérer, en même temps, les ressources naturelles mobilisées ? », selon Bpifrance.

* 67 Lorsque l'on quantifie les émissions d'une entreprise, on les répartit en trois catégories : les émissions directes (Scope 1), les émissions indirectes liées à l'énergie (Scope 2) et tout le reste (Scope 3).

* 68 Société qui accompagne les entreprises dans leur transformation numérique, les organisations publiques et privées, les ETI et les grands groupes. Créée en 1993 elle est implantée dans 7 villes en France (Paris, Lyon, Rennes, Brest, Nantes, Niort et Bordeaux) et compte plus de 500 collaborateurs.

* 69 «  Mustela : la marque qui renonce à du chiffre d'affaires pour être plus durable », Carenews, 18 mars 2024.

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