AVANT PROPOS

Le dérèglement climatique s'accélère, mais la transition climatique des entreprises ne suit pas.

Selon une étude scientifique récente1(*), la planète se réchauffe désormais plus rapidement que le rythme de + 0,18°C par décennie observé entre 1970 et 2010. Le réchauffement climatique a atteint un nouveau record, avec une augmentation moyenne de +1,19°C au cours de la dernière décennie (2014-2023) par rapport à l'ère préindustrielle, contre +1,07°C entre 2010 et 2019. La hausse des températures est plus élevée sur les continents (1,74 °C) qu'à la surface des océans (1,19 °C). Le réchauffement climatique s'est intensifié entre la décennie 2010-2019 analysée dans le dernier rapport du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat (GIEC) et la période 2014-2023, analysée dans cette nouvelle étude.

Lors de l'année 2023, la plus chaude jamais enregistrée, la hausse des températures s'est établie à 1,43 °C. L'écrasante majorité de cette surchauffe (1,3 °C, soit 90 %) est liée aux activités humaines. Les 10 % restants ont été causés par la variabilité naturelle du climat et, en particulier, le phénomène climatique El Niño2(*).

Selon l'étude, les rejets carbonés ont atteint des niveaux records sur la décennie 2013-2022, équivalant à 53 milliards de tonnes de carbone (CO2) par an. Les émissions sont provoquées par la combustion d'énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz), pour environ 70 % de ce total, ainsi que la production de ciment, l'agriculture et la déforestation. Le rythme de hausse, qui s'établit aujourd'hui à un peu moins de 1 % par an, a toutefois ralenti, comparé aux années 2000, où il dépassait 3 % par an.

Cette hausse des émissions entraîne une augmentation de la concentration des GES dans l'atmosphère, à des niveaux inédits depuis plusieurs millions d'années pour le CO2. Le déséquilibre énergétique de la Terre, c'est-à-dire la quantité d'énergie qui arrive dans le système climatique comparé à celle qui en repart, s'accroît. Il est désormais 50 % plus élevé que sur la moyenne des cinquante dernières années.

Pour cette étude, le budget carbone (plafond d'émissions) disponible pour conserver 50 % de chance de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C, comme prévu par l'Accord de Paris de 2015, s'épuise rapidement. Il a été divisé par plus de deux par rapport à l'estimation du GIEC. Au début de l'année, il s'établissait à 200 milliards de tonnes de CO2 contre 500 milliards dans l'évaluation de 2021. Cela ne correspond plus qu'à cinq ans d'émissions au rythme actuel.

Nous avons attendu trop tard pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d'ici 2050. Cependant, si la neutralité carbone est atteinte d'ici là, il sera possible de faire redescendre les températures mondiales plus tard dans le siècle.

Comme le souligne le Haut conseil pour le climat dans son rapport du 20 juin 2024 : le « décalage se creuse entre les mesures prises pour faire face aux impacts du changement climatique et les besoins d'adaptation car les aléas climatiques induits par le réchauffement s'intensifient plus rapidement que les moyens mis en oeuvre pour en limiter les impacts ». Il estime qu'il faut accélérer de 30 % pour que la baisse des émissions territoriales nettes permette d'atteindre l'objectif 2030 en cohérence avec le paquet « Fit for 55 » de l'Union européenne.

Nous sommes entrés dans le temps où les objectifs de l'Accord de Paris sont dépassés. Les impacts climatiques vont s'aggraver plus rapidement. Cette situation inquiétante plaide en faveur d'une accélération de la transition climatique, alors même que les moyens financiers à y consacrer sont compromis par un endettement et un déficit publics massifs.

L'atteinte de la neutralité carbone nécessite une transformation fondamentale de nos modes de production et de consommation. Cette transformation devra être orientée et guidée par une mobilisation sans précédent des politiques et des finances publiques.

Pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de CO2 de 200 millions de tonnes par an d'ici 2030 par rapport au niveau de 2019, « chacun doit contribuer, entreprises, pouvoirs publics et ménages », comme l'a indiqué le 16 mai le secrétaire général à la planification écologique lors de la table-ronde organisée par la délégation aux Entreprises. Les entreprises représentent environ la moitié de cette réduction, les pouvoirs publics, un quart, et les ménages un autre quart.

Alors que l'ensemble des entreprises sont concernées, la délégation aux Entreprises partage le constat de Bpifrance selon lequel « sur ce front environnemental, les dirigeants de PME (et dans une moindre mesure d'ETI) sont dans l'angle mort des législateurs français et européens, qui concentrent leur attention sur les gros industriels et les plus grands sites énergivores »3(*)

Alors que la stratégie nationale bas carbone se fait toujours attendre, que le bouclage financier de la transition climatique tarde alors même que l'emballement du dérèglement climatique devrait conduite à accélérer, la délégation aux Entreprises présente 21 recommandations pour mettre au diapason l'ensemble des entreprises dans le défi historique qu'elles affrontent.


* 1 «  Indicators of Global Climate Change 2023: annual update of key indicators of the state of the climate system and human influence », Earth System Science Data, 5 juin 2024.

* 2 Réchauffement du Pacifique équatorial qui augmente les températures mondiales. Les très fortes anomalies de chaleur observées à l'été et à l'automne 2023, avant le pic d'El Niño, suscitent de vifs débats au sein de la communauté scientifique.

* 3 « Décarboner les PME & ETI Françaises : des petits pas aux virages stratégiques », avril 2023

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