COMPTE RENDU DES RÉUNIONS DE LA DÉLÉGATION
I. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 15 MAI 2024
Réunion plénière avec la délégation sénatoriale aux outre-mer - échange sur le déplacement aux Antilles de la mission « Entreprises et climat » de la délégation aux entreprises et sur les défis des entreprises en outre-mer
M. Olivier Rietmann, président. - Je me réjouis de cette réunion organisée conjointement par nos deux délégations. Nous avons beaucoup de sujets communs tant les défis sont nombreux pour les entreprises dans les outre-mer. Nous avions d'ailleurs apprécié la dernière réunion commune de nos deux délégations, en mai 2023, sur le thème de l'emploi des jeunes et de l'entrepreneuriat dans les territoires ultramarins.
Nous sommes aujourd'hui réunis pour échanger sur la vie économique, et plus précisément les défis des entreprises, dans les outre-mer, en débutant par le compte rendu de nos trois collègues Lauriane Josende, Brigitte Devésa et Simon Uzenat, que j'ai accompagnés lors de leur déplacement en Martinique et Guadeloupe du 22 au 26 avril derniers.
Les visites de terrain dans ces territoires ont semblé particulièrement pertinentes pour leurs travaux dans le cadre de la mission d'information « Entreprises et climat ». Les enjeux sont multiples et les entreprises doivent s'adapter avec résilience et détermination à l'évolution des contraintes climatiques.
Mme Micheline Jacques, président de la délégation aux outre-mer. - Avant tout, je souhaiterais que nous ayons une pensée particulière pour nos amis de Nouvelle-Calédonie qui vivent des moments extrêmement difficiles. Nous sommes dans une situation très grave et nous déplorons malheureusement quatre morts.
Notre collègue Naturel, qui devait participer à cette réunion, vous prie d'excuser son absence. Il se consacre sur place à la recherche de solutions allant vers l'apaisement et la sécurité de nos compatriotes.
Je tiens à remercier la délégation aux Entreprises, et tout particulièrement son président Olivier Rietmann, pour cette réunion conjointe qui nous permet de partager nos réflexions sur une thématique pleinement d'actualité, le réchauffement climatique analysé sous l'angle des entreprises, en l'occurrence des entreprises ultramarines. En effet, les territoires ultramarins sont en première ligne face au dérèglement climatique.
Je tiens à saluer votre démarche puisque vous avez tenu à examiner la situation particulière des outre-mer, et à vous rendre personnellement aux Antilles. La mission de la délégation aux outre-mer que j'ai conduite aux Antilles avec les deux rapporteurs de notre étude sur l'adaptation des modes d'action de l'État, Philippe Bas et Victorin Lurel, en avril dernier, a précédé d'une semaine celle que vous avez vous-même menée en Martinique et en Guadeloupe.
Nous sommes donc impatients de recueillir votre diagnostic sur ce que vous avez vu et appris sur le terrain. Je note que nous sommes particulièrement nombreux pour vous entendre et partager nos points de vue.
Je me félicite de nos liens étroits et réguliers. Nous avons déjà pu travailler ensemble de manière fructueuse par le passé, sur les thèmes du recrutement pour les entreprises ultramarines et de l'attractivité des emplois dans nos territoires. Je rappelle que trois de nos collègues sont membres de nos deux délégations et sont en quelque sorte nos « référents » directs : Dominique Théophile, Catherine Conconne et Stéphane Fouassin.
Les économies ultramarines sont confrontées à des fragilités structurelles (insularité, éloignement, étroitesse des marchés, etc.), accentuées par certaines difficultés, comme une forte dépendance extérieure, des délais de paiement traditionnellement importants ou encore un tissu entrepreneurial composé essentiellement de petites, voire de très petites entreprises.
À la suite de la crise liée à la pandémie de Covid-19, sous l'impulsion du président Michel Magras, notre délégation s'était penchée sur « l'urgence économique outre-mer », en proposant que la sortie de crise soit l'opportunité de promouvoir un nouveau modèle de développement, plus résilient, davantage tourné vers l'économie verte et bleue, pour lequel les outre-mer pourraient faire figure de territoires pionniers.
Trois ans plus tard, cette rencontre est l'occasion de faire un point d'étape : le choix de cette thématique est opportun, car chacun observe que la situation conjoncturelle se dégrade. Depuis quelques mois, les défaillances d'entreprises sont en augmentation et les tensions sont particulièrement fortes dans les secteurs comme la construction et le commerce.
Je suis convaincue que cette réunion commune nous permettra un échange et un enrichissement mutuel, mais aussi de tracer des perspectives pour nos chefs d'entreprise, qu'ils soient hexagonaux ou ultramarins.
M. Olivier Rietmann, président. - La parole est aux rapporteurs de la mission « Entreprises et climat ».
Mme Lauriane Josende, rapporteure de la mission d'information « Entreprises et climat ». - Ce déplacement en Martinique et Guadeloupe du 22 au 26 avril nous a permis de rencontrer deux dizaines de dirigeants de PME, et de dialoguer, dans les deux départements, avec les diverses organisations d'employeurs, ainsi qu'en Guadeloupe, avec les représentants des filières du BTP et du secteur touristique.
Ce séjour s'est déroulé pendant un épisode de « brume de sable », pollution de l'air lié aux sables du Sahara, lesquels n'impactent pas uniquement l'Europe. C'est un exemple concret, visible, du caractère mondial de notre sujet ! Ce déplacement nous permettra d'illustrer, avec des cas pratiques, les interactions entre entreprises et climat, et d'évaluer les politiques publiques d'accompagnement des entreprises dans leur transition environnementale.
La Martinique et la Guadeloupe sont exposées en première ligne aux impacts du changement climatique. Il s'agit principalement de la montée des eaux, qui provoque un fort recul du trait de côte, jusqu'à un mètre par an dans certains endroits, et de l'intensité croissante des pluies ou des cyclones. Ainsi, l'entreprise Klingele à Baillif, en Guadeloupe, première industrie du département et seule cartonnerie des Antilles, a subi la tempête tropicale Fiona en septembre 2022, avec une inondation qui a ravagé l'usine de 3 500 mètres carrés. Elle a pu maintenir 80 % de son chiffre d'affaires grâce à neuf mois d'importation de cartons, 40 % plus chers, afin de garder ses clients. Les pertes se sont élevées à 11 millions d'euros et l'entreprise attend un remboursement des assurances à hauteur de 5 ou 6 millions d'euros. Si elle n'était pas adossée à un groupe allemand, elle n'aurait pas survécu. Elle projette de déménager, car les assurances demandent de rehausser de 80 centimètres le sol du site actuel, ce qui est impossible, et de financer une digue de protection du littoral sur 1,5 kilomètre, ce qui est également hors de portée. On mesure les enjeux pour cette entreprise qui souhaite s'inscrire dans une démarche durable : le carton est fabriqué à partir de 70 % de matière recyclable, et est ensuite recyclé à 100 %, sans aucun produit chimique. Elle n'utilise pas de résine pour renforcer le carton, mais de la colle à l'amidon de maïs ou de blé. Elle utilise par ailleurs de l'encre à l'eau.
D'autres zones à fort potentiel économique sont menacées : la zone industrielle du Jarry à Pointe à Pitre ou encore la plage de Sainte Anne.
Nous évoquerons la question de l'assurabilité des entreprises lors d'une audition ultérieure de France Assurance. En effet, le coût des aléas climatiques pris en charge par les assurances pourrait doubler d'ici 2050, passant de 73 à 143 milliards d'euros. Le régime public des catastrophes naturelles, créé en 1982, est en déficit, alors que les dommages couverts vont augmenter de 40 à 60 % d'ici 2050. Si ces dommages ont une fréquence trop élevée, les biens seront inassurables, avec une franchise insupportable. Le rapport Langreney, remis le 2 avril dernier, préconise ainsi l'indexation automatique de la surprime « cat-nat » (catastrophes naturelles) pour suivre l'« inflation climatique ».
Cela rend d'autant plus critique la situation de ces départements. L'élévation du niveau des mers provoquée par le réchauffement climatique conduit à des intrusions salines rendant certaines nappes phréatiques impropres à la consommation. Nous avons été stupéfaits de l'ampleur de la crise de l'eau - et sans accès à l'eau, beaucoup d'entreprises ne peuvent simplement pas fonctionner. 98 % de la population locale boit de l'eau en bouteille, alors que le revenu moyen est de 500 euros par habitant. Ces deux départements bénéficient pourtant d'une pluviosité abondante. Les « tours d'eau », distribution intermittente ou alternée d'eau potable par zone géographique, les factures démesurées liées à des fuites ou à des « compteurs bloqués », l'absence de dialogue de la part des gestionnaires, provoquent un sentiment justifié de colère de la population comme des entreprises.
La question de l'accès à l'eau et à l'assainissement a été largement mise en avant lors des Assises des outre-mer, qui en ont fait une priorité des pouvoirs publics. Selon le président du MEDEF de Guadeloupe, « les coupures d'eau intempestives sont récurrentes » alors que le « plan eau Guadeloupe 2022 » avait pour objectif, dans « une première phase d'urgence », la suppression des « tours d'eau » dans un délai de 24 mois. L'État finance d'importants investissements, actuellement de l'ordre de 70 millions d'euros par an, mais cette somme est dispersée dans les différentes collectivités ultramarines et n'est pas à la hauteur des enjeux.
En Guadeloupe, le départ de Veolia, qui n'a pas suffisamment entretenu le réseau pendant vingt ans, sans que l'État ne s'en émeuve, a été catastrophique. Désemparées, les collectivités locales ont repris la gestion en régie, désormais unifiée. Elles doivent par ailleurs affronter la crise sanitaire de la chlordécone. Fuites des réseaux, stockage de l'eau de pluie en citernes abandonnées, impayés accumulés, branchements illégaux, absence de factures pour les entreprises qui les réclament : l'état des lieux est inquiétant.
Ni la création d'un syndicat mixte unifié dans les deux départements ni la subvention annuelle de l'État (20 millions d'euros en Guadeloupe) ne semblent suffisantes pour assumer les 800 millions d'euros de travaux à réaliser, d'autant que des embauches massives et excessives handicapent structurellement la gestion de ces syndicats.
La situation est pire encore pour l'assainissement. Sur 25 stations d'épuration financées par les aides européennes du fonds européen de développement régional (FEDER), seules 3 fonctionnent. Des stations neuves n'ont jamais fonctionné. Les eaux usées ne sont pas traitées et du corail meurt. La situation sanitaire se dégrade. Si l'écosystème et la biodiversité locale sont atteints, c'est l'attrait touristique qui sera menacé. Pour le MEDEF, « la situation est gravissime. Il faut en faire un chantier prioritaire et investir un milliard d'euros ». C'est le prix à payer pour atteindre le retour à une situation normale de l'eau en Guadeloupe, pour tous, sous 5 ans, avec un schéma quinquennal d'investissement, comme le promet le Livre bleu outre-mer de 2018. Mais, faute de financements appropriés, force est de reconnaître qu'en cinq ans, on ne constate aucun retour à la normale. Si ce financement était mobilisé, encore faudrait-il qu'il profite aux entreprises locales. Or, certains laissent entendre que les entreprises guadeloupéennes ou martiniquaises ne sont pas capables de répondre aux appels d'offres et qu'il faut faire appel à des multinationales du secteur du BTP.
J'ai longuement évoqué ce sujet de l'eau, sujet traité par ailleurs par le Conseil économique social et environnemental (CESE), car il résonne avec la situation de mon département, les Pyrénées Orientales. Comme la délégation aux entreprises l'a constaté lors d'un déplacement le 1er février dernier, la sécheresse y sévit. Depuis deux ans, la pluviométrie y est comparable à celle enregistrée dans certains pays du Sahel. Il pleut davantage à Marrakech qu'à Perpignan, même si nous avons la chance d'avoir enfin eu un peu de pluie ces derniers jours. Un arrêté de crise et des restrictions d'usage de l'eau sont en vigueur depuis plus d'un an. Des filières économiques, notamment agri-viticoles sont menacées. Pourtant, des entreprises, comme nous l'avons vu lors de ce déplacement, font d'importants efforts pour recycler l'eau et diminuer drastiquement leur consommation. L'eau reste néanmoins indispensable à l'activité économique.
Mme Brigitte Devésa, rapporteure de la mission d'information « Entreprises et climat ». - Je remercie le Président qui nous a accordé sa confiance en nous nommant rapporteurs de cette mission d'information « Entreprises et climat ». La transition écologique et l'environnement étaient des sujets que je méconnaissais : nous apprenons énormément depuis le début de nos auditions.
Le réchauffement climatique provoque également le développement des algues sargasses, ce sont des algues brunes dites holopélagiques, qui s'échouent épisodiquement de façon plus ou moins massive sur les côtes antillaises et guyanaises depuis 2011. Elles présentent, au-delà d'un certain seuil, un risque sanitaire.
Nous avons visité l'entreprise martiniquaise Master Salad, dont le fondateur est un ancien militaire. Il lui a fallu deux ans pour trouver le foncier nécessaire à son activité, en l'occurrence un ancien entrepôt de bananes. Cela illustre les conclusions du récent rapport de nos collègues de la délégation aux outre-mer, Vivette Lopez et Thani Mohamed Soilihi, consacré au foncier agricole en outre-mer. Comme le chef d'entreprise percevait à l'époque le revenu de solidarité active (RSA), les banques locales lui ont refusé un prêt bancaire de 3,5 millions d'euros, qu'il a finalement obtenu d'une banque à Marseille. Il s'approvisionne localement en salades, mais il n'échappe pas aux actes de jalousie ou de malveillance. Mais les quantités produites localement ne suffisent pas : il importe donc depuis l'Espagne, s'étant diversifié dans les crudités, les sauces et le fromage, et travaille dans l'Hexagone avec la Laiterie Gilbert. L'entreprise emploie 15 salariés qui emballent 1 tonne de salade par jour.
Il nous a signalé deux difficultés majeures. La première est de trouver une main d'oeuvre qui a le goût de l'effort. Dans un département où sévit le chômage, comment comprendre qu'il ne puisse trouver les salariés pour vendre du fromage à la coupe pour un salaire mensuel de 2 500 euros bruts ? Il n'a ainsi pas pu ouvrir un restaurant, avec 21 emplois à la clé, faute de trouver un gérant qu'il aurait pourtant payé 75 000 euros par an. Je rappelle que le coût de la vie dans ces départements est de 40 % supérieur à celui de l'Hexagone. La deuxième difficulté tient aux retards de paiement des collectivités publiques, qui peuvent atteindre huit mois, voire plus, et ont été évoqués par de multiples interlocuteurs. L'entreprise attend toujours le règlement d'une facture en date de septembre 2023. Sa décision, radicale, est de ne plus répondre aux appels d'offres des cantines communales, sauf à ceux de la seule cantine qui règle à temps.
La « déprise démographique » de ces départements a également été évoquée par le dirigeant du groupe Citadelle, opérateur de mobilités dans les Antilles, avec lequel nous avons eu un entretien. Il a fait part de ses vives inquiétudes sur le dépeuplement et le vieillissement accélérés. La Martinique et la Guadeloupe connaissent en effet le rythme de dépeuplement le plus rapide de France, selon l'Insee, supérieur à celui de la Meuse ou de la Haute-Marne, avec un solde migratoire et naturel négatif depuis 2020, et le vieillissement le plus rapide de France.
Les économies ultramarines ont une empreinte carbone élevée. Le mix électrique est très dépendant d'énergies fossiles, en raison de l'absence de production nucléaire et du retard de développement des énergies renouvelables. La dépendance aux importations pour un très grand nombre de fournitures ajoute à cette empreinte. Enfin, les sociétés ultramarines sont très dépendantes de transports émetteurs de CO2 : la voiture, excessivement présente faute de transports en commun, le bateau pour les approvisionnements, l'avion tant pour l'activité touristique que pour les déplacements de la population.
Nous avons ensuite visité la seule raffinerie française des Antilles à la pointe du Jarry, la Société anonyme de raffinerie des Antilles (SARA). Première entreprise antillaise à mission depuis 2023, elle est un acteur majeur de l'économie des Antilles. Afin d'optimiser le raffinage en fonction de la structure du marché et de la consommation locale, l'entreprise s'approvisionne aux États Unis, désormais premier producteur mondial de pétrole, et en mer du Nord. Son objectif de décarbonation est de passer de 123 000 tonnes de GES aujourd'hui à 86 000 tonnes en 2030, grâce à des procédés d'amélioration de l'efficacité énergétique. Plus grosse consommatrice d'eau de l'île, elle s'approvisionne désormais en mer, permettant ainsi d'alléger significativement ses prélèvements sur le réseau.
La décarbonation totale paraît hors d'atteinte. D'une part, la production d'hydrogène vert semble hors de portée, même avec des subventions importantes. D'autre part, la biomasse est convoitée pour d'autres usages, les procédés sont encore expérimentaux et la visibilité temporelle des investissements est trop incertaine.
La transition énergétique dans cette zone doit donc passer par le développement du mix énergétique. En Martinique, les énergies renouvelables ne représentaient que 6 % du mix énergétique en 2017, mais 27 % en 2022, notamment grâce au recours croissant à l'énergie solaire. Le photovoltaïque présente donc un large potentiel de développement, le taux d'ensoleillement moyen y étant de 2 400 heures par an, contre 1 850 heures à Paris.
Nous avons visité Systeko, en Martinique, qui intervient sur toute la chaîne de valeur- de la construction à la maintenance - des installations photovoltaïques, importées de Chine. De 15 millions d'euros en 2017, son chiffre d'affaires a cru à 22 millions d'euros en 2023. Cette hausse de 40 % s'explique par le développement de l'injection dans le réseau électrique de la production photovoltaïque Ce chiffre d'affaires est réalisé, soit par location de la toiture, soit par vente directe, laquelle représente 90 % de son activité contre 10 % seulement pour la location.
L'entreprise se heurte aux difficultés techniques du raccordement au réseau EDF. Alors qu'il suffit de trois semaines pour installer des panneaux, le raccordement peut prendre trois ans. Comme le modèle dominant est la location, c'est l'entreprise qui règle les loyers aux propriétaires à la place d'EDF. Les territoires antillo-guyanais constituent des zones non interconnectées (ZNI) au réseau électrique hexagonal, ils doivent donc produire et distribuer localement l'électricité nécessaire à leur consommation.
Nous avons ici l'illustration concrète des causes du retard de la France dans l'atteinte de ses objectifs d'énergies renouvelables (EnR) électriques. Avec 28 % de part des EnR dans sa consommation d'électricité en 2022, la France dépasse enfin le seuil des 27 %, qui était son objectif à fin 2020, mais ne suit toujours pas sur la trajectoire qui lui permettra d'atteindre les 40 % visés fin 2030.
Ce taux est désormais inaccessible. En Martinique, le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie (SRCAE) ambitionnait une production d'énergie renouvelable représentant 58 % de l'énergie produite à l'horizon 2023. Le retard est de plus de trente points. Or, seul « un développement massif des énergies vertes, localement, au niveau des territoires, reste la clé de la décarbonation et permet de sécuriser en partie notre approvisionnement énergétique » comme le clame la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Autrement dit, le développement du photovoltaïque doit s'effectuer au même rythme que le développement du réseau électrique.
Les causes du retard sont connues. D'abord, les procédures et demandes d'autorisations pour les projets d'EnR étaient très longues même si elles ont été récemment accélérées. Ensuite, les politiques nationales à l'égard des énergies renouvelables manquent d'engagement. Enfin et surtout, les nouveaux projets - éoliens en particulier - provoquent localement des levées de boucliers. Nous avons appris le blocage d'éoliennes en mer en raison de conflits relatifs aux zones de pêche, en lien avec l'impact sur la biodiversité ou aux nuisances dues à leur acheminement en partie terrestre (comme à Grand'Rivière en Martinique). Pour les éoliennes terrestres, on rencontre les mêmes difficultés d'acceptabilité sociale que dans l'Hexagone. Malgré des retards importants, 10 000 foyers martiniquais sont alimentés depuis février 2020 en électricité grâce au vent.
La décarbonation conduit à l'électrification de nos filières économiques. Mais un important travail de synchronisation reste à réaliser, ce qui suppose une programmation mieux articulée pour développer la consommation électrique. Ainsi, si l'on impose aux loueurs de voitures de proposer 25 % de véhicules électriques, il faut proposer dans le même temps un nombre de bornes suffisant ainsi que la puissance électrique adaptée, ce qui n'est pas le cas actuellement.
M. Simon Uzenat, rapporteur de la mission d'information « Entreprises et climat ». - Je remercie le président Olivier Rietmann de nous avoir accompagné dans cette visite de terrain. C'était mon premier déplacement en Martinique et en Guadeloupe, et il a été riche d'enseignements. Nous sommes tous d'accord : ces territoires ont vocation à être les premiers en matière d'adaptation au changement climatique et d'innovation dans le secteur économique pour y faire face.
La première illustration est l'entreprise Top Caraïbes, qui importe de l'acier européen produit par Arcelor Mittal pour réaliser les toits en tôle qui couvrent 95 % des habitations aux Antilles. Le marché est cependant étroit et le retour sur investissement est long, d'autant que la durée de vie de ces toitures a été divisée par deux avec l'abandon de produits interdits comme le plomb. Par ailleurs, le coût de la matière première a augmenté de 85 %, alors que le prix facturé au client n'a augmenté que de 60 %, parce que le secteur est très concurrentiel. On recense six entreprises en Guadeloupe contre quatre à La Réunion, alors que le nombre d'habitants y est bien supérieur.
Je rappelle également l'importance des événements climatiques comme les cyclones, qui sont très fréquents. Nous en avons eu l'illustration avec Irma à Saint Martin en 2017 qui a nécessité un renouvellement massif des toitures.
Dans la continuité des propos de ma collègue Brigitte Devésa, je pointe le retard d'un certain nombre d'opérateurs, notamment EDF, qui a conduit l'entreprise à attendre son raccordement en Guadeloupe, le poste d'alimentation étant considéré incompatible, alors qu'il avait pourtant été validé par EDF en Martinique. L'entreprise a dû utiliser un groupe électrogène pendant plusieurs mois !
Cette même entreprise a connu une coupure d'eau brutale en pleine journée, parce qu'elle avait mal rempli un formulaire administratif, sans que le gestionnaire d'eau ne la contacte pour régulariser la situation. Elle a dû batailler pour rétablir l'alimentation. L'entreprise cherche à augmenter son autonomie, avec la récupération de l'eau de pluie notamment, mais si celle-ci lui permet de faire face à des aléas momentanés, elle ne lui permet pas de compenser des ruptures d'alimentation durables.
Cette entreprise est innovante et propose notamment des toitures intégrant une isolation thermique. Toutefois, celles-ci ne bénéficient pas d'aides plus importantes que les toitures sans isolation. Les toitures foncées, qui concentrent les rayons du soleil, élèvent la chaleur dans les habitations et donc augmentent le recours à la climatisation très énergivore, sont aidées de la même façon que les toitures plus claires qui présentent pourtant des avantages pour lutter contre le réchauffement climatique : ce sont là pour nous des aberrations.
En termes de recyclage, l'entreprise est contrainte de réexpédier dans l'Hexagone les chutes d'acier issues de sa production, l'entreprise locale, la Société nouvelle de récupération de Guadeloupe, ne valorisant pas l'acier recyclé. Il nous semble que des solutions pourraient être mises en oeuvre assez simplement.
Le deuxième exemple emblématique est celui d'Emerwall, jeune start up créée en 2021. Elle propose des isolants acoustiques et thermiques écoresponsables à base de bagasse, notamment son produit phare dénommé « Emerflex ». Elle valorise ainsi une petite partie du sous-produit de la distillerie martiniquaise. Ces isolants répondent aux obligations de la réglementation environnementale « RE 2020 », même si cette réglementation n'est pas pour l'instant déclinée de manière spécifique pour les territoires ultramarins. La bagasse est également recherchée pour son potentiel énergétique, en tant que biomasse. Cette solution d'isolation permet de limiter le recours aux systèmes de climatisation, et substitue un produit local aux laines de verre ou aux laines de roche importées, certes à des prix inférieurs, mais avec un impact carbone beaucoup plus important.
L'entreprise Gazdom a été créée en 2015 en Martinique. Elle est spécialisée dans la fabrication, le conditionnement et la distribution de gaz industriels et de fluides frigorigènes. Son activité est bien sûr très dynamique sur des territoires qui connaissent des températures élevées. Elle propose une gamme complète de produits pour l'automobile, l'agroalimentaire ou la plongée. L'utilisation de ces produits, notamment par les automobiles, appelle à une vigilance particulière pour éviter les fuites de gaz réfrigérants, très émetteurs de GES. Ils sont 10 000 fois plus nocifs que le CO2 ! On constate également des trafics illégaux de gaz réfrigérants qui ne sont pas aux normes et ne sont pas adaptés aux systèmes de réfrigération, ce qui augmente le risque de fuites préjudiciables pour le climat.
Nous avons enfin rencontré deux filières essentielles pour le développement économique des territoires antillais : celles du BTP et du tourisme.
Nos interlocuteurs du secteur du BTP ont déploré la baisse des investissements publics. Ils s'inquiètent de la diminution de la population et des nouvelles obligations liées à la « RE 2020 ».
Un enjeu central est celui des problèmes de recrutement et de formation, qui nous ont souvent été signalés, notamment à cause d'un manque de soutien public local. Par exemple, les centres de formation ne disposent pas de plateaux techniques, ce qui conduit les jeunes à partir se former dans l'Hexagone. Les entreprises ont pris leurs responsabilités et ont créé un centre de formation d'apprentis (CFA). Mais dans certains cas, cela ne suffit pas : par exemple, Top Caraïbes nous signale qu'elle ne peut pas former localement des conducteurs d'engins à pilotage latéral, ce qui requiert un certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (CACES) particulier.
Cependant, il y a des besoins d'infrastructures, notamment en matière de traitement des déchets. Nous déplorons que les délégations de service public pour les usines en projet aient été annulées.
La défiscalisation de la construction n'est pratiquement plus utilisée, parce que les services du ministère de l'Économie et des finances tardent trop à instruire les dossiers. Les délais administratifs sont régulièrement pointés du doigt. Les représentants de l'État dans les territoires sont de bonne volonté, mais ils n'ont pas les moyens d'agir à la hauteur des attentes des entreprises.
Par ailleurs, l'augmentation des délais de paiement est très préoccupante. C'est d'autant plus incompréhensible que les collectivités locales tardent plusieurs mois à régler leurs factures, mais exigent des entreprises candidates aux marchés publics qu'elles soient à jour de leurs paiements ! On attend des entreprises qu'elles deviennent les banquiers des collectivités locales. C'est un problème qui semble pourtant assez facile à régler et qui permettrait aux entreprises de tenir le coup. Certaines craignent de devoir licencier une partie de leur personnel si elles ne sont pas payées rapidement.
Nous avons rencontré la Fédération du tourisme et des restaurateurs et l'Union des métiers de l'industrie hôtelière de Guadeloupe. Il me semble que nous avons contribué à créer des liens entre ces deux acteurs qui se parlaient peu. 75 % du tourisme de Guadeloupe est concentré dans la « Riviera du Levant » (la communauté d'agglomération regroupant les villes de la Désirade, du Gosier, de Sainte Anne et de Saint François), confrontée au recul du trait de côte. Ces acteurs s'inquiètent des impacts du surtourisme sur leur territoire.
Ils demandent une simplification du millefeuille administratif. L'empilement des échelons et des responsabilités ainsi que les moyens insuffisants des intercommunalités constituent des freins à leur activité.
Depuis 2000, la Guadeloupe a enregistré la fermeture de nombreux hôtels entraînant une diminution d'environ 40 % du nombre de chambres, soit un peu plus de 2 000 chambres au total. L'industrie touristique représente actuellement 30 % du PIB antillais et souhaiterait atteindre 60 %. Cependant, elle veut accueillir moins et accueillir mieux. Le tourisme de masse et le « tourisme sandwich », notamment sous la forme des escales des bateaux de croisière, amènent des flots de visiteurs qui consomment peu, mais abîment les écosystèmes locaux.
Nous avons évoqué le « slow tourism ». L'un de nos interlocuteurs nous a indiqué souhaiter que le séjour des touristes soit zéro carbone dès lors qu'ils posent le pied sur l'île. Cela pourrait passer par le développement du vélo, mais on ne compte que 700 mètres de pistes cyclables en Guadeloupe.
La taxe touristique n'est aujourd'hui pas mutualisée : son affectation devrait être revue.
Nous n'avons pas pu visiter l'entreprise Myditek en raison d'un barrage routier des producteurs de canne à sucre. Elle propose aux exploitants agricoles des solutions numériques pour le pilotage de la production.
Ce barrage routier témoigne de la très forte conflictualité sociale qui existe dans les territoires antillais, nourrie par des inégalités ressenties comme insupportables, avec d'un côté les fonctionnaires et les cadres du secteur privé, plutôt bien rémunérés, ou ceux qui bénéficient de rentes de situation, et de l'autre de nombreuses personnes en situation de précarité qui subissent les affres de la vie chère.
La balance commerciale est très déficitaire. Le taux de couverture - c'est-à-dire le ratio entre la valeur des importations et celle des exportations - est seulement de 8,7 % en Martinique et de 11 % en Guadeloupe. Nous avons identifié des marges de progression, notamment sur l'alimentation et les monocultures. Sur les 232,9 millions d'euros de produits exportés par la Martinique, 70 millions d'euros proviennent des ventes de banane.
M. Olivier Rietmann, président. - Je remercie les trois rapporteurs pour leur implication dans les travaux de la mission d'information et cet excellent compte-rendu de notre déplacement.
Les retards de paiement des collectivités territoriales sont tels que les entreprises qui travaillent pour elles ne paient plus leurs charges, afin de conserver leur trésorerie et de continuer à investir. Lorsqu'elles reçoivent les rappels de charges et les pénalités correspondantes, elles répondent en envoyant les factures impayées des collectivités et en invitant leurs créanciers à se tourner vers ces collectivités.
Nous avons également rencontré le patron du RAID à Fort de France et qui nous a fait part d'un certain nombre de dysfonctionnements.
Le RAID n'intervient pas seulement, comme dans l'Hexagone, sur des situations terroristes ou très dangereuses. Il intervient sur toutes les interpellations. Celles-ci sont beaucoup plus dangereuses que dans l'Hexagone, parce que de nombreuses armes circulent sur le territoire. Ces interventions se déroulent aussi bien sur terre qu'en mer, en lien étroit avec les douanes.
Le bâtiment dans lequel il est installé ne correspond pas aux besoins. Plus de 600 000 euros ont été investis dans sa rénovation sans que les équipes soient interrogées sur leurs attentes. Ainsi, si le bâtiment compte plusieurs portes métalliques blindées, ce n'est pas le cas dans l'armurerie qui contient pourtant un arsenal très important !
Les visites de terrain sont « l'ADN » de la délégation aux Entreprises. En conclusion de ce déplacement, après ces riches discussions avec les acteurs locaux et les dirigeants d'entreprises, nous avons la conviction que la transition énergétique ne concerne pas uniquement les producteurs d'énergie et les gros consommateurs. Elle doit se traduire par la mobilisation des PME, TPE, entreprises individuelles des territoires, tant en matière de consommation que de production. Le rôle des organisations d'employeurs pour la sensibilisation, la formation, l'accompagnement, est ici essentiel. Les collectivités locales doivent avoir un effet d'entraînement dans la transition énergétique, en développant l'équipement de leurs bâtiments en matériel de production photovoltaïque, en constituant des flottes de véhicules électriques et en proposant une offre de mobilités collectives plus conséquente. Elles doivent pouvoir aider davantage les entreprises locales grâce à la commande publique, en renforçant les clauses de responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
L'impact climatique est plus fort dans les territoires ultramarins que dans l'Hexagone, ce qui exacerbe les enjeux que nous connaissons dans nos départements : disponibilité du foncier économique, formation de la main d'oeuvre, adaptation des normes aux spécificités de chaque territoire, etc. Les handicaps structurels doivent être compensés par une fiscalité adaptée.
Je donne un exemple de la nécessité d'adaptation des normes, : dans l'Hexagone, les interpellations à domicile ne peuvent pas avoir lieu avant 6 heures du matin. Cet horaire permet aux équipes d'intervention de pouvoir bénéficier de l'obscurité de la nuit. Or en Martinique, il fait déjà grand jour à 6 heures du matin et l'effet de surprise n'existe plus. Il faudrait autoriser les interpellations à domicile dès 5 heures du matin sur ce territoire.
La Martinique et la Guadeloupe disposent de tous les atouts pour devenir des territoires décarbonés, avec un développement durable et responsable. Il appartient à l'État de mobiliser les moyens suffisants, et aux collectivités locales de faire preuve de responsabilité et d'exemplarité afin de montrer la voie de la transition environnementale.
Mme Micheline Jacques, président de la délégation aux outre-mer. - Les outre-mer sont au coeur des enjeux de différenciation territoriale et d'adaptation normative. Je vous remercie de les avoir appréhendés in situ. De nombreuses règles ne sont en effet pas adaptées aux territoires ultramarins, nous l'avons vu dans le secteur du logement. Il y a des aberrations. L'une de mes premières interventions au cours des débats sur le projet de loi de finances (PLF) concernait la révision des contrats des producteurs d'énergies renouvelables.
Le taux d'ensoleillement de nos territoires est important et l'énergie photovoltaïque devrait y être valorisée. À Saint Barthélemy, malgré la violence des vents de l'ouragan Irma, nous n'avons perdu que 40 % des panneaux photovoltaïques installés, ce qui montre qu'ils peuvent résister à des vents importants s'ils sont correctement fixés.
En matière de formation, les régiments du service militaire adapté (RSMA) réalisent un travail extraordinaire tant en Martinique qu'en Guadeloupe. Ils proposent 70 formations gratifiantes et 82 % des diplômés sont embauchés rapidement par des entreprises. Malheureusement le SMA n'est accessible qu'à partir de 18 ans, alors que l'école n'est obligatoire que jusqu'à 16 ans. Il y a donc une « zone floue » pour les jeunes de 16 à 18 ans qui aboutit à des situations de rupture, certains étant livrés à eux-mêmes dans la rue. Il est ensuite difficile de les réintégrer à 18 ans dans une structure de formation. Dès le collège, il faudrait identifier les jeunes intéressés par des métiers manuels.
Nos territoires sont des riches en innovations, qui peuvent servir de modèle pour résoudre les problèmes que rencontre l'Hexagone, par exemple sur la problématique de l'eau. Certains territoires ont par exemple mis en place des dispositifs de récupération de l'eau de pluie.
M. Olivier Rietmann, président. - Tout n'est pas perdu, nous arrivons à faire avancer certains dossiers. Avec le président Micheline Jacques, nous avions échangé sur l'application de certaines normes en matière de bois de construction. Pour bénéficier de certaines subventions, les entreprises doivent utiliser du bois de construction avec la norme CE. Or, pour que le bois acheté en Guyane bénéficie de cette norme, il fallait qu'il transite par l'Hexagone avant de repartir en Guadeloupe ou en Martinique. Nous avions fait part de ce problème aux autorités compétentes : les constructeurs que nous avons rencontrés au cours de notre déplacement nous ont dit qu'il était résolu et que le bois guyanais bénéficiait désormais de la norme CE sans devoir passer par l'Hexagone.
Mme Brigitte Devésa, rapporteure de la mission d'information « Entreprises et climat ». - En Guadeloupe et en Martinique, nous avons rencontré des entreprises très attachées à la transition écologique et au développement durable. Elles font face à des difficultés, mais avec un travail commun, nous pourrions améliorer leurs conditions d'activité. Elles sont très réactives. Ainsi, l'entreprise Klingele, qui avait été inondée, a réussi à reprendre rapidement son activité.
En tant que parlementaires, nous devons interpeller le Gouvernement sur les problèmes spécifiques rencontrés par les territoires ultramarins. Il est regrettable que sur des territoires qui bénéficient d'un ensoleillement aussi important, le développement de l'énergie de source photovoltaïque soit parfois entravé.
En raison d'un manque de solutions de formation, certains jeunes sont désoeuvrés. Cette situation est un creuset pour le développement de la violence.
Ces problèmes ne sont pas insurmontables. C'est à travers des comptes-rendus comme celui que nous venons de vous présenter que nous pouvons alerter les autorités compétentes de l'État. Vous avez tout notre soutien !
M. Michel Masset. - Je vous remercie pour cette « photographie » de la réalité ultramarine. Je ne l'imaginais pas aussi difficile.
Quelles doivent être les priorités des parlementaires pour anticiper l'avenir, pour accompagner ces territoires ? Quelles sont les perspectives d'espoir ?
M. Jean-Gérard Paumier. - Je suis sidéré par ce que j'ai entendu sur le manque d'eau et sur les obstacles au développement de l'énergie de source photovoltaïque, dans des îles pourtant ensoleillées.
Les collectivités territoriales de l'Hexagone sont contraintes de payer leurs factures sous vingt jours, sous peine d'astreintes et de pénalités. Les collectivités ultramarines sont-elles soumises à des règles particulières, y-a-t-il moins de contrôles ? Comment est-il acceptable de laisser persister de tels retards de paiement qui pénalisent l'économie locale ?
M. Akli Mellouli. - Vous avez évoqué un besoin d'investissement de l'ordre d'un milliard d'euros pour le secteur de l'eau. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, j'ai porté un amendement modeste de 100 millions d'euros qui a été rejeté. Nous serions bien inspirés de déposer un amendement transpartisan, mobilisant 200 millions d'euros par an pendant cinq ans pour financer la réparation du réseau et régler enfin le problème de l'approvisionnement en eau, qui constitue une catastrophe écologique.
M. Olivier Rietmann, président. - Il semble que Veolia soit parti en laissant derrière-lui un réseau dégradé. Celui-ci a été construit il y a des années et fuit à plus de 50 %. Aucun chantier d'entretien n'a été réalisé.
Parallèlement, sur vingt-cinq stations d'assainissement financées en grande partie par des fonds européens, seules trois ont été mises en service, malgré les sommes très importantes investies.
Je pense qu'il faudra rectifier la situation en fixant un certain nombre de conditions à l'utilisation des sommes investies. Il faudra veiller à ce que les marchés soient attribués à des entreprises locales, mais aussi à ce que l'argent soit bien utilisé pour réaliser des travaux sur le réseau d'eau ou sur le réseau d'assainissement, et non pour payer des salaires supérieurs de 40 % à ceux versés dans l'Hexagone.
La vie dans les territoires ultramarins étant plus chère que dans l'Hexagone, et les fonctionnaires bénéficiant d'une majoration de leur traitement de 40 %, beaucoup d'habitants veulent devenir fonctionnaires plutôt que de travailler pour le privé.
Le rôle d'un syndicat ou d'une collectivité n'est pas uniquement d'embaucher et d'utiliser tous les fonds dont ils disposent pour payer des salaires. Ils doivent les utiliser pour investir et maintenir les infrastructures.
Nous devrons inévitablement mobiliser de nouveaux investissements, mais il faudra être attentifs à l'affectation de ces sommes.
M. Akli Mellouli. - S'il y a de la corruption, il appartient à l'État de prendre ses responsabilités. On ne peut pas prendre en otage toute une population parce que certains feraient une mauvaise utilisation des fonds. L'égalité territoriale doit s'appliquer.
M. Olivier Rietmann, président. - Je vous rejoins, c'est à l'État de prendre ses responsabilités, de poser des conditions et de contrôler.
Comme vient de le dire Jean Gérard Paumier, il n'est pas normal que les collectivités de la Somme ou de Haute Saône soient contraintes de payer leurs factures sous 20 jours, alors que certaines collectivités des outre-mer attendent huit, dix, douze mois ou même dix-huit mois pour les régler. Un chef d'entreprise nous a dit qu'une collectivité lui devait 600 000 euros pour des travaux. Il s'apprête à renoncer à être payé après avoir attendu dix-huit mois, et ne travaillera plus jamais pour elle.
M. Jean-Gérard Paumier. - Il y a pourtant des préfets et des directions générales des Finances publiques (DGFiP) dans tous les territoires.
M. Olivier Rietmann, président. - On nous a dit que les services de l'État faisaient tout ce qu'ils pouvaient.
M. Guillaume Gontard. - Je ne reviens pas sur l'enjeu de l'eau qui est primordial. La situation est dramatique : il faudra agir et trouver des financements. Sur les actions passées, il existe des rapports éclairants de la Cour des comptes. Il faut passer à la vitesse supérieure pour l'avenir.
Certains éléments présentés par les rapporteurs de la délégation aux Entreprises recoupent le rapport que j'avais présenté au nom de la délégation aux outre-mer, avec le président Micheline Jacques et notre collègue Victorin Lurel, concernant la politique du logement dans les outre-mer. Ces territoires subissent de plein fouet le dérèglement climatique et ses conséquences sont beaucoup plus importantes que dans l'Hexagone. Toutes les problématiques auxquelles sont confrontées la Guadeloupe ou la Martinique se retrouvent sur chacun de nos territoires, qu'il s'agisse de la relocalisation, de la réindustrialisation ou de l'utilisation des ressources.
Nous avons tout intérêt à nous y intéresser, parce que nous aurons aussi à y réfléchir dans nos territoires. Nous devons faire de ces territoires ultramarins des territoires pilotes et réfléchir au droit à l'expérimentation, pour leur permettre de « sortir des lignes », peut-être dans le cadre d'une contractualisation avec l'État.
Vous avez parlé du sujet des normes. Certaines réglementations aboutissent à des situations aberrantes, par exemple dans le cas de la certification du bois que vous avez cité. Il va falloir y remédier.
J'ai visité, à La Réunion, le Centre d'innovation et de recherche du bâti tropical (CIRBAT) qui travaille sur des normes spécifiques pour les territoires tropicaux. C'est la bonne manière d'avancer, en mobilisation des moyens pour la recherche.
Le droit à l'expérimentation peut aussi permettre d'avancer en matière de formation.
Enfin, en matière de délais de paiement, je suis intervenu dans mon département, en Isère, pour des problématiques similaires. Les délais de paiement ont un impact sur l'économie. Les entreprises ne sont pas payées suffisamment rapidement en raison de dysfonctionnements de la DGFiP, notamment de la réorganisation des centres de trésorerie sur les départements. Je note d'ailleurs de grandes inquiétudes sur l'avancée de cette réorganisation, puisque nous allons compter deux centres de trésorerie par département. Nous parlons en ce moment de simplification : celle-ci passe aussi par un meilleur service public.
Mme Micheline Jacques, président de la délégation aux outre-mer. - La problématique de l'eau rejoint celle de l'adaptation normative. Les canalisations posées dans les territoires ultramarins ont été conçues pour l'Hexagone. Les concepteurs des réseaux n'ont pas tenu compte des spécificités des milieux alcalins. Ces canalisations auraient dû durer 70 ans, mais se sont abîmées beaucoup plus vite que prévu en raison de la composition physico chimique des sols, ce que les élus n'ont pas pu anticiper. Ils sont donc confrontés à la casse de ces réseaux.
En matière de masse salariale, il ne faut pas oublier que le contexte est particulier. Après le déclin de la culture de la canne à sucre, les communes ont dû composer avec un fort taux de chômage et une grande pauvreté. Pour sortir de cette situation, elles ont embauché des agents qui ont ainsi pu faire vivre leur famille. Ces embauches produisent des effets de long-terme, parfois sur 30 ans. C'est la volonté des communes de conduire une politique sociale qui a gonflé leur masse salariale, qui pèse aujourd'hui lourdement sur leur budget de fonctionnement et obère leurs capacités d'investissement.
Il y a peu, les fonds européens n'étaient pas orientés vers l'eau et l'assainissement. Cela a changé. Cependant, les collectivités doivent financer sur leurs fonds propres une partie des projets, mais au regard des sommes en jeu, elles ne disposent pas de ressources suffisantes. Il faudrait trouver des solutions avec le Gouvernement ou Bpifrance, pour permettre à ces collectivités de lancer des chantiers de déploiement des réseaux d'eau ou de mener des travaux d'enfouissement des lignes aériennes. En effet, les ouragans endommagent voire détruisent fréquemment les réseaux. À Saint Barthélemy, qui est un petit territoire, nous avons entrepris l'enfouissement de tous les réseaux depuis 1995.
Je fais confiance aux territoires ultramarins et lorsque je me déplace, je découvre de nombreuses initiatives extraordinaires que nous devons soutenir.
Enfin, en écho à Guillaume Gontard, avec lequel j'ai eu plaisir à travailler dans le cadre du rapport sur la politique du logement outre-mer, j'aimerais dire que des solutions existent. Les Assises de la construction durable en outre-mer ont été lancées. Il appartient au législateur de veiller à ne plus enfermer nos territoires dans un carcan normatif, mais plutôt de leur laisser la possibilité de montrer ce qu'ils savent faire.
Mme Audrey Bélim. -Je suis ravie des nombreuses missions et déplacements conduits dans les outre-mer au sein de notre assemblée, ce que je constate depuis le début de mon mandat. J'ai moi-même fait partie d'une délégation de sénateurs en déplacement à La Réunion et à Mayotte pendant huit jours.
Ce qui ressort de nos territoires ultramarins, c'est que lorsque l'on n'a pas de soutien de l'État, on se débrouille. Au-delà des questions liées au dérèglement climatique et à la transition écologique, les territoires ont besoin de soutien. Il en va de la protection physique des populations.
Ce qui est important, c'est soutien et le projet de l'État pour les outre-mer. En Guyane, l'État a installé les activités du groupe Ariane. Ariane c'est l'aérospatial, le savoir-faire français, la recherche, etc. Pourtant, les Guyanais sont coupés d'Ariane.
La Réunion dispose d'une forte expertise volcanologique puisque l'un des volcans les plus actifs du monde est situé sur l'île. L'observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise a été installé à La Réunion. De même, une station de référence mondiale sur le changement climatique y est située, l'Observatoire de physique de l'atmosphère de La Réunion. Or, nos populations en sont coupées.
Les missions conduites par le Sénat en outre-mer sont pour nous un relais important, puisque les sénateurs des outre-mer ne sont pas très nombreux.
Nous avons besoin de savoir quel est le projet de l'État pour ses outre-mer. Nous savons ce que nous voulons à La Réunion, nos problématiques sont structurelles. Nous savons que notre tissu économique est petit et fragile. Les élus des Antilles et de Guyane connaissant aussi leurs problèmes. Nous savons où nous voulons aller, nous savons que nous sommes ingénieux, mais nous ne savons pas jusqu'où l'État est prêt à nous accompagner en termes de financements, de compétences, d'ingénierie, etc.
Si nous avions donné aux Français de Guyane la possibilité de faire de ce territoire l'un des plus grands centres de savoir-faire sur l'aérospatial, la Guyane aurait peut-être eu un autre destin.
Aujourd'hui, trois millions de Français vivent dans des régions éloignées. L'un des territoires le plus en danger est Mayotte : nous devons en parler.
J'aime découvrir l'Hexagone, j'ai adoré participer à une réunion « hors les murs » à Marseille, car parce que j'ai besoin de mieux connaître les territoires hexagonaux qui sont aussi les miens, car je suis française. À La Réunion, nous avons besoin que ce désir d'outre-mer se diffuse grâce à vous tous, qu'il soit partagé. Continuez à vous déplacer dans les outre-mer, à prendre nos bonnes idées et à défendre nos besoins.
M. Frédéric Buval. - Votre perception de la situation aux Antilles est très sombre. Je ne m'y suis pas retrouvé. Vous vous êtes peut-être adressés aux mauvaises entreprises.
La Martinique couvre 1 100 km2. Sa population diminue chaque année, nous avons perdu plus de 30 000 habitants en moins de six ans, avec le plus fort vieillissement de France. Alors que l'on comptait dans chaque commune une sucrerie et une distillerie, quand la betterave cultivée dans l'Hexagone est venue concurrencer le sucre antillais, le sort de milliers d'ouvriers agricoles a été compromis. Beaucoup se sont installés à Fort-de-France, et les communes ont joué un rôle de « soupape sociale ». La culture de la canne a été remplacée au moins pour moitié par la culture de la banane. Il ne reste qu'une seule sucrerie, qui est chaque année déficitaire. Sans le soutien des collectivités locales, elle aurait disparu. Nous importons aujourd'hui du sucre, ce qui est difficile à accepter pour la population.
L'industrie est dans les mains de grands groupes qui installent des satellites en Martinique. En matière d'appels d'offres du secteur du BTP, seuls les grands groupes soumissionnent. Aucun petit entrepreneur local ne peut répondre à ces appels d'offres. Dès qu'un grand groupe a remporté un marché, il le sous traite. Les petites entreprises locales n'ont pas les reins suffisamment solides, mais elles acceptent ces marchés de sous-traitance pour survivre.
Vous savez que les communes de la Martinique et de la Guadeloupe sont endettées. Si je ne suis sénateur que depuis septembre 2023, je suis élu local depuis 1983. Je connais donc parfaitement la situation des collectivités en Martinique. Chaque année, celles-ci s'endettent pour investir ou pour entretenir leurs équipements. Ces travaux sont réalisés par de petites entreprises qui n'ont pas les reins assez solides. Dans ma commune, nous investissons depuis 6 ans dans une école aux caractéristiques parasismiques pour un montant cinq millions d'euros. Dans ce cas, il n'y a aucun problème de paiement : les entreprises sont payées parce que l'Agence française de développement (AFD) a préfinancé les travaux. Mais les petites entreprises martiniquaises ne suivent pas et cela risque de mettre certaines collectivités en difficulté.
Je reconnais que certains délais de paiement ne sont pas raisonnables. C'est vrai pour les collectivités territoriales, mais aussi pour l'hôpital qui doit des millions d'euros à des entreprises locales.
Comment l'État vient-il au secours des 34 communes de Martinique ? Seules 4 ou 5 communes bénéficient d'un soutien financier, alors qu'elles en ont toutes besoin. Quand nous en bénéficions, nous devons montrer à l'État que nous faisons des efforts pour réduire la masse salariale. L'endettement de Fort de France est ainsi passé de 6 à 1 million d'euros, car elle a pu bénéficier du dispositif COROM (contrats de redressement outre-mer).
Vous avez présenté les communes comme de mauvais payeurs, mais c'est vrai partout, y compris dans l'Hexagone. Il n'y a pas à en rougir, car nous avons hérité d'un système qui conduit à endetter les communes. C'est ce système qui a été dénoncé par Serge Letchimy, le président du Conseil exécutif, dans l'Appel de Fort de France de 2022. Il a demandé à l'État d'arrêter d'appliquer dans les Antilles les mêmes textes votées à Paris. Cela ne fonctionne plus. Nous voulons que certaines compétences soient dévolues aux collectivités.
Nous restons européens, français, martiniquais, mais nous voulons intégrer la Caraïbe. L'État français nous a permis d'être représentés dans tous les organismes caribéens. Nous avons besoin de développer nos relations commerciales avec les États de la Caraïbe, ce qui est aujourd'hui du ressort unique de l'État français. Nous demandons à la diplomatie française de nous permettre d'avoir des relations normales avec les États caribéens.
Vous avez dressé un tableau assez sombre de la situation, je veux apporter un peu de blanc pour l'éclaircir ! Je ne veux pas que vous laissiez entendre que nous n'aimons pas travailler. Il y a peu de temps que l'État a compris que le problème est la formation des jeunes et qu'il faut l'améliorer.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Je partage votre analyse sur les énergies renouvelables. En tant que sénatrice de La Réunion, je tenais à vous signaler que pour produire une électricité plus verte, nous avons fait le choix d'utiliser des copeaux de bois qui viennent du Canada. Je ne sais pas si l'on peut considérer cela comme plus « vert », mais voilà où les choix réalisés dans l'Hexagone nous ont conduits.
Notre collègue Audrey Bélim a parlé de vulcanologie, le Piton de la Fournaise étant l'un des volcans les plus actifs dans le monde. Nous pourrions étudier les opportunités offertes par la géothermie, mais nous devons auparavant lever des freins réglementaires. On ne peut pas s'appuyer uniquement sur les compétences hexagonales : l'expertise française en géothermie doit se construire depuis les territoires ultramarins et notamment La Réunion.
Vous avez souligné le manque de main d'oeuvre dans des territoires pourtant fortement impactés par le chômage. Il faut relier cette situation au coût de la vie. La vie est très chère, la mobilité compliquée et il est difficile de s'en sortir pour les personnes ayant de très petits salaires. Les bases salariales de l'Hexagone ne suffisent pas chez nous.
Pour inciter les citoyens à aller travailler, il faut qu'ils soient gagnants. Or, il est excessivement cher de se déplacer. Le prix du carburant est très élevé et les réseaux de transport en commun sont insuffisants, en lien là encore avec la réglementation. Nous avons besoin d'aides pour développer des réseaux de transport durable.
Pour lever ces freins et enclencher de grands travaux sur nos territoires, il faut revenir à la base : inciter les gens à se lancer par des salaires attractifs.
M. Simon Uzenat, rapporteur de la mission d'information « Entreprises et climat ». - Nous avons dessiné un certain nombre de pistes d'actions qui peuvent être utiles aux territoires ultramarins, mais aussi à l'Hexagone et à l'Europe.
J'insiste sur le rôle de la puissance publique et son devoir d'exemplarité à tous points de vue, en matière de délais de paiement, mais aussi dans le choix des aides accordées.
Revenons à l'exemple des toitures. Dans ces territoires confrontés à la hausse des températures, à l'utilisation massive des systèmes de climatisation, l'enjeu est de limiter au maximum la consommation d'énergie en favorisant les toitures qui limitent la pénétration de la chaleur. La puissance publique ne devrait plus investir un euro dans des toitures qui contribuent à réchauffer les habitations. Des entreprises proposent des toitures permettant de diminuer la température de quelques degrés, ce qui se traduirait par un moindre recours à la climatisation et donc à la moindre sollicitation du réseau électrique.
Enfin, il est possible de développer la production d'énergie de source photovoltaïque, mais le réseau n'est aujourd'hui pas dimensionné pour accueillir de nouvelles capacités, y compris des panneaux implantés sur des habitations et utilisés partiellement en autoconsommation. L'énergie produite ne pourrait pas être injectée dans le réseau. Or, aucun investissement n'est prévu pour accroître la capacité du réseau, alors même que Systeko dispose de solutions éprouvées.
En mettant tous les opérateurs autour de la table, en abordant chaque étape dans le bon ordre, des solutions devraient être trouvées rapidement.
Mme Brigitte Devésa, rapporteure de la mission d'information « Entreprises et climat ». - Je connais bien la Martinique, y ayant vécu pendant quelques années. Je suis très attachée à ces territoires français.
Des améliorations doivent intervenir, mais notre constat n'est pas aussi sombre que vous l'évoquez.
Il nous a semblé important de vous présenter les entreprises que nous avons visitées et leurs témoignages. Nous aurions pu en voir bien d'autres, mais le temps nous était compté.
Il y a des actions à mener en matière d'énergie de source photovoltaïque, concernant l'eau, etc. Ces difficultés peuvent avoir des impacts sur le secteur du tourisme.
Nous avons voulu mettre l'accent sur des difficultés particulières, mais je reste très positive au regard du potentiel de ces territoires, avec l'ensoleillement, la volonté des entreprises, l'implication de la jeunesse, etc. Il y a urgence à travailler en commun et à demander au Gouvernement de témoigner de son désir d'outre-mer. Nous ne pouvons pas voter des dispositions qui ne sont pas adaptées à ces territoires. Beaucoup reste à faire, par exemple concernant l'enjeu du recul du trait de côte.
Notre rôle en tant que rapporteurs de cette mission d'information est de faire remonter ce qui ne va pas, de vous accompagner et de mettre le Gouvernement face à ses responsabilités.
Mme Lauriane Josende, rapporteure de la mission d'information « Entreprises et climat ». - Il s'agissait de mon premier déplacement dans les outre-mer et j'ai été « saisie » par ces territoires.
Je suis sénatrice d'un département hexagonal, mais très méridional, les Pyrénées Orientales. Il est touché par de fortes difficultés sociales et politiques, mais aussi climatiques.
Nous aussi demandons à être un territoire d'expérimentation. Que l'État souhaite-t-il faire de nos territoires ? Nous avons des solutions, acteurs publics comme privés ont été innovants face à la sécheresse que nous subissons.
Il existe encore en France cette forme de schizophrénie qui consiste à dire : « on sait, on veut faire, et on peut faire tout seul », mais en même temps, dès que l'on a une idée, on se tourne vers l'État pour qu'il fasse. Il n'en va pas autrement parmi les entreprises : même les acteurs qui contestent souvent l'efficience de l'action publique en appellent à la responsabilité publique et à l'État.
Nous avons besoin d'un État qui s'implique, qui vient au contact de ces territoires et qui s'appuie sur les acteurs locaux, privés et publics, qui connaissant le territoire mieux que personne.
On ne peut plus traiter les problèmes économiques ou climatiques uniformément depuis Paris. Il faut savoir s'adapter aux territoires, qui sont force de proposition. L'État doit aussi se remettre en question s'il veut mieux accompagner ces populations et éviter certaines contestations. Au Sénat, nous avons une parole à porter à cet égard.
Nous avons effectivement été surpris de l'absence d'avancées sur certains dossiers, comme les cahiers des charges des aides ou les normes de construction. J'espère que nous serons de bons porte-paroles de ces difficultés qui vous touchent.
M. Olivier Rietmann, président. - Je vous remercie et donne rendez-vous aux membres de la délégation aux Entreprises demain matin 16 mai à 8h30 pour une audition plénière dans le cadre de la mission « Entreprises et climat », sur le thème « Transition écologique : quelle stratégie pour l'entreprise ? ».