ANNEXE : LE BILAN DU DIALOGUE ÉTAT - COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN MATIÈRE DE PLANIFICATION DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Questionnaire de la délégation aux Entreprises

Départements de France

Régions de France

Au sein des instances de dialogue entre les collectivités territoriales et l'État, principalement le Conseil national de la transition écologique, le volet territorial est-il abordé de façon satisfaisante ?

L'élargissement de telles instances à une galaxie toujours plus importante d'acteurs, parfois peu représentatifs, nuit généralement à la cohérence des avis rendus par ces dernières.

Les régions sont attachées au rôle du CNTE en tant qu'instance “grenellienne” de dialogue élargi où le collège des collectivités peut faire valoir les enjeux auxquels elles sont confrontées en tant qu'autorités en compétences propres ou partagées sur les champs de politiques publiques de la transition. L'ancrage territorial des politiques et des projets est de plus en plus porté par l'ensemble des parties prenantes du CNTE. Cependant, la commission spécialisée du CNTE sur la planification écologique mise en place cette année ne semble avoir pris en compte qu'à la marge le volet territorial de cette planification.

Pour autant, le CNTE n'est pas le lieu du dialogue privilégié entre les collectivités territoriales et l'État. Régions de France avait proposé dans son Livre blanc de 2022 la mise en place de comités État/régions couvrant l'ensemble des champs de politique publique de leurs compétences, dont un comité État/régions pour transition écologique.

Quel bilan tirez-vous des COP (conferences of the parties) régionales ?

Était-il nécessaire de créer une énième instance de concertation « territoriale ? Entre celles qui sont évoquées ci-après et les concertations menées pour élaborer une remarquable diversité de schémas tels que le SRADDET, n'aurait-il pas fallu plutôt procéder à une simplification des outils de gouvernance existants ?

Mais aujourd'hui, concrètement, la planification écologique articulée autour des COP est à l'arrêt.

Les régions oeuvraient déjà avant la mise en place des COP, lesquelles sont venues percuter leurs propres exercices programmatiques avec une crainte de ralentissement des actions déjà initiées et un manque de lisibilité pour les acteurs sur “le qui fait quoi”. Si les régions n'ont pas attendu l'État en matière de planification écologique, elles considèrent néanmoins que le processus des COP régionales peut produire un effet d'entrainement supplémentaire.

Dans la phase actuelle de livraison des feuilles de route des COP, les régions identifient une réelle plus-value de la démarche : indicateurs de suivi-évaluation, co-construction de plans de transformation, engagements des collectivités locales dans les plans d'action. Cependant, les régions font aussi le constat d'un écart entre l'ambition initiale du Gouvernement et l'état d'avancement actuel pour dégager des mesures nouvelles ayant un maximum d'impact. Elles attendent de l'État qu'il clarifie ses objectifs, les modalités de poursuite d'une démarche plus lisible et les moyens, y compris financiers, qu'il déploiera au service d'une concrétisation dans les territoires. Les collectivités régionales craignent que la transition écologique soit la première politique publique sacrifiée à l'heure d'importantes coupes budgétaires sont annoncées. La situation est pourtant urgente et le coût de l'inaction élevé.

En l'absence de mise à jour de la Stratégie nationale bas carbone, comment territorialiser la décarbonation de l'économie ?

 

Les régions disposent déjà d'un cadre qui s'applique avec les SRADDETT/SARE/PADDUC, mais il est urgent pour elles de disposer du cadre national de la SNBC 3 afin de se projeter dans les actualisations qui en découleront dans leurs documents de planification.

Quelle place occupe la transition climatique des entreprises dans la trajectoire des schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET) ?

 

La transition climatique des entreprises relève plutôt des SRDEII, dans lesquels les régions ont chacune consigné leurs objectifs, leurs axes d'actions et leur volonté d'inscrire la décarbonation et la transition écologique en fil rouge de l'action économique.

À cet égard, il convient de noter l'existence de 50 dispositifs d'accompagnement des entreprises, à tout stade de leur développement, mis en place par les Régions ayant pour principal objectif la décarbonation ou l'accompagnement à la transition écologique de l'activité de l'entreprise, en particulier industrielle ou conditionnant l'accès au dispositif d'accompagnement à I'impact environnemental du projet porté par l'entreprise.

Partagez-vous le jugement du Haut-conseil pour le climat de 2022 selon lequel « il n'y a pas de mise en cohérence stratégique et temporelle entre l'action de l'État et celle des échelons territoriaux, ni de coordination de la planification entre les régions » ? Comment s'articule la SNBC et les SRADDET ?

Les Régions ne constituent peut-être pas le meilleur échelon pour décliner les objectifs stratégiques nationaux de la transition écologique. Cette interrogation fondamentale doit être la première traitée. Les départements n'ont pas attendu une quelconque mesure de planification ou le surgissement d'une crise pour mettre en oeuvre des plans de transition.

Afin de garantir une meilleure cohérence et convergence entre les planifications locales, régionales et nationales, les régions appellent à un alignement des calendriers respectifs d'actualisation et à un assouplissement des modalités de modification/révision.

En l'absence de cadre méthodologique de convergence des planifications, les régions ont pris l'initiative d'un cadre harmonisé d'indicateurs de suivi Energie-Climat des SRADDET au regard de la SNBC publié en 2021 via Régions de France. Elles soutiennent aussi le chantier de convergence méthodologique des observatoires régionaux.

L'articulation entre les objectifs régionaux et les objectifs nationaux passe par un exercice itératif.

Il est urgent de connaitre la PPE 3 pour démarrer les concertations en région. Une méthode de régionalisation des objectifs ENR par filière est actuellement en cours de concertation avec l'État.

Comme pour la PPE, une régionalisation de la SNBC constituerait une prochaine étape, facilitée par les démarches de COP régionales.

Quels instruments d'accompagnement ou dispositifs d'aide publique en faveur de la transition climatique des entreprises ont-ils été déployés par les communes / intercommunalités / départements / régions ?

Un Livre Vert 2023 présente des exemples de décarbonation des mobilités pour les entreprises, de soutien à la rénovation des bâtiments, de transition écologique des pratiques professionnelles (à l'instar de l'agriculture).

En matière de transition écologique, la mobilisation des investissements publics régionaux permet de démultiplier les investissements privés et de massifier des solutions plus vertueuses. Les régions françaises se sont depuis plusieurs années engagées, de façon volontaire, dans des dispositifs et outils financiers innovants qui tendent de plus en plus vers l'écoresponsabilité environnementale avec :

- Des prises de participation au capital de sociétés d'économie mixte et/ou de sociétés de tiers financement intervenant dans les domaines de la production d'énergies renouvelables et de la rénovation énergétique des bâtiments favorisant l'autonomie énergétique des territoires.

- Des fonds d'investissements régionaux :

- Des émissions obligataires « vertes et sociales » au profit des investisseurs socialement responsables.

D'autres dispositifs sont en émergence : mise en place de plateformes de compensation carbone locales où l'échelle régionale est jugée pertinente, agence de financement de la transition écologique, programmes de green bonds.

Ces démarches sont en lien avec le budget vert régional dont 4 régions volontaires se sont dotées dès 2021, qui vise, dans une logique d'amélioration continue, à accroître l'impact environnemental des dépenses régionales par une maîtrise d'ouvrage régionale plus exigeante et par des critères d'octroi des aides.

Ces aides financières comportent-elles une clause d'écoconditionnalité ou, a minima, de respect de la SNBC ?

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Globalement les régions sont engagées dans une approche incitative et non pénalisante des porteurs de projets. Les critères d'écoconditionalité sont le plus souvent implicites, car ils sont ciblés par les aides régionales (exemple de la rénovation énergétique si plus de 40% d'économie ou BBC).

Certaines régions ont décidé très récemment d'en faire un axe spécifique de l'accompagnement des entreprises, comme c'est par exemple le cas du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine qui a voté (le premier) le principe de l'écoconditionnalité des aides financières de la Région le 27 mars 2023 autour de 3 axes :

- respect des ressources naturelles : économie des ressources, gestion des déchets, gestion de l'eau, performance énergétique des bâtiments et des process, réduction de l'usage de pesticides, préservation de la biodiversité ;

- transitions pour tous : formation des salariés et des jeunes aux métiers d'avenir, bien-être, qualité et santé au travail, égalité femme-homme, lutte contre les discriminations, emploi des séniors et transmission des savoirs et savoir-faire, embauches d'apprentis et d'alternants, gouvernance et politique salariale ;

- écoresponsabilité et décarbonation : émissions de GES, politique RSE, création et maintien de l'emploi, ancrage territorial.

Quel bilan dressez-vous des Contrats de Relance et de Transition Écologique (CRTE) lancés en 2020 ? La circulaire du 30 avril 2024 souligne le « caractère intégrateur et transversal des CRTE, qui concernent toutes les politiques publiques, avec la transition écologique et la cohésion des territoires comme fil conducteur » : cette relance des CRTE permettra-t-elle d'améliorer la prise en compte de la transition climatique des entreprises au niveau des territoires ?

Les départements ont parfois été signataires des CRTE en s'engageant à accompagner financièrement, voire techniquement les projets via leur agence technique. Cependant les départements signataires ou pas accompagnent le plus souvent les projets locaux dans le cadre de leurs aides habituelles (contrats pluriannuels ou aides ponctuelles). Par ailleurs, sauf exception, les agences techniques départementales n'interviennent qu'au moment de la mise en oeuvre opérationnelle des projets, ce qui n'était pas encore le cas récemment.

Si les CRTE peuvent être un bon outil pour décliner les objectifs nationaux de transition environnementale, il conviendrait cependant d'éviter le piège consistant à fixer des objectifs trop difficiles à atteindre localement au regard des moyens mobilisables.

Il est donc nécessaire de mettre en place des dispositifs lisibles, incitatifs et cohérents avec les moyens financiers et techniques mobilisables. Les objectifs de planification et de territorialisation écologique doivent dans un souci de réalisme être confrontés à la capacité de réalisation effective des acteurs chargés de leur réalisation.

Les régions se sont tenues à l'écart de la démarche des CRTE considérant que celle-ci recoupait et doublonnait leurs politiques territoriales contractualisées avec les territoires de projets. Elles l'ont jugée ni pertinente ni souhaitable et estimé qu'elle générerait de la confusion et du mécontentement au niveau des élus et des acteurs locaux. Les régions ont réaffirmé cette position fin 2023-début 2024 lorsque le Gouvernement a fait part de sa volonté de relancer les CRTE.

La commande publique locale est-elle suffisamment utilisée pour aider la transition climatique des entreprises ? Comment améliorer son impact sur cette transition ?

La commande publique est surtout limitée par le droit européen. Dans le cadre des élections européennes DF a demandé une révision du droit de la concurrence afin de permettre d'introduire dans les marchés publics un critère de proximité, pour recourir prioritairement à des producteurs locaux, aux filières courtes et à défaut, à des productions qui participent au maintien de nos filières agricoles. L'absence d'un tel critère conduisant à éloigner les producteurs des acheteurs, voire à importer des denrées alimentaires que la France produit pourtant et dans des conditions plus saines.

DF propose de revoir le code de la commande publique tel que modifié par la loi Climat-Résilience pour permettre aux collectivités locales, syndicats, EPCI et établissements publics d'État d'utiliser un critère de « bilan carbone » dans le cadre de la procédure d'attribution des marchés publics. Ce critère unique « bilan carbone », qui englobe à la fois certains éléments tels que les conditions de production ou encore le coût environnemental de l'acheminement des biens, constituerait un outil pour valoriser les entreprises du territoire, dont l'empreinte carbone est la moins élevée.

Deux critères peuvent donc être pris en compte pour améliorer l'impact de la commande publique sur la transition climatique des entreprises en encourageant leur relocalisation : la prime au meilleur bilan carbone ou celle à la proximité géographique (les deux se recoupant, mais le premier étant plus facilement défendable dans le cadre du droit communautaire).

 

Que proposez-vous pour que les territoires renforcent leur capacité d'accompagner la transition climatique des entreprises ?

Concernant les départements, il paraît crucial de lever définitivement les freins de la loi NOTRe en matière de soutien à l'activité économique, en cohérence avec les récentes évolutions législatives.

Les départements peuvent participer par des subventions au financement des aides que la Région octroie en matière d'agriculture et de la pêche et, dans les mêmes conditions, cofinancer les crédits du FEAMP (Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche).

En 2023, DF a obtenu l'association obligatoire des départements à l'élaboration du SRADDET en matière de « développement industriel » dans le cadre de la loi dédiée à la réindustrialisation verte. Il convient donc de permettre aux départements de réinvestir le champ de l'économie. Une réflexion à plusieurs niveaux avait été portée en interne : économie de proximité, économie « verte », économie dans son ensemble. On ne peut en tout état de cause réclamer aux élus de porter l'action écologique sans leur donner les leviers financiers et compétences pour agir.

Lors de la refonte de leur SRDEII en 2021, les régions ont affiché une forte ambition d'accompagnement des entreprises à la transition écologique et à la décarbonation. Elles ont par ailleurs investi massivement au profit de filières économiques participant à la stratégie de décarbonation nationale, comme l'hydrogène.

Bien que les régions s'inscrivent en continuité des stratégies nationales et européennes et tentent d'accélérer à leur niveau la transition écologique, force est de constater que l'État ne prend pas systématiquement en compte les initiatives régionales ou l'expérience régionale dans la construction de feuilles de route : la stratégie hydrogène, par exemple, ne comporte aucun volet territorialisé ni aucune contribution régionale. De surcroît, les régions ne sont pas sollicitées pour les réflexions sur les appels à projet France 2030 en lien avec la décarbonation et la transition écologique des activités de production.

Au niveau régional, un vrai partenariat État-région gagnant sur la question de la décarbonation et de la transition écologique des entreprises, mettant à contribution la force d'expérimentation des collectivités régionales, constituerait un vrai atout pour l'élaboration de politiques publiques plus lisibles et mieux coordonnées.

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