D. TERRITORIALISER LA TRANSITION CLIMATIQUE DES ENTREPRISES

1. Territorialiser la politique climatique

Les outils de coordination de la transition énergétique dans les territoires sont actuellement :

- les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), qui fixent les objectifs de développement des énergies renouvelables, la stratégie d'atténuation et d'adaptation au changement climatique pour chacune des régions, dans un cadre global d'aménagement du territoire ;

- les schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE), en Île-de-France, en Corse et dans plusieurs territoires d'outre-mer, qui définissent les orientations et les objectifs régionaux en matière de réduction des émissions de GES, de lutte contre la pollution atmosphérique, de développement des filières d'énergies renouvelables et d'adaptation aux changements climatiques ;

- les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), obligatoires pour tous les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants, qui est l'outil opérationnel de coordination de la transition énergétique sur le territoire259(*) ;

- les Contrats pour la Réussite de la Transition Écologique (CRTE), qui visent à établir un cadre, d'engagement pluriannuel coordonné entre toutes les politiques de l'État et les collectivités. Au nombre de 847, ces contrats couvrent tout le territoire français, mais ne concernent pas directement les entreprises.

L'articulation des politiques climatiques nationales et territoriales fait toutefois défaut. Comme l'a souligné le Haut conseil pour le climat dans son rapport de 2022 : « il n'y a pas de mise en cohérence stratégique et temporelle entre l'action de l'État et celle des échelons territoriaux, ni de coordination de la planification entre les régions ». Le récent rapport de la délégation aux Collectivités territoriales du Sénat260(*) partage ce constat : « à côté de la planification nationale, existent des planifications régionales (SRADDET) non coordonnées entre elles et peu reliées au niveau national. S'ajoutent des planifications infrarégionales (PCAET) sans articulation entre elles et hétérogènes avec les niveaux supérieurs. Les cadres méthodologiques différents et les exercices de prospective s'étalent sur des calendriers de quasiment 10 ans »261(*).

L'ADEME a mis en évidence la déconnexion entre la trajectoire SNBC2 et le niveau que se sont fixées les régions dans leur SRADDET. En 2050, l'écart pourrait être environ du simple au double.

Pour leur part, les PCAET ne sont pas obligatoires pour tous les territoires et ne sont pas réalisés pour une partie des territoires où ils sont obligatoires262(*).

La stratégie nationale de la transition climatique des entreprises mériterait d'être précisée territorialement.

Le Code de l'environnement indique263(*) que dans le cadre des PCAET les stratégies territoriales doivent évaluer les coûts socio-économiques des actions mises en place, ainsi que ceux d'une éventuelle inaction. La territorialisation des coûts de l'inaction est indispensable pour piloter la transition climatique des entreprises, en mobilisant notamment des groupes régionaux d'expertise sur le climat (Grec).

Cependant, selon France Stratégie264(*), « les PCAET présentent des analyses de vulnérabilité relativement hétérogènes, appuyés sur de nombreux éléments qualitatifs, mais avancent peu de coûts de l'inaction, qui permettraient pourtant de prioriser les chantiers et de donner une idée de l'urgence ».

Ce processus ascendant conditionne le pilotage national de la transition climatique : « l'agrégation d'analyses de vulnérabilité quantifiées à l'échelle locale permettrait d'informer une vision nationale des impacts, rendue nécessaire par les exigences de reporting au niveau européen et dans le cadre de l'Accord de Paris ». Pour ce faire, des indicateurs doivent standardiser la remontée d'informations et leur agrégation.

Les associations représentant les Départements et régions de France, Départements de France et Régions de France, portent un regard contrasté du dialogue avec l'État sur la planification territoriale de la transition climatique265(*) :

- départements de France considère que « si les CRTE peuvent être un bon outil pour décliner les objectifs nationaux de transition environnementale, il conviendrait cependant d'éviter le piège consistant à fixer des objectifs trop difficiles à atteindre localement au regard des moyens mobilisables » et estime « nécessaire de mettre en place des dispositifs lisibles, incitatifs et cohérents avec les moyens financiers et techniques mobilisables » ;

- régions de France estime « urgent » de disposer du cadre national de la troisième SNBC « afin de se projeter dans les actualisations qui en découleront dans leurs documents de planification » et regrette, par ailleurs, que l'État ne prenne pas « systématiquement en compte les initiatives régionales ou l'expérience régionale dans la construction de feuilles de route ».

Pourtant, des politiques de transition climatique sont déployées par des Départements, à l'exemple de la Vendée : ces initiatives locales, qui se déploient, ne servent pas suffisamment à alimenter les documents stratégiques de l'État.

L'engagement du département pour la transition bas-carbone s'exprime par un éventail d'actions de gestion et de préservation des Espaces Naturels Sensibles (ENS), de rénovation thermique et de construction de bâtiments exemplaires notamment.

Le département de la Vendée a créé depuis 45 ans près de 20 000 ha de zones de préemption, parmi lesquelles plus de 2 760 ha ont été acquis et protégés au titre des ENS. À ce jour, il existe 98 ENS, dont 87 sont propriétés du Département.

En cohérence avec les orientations de la SNBC, le département de la Vendée tend vers l'exemplarité du patrimoine départemental et de l'administration en termes de sobriété et de transition énergétique et écologique. Le Département engage :

o des actions concrètes sur les bâtiments départementaux (performance thermique, production renouvelable, usage d'éco-matériaux) notamment dans le cadre du Plan Collège (2019 -2026) ;

o diverses actions de sensibilisation auprès des citoyens et des agents départementaux (distribution de pack énergie pour lutter contre la précarité énergétique et formation des travailleurs sociaux aux écogestes, à la maîtrise de l'énergie et à la compréhension des factures d'énergie).

Les actions départementales de soutien envers le secteur agricole ciblent par exemple l'agriculture biologique, la restauration d'infrastructures agroécologiques et les expérimentations agricoles innovantes (adaptation de l'alimentation des ruminants pour la réduction des émissions de méthane). Entre 2008 et 2018, les émissions du secteur agricole ont diminué de 8% en Vendée.

Pour piloter le développement des énergies renouvelables sur le territoire le département a créé, en 2012, Vendée Énergie, société d'économie mixte de production et de distribution d'énergies renouvelables à travers le Syndicat départemental d'Énergie et d'Équipement de la Vendée (SYDEV) et avec le soutien du Département (actionnaire à hauteur de 10%).

Cette SEM permet au Département d'agir depuis une décennie pour développer, construire et exploiter des unités de production éolienne, photovoltaïque, ou des unités de méthanisation dans l'objectif de produire une énergie verte et locale pour le compte des collectivités et des acteurs économiques de son territoire. Au total, 20 % de la production d'énergie renouvelable éolienne et photovoltaïque du Département est produite par l'activité de Vendée Énergie qui est entré au capital du parc éolien offshore EMYN.

La Vendée accueille le premier site de production industrielle d'hydrogène vert. Cette première inédite est le fruit du travail commun de Lhyfe, du Département de la Vendée, du Syndicat d'énergie et d'équipement de la Vendée (SYDEV) et de la Sem départementale Vendée Énergie, dont les éoliennes sont raccordées en direct à l'électrolyseur de Lhyfe pour la production d'hydrogène vert.

Pour accompagner le développement et la construction du site de production de Lhyfe, le SYDEV et la Sem départementale Vendée Énergie ont osé investir 2 millions d'euros lors de sa première levée de fonds.

En parallèle, afin de déployer les usages de cette énergie d'avenir, le département de la Vendée soutient les collectivités locales dans l'acquisition de véhicules à hydrogène à hauteur de 80 000 € et participe au financement de stations multi-énergies, distribuant de l'hydrogène vert, de l'électricité renouvelable et du bioGNV produit localement, à hauteur de 375 k€ par station.

Outre le succès de cette production industrielle d'hydrogène vert au monde, la Vendée, pionnière et ambassadrice des énergies renouvelables, se démarque, car elle a concrétisé le premier écosystème départemental de production, de distribution et de consommation d'hydrogène vert renouvelable.

Lorsque la planification écologique nationale sera réalisée, il faudra donc relier les trajectoires de planification : que les trajectoires locales soient sur un schéma en phase avec l'objectif national et que les trajectoires nationales intègrent bien les réalités locales. Cela implique un dialogue régulier pour permettre cet ajustement du système entre logique descendante et remontées ascendantes.

Pour préparer cette territorialisation, des COP régionales266(*), visent à définir au sein d'une région les leviers d'actions permettant d'atteindre les objectifs nationaux de réduction de GES et de protection de la biodiversité.

Le Shift Project a présenté, pour sa part, en octobre 2022, un plan de résilience des territoires qui s'appuie notamment sur la territorialisation des actions climatiques et leur différenciation.

L'I4CE insiste également sur la mise en oeuvre locale de l'adaptation climatique : « les territoires qui ont su dédier des moyens au développement, à l'appropriation des connaissances, à l'animation de réflexions prospectives et à la mise en débat des options d'adaptation sont aussi ceux qui semblent les plus avancés dans l'intégration de cet enjeu. On retrouve parmi ces démarches des initiatives régionales comme celle de la Nouvelle Aquitaine avec le portage de la démarche AcclimaTerra qui a produit deux rapports de synthèse sur les changements climatiques dans la Région et l'adoption de la feuille de route régionale Néoterra en cours de déclinaison opérationnelle »267(*). Ces dynamiques locales sont ainsi résumées :

Enfin, le rapport 2023 du Haut-conseil pour le climat recommande : « d'intégrer les caractéristiques territoriales des conséquences du changement climatique aux analyses coût-bénéfice, et rehausser les niveaux de protection. Le calibrage des infrastructures, les documents de prévention et d'aménagement doivent en tenir compte et les événements de référence revus ».

Dans son rapport 2024, il pointe le fait que : « les prescriptions relatives au contenu des PCAET en matière d'adaptation sont relativement faibles et souvent pénalisées par l'enchevêtrement de documents de planification de la démarche air-énergie-climat prévus par le code de l'urbanisme ou le code de l'environnement dans lesquels la politique d'adaptation doit s'insérer et par l'insuffisance d'articulation des stratégies d'adaptation entre les niveaux locaux et national et le manque de financement explicite ».

Les entreprises ne devront pas être les parties prenantes oubliées de cette planification écologique territoriale. Pourtant, la circulaire n° 6420-SG du 29 septembre 2023 sur la territorialisation de la planification écologique « encourage la pertinence à intégrer dans la COP les acteurs du monde économique ». Cette formulation interroge, tant les acteurs économiques, et principalement les entreprises, devraient être au coeur de cette concertation.

2. Faire de la commande publique le moteur de la transition climatique des entreprises

La commande publique est un levier du développement durable.

- Depuis 2006, l'acheteur public doit prendre en compte les objectifs de développement durable dans ses besoins, dès lors qu'un lien avec l'objet du marché est établi. Ce lien peut porter sur l'ensemble des phases pertinentes du cycle de vie268(*) ;

- depuis 2014/2015, la publication d'un schéma de promotion des achats publics socialement responsables est obligatoire pour certains acheteurs (notamment les collectivités territoriales) dont le montant des achats dépasse annuellement 50 millions d'€ HT ;

- depuis 2016, le « sourcing » permet à l'acheteur public, afin de préparer la passation d'une commande, d'effectuer des consultations ou réaliser des études de marché, solliciter des avis ou informer les opérateurs économiques de son projet et de ses exigences. Les résultats des études et échanges préalables peuvent être utilisés par l'acheteur, à condition que cela n'ait pas pour effet de fausser la concurrence en accordant ensuite un avantage aux entreprises ainsi « sourcées ».

Les collectivités sont tenues de procéder à une définition claire de leurs besoins en y intégrant des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale (art. L. 2111-1 du code de la commande publique269(*)), elles peuvent déjà attribuer leurs marchés sur la base de critères sociaux et environnementaux dès lors que de tels critères sont objectifs et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution (art. L.2152-7)270(*).

Cette démarche a d'ailleurs été renforcée par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dont l'article 35 impose que, d'ici le 21 août 2026, tous les marchés publics comportent des clauses environnementales et soient attribués sur la base d'un critère tenant compte des caractéristiques environnementales des offres.

Au-delà des obligations croissantes portant sur les achats responsables (ou durables), une diversité d'outils relatifs aux aspects économiques, sociaux et environnementaux sont à la disposition des acheteurs pour favoriser les pratiques et prestations les plus vertueuses, tout en préservant l'accessibilité des marchés publics aux TPE/PME et pour favoriser l' économie circulaire.

L'ADEME propose ainsi une gamme de produits et services susceptibles d'être écolabellisés, soulignant qu'en adoptant une politique d'achats responsables pour les achats courants et de matières premières, « les entreprises peuvent optimiser leur rentabilité, diminuer les coûts d'achats en intégrant toutes les étapes du marché et de la vie du produit ou de la prestation (investissement, maintenance, fonctionnement...) » et « en valorisant son engagement en matière de responsabilité environnementale et sociétale, sa perception du risque chez vos fournisseurs, sécurisant ainsi les approvisionnements ».

Un plan national d'achats durables a été instauré dans la commande publique en mars 2022. L'achat public durable intègre des dispositions en faveur de la protection ou de la mise en valeur de l'environnement, du progrès social et favorisant le développement économique ; il prend en compte l'intérêt de l'ensemble des parties prenantes concernées par l'acte d'achat ; permettant de réaliser des économies « intelligentes » au plus près du besoin et incitant à la sobriété en termes d'énergie et de ressources ; qui intègre toutes les étapes du marché et de la vie du produit ou de la prestation. Ce plan prévoit qu'en 2025, 100 % des marchés notifiés au cours de l'année comprennent au moins un dispositif environnemental271(*). Ce taux était en 2022 de 29,20 % du nombre de marchés publics et de 37,2 % en valeur.

Des outils de certification ont été créés, comme le Label Relations Fournisseur & Achats Responsables, qui met en oeuvre les recommandations de l'ISO 20400, norme internationale sur les achats responsables.

Par ailleurs, les acheteurs publics réalisant des achats doivent adopter et publier un schéma de promotion des achats publics socialement responsables (SPASER). Fixé initialement272(*) à des achats de plus de 100 millions d'euros hors taxes, le seuil a été abaissé273(*) à 50 millions d'€ HT annuels, plaçant ainsi le double de collectivités territoriales soumises à cette obligation, qui a été étendue274(*) à l'État et peut désormais être mutualisée entre plusieurs acheteurs publics. Si 320 entités publiques sont concernées, seules 32 % en étaient pourvues au 1er décembre 2022.

Ce schéma est pourtant un outil permettant de déterminer les objectifs de passation de marchés publics en matière sociale et environnementale. Selon l'article L. 2111-3 du code de la commande publique, le schéma « détermine les objectifs de politique d'achat de biens et de services comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l'intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés et des éléments à caractère écologique visant notamment à réduire les émissions de GES et la consommation d'énergie, d'eau et de matériaux ainsi que les modalités de mise en oeuvre et de suivi annuel de ces objectifs ainsi que les modalités de mise en oeuvre et de suivi annuel de ces objectifs » et « contribue également à la promotion de la durabilité des produits, de la sobriété numérique et d'une économie circulaire ».

Cet outil permet un suivi de la commande publique responsable. La loi prévoit, en effet, que les acheteurs publient leur SPASER sur leur site internet, lorsqu'il existe. Ils publient également tous les deux ans, le résultat des indicateurs contenus dans le schéma, exprimé de façon précise et chiffrée.

La Région Bretagne s'est dotée d'un SPASER dès 2018 pour piloter les 800 marchés publics annuels qu'elle passe, avec ses mandataires, pour tous leurs contrats (marchés publics, concessions, achat via des centrales d'achat), représentant un montant total entre 300 et 600 millions d'euros par an. Elle s'est dotée également au printemps 2022 d'un « observatoire des données de l'achat public de la Région Bretagne », outil numérique de transparence dans une logique d'open data et de pilotage par la donnée qui contribue pleinement à cet objectif. C'est une première en France.

La publication et la valorisation dynamique des données étendues de la commande publique contribuent au rapprochement de l'offre et de la demande en matière d'achat public. L'observatoire constitue également un outil de pilotage de la politique d'achat en quasi-temps réel puisque sa spécificité réside dans son caractère dynamique et dans la démarche d'amélioration continue.

Le schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) 2023-2025 de la Région Bretagne

Le schéma des achats économiquement responsables répond à quatre objectifs transversaux :

1. Agir pour réduire les impacts écologiques et maximiser les sujets sociaux

2. Encourager la montée en puissance de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE)

3. Garantir l'égalité des droits

4. Favoriser la modernisation et la professionnalisation de la fonction achat pour des achats durablement performants

Pour répondre aux problématiques de l'écosystème breton de la commande publique, la politique d'achat est organisée autour de 3 chantiers qui visent à :

1. Garantir durablement la performance et l'innovation

2. Accélérer les transitions écologiques et sociales

3. Mobiliser les acteurs bretons

A ces 4 chantiers sont associés 12 objectifs.

Afin de garantir de garantir des résultats à court terme et dans la durée, 40 indicateurs chiffrés sont inscrits dans le SPASER : 21 indicateurs cibles et 19 indicateurs de transparence. Ils feront l'objet d'une évaluation et d'une communication régulières en application des principes de transparence, d'intégrité et de redevabilité de la vie publique et économique.

L'observatoire des données de l'achat public, grâce à un mécanisme de collecte automatisée de données, permet d'évaluer l'atteinte des objectifs que la Région Bretagne s'est fixés pour ses achats et ceux de ses mandataires. Il contribue au recensement économique de la commande publique au niveau national. L'observatoire couvre l'ensemble des achats de la Région et ce dès le premier euro qu'il s'agisse de construction, de formation professionnelle, de prestations de services ou encore d'approvisionnement des selfs des 115 lycées publics dont la Région est responsable.

Source : site https://www.bretagne.bzh/app/uploads/synthese-spaser.pdf

Cette « bonne pratique » devrait être généralisée.

La délégation recommande de créer des observatoires régionaux de la décarbonation, permettant de piloter, en quasi-temps réel, les performances des acteurs publics et privés et d'évaluer leur évolution par rapport aux trajectoires définies à l'échelle nationale et régionale.

Par ailleurs, pour une personne publique, s'engager dans une politique d'achats durables est non seulement possible, mais bien une nécessité juridique, rappelée et confirmée dans le code de la commande publique. En effet, la loi n° 2023-973 relative à l'industrie verte poursuit le verdissement de la commande publique dans le prolongement de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Elle précise les termes d'offre économique la plus avantageuse en soulignant que cette offre pourra « tenir compte du meilleur rapport qualité-prix, qui est évalué sur la base de critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux ». Elle prévoit deux nouveaux dispositifs d'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession pour les entreprises ne satisfaisant pas à leur obligation d'établir un bilan de leurs émissions de GES et à celle de publication d'informations en matière de durabilité, issue de la transposition à venir de la directive CSRD.

Cependant, le code de la commande publique ne fait toujours pas primer « l'offre la plus vertueuse » sur « l'offre économiquement la plus avantageuse »275(*). La jurisprudence actuelle restreint la prise en compte de clauses sociales et environnementales à leur « lien avec l'objet du marché » et récuse l'intégration de critères reposant sur la politique globale des entreprises dans les appels d'offre.

Pour le Cercle de Giverny276(*), « une relecture des critères retenus à l'aune de l'impératif national et européen de transition écologique permettrait, par exemple, d'évaluer les offres via leur coût global ainsi que de mieux valoriser les entreprises démontrant un label RSE ou écolabel dans l'attribution des marchés et accompagner les PME qui s'engagent dans des démarches de progrès à l'obtention de ces labels »277(*).

De même, CCI France a préconisé en 2021278(*) d'introduire un principe général selon lequel la commande publique tient compte notamment de la performance environnementale des biens, des produits et des services, en particulier de leur caractère biosourcé et des exigences de lutte contre les émissions de GES ; de créer la notion d'« offre économiquement et écologiquement la plus avantageuse » afin de mieux appréhender les considérations environnementales et d'instaurer un droit de préférence pour les offres des entreprises présentant des atouts en matière de transition climatique, à égalité de prix ou à équivalence d'offre.

Départements de France demande279(*) « une révision du droit de la concurrence afin de permettre d'introduire dans les marchés publics un critère de proximité, pour recourir prioritairement à des producteurs locaux, aux filières courtes et à défaut, à des productions qui participent au maintien de nos filières agricoles ».

Il propose de revoir le code de la commande publique pour permettre aux collectivités locales, syndicats, EPCI et établissements publics d'État d'utiliser un critère de « bilan carbone » dans le cadre de la procédure d'attribution des marchés publics. Ce critère unique « bilan carbone », qui englobe à la fois certains éléments tels que les conditions de production ou encore le coût environnemental de l'acheminement des biens, constituerait un outil pour valoriser les entreprises du territoire, dont l'empreinte carbone est la moins élevée.

Deux critères peuvent donc être pris en compte pour améliorer l'impact de la commande publique sur la transition climatique des entreprises en encourageant leur relocalisation : la prime au meilleur bilan carbone ou celle à la proximité géographique (les deux se recoupant, mais le premier étant plus facilement défendable dans le cadre du droit communautaire).

Pour sa part, le METI propose280(*) un standard d'excellence environnementale européenne : « une entreprise qui produit en local, dont la chaîne de valeur est locale et qui respecte le scope 3 devrait être prioritaire auprès des acheteurs publics », ce qui suppose une évolution profonde du droit européen des marchés publics.

La délégation aux Entreprises s'était également prononcée en 2022281(*) afin de mieux intégrer les enjeux RSE dans la commande publique282(*). Ses recommandations restent d'actualité.

La délégation recommande, de prioriser dans l'achat public les entreprises dont la chaîne de valeur est locale au regard du scope 3, lequel couvre les émissions associées aux activités en amont et en aval de la chaîne de valeur et permet de mesurer l'empreinte carbone d'une entreprise.


* 259 Il comprend un diagnostic, une stratégie territoriale, un programme d'actions et un dispositif de suivi et d'évaluation. Il porte une vision intégrée des enjeux d'atténuation et d'adaptation du changement climatique, de préservation et de renforcement des puits de carbone, de développement des énergies renouvelables, de maîtrise de la consommation énergétique et de lutte contre la pollution de l'air sur le territoire.

* 260 « Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité », rapports d'information n°87 (2023-2024), du 9 novembre 2023.

* 261 De plus, les SRADDET utilisent des formats de données, des méthodes, des périmètres, et des modalités de calculs différentes d'une région à l'autre. Certains ont pour référence la SNBC1, d'autres la SNBC2, alors que la SNBC3 est en cours de préparation. Il n'y pas de mécanisme de révision prévu, en dehors du choix laissé aux régions de revoir leur SRADDET dans les 6 mois suivants les dernières élections régionales.

* 262 L'ADEME a cependant mis en place un cadre de dépôt et une plateforme d'échanges et de ressources pour les PCAET afin d'en harmoniser la présentation et de recueillir des données nationales qui devrait contribuer à faire converger les données.

* 263 À l'article R229-51.

* 264 Document de travail : « Coût de l'inaction face au changement climatique en France : que sait-on ? », Adrien Delahais et Alice Robine, mars 2023.

* 265 Voir en annexe.

* 266 Inspirées des Conferences of the Parties (COP) réunissant les États parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

* 267 « Pas d'adaptation sans exigences opérationnelles ni moyens humains », Vivian Dépoues et Morgane Nico, Point climat n° 67, juin 2021.

* 268 La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 inscrit les objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale, dans un nouvel article L. 3-1 du Code de la commande publique. La norme NF FD X50-135 est éditée par l'AFNOR.

* 269 « La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale ».

* 270 « Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. Au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales de l'offre. Les modalités d'application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire.

Les offres sont appréciées lot par lot, sauf lorsque les entités adjudicatrices ont autorisé les opérateurs économiques à présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d'être obtenus en application du second alinéa de l'article L. 2151-1.

Le lien avec l'objet du marché ou ses conditions d'exécution s'apprécie conformément aux articles L. 2112-2 à L. 2112-4 ».

* 271 C'est-à-dire la prise en compte de la dimension environnementale dans l'acte d'achat par exemple : caractère réutilisable/recyclé/reconditionné/recyclable des produits, économies d'énergie, prévention de la production des déchets et la valorisation des déchets, etc...

* 272 Par l'article 13 de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.

* 273 Par le décret n° 2022-767 du 2 mai 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique portant application de l'article 35 de la loi Climat et Résilience.

* 274 Par la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte.

* 275 Selon l'article L.2152-7 du code de la commande publique : « Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base du critère du prix ou du coût. L'offre économiquement la plus avantageuse peut également être déterminée sur le fondement d'une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux ».

* 276 Le Cercle de Giverny est un « laboratoire d'idées hybride décidé à agir en faveur du déploiement opérationnel de la RSE systémique. Ses travaux sont placés sous le haut patronage du ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique ».

* 277 « Faire de la commande publique un moteur de la transition écologique et sociale », La Croix, 11 mars 2021.

* 278 « Les entreprises face au défi climatique : Quelles incitations ? Quels accompagnements ? », janvier 2021.

* 279 En réponse au questionnaire de la délégation aux Entreprises, voir annexe.

* 280 Audition par la délégation aux Entreprises du 10 avril 2024 de dirigeants d'entreprises européennes et de représentants d'organisations patronales européennes, sur le thème « Existe-t-il un « mittelstand » européen ? ».

* 281 « Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : une exemplarité à mieux encourager », rapports d'information n° 572 (2019-2020), du 25 juin 2020.

* 282 « Faire évoluer les règles et les pratiques de la commande publique afin de :

« - inciter les acheteurs publics à utiliser pleinement les dispositions du code des marchés publics en matière d'achat responsable ;

« - encourager les collectivités territoriales à recourir, lors de la passation de marchés publics, aux entreprises engagées dans une démarche RSE et notamment celles de l'économie sociale et solidaire (ESS) ;

« - refonder une approche plus transversale et globale des marchés publics, en prenant en compte non seulement la construction d'une infrastructure publique, mais aussi son exploitation ».

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