V. CHANGER LE LOGICIEL DE L'ACTION PUBLIQUE POUR RÉUSSIR LA TRANSITION CLIMATIQUE DES ENTREPRISES
A. INVENTER UN NOUVEAU MODÈLE DE L'ACTION PUBLIQUE RÉPONDANT À L'URGENCE CLIMATIQUE
1. Afficher les priorités de la politique publique d'aide à la transition climatique des entreprises
a) La décarbonation comme réduction nette des émissions de CO2
Plusieurs objectifs de la transition climatique des entreprises peuvent être envisagés : absorption du CO2, élimination du CO2, préservation de la biodiversité...
La SNBC s'appuie sur six leviers pour décarboner l'économie française : la décarbonation des vecteurs énergétiques, l'efficacité et la sobriété énergétiques, l'efficacité carbone des procédés industriels et agricoles, les changements de mode de consommation et la séquestration de carbone via les puits de carbone naturels et les procédés industriels. Pour la direction générale du Trésor210(*), « l'attente de la neutralité carbone en 2050 nécessite une mobilisation de l'ensemble des leviers de décarbonation », sans toutefois les hiérarchiser ou les prioriser.
La priorité doit être donnée aux politiques publiques et aux investissements privés qui favorisent l'élimination du carbone.
À cet effet, il faut mobiliser tous les types d'actions d'atténuation agrégées pour réduire les émissions de GES d'une entreprise, tels que l'efficacité énergétique, l'électrification, le changement de combustible, l'utilisation d'énergies renouvelables, la modification des produits et la décarbonation de la chaîne d'approvisionnement, adaptés aux actions spécifiques de l'entreprise.
Par ailleurs, la priorité doit être donnée aux efforts de réduction d'émissions brutes de GES.
Le concept de neutralité carbone n'est pas approprié au niveau de l'entreprise. Il prête à confusion et risque d'être utilisé pour ne pas s'engager dans la réduction nette des GES.
Il est bâti sur la confusion entre les deux dimensions de la « neutralité carbone » :
· une dimension « arithmétique », pour laquelle il s'agit de l'atteinte d'un état où les émissions de GES de l'entreprise sont présumées « compensées » (notamment via l'achat de crédits carbone perçus à tort comme un moyen d'annuler des émissions de GES réellement émises) ;
· une dimension « dynamique », par un alignement avec une trajectoire de limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C, donc le suivi d'une trajectoire d'émissions précise qui mène in fine à l'état de « neutralité » dans le respect du budget carbone restant.
Par ailleurs, la contribution réelle des crédits carbone à la lutte contre le changement climatique a été fortement remise en cause, tant en raison des incertitudes et des échecs entourant le déploiement de la capture de CO2 technologique et naturelle que de ceux concernant le calcul de potentielles émissions évitées.
Pour l'Autorité des marchés financiers en effet : « une entreprise ne devrait pouvoir valoriser, en toute rigueur, qu'une contribution à l'atteinte de la neutralité carbone globale et en aucune manière l'atteinte de la neutralité carbone pour ses activités propres. Dans ce cadre, toute entité qui adopte ce type d'engagement de « contribution » se doit non seulement d'atteindre un état de neutralité carbone, mais aussi de le faire en suivant une trajectoire d'émissions de GES et, plus largement, une stratégie d'affaires (ex : CapEx, volumes de production) compatible avec son scénario de référence de réduction de 1,5 ° ».
Cette trajectoire implique donc en priorité la réduction des émissions de GES de l'entreprise211(*).
C'est la raison pour laquelle la décision prise le 9 avril 2024 du SBTi212(*) d'autoriser l'utilisation de certificats d'attributs environnementaux pour atteindre les objectifs de réduction sur le scope 3, qui inclut les crédits carbone, a été jugée « inefficace et dangereuse »213(*). Il n'est pas possible de mettre sur le même plan des réalités physiques distinctes, en comparant des émissions effectivement induites à des émissions potentiellement évitées ou captées dans une temporalité et une géographie différentes. En vue de contribuer au juste niveau à la neutralité carbone planétaire, une entreprise doit agir de trois manières simultanées mais séparées : en réduisant au minimum ses émissions, en aidant les autres à réduire les leurs et en contribuant à la création nette de puits de carbone.
La « compensation carbone » - via l'achat de crédits carbone générés sur la base de capture de CO2 au moyen de procédés naturels ou technologiques - doit intervenir uniquement lorsque toutes les options de réduction sont mises en oeuvre, la « compensation » ne pouvant intervenir que pour un volume d'émission résiduel et limité214(*).
Toute utilisation avant ce stade ne peut être considérée comme permettant l'atteinte d'un état de « neutralité carbone ».
La délégation recommande d'afficher comme priorité de l'action publique en faveur de la transition climatique des entreprises la réduction nette des émissions de CO2.
b) La sobriété et l'efficacité énergétiques
Le découplage nécessaire entre les émissions de GES et la croissance économique a produit le concept de « croissance verte », défini par l'OCDE comme une « croissance économique qui permet une préservation significative de l'environnement ». Celui-ci se distingue du concept de « décroissance », selon lequel la transition climatique ne serait possible qu'avec une réduction de la production.
La sobriété doit être limitée à l'utilisation de l'énergie fossile ou carbonée. Dépassant l'efficacité énergétique, elle requiert une modification des processus de production afin de consommer moins.
La « croissance verte » fait l'objet de deux interprétations quant à la forme qu'elle pourrait prendre et à ses implications macroéconomiques.
L'une soutient que la transition écologique serait bénéfique à l'économie dès le court terme : les investissements pour assurer la transition soutiendraient la demande, et à travers elle l'activité et l'emploi. Cette interprétation recourt aux arguments keynésiens usuels, sous l'hypothèse supplémentaire qu'un investissement « vert » aura davantage de bénéfices économiques à court terme qu'un investissement « brun ». L'investissement vert (par exemple, dans la rénovation thermique des bâtiments) serait plus intensif en emplois et aurait un impact économique plus concentré localement. La littérature empirique sur les mesures de stimulus vertes est toutefois limitée. Cette interprétation englobe également les argumentaires techno-optimistes selon lesquels la transition devrait s'accompagner d'innovations de rupture décarbonées, qui pourraient être source de nouveaux gains de productivité significatifs. Les critiques de cette approche soulignent à la fois la forte incertitude quant à l'émergence de ces technologies et à leur capacité à avoir un effet d'entraînement sur le reste de l'économie.
L'autre interprétation, vers laquelle un consensus tend à se former, suggère que la transition écologique induirait des bénéfices à long terme - au regard des effets négatifs de l'inaction climatique - mais serait coûteuse à court terme. Ainsi, selon Pisani-Ferry (2021), la sortie des énergies fossiles nécessaire à la réduction massive et rapide des émissions de GES pourrait être apparentée à un choc d'offre négatif, et le surcroît d'investissement nécessaire pour réaliser la transition se ferait au détriment de la consommation ou d'autres investissements à court terme. Les coûts cumulés pour l'activité économique resteraient cependant en-deçà des coûts qu'engendrerait le changement climatique en cas d'inaction, qui pourraient représenter au-delà de -15 % du PIB mondial en 2050 pour une hausse de la température de 2 à 3°.
Source : « Croissance et décarbonation de l'économie »
Pierre-Louis Girard, Claire Le Gall, William Meignan, Philippe Wen,
Trésor Eco n° 315, octobre 2022, Direction générale du Trésor.
La sobriété contribue, comme l'efficacité, à une réduction de la consommation d'énergie. Elle vise la tempérance dans nos usages énergétiques et suppose un changement de comportement, de pratique ou de mode de vie qui génère une baisse de consommation d'énergie. Elle peut être divisée en trois leviers complémentaires et nécessaires :
· l'anti-gaspillage : identifier les économies d'énergie venant d'usages ne rendant en réalité aucun service ;
· la sobriété individuelle : réduire la consommation à l'échelle individuelle ;
· la sobriété collective : organiser notre société pour inciter à des changements d'usage.
Source : Carbone 4
La réduction de la demande en énergie, elle-même liée à la demande de biens et de services, est un facteur clé pour atteindre la neutralité carbone. Cette réduction peut aller de 23 % à 55 % par rapport à 2015, selon les scénarios de l'étude prospective Transition(s) 2050 de l'ADEME.
« Futurs énergétiques 2050 » rassemble les scénarios de mix de production à l'étude permettant d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050, réalisé en février 2022 par RTE, gestionnaire du réseau de transport d'électricité français. Dans ce document, « agir sur la consommation grâce à l'efficacité énergétique, voire la sobriété est indispensable pour atteindre les objectifs climatiques », et « agir sur la production d'énergie décarbonée » passent tout autant par l'accélération du déploiement des énergies renouvelables que la construction de nouveaux réacteurs nucléaires pour garantir une « réindustrialisation électrique » bas carbone d'ici 2050.
Les scénarios de systèmes électriques bas-carbone en 2050 selon RTE
Atteindre la neutralité carbone implique une transformation de l'économie et des modes de vie, et une restructuration du système permettant à l'électricité de remplacer les énergies fossiles comme principale énergie du pays.
Sur la consommation
1) Agir sur la consommation grâce à l'efficacité énergétique, voire la sobriété est indispensable pour atteindre les objectifs climatiques ;
2) La consommation d'énergie va baisser mais celle d'électricité va augmenter pour se substituer aux énergies fossiles ;
3) Accélérer la réindustrialisation du pays, en électrifiant les procédés, augmente la consommation d'électricité mais réduit l'empreinte carbone de la France ;
Sur la transformation du mix électrique
4) Atteindre la neutralité carbone est impossible sans un développement significatif des énergies renouvelables ;
5) Se passer de nouveaux réacteurs nucléaires implique des rythmes de développement des énergies renouvelables plus rapides que ceux des pays européens les plus dynamiques ;
Sur l'économie
6) Construire de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinent du point de vue économique, a fortiori quand cela permet de conserver un parc d'une quarantaine de GW en 2050 (nucléaire existant et nouveau nucléaire) ;
7) Les énergies renouvelables électriques sont devenues des solutions compétitives. Cela est d'autant plus marqué dans le cas de grands parcs solaires et éoliens à terre et en mer ;
8) Les moyens de pilotage dont le système a besoin pour garantir la sécurité d'approvisionnement sont très différents selon les scénarios. Il y a un intérêt économique à accroître le pilotage de la consommation, à développer des interconnexions et du stockage hydraulique, ainsi qu'à installer des batteries pour accompagner le solaire. Au-delà, le besoin de construire de nouvelles centrales thermiques assises sur des stocks de gaz décarbonés (dont l'hydrogène) est important si la relance du nucléaire est minimale et il devient massif - donc coûteux - si l'on tend vers 100 % renouvelables ;
9) Dans tous les scénarios, les réseaux électriques doivent être rapidement redimensionnés pour rendre possible la transition énergétique ;
Sur la technologie
10) Créer un « système hydrogène bas-carbone » performant est un atout pour décarboner certains secteurs difficiles à électrifier, et une nécessité dans les scénarios à très fort développement en renouvelables pour stocker l'énergie ;
11) Les scénarios à très hautes parts d'énergies renouvelables, ou celui nécessitant la prolongation des réacteurs nucléaires existants au-delà de 60 ans, impliquent des paris technologiques lourds pour être au rendez-vous de la neutralité carbone en 2050 ;
12) La transformation du système électrique doit intégrer dès à présent les conséquences probables du changement climatique, notamment sur les ressources en eau, les vagues de chaleur ou les régimes de vent ;
Sur l'espace et l'environnement
13) Le développement des énergies renouvelables soulève un enjeu d'occupation de l'espace et de limitation des usages. Il peut s'intensifier sans exercer de pression excessive sur l'artificialisation des sols, mais doit se poursuivre dans chaque territoire en s'attachant à la préservation du cadre de vie ;
14) Même en intégrant le bilan carbone complet des infrastructures sur l'ensemble de leur cycle de vie, l'électricité en France restera très largement décarbonée et contribuera fortement à l'atteinte de la neutralité carbone en se substituant aux énergies fossiles ;
15) L'économie de la transition énergétique peut générer des tensions sur l'approvisionnement en ressources minérales, particulièrement pour certains métaux, qu'il sera nécessaire d'anticiper ;
Généraux
16) Pour 2050, le système électrique de la neutralité carbone peut être atteint à un coût maîtrisable pour la France ;
17) Pour 2030 : développer les énergies renouvelables matures le plus rapidement possible et prolonger les réacteurs nucléaires existants dans une logique de maximisation de la production bas-carbone augmente les chances d'atteindre la cible du nouveau paquet européen « -55% net » ;
18) Quel que soit le scénario choisi, il y a urgence à se mobiliser.
Enfin, pour le rapport du 2 juillet 2024 de la commission d'enquête du Sénat sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050, « la sobriété doit devenir un élément structurant à prendre en compte dans l'action collective et pas seulement l'objet d'un plan d'urgence qui surgit en cas de tension sur le système électrique »215(*) et a préconisé, outre le renforcement du plan de sobriété énergétique du Gouvernement présenté en octobre 2022, de « mieux intégrer la sobriété comme objectif des politiques publiques en amont ».
Pour rendre opérationnel ce scénario, un double effort est nécessaire :
- la prolongation du parc nucléaire en exploitation jusqu'à 60 ans avec une optimisation significative de leur performance ;
- le développement, d'ici à 2035, des moyens de production d'énergies renouvelables en s'appuyant sur une répartition équilibrée entre les différentes technologies, et une implantation plus optimale sur l'ensemble du territoire.
La délégation aux Entreprises recommande d'accentuer :
- l'efficacité et la sobriété énergétiques pour réduire la consommation,
- le déploiement des énergies bas carbone en s'appuyant sur la relance du nucléaire et le déploiement des énergies renouvelables.
c) La question de la « dette verte »
À titre personnel, votre rapporteur Simon Uzenat plaide pour tirer les conséquences de cette priorité donnée à la décarbonation des entreprises en proposant de déduire les investissements publics liés à la décarbonation du calcul du déficit public pris en compte pour vérifier qu'un pays respecte le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il convient de souligner que le Président de la République Emmanuel Macron et Mario Draghi ont appelé, le 23 décembre 2021, l'Union européenne à réformer ses règles budgétaires : « les règles budgétaires devraient favoriser la dette créée pour financer ces investissements, qui contribuent indéniablement au bien-être des générations futures et à la croissance à long terme, étant donné que ces dépenses publiques participent de fait à la viabilité de la dette à long terme ». Cette nouvelle stratégie de croissance, qui doit permettre des investissements massifs pour financer la double transition numérique et climatique, suppose des investissements communs et des règles budgétaires « plus adaptées ».
Cet appel à la réforme des règles budgétaires européennes216(*) a été décliné, pour les collectivités locales, par le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de l'époque, lors des premières rencontres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale, organisées le 2 février 2023, afin d'accélérer l'investissement des collectivités territoriales dans la transition climatique. Selon la formule du ministre : « le climat est un usurier : tout ce que nous ne faisons pas aujourd'hui nous coûtera plus cher demain ». Cette situation conduit à « réhabiliter une dette qui permet d'éviter des dépenses futures et conduit à des gains climatiques immédiats, c'est l'idée de la « dette verte ».
Il serait logique que les aides publiques aux entreprises pour les accompagner dans la transition climatique bénéficient d'une évolution comparable des règles budgétaires européennes. Le mur du montant colossal de l'investissement à consacrer à la décarbonation ne peut se doubler d'un autre obstacle, celui de la définition de la dette qu'il convient au contraire de réhabiliter, à certaines conditions217(*), pour réussir la transition climatique. La dette climatique peut être vertueuse.
La principale objection à cette proposition218(*) est qu'elle conduirait à s'écarter de l'objectif premier des règles budgétaires, à savoir la soutenabilité de la dette. Toutefois, les émissions de GES accumulées constituent également un passif. L'absence de lutte contre le changement climatique entraînera des coûts importants et une baisse du PIB, menaçant du même coup la soutenabilité de la dette.
Cependant, selon l'économiste en chef de la direction générale du Trésor, Mme Angès Bénassy-Quéré219(*), « il n'en reste pas moins que les dettes nationales devront être servies avec les ressources du budget national et un refinancement continu de la dette, quel que soit le type de dépenses financées par celle-ci. De plus, l'exclusion d'une catégorie de dépenses atténuerait la pression pour rendre ces dépenses efficaces (en termes de coûts d'abattement notamment) et introduirait des distorsions inefficaces entre les différents types de dépense (par exemple, le financement public de la rénovation thermique des bâtiments serait considéré comme un investissement vert, mais pas la formation professionnelle dans ce domaine). Enfin, une règle d'or (verte) s'écarterait de la nécessité de simplifier les règles et exigerait une définition commune et précise de ce qui constitue un investissement « vert ».
Un fonds d'investissement climatique a été proposé à titre alternatif, puisque les investissements verts sont principalement destinés à réaliser un engagement commun de réduction des émissions de GES. Une telle approche permettrait de hiérarchiser les projets d'investissement en Europe en fonction de leurs coûts d'abattement220(*). Ce fonds pourrait être transitoire et prendre fin, en 2050. Il nécessiterait une nouvelle augmentation des ressources propres, ce qui soulèverait à son tour la question des transferts entre les États membres. En l'absence de tels transferts, un fonds d'investissement climatique serait de facto assez proche d'une règle d'or, chaque État membre finançant son propre investissement. Pour la même économiste, « il permettrait de financer une ambition économique et politique essentielle avec un outil budgétaire commun, préservant la simplicité des règles budgétaires et incitant tous les États membres à investir davantage dans la transition verte. Une autre possibilité serait que les pays dont les coûts d'abattement sont moindres réalisent des réductions plus ambitieuses de leurs émissions et reçoivent davantage de fonds à cette fin. Enfin, l'accès au fonds pourrait être conditionné au respect des règles budgétaires, transformant les sanctions existantes en incitations ».
2. Gérer les temporalités de la transition climatique
a) Présenter un horizon pour sécuriser les investissements des entreprises
La programmation de la transition climatique des entreprises doit présenter un horizon stable pour sécuriser les investissements des entreprises.
La définition du rythme de la transition économique est particulièrement complexe. En effet, le changement climatique est une « tragédie des horizons », car ses effets dépassent l'horizon économique, politique et financier de la majorité des agents économiques, comme l'a souligné dès septembre 2015, dans un discours chez l'assureur Lloyd's, le Gouverneur de la Banque d'Angleterre.
Le problème que les sociétés contemporaines doivent affronter pour construire leur avenir n'est pas seulement celui de la profondeur de temps qui permet de mobiliser les ressources nécessaires à l'investissement de long terme mais surtout celui de l'incertitude radicale à long terme « qui est un défi à l'évaluation des risques, sans laquelle des engagements d'investissement ne peuvent être pris », selon Michel Aglietta, Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii)221(*). Or, ce dernier a constaté que le marché financier, « même s'il était efficient, pourrait au mieux synthétiser l'information passée mais est en revanche incapable de fournir une boussole pour s'orienter vers un futur qui n'est pas connu ». Les investissements de long terme de la transition climatique des entreprises relèvent donc davantage des investisseurs et prêteurs publics pour financer les projets de grande taille et de longue maturité, qui engendrent des externalités positives.
Un « moment Minsky » fait re'fe'rence a` l'ide'e de feu l'e'conomiste ame'ricain Hyman Minsky selon laquelle un effondrement des anticipations des marche's financiers peut entraîner une revalorisation rapide des actifs, laquelle peut a` son tour provoquer une instabilite' financie`re. Ce « moment » agit comme une re've'lation, mais avec des conse'quences ne'gatives potentielles. Jusqu'a` l'accord de Paris sur le climat de la fin 2015, aucun cadre ne permettait de comprendre les risques financiers lie's au changement climatique. Depuis, nous avons identifié et conceptualise' trois canaux principaux par lesquels le changement climatique peut perturber la stabilite' financie`re. Le premier, ce sont les risques physiques : la fre'quence croissante d'e've'nements climatiques ou me'te'orologiques extre^mes de'truit ou de'te'riore de plus en plus d'actifs immobiliers entre autres, et perturbe le commerce. Le deuxie`me canal, ce sont les risques lie's a` la responsabilite' financie`re : les victimes de phe'nome`nes climatiques extrêmes re'clament des dommages financiers a` ceux qu'ils jugent responsables de la situation. Enfin, le troisie`me canal est le risque lie' a` la transition e'nerge'tique elle-me^me : l'adaptation soudaine ou mal conduite a` une e'conomie bas carbone.
Cette dernie`re forme de risque est la plus difficile a` appre'hender en raison de deux paradoxes. Le premier peut se re'sumer ainsi : « L'avenir sera le passe'. » Ge'rer le changement climatique rele`ve de ce qu'on peut appeler une « trage'die des horizons ». Je m'explique : les conse'quences catastrophiques a` venir seront ressenties au-dela` des cycles d'affaires ou des mandats politiques, c'est-a`-dire plus loin que les e'che'ances de la plupart des individus. Ces impacts auront un coût pour les générations futures que la ge'ne'ration actuelle n'est pas incite'e a` e'viter. Et lorsque le changement climatique deviendra un danger e'vident et perceptible, il pourrait être trop tard pour stabiliser la hausse moyenne de la tempe'rature a` 2 °C.
Second paradoxe : « La re'ussite est un e'chec. » Je veux dire par la` que des changements trop rapides vers une e'conomie de'carbone'e peuvent bouleverser la stabilite' financie`re. Une re'e'valuation comple`te des perspectives, a` mesure que les risques climatiques sont pris en compte, pourrait de'stabiliser les marche's, de'clencher une spirale de pertes qui de'boucherait sur un resserrement du cre'dit : cet enchaînement pourrait s'appeler un « moment Minsky » climatique.
Mark Carney, Gouverneur de la Banque d'Angleterre,
entretien paru pendant l'hiver 2019 dans Politique internationale, Dossiers
spéciaux : n° 162 : Investissement responsable :
l'essor :
« Finance et risque climatique : la
"tragédie des horizons" ».
Ainsi, selon l'I4CE, « décider en fonction de la durée de vie de chaque investissement permet de considérer le bon niveau de réchauffement au bon moment et de conserver ainsi des marges de manoeuvre. Pour certaines décisions facilement réversibles ou certains cycles d'investissement courts, il est possible de ré-évaluer périodiquement le niveau d'effort en fonction des niveaux de réchauffement réel. Une nouvelle occasion d'intervenir se présentera et il sera possible de ré-évaluer si nécessaire le besoin de robustesse à ce moment-là. Tenir compte de niveaux de réchauffement élevés qui ne seraient de toutes façons pas atteints avant plusieurs décennies présenterait peu d'intérêt. Pour d'autres décisions, impliquant de fortes irréversibilités, il est largement plus robuste de tenir compte maintenant d'un réchauffement de +4°C en 2100. Il est par exemple fort peu probable qu'une deuxième campagne massive de rénovation des logements déjà construits soit menée d'ici la fin du siècle. Cela est d'autant plus important lorsque le risque de surinvestissement est bien inférieur aux conséquences d'un sous-investissement ».
Source : I4CE
Accompagner les entreprises dans le long terme est particulièrement nécessaire dans le secteur industriel. La décarbonation de l'industrie, troisième secteur contributeur émissions de GES en France, avec 73 millions de tonnes de CO² e en 2022, est décisive pour atteindre la neutralité carbone.
Cette décarbonation nécessite des investissements massifs car « produire vert dans l'industrie coûte significativement plus cher que produire carboné (jusqu'à +20 % pour l'acier, +20-43 % pour les plastiques, +70-115 % pour le ciment222(*)). Par ailleurs, l'industrie étant un secteur très capitalistique, les investissements à engager sont lourds et s'amortissent à long terme. L'État a donc un rôle important à jouer pour limiter ce surcoût “vert” et donner une visibilité à long terme aux industriels quant à la rentabilité de tels investissements. Cela nécessite notamment de renforcer les aides publiques à l'investissement ». L'Institut Rousseau a estimé en 2022 que l'État français devrait, d'ici à 2050, renforcer de 14 milliards d'euros les subventions à l'investissement vert industriel (qui pourraient entre autres venir abonder le fonds économie circulaire et le fonds décarbonation de l'ADEME) et de 6 milliards d'euros ses aides au développement de capacités de production de technologies stratégiques.
Au préalable, il faut évaluer au mieux la demande énergétique à l'horizon 2050.
Or, comme l'ont soulevé des experts223(*) : « si plusieurs scénarios prospectifs coexistent aujourd'hui ( RTE - futurs énergétiques 2050 ; GRTGaz - Perspectives gaz ; Planification du SGPE (d'ici à 2030) ; Ademe - Transitions 2050), ils présentent des divergences méthodologiques, des bases de données et des hypothèses différentes, parfois contradictoires - hypothèses de croissance économique, hypothèses de prix des énergies fossiles (pétrole, gaz), de prix carbone, de développement des énergies renouvelables (coûts de production, politiques de soutien) -, et de politiques publiques (fiscalité carbone, normes d'efficacité énergétique, mécanismes incitatifs). Ces divergences peuvent engendrer des projections différentes en matière de consommation énergétique (évolution de la demande d'électricité, de gaz, baisse de la demande), de mix énergétique (part des différentes sources d'énergie) et donc de baisse d'émissions de GES ». Ils préconisent ainsi une plus grande harmonisation méthodologique, « fondée sur des référentiels communs discutés, débattus et opposables au travers de données partagées, permettrait d'aboutir à une vision plus convergente des futurs énergétiques possibles ».
Cette harmonisation doit s'accompagner d'un débat public et parlementaire sur la décarbonation afin d'améliorer la transparence et la lisibilité des scénarios pour le grand public, de contribuer ainsi à une meilleure compréhension et appropriation des enjeux énergétiques en termes de création d'emploi, d'impact sur les factures ou de conséquences sur les modes de vie et de faciliter l'adhésion des citoyens aux politiques de transition énergétique en illustrant concrètement les retombées économiques et sociales de la transition. Ces experts estiment nécessaire une « mise au débat des différents leviers d'action disponibles, du potentiel degré d'engagement de la part des différents acteurs concernés, en interrogeant la répartition des efforts devant être opérés par chacun (particuliers, État, collectivités, entreprises) et le calendrier de ces changements ».
La délégation recommande d'harmoniser la méthodologie de l'évaluation de la demande énergétique à l'horizon 2050.
b) Être plus agile : développer les expérimentations
La politique de transition climatique des entreprises doit devenir plus agile.
En effet, les gains de la décarbonation engrangés jusqu'à présent relèvent principalement, dans le domaine industriel, de l'efficience énergétique - rapport entre la quantité d'énergie produite et l'énergie consommée.
Or, les mesures les plus immédiates et consensuelles (« low- hanging fruit »)224(*) ayant été prises, il faudra de plus en plus s'orienter vers des technologies de rupture dont la soutenabilité économique n'est à ce jour pas complètement démontrée et acquise : utilisation généralisée de l'hydrogène, captage et stockage de dioxyde de carbone, procédé de réduction directe en métallurgie par exemple.
L'action publique devra donc s'orienter vers l'assouplissement du cadre normatif (afin de permettre des innovations) et vers un soutien public, en mobilisant davantage France Relance.
Dans sa résolution du 25 août 2023, le Sénat a plaidé pour que soit précisé, à l'échelle européenne, le dispositif de « bac à sable règlementaire », que la France a prévu dans la loi « Énergie-Climat » de 2019 et consolidé dans la loi « Climat-Résilience » de 2021, qui offre des souplesses administratives aux porteurs de projets énergétiques innovants. Il estime que, dans la stratégie « zéro net », ses effets ainsi que son articulation avec les outils similaires prévus dans d'autres législations européennes devraient être mieux définis, notamment dans le secteur énergétique. Il recommande que des lignes directrices sectorielles soient proposées pour en faciliter la mise en oeuvre par les États membres.
Les États membres sont invités à mettre en place des « bacs à sable » réglementaires pour ces technologies, soit de leur propre initiative, soit à la demande d'un porteur de projet, selon des modalités définies par des actes d'exécution (art. 26), sans que la participation à ces initiatives ait un effet sur les pouvoirs de surveillance et de correction des autorités chargées de la surveillance de ces « bacs à sable ». Ces « bacs à sable » devront être conçus et utilisés de manière à favoriser la coopération transfrontalière.
Si des dérogations et des exemptions sont envisagées, en particulier pour les projets présentant des risques exceptionnels pour la santé et la sécurité des travailleurs (substances particulièrement toxiques), les autorités compétentes devront veiller à ce que le plan du « bac à sable » garantisse le respect des objectifs clés et des législations européennes et nationales essentielles.
Dès lors qu'ils respectent ce plan et les règles de participation à celui-ci, les participants ne peuvent pas être sanctionnés pour infraction à la législation européenne ou nationale concernant la technologie « zéro net » surveillée dans le « bac à sable ».
Un rapport sera adressé chaque année à la Commission sur les résultats de la mise en oeuvre des « bacs à sable » règlementaires (bonnes pratiques, recommandations).
Pour accompagner les PME, les États membres devront leur donner un accès prioritaire aux « bacs à sable » réglementaires, organiser des activités de sensibilisation sur leur participation à ces outils, mettre en place un canal de communication spécifique et les informer du soutien disponible pour leurs activités dans celui-ci (art. 27).
Extrait de l'exposé des motifs de la proposition de résolution européenne n° 886 du 13 juillet 2023 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'établissement d'un cadre de mesures en vue de renforcer l'écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « zéro net », COM(2023) 161 final
Pour les projets innovants avec une dimension économique dont le développement est, ou paraît, bloqué par des dispositions législatives ou réglementaires, le recours à France Expérimentation permet aux acteurs économiques de tester leur innovation sur le terrain et d'en mesurer les effets de façon objective. Dispositif unique en Europe, il vise à « intensifier le rythme de la transition climatique des entreprises ».
Ce dispositif interministériel gratuit, porté par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et la direction générale des entreprises (DGE), offre aux porteurs de projets, soumis et éligibles, une instruction et un accompagnement sur mesure de la DITP et de la DGE ainsi qu'une expertise juridique et technique des différents ministères concernés.
La décision est toutefois purement politique. En effet, chaque dossier est soumis, sur la base des analyses et avis rendus, à l'arbitrage du cabinet du Premier ministre.
Le principe de l'expérimentation, qui suppose des dérogations, pis-aller d'une simplification systémique des normes applicables aux entreprises pour laquelle la délégation aux Entreprises a fait des propositions suivies par le Sénat le 26 mars 2024, devrait être la règle en matière de transition climatique des entreprises, afin d'accélérer l'innovation.
La délégation recommande d'amplifier les expérimentations pour favoriser les innovations permettant d'accélérer la transition climatique des entreprises.
c) Intensifier le rythme
« Il va nous falloir faire en dix ans ce que nous avons eu de la peine à faire en trente ans », selon France Stratégie.
Depuis le Pacte de Glasgow de la COP 26, en 2021, la communauté internationale privilégie explicitement l'objectif de limiter la hausse de température à 1,5 °C, compte tenu des risques significativement accrus par tout dépassement de cette limite. La définition et les objectifs de la « neutralité carbone » disposent donc au niveau global de bases scientifiques solides. Le GIEC note ainsi que les scénarios ayant 50 % de chances de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C nécessitent l'atteinte de la neutralité carbone d'ici à 2050 et la diminution des émissions de GES (de l'ordre de moitié) entre 2019 et 2030.
Le GIEC indique : « Les trajectoires qui limitent le réchauffement planétaire à 1,5 °C sans dépassement ou avec un dépassement minime exigeraient des transitions rapides et radicales dans les domaines de l'énergie, de l'aménagement des terres, de l'urbanisme, des infrastructures (y compris transports et bâtiments) et des systèmes industriels (degré de confiance élevé). Ces transitions systémiques sont sans précédent pour ce qui est de leur ampleur, mais pas nécessairement de leur rythme, et supposent des réductions considérables des émissions dans tous les secteurs, un large éventail d'options en matière d'atténuation et une hausse nette des investissements dans ces options (degré de confiance moyen) ».
Cela signifie que limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C n'implique pas uniquement l'atteinte à un moment donné de la neutralité carbone (état où les émissions de GES sont équivalentes aux retraits), mais requiert également que la vitesse de réduction des émissions soit assez rapide pour ne pas dépasser le budget carbone cohérent avec l'objectif de hausse de la température de 1,5 °C.
3. Faire converger politique industrielle et politique climatique
La politique climatique doit d'autant plus converger vers la politique économique que l'État et l'Union européenne soutiennent une politique de réindustrialisation décarbonée.
Dans l'Union européenne, le « plan industriel pour le Pacte vert », présenté en février 2023, repose sur quatre piliers visant à accroître les capacités européennes en technologies et produits liés à la transition climatique. Les domaines devant recevoir des investissements importants associés à la décarbonation de l'économie sont identifiés, avec l'objectif d'atteindre une capacité européenne de production des technologies « zéro émission nette » correspondant à 40 % des besoins de l'Union européenne d'ici à 2030. Il prévoit également225(*) un accès plus rapide au financement afin de résister aux subventions massives accordées aux entreprises dans des pays concurrents, notamment dans les domaines des énergies renouvelables et dans le secteur des équipements stratégiques nécessaires à la neutralité carbone.
La législation européenne de mars 2023 pour « une industrie à zéro émission nette » a marqué un nouveau tournant dans la politique industrielle européenne. Consciente des risques accrus de décrochage industriel face à la concurrence internationale stimulée par l'IRA américain, l'Union européenne a adopté une approche plus volontariste afin de renforcer la position de l'Europe dans la compétition mondiale tout en répondant aux impératifs climatiques
En France, le plan France Relance lancé le 3 septembre 2020 affirmait « relancer l'économie par l'écologie », sur 100 milliards d'euros qu'il prévoyait, 30 milliards étant destinés au financement de la transition climatique et « chaque axe du plan de relance » devant « apporter une contribution à la transition écologique ».
Toutes les dimensions de la transition écologique sont prises en compte : la biodiversité, la réduction des émissions de GES, la pollution locale, l'adaptation des territoires au changement climatique, le développement des circuits courts, l'économie circulaire et l'artificialisation des sols.
Une partie des mesures du plan de relance permettront une réduction directe des émissions de GES par rapport à une relance qui n'intégrerait pas de considérations environnementales. Il s'agit des mesures de rénovation énergétique des bâtiments, de décarbonation des sites industriels, de verdissement du parc automobile privé et public, de développement de transports en commun... Les économies générées par ces mesures sont estimées à 57 millions de tonnes de CO2.
Les mesures permettant la relocalisation d'activité de production critique en France réduiront notre empreinte carbone : en produisant en France, à proximité du consommateur, avec une électricité faiblement carbonée plutôt que d'importer des produits fabriqués loin, dans des conditions environnementales moins favorables, nous améliorons notre bilan carbone.
D'autres mesures permettent de développer de nouvelles technologies qui ont un potentiel de réduction massive des émissions à long terme. C'est le cas par exemple de l'hydrogène, qui pourra avoir des applications dans les transports, dans l'industrie et dans la production d'énergie décarbonée. Il s'agit de préparer l'avenir et de permettre à la France de se doter des capacités industrielles et technologiques pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Le plan de relance consacre 470 millions d'euros dans le nucléaire pour investir dans les compétences et la formation, soutenir les sous-traitants de la filière et préparer l'avenir en finançant la recherche pour la conception de petits réacteurs modulaires (SMR).
Beaucoup de mesures du plan de relance participent aux autres aspects de la transition écologique : mesures de formation des professionnels qui exerceront dans ces métiers, mesures portant sur la préservation de la biodiversité, l'adaptation au changement climatique, la gestion des ressources (la gestion de la ressource en eau, les mesures relatives à la pêche et à l'aquaculture) ou la lutte contre la pollution (par exemple grâce au renouvellement des agroéquipements).
Source : dossier de presse du 3 septembre 2020
Comme indiqué ci-dessus, le bilan est nuancé quant à la contribution « exclusive » de ce plan à la transition climatique.
D'une manière générale, la réussite d'une politique de réindustrialisation « verte » repose sur la maîtrise de la chaîne de valeurs, des intrants miniers aux infrastructures de charges ou au réseau électrique. En effet, selon l'OFCE226(*), « les aides aux industries vertes soutiennent leur production et l'extension des capacités, ce qui augmente la concurrence sur l'accès aux ressources comme les intrants miniers mais aussi la concurrence pour attirer les compétences. Des goulets d'étranglement peuvent très vite apparaître, surtout si ces politiques sont teintées de protectionnisme (qui créent des barrières entre les marchés). Une tension sur les prix des ressources rares ne manquera pas de se produire ».
Par ailleurs, « on peut s'interroger sur l'atteinte de l'objectif ultime de réduction des émissions de CO2 - totales et non par unité d'énergie générée. Le doublement des capacités de l'industrie verte en Europe et aux États-Unis va-t-il réduire les émissions de CO2 ? Y aura-t-il une substitution aux capacités des énergies fossiles ? ».
Il semble préférable non de soutenir des industries en particulier mais de décarboner les processus de production dans tous les domaines d'activité afin « d'assigner à la politique industrielle la mission de prendre en compte les externalités de la pollution des processus de production ». Toutefois, « instaurer un prix du carbone est une politique de l'environnement et dépasse le cadre de la politique industrielle verte qui vise à influencer les spécialisations productives ».
La politique française récente de décarbonation de l'industrie (plan de décarbonation de l'industrie dans le cadre de France 2030 de 5,6 milliards d'euros, puis en mai 2023, loi industrie verte ciblant le changement de processus de production) prend donc une bonne direction. Mais elle doit accélérer le rythme.
« La politique industrielle verte horizontale a moins d'exigences sur la maîtrise de la chaîne de valeur ou sur les débouchés. Elle comporte moins de risques de désajustements de l'offre à la demande en raison des risques d'excès de capacités. Elle a donc une efficacité' plus pérenne et moins chaotique. Si elle réussit à produire des changements de comportements, elle a des effets plus structurels que la version verticale. Dans le contexte d'une régulation des émissions de plus en plus stricte, d'un prix des énergies fossiles durablement plus élevé, d'une finance verte qui se développe et d'une exigence croissante de responsabilité sociale des entreprises, l'adoption de processus de production moins polluants prend un caractère irréversible : il existera très peu de raisons de retourner à des processus plus polluants même une fois les dispositifs de soutien supprimés. Un autre avantage de cette politique est que les subventions ne créent pas de distorsions de concurrence non souhaitées. Elles ne procurent pas un avantage compétitif discriminant, elles ne font que soutenir l'effort des investissements aux coûts irrécouvrables nécessaires à la décarbonation des processus de production » indique l'OFCE.
Toutefois, l'inconvénient de cette politique, outre son coût net élevé à court terme, est qu'elle est une politique de guichets. Les investissements de décarbonation sont soutenus par les aides à condition qu'ils aient lieu. Elle doit donc être accompagnée de dispositifs d'incitation plus contraignants.
La délégation recommande de mettre en cohérence les aides de France 2030 à la future Stratégie nationale bas carbone ainsi que le futur Plan National d'Adaptation au Changement Climatique (PNACC 3).
4. Simplifier la politique publique afin de permettre une appropriation rapide par les entreprises
La décarbonation apparaît trop souvent aux TPE et PME comme un sujet abstrait, éloigné des questions de compétitivité à court terme et difficile à traduire en actions opérationnelles.
Même présenté sur une plateforme numérique, le maquis des aides publiques doit être simplifié et regroupé autour d'un parcours usager de l'entreprise débutant par le calcul de son bilan carbone. Trop de PME et de TPE ne savent en effet toujours pas calculer leurs émissions de GES.
Or, le bilan carbone d'une entreprise « n'est pas synonyme de fuite des responsabilités, d'écran de fumée ou d'achat de conscience » car la réduction de l'empreinte environnementale d'une entreprise « constitue un véritable trait d'union entre activité économique, transition juste et neutralité carbone planétaire. La contribution révèle la volonté d'entraide et la capacité de transformation du modèle d'affaires d'une entreprise »227(*).
Comme le souligne Cédric Ringenbach, fondateur de la Fresque sur le climat : « On voit encore des entreprises refuser de mettre dans leur bilan carbone des postes d'émission importants parce qu'elles n'ont pas de levier ou parce qu'elles ont peur d'être pointées du doigt. Elles voient le bilan carbone comme une mauvaise note au lieu de l'envisager comme un diagnostic. D'où l'importance de distinguer les émissions dont nous sommes responsables et celles dont nous sommes dépendants. Cela va permettre de déplacer la problématique du climat du domaine de la communication (« je prends des engagements ») vers celui de la stratégie (« j'analyse les risques qui pèsent sur mon activité ») »228(*).
Le parcours d'aides publique doit être recentré sur une quinzaine de dispositifs contre plus de 340 actuellement, autour du calcul des émissions de GES et d'un bilan carbone pour les TPE et PME, d'un plan de transition pour les grandes PME et les ETI. L'accompagnement à la transition climatique des entreprises doit partir de leurs demandes et être construit de manière transversale, en s'adressent aux différentes catégories d'entreprises quel que soit leur domaine d'activité.
La délégation recommande de simplifier les aides à la transition climatique des entreprises, en substituant une politique de l'offre à une politique de la demande, fondée sur le parcours usager de l'entreprise, s'adressant, de manière transversale, aux entreprises de tous secteurs et de toutes tailles.
5. Inscrire les aides publiques dans une stratégie bas-carbone
La conditionnalité les aides publiques aux entreprises, au respect de la Stratégie nationale bas carbone, avait été proposée dès 2020 par le Haut-conseil pour le climat.
Cependant, prendre appui, pour l'atténuation, sur le bilan obligatoire229(*) en matière de GES et sur les trajectoires des budgets carbone sectoriels indicatifs suppose qu'ils existent, ce qui n'est pas le cas.
Dans le rapport d'information consacré sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises du 31 mars 2021, l'Assemblée nationale avait considéré à juste titre que la taille des entreprises était un facteur distinctif majeur pour appliquer une politique d'écoconditionnalité, les auditions ayant montré une quasi-unanimité des personnes auditionnées pour exclure les TPE et les PME (les plus petites d'entre elles) d'une obligation de conditionnalité en cas d'aide publique. Le rapport avait proposé un seuil de 250 salariés pour que tout octroi d'une aide publique à une entreprise soit subordonné au respect de la trajectoire de décarbonation.
Dans un rapport sur le capitalisme responsable publié en septembre 2020, l'Institut Montaigne, recommandait également de « conditionner toute aide nationale ou européenne à des exigences ESG assises sur une taxonomie à la fois verte et sociale ».
L'écoconditionnalité a été instaurée par la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 qui a subordonné l'aide de l'État à la publication, par les entreprises soutenues financièrement, d'un bilan carbone et d'une stratégie de réduction des émissions de GES. Cette écoconditionnalité est cependant limitée aux entreprises qui réalisent plus de 500 millions d'euros de chiffre d'affaires dans lesquelles l'État prend une participation de l'État, ce qui en limite la portée.
D'autres amendements plus ambitieux ont été rejetés230(*).
On peut s'étonner, dans ce contexte, que le décret n° 2020-1291 du 23 octobre 2020 fixant les conditions d'octroi d'une aide destinée à financer « des investissements de transformation vers l'industrie du futur des PME et ETI industrielles » n'exige pas des entreprises qu'elles mettent en place des stratégies durables ou bas-carbone.
Pour CCI France, « qu'une aide octroyée pour mettre en place des dispositifs visant à limiter les émissions de GES soit subordonnée à des engagements précis - si ce n'est de résultat, au moins de moyen - en accord avec les objectifs visés (bilan carbone, diminution des émissions, etc.) relève d'une certaine logique. En revanche, l'idée de subordonner à des engagements en faveur du climat une aide publique dans un contexte sans lien direct avec la transition bas-carbone ne doit pas prospérer ; cela reviendrait à dé-corréler l'aide de l'objet pour lequel elle a été accordée ».
Comme indiqué, le PNACC 3, publié en octobre 2024, évoque la nécessité d'intégrer les enjeux de l'adaptation dans les dispositifs d'aide aux entreprises.
Il propose de conduire dès 2025, une évaluation des aides publiques. Les dispositifs ADEME, France 2030 et Bpifrance, qui doivent appliquer le principe du « Do No Significant Harm »231(*) ou « absence de préjudice important porté à l'environnement » seront ciblés en priorité.
Le PNACC 3 prévoit que la prise en charge des effets du changement climatique sur les entreprises en activité partielle sera à court terme conditionnée à la prise d'engagements complémentaires, qui pourraient notamment porter sur l'évolution du modèle économique de l'entreprise, la formation des salariés, l'adaptation des conditions de travail ainsi que l'aménagement des locaux et de l'outil de travail de l'entreprise.
Il conditionne enfin tout soutien public dans les stations de montagne ou de littoral à la réalisation d'un plan d'adaptation au changement climatique.
La délégation recommande de subordonner les aides publiques d'État à l'adaptation climatique et à la décarbonation au respect, par l'entreprise qui en bénéficie, de la Stratégie nationale bas carbone et des stratégies sectorielles et du Plan National d'Adaptation au Changement Climatique (PNACC 3), lorsqu'ils seront publiés.
6. Prioriser les investissements publics vers les technologies de décarbonation les plus efficaces
Accélérer la décarbonation de l'économie suppose d'amplifier le financement public et d'améliorer son ciblage dans un contexte de maîtrise des finances publiques.
Pour atteindre les objectifs que l'Europe s'est fixée, il serait ainsi nécessaire de doubler les financements pour la transition climatique, soit un investissement additionnel correspondant à environ 400 milliards d'euros par an.
En France, plusieurs rapports plaident également pour un effort public accru :
Le rapport Pisani Ferry - Mahfouz, publié par France Stratégie en 2023, déjà cité, estime que la neutralité climatique serait atteignable en France à condition d'investissements supplémentaires d'environ 70 milliards d'euros par an. ;
Le rapport de l'Institut Rousseau « Road to net zero », publié fin janvier 2024, rejoint cette estimation « à la condition expresse que tous les investissements tendanciels carbonés soient activement redirigés vers la transition d'ici 2050. Cela implique un désinvestissement massif des secteurs devenus partiellement ou totalement obsolètes ». Il propose 73 politiques publiques nécessaires à une activation efficace de chacun des 37 leviers de décarbonation, pour un coût public total de ces mesures pour la France est estimé à 90 milliards d'euros par an, dont 50 milliards d'euros en plus des dépenses tendancielles (estimées à 40 milliards d'euros par an). Cet effort conduirait à plus que doubler l'investissement public annuel moyen ;
Le rapport European Climate Investment Deficit, publié en février 2024 par l'institut français I4CE estime également que l'économie européenne doit doubler son niveau d'investissement climat pour atteindre les objectifs qu'elle s'est fixée pour 2030. L'étude a comparé les niveaux d'investissement de 2022 avec les niveaux d'investissement nécessaires chaque année pour atteindre les objectifs de l'UE pour 2030 dans chacun des 22 secteurs couverts par ce rapport, composant les systèmes énergétiques, des bâtiments et des transports. Il en résulte un besoin d'investissement annuel moyen global d'au moins 813 milliards d'euros, soit 5,1 % du PIB de l'Union européenne. Les investissements dans l'économie réelle ayant atteint 407 milliards d'euros en 2022, le déficit d'investissement européen dans le domaine du climat s'élève ainsi à 406 milliards d'euros par an, soit 2,6 % du PIB. En comparaison, les subventions explicites et implicites aux combustibles fossiles dans l'Union européenne ont augmenté et ont atteint 290 milliards d'euros en 2022.
Ces efforts sont importants, mais les coûts d'adaptation pour la France au dérèglement climatique ont été évalués par l'ADEME à 260 milliards par an, soit quatre fois plus que le surplus d'investissement public estimé.
L'aide publique aux entreprises doit être fléchée vers :
ü la recherche et développement, en consolidant le crédit impôt-recherche ;
ü le déploiement des innovations technologiques, un soutien public à l'investissement pouvant rendre les projets plus attractifs en termes de retour sur investissement, les technologies pouvant être trop coûteuses pour que les entreprises industrielles les adoptent spontanément.
Toutefois, dans le contexte difficile des finances publiques, il convient d'être rigoureux et exigeant : les financements publics dédiés à la décarbonation doivent être priorisés vers les technologies dont le ration « coûts/émissions de CO2 évitées » est le plus faible et sur celles dont le potentiel de réduction d'émissions de GES est le plus élevé, comme l'avait proposé le Conseil général de l'économie en 2021.
La délégation recommande que les financements publics dédiés à la décarbonation soient priorisés vers les technologies dont le ratio « émissions de CO2 évitées/ coûts » est le plus fort et sur celles dont le potentiel de réduction d'émissions de GES est le plus élevé.
7. Associer le Parlement à la politique de transition climatique de l'économie
Le Parlement doit être associé à la définition de la stratégie d'adaptation de l'économie à la transition climatique et pouvoir évaluer chaque année l'impact des politiques publiques qui y sont consacrées.
Le Parlement demeure l'instance la plus efficace pour traiter des enjeux environnementaux. Il est en effet :
- interface entre la science et la société : le Parlement est un passeur, qui rend accessible au plus grand nombre les enjeux scientifiques les plus complexes232(*),
- outil de réduction des inégalités : la décarbonation de l'économie comme la sobriété, bouleversent les valeurs liant le statut social à la consommation et reposent la question des inégalités de revenus et de patrimoines,
- instance de réallocation des ressources : pour prendre acte de la finitude de la biosphère et compenser les pertes d'emplois par des gains d'emplois, et lieu d'élaboration d'un nouveau compromis social.
La loi demeure le vecteur privilégié des décisions structurantes et les grandes orientations des politiques publiques se discutent au Parlement.
Les parlements, créés au 18e siècle, ont su se réinventer face à la révolution industrielle du 19e siècle notamment par le règlement de la question sociale et l'instauration d'un État-providence.
La délibération parlementaire n'est pas incompatible avec le contexte de finitude temporelle et matérielle. Les principes fondamentaux de la liberté bénéficient même d'un nouvel horizon : ma liberté s'arrête où commence celle des autres dans une nouvelle dimension d'espace et de temps.
Le climat a besoin de démocratie pour choisir les meilleures solutions, pour l'efficacité, particulièrement concernant l'adaptation ; pour faire face aux limites des technologies incapables de répondre dans les temps aux objectifs que l'on s'est fixés collectivement, et pour traiter de situations futures proprement inconnues, sans référence historique comparable.
La stratégie climatique, ses objectifs et son financement, ne peuvent continuer à être élaborés dans le huis-clos des administrations et rester confinés dans les seuls arbitrages des cabinets ministériels. Il est urgent que le Parlement se saisisse de ces enjeux majeurs, en débatte et décide, car il s`agit d'engager l'avenir de la Nation.
La délégation recommande d'organiser un débat public annuel au Parlement consacré à la transition climatique de l'économie. Prenant appui sur les données et les politiques conduites par l'État et les collectivités compétentes en matière de développement économique, ce débat permettrait notamment l'évaluation, avec l'aide de la Cour des comptes, des politiques accompagnant la transition climatique des entreprises.
* 210 Rapport intermédiaire précité « Les enjeux économiques de la transition vers la neutralité carbone ».
* 211 Ceci est cohérent avec les ESRS (European Sustainability Reporting Standards) qui mentionnent la nécessité de réduire les émissions d'au moins 90 % pour atteindre la neutralité carbone ou le « zéro net ». L'argument de « neutralité carbone » avancé par les entreprises reste très largement bâti sur la confusion entre les deux utilisations des termes « neutralité carbone » susmentionnés. Par ailleurs, la contribution réelle des crédits carbone à la lutte contre le changement climatique a été fortement remise en cause, tant en raison des incertitudes et des échecs entourant le déploiement de la capture de CO2 technologique et naturelle que de ceux concernant le calcul de potentielles émissions évitées.
* 212 « Science Based Targets » (« Objectifs fondés sur la science »), appelé aussi initiative SBT ou SBTi, est un partenariat créé en 2015 entre le Carbon Disclosure Project (CDP), le Pacte mondial des Nations unies, le World Resources Institute (WRI) et le Fonds mondial pour la nature (WWF) afin de fournir une évaluation indépendante des bonnes pratiques des entreprises.
* 213 « Compensation carbone : une proposition inefficace et dangereuse » Les Échos, 13 juin 2024.
* 214 Selon le GIEC, on parle d'élimination (« removals » ou « carbon dioxyde removal - CDR ») lorsque le CO2 est déjà présent dans l'atmosphère et de captage et stockage (« carbone capture ») lorsqu'un procédé permet d'extraire le CO2 directement au niveau des sources d'émissions industrielles et énergétique. L'élimination du CO2 peut s'appuyer sur des procédés de séquestration carbone (« carbon sequestration », c'est-à-dire de stockage des émissions dans des puits de carbone).
* 215 En effet, pour la commission d'enquête sénatoriale : « le scenario le plus raisonnable et plausible est celui d'un niveau de consommation électrique entre 580 et 615 TWh à l'horizon 2035 et environ 700 TWh à l'horizon 2050. Ce choix suppose néanmoins la nécessité d'un basculement massif des usages vers l'électricité ». Ce scenario suppose aussi le « renforcement des gains d'efficacité énergétique, dont le potentiel est de 100 TWH à l'horizon 2035, mais aussi des efforts de sobriété qui doit faire l'objet d'un plan national ambitieux. Il nécessite par ailleurs d'encourager vivement le rythme de déploiement des équipements bas-carbone, notamment dans l'industrie, les transports et le bâtiment ».
* 216 Dans les années 2003 à 2005, les études académiques ont été nombreuses et les discussions entre les États de l'Union européenne intenses, à l'occasion de la préparation de la réforme du « pacte de stabilité et de croissance », sur les critères pouvant remplacer ou compléter le déficit public et la dette publique au sens du traité de Maastricht. Ce débat a été relancé avec la crise de 2020 et des propositions visant à soustraire les investissements et les actifs non financiers, éventuellement certains d'entre eux comme ceux qui contribuent à la préservation de l'environnement, du déficit et de la dette.
* 217 Les investissements dans la transition énergétique consistent le plus souvent à remplacer des équipements par d'autres moins consommateurs de carbone, mais sans accroître le capital disponible et donc sans majorer le potentiel de production.
* 218 Outre un risque d'écoblanchiment.
* 219 « Règles budgétaires européennes : comment atterrir ? », 28 février 2022.
* 220 En utilisant une méthode commune et en s'appuyant sur l'expérience de NextGenEU.
* 221 « Comment surmonter « la tragédie de l'horizon » ? », Le Monde 4 mai 2016.
* 222 Selon l'étude de l'Union européenne Material Economics. (2019). Industrial Transformation 2050 - Pathways to Net-Zero Emissions from EU Heavy Industry.
* 223 « La transition énergétique à l'heure du parlementarisme : pour un débat à la hauteur de l'urgence », Benoît Calatayud, Alain Delmestre, Phuc-Vinh Nguyen, Fondation Jean Jaurès, 23 septembre 2024.
* 224 La « stratégie des fruits mûrs » est une métaphore couramment utilisée pour décrire la résolution simple et rapide d'un problème. Dans le cas d'un processus de vente, cela signifie que la cible est facile à atteindre en référence à la vente immédiate de produits ou de services. Un fruit mûr représente donc les opportunités de marché les plus évidentes, facilement et rapidement « prenables » et ne nécessitant pas beaucoup d'efforts.
* 225 Les deux autres piliers de ce plan sont le renforcement des compétences des travailleurs dans le but d'une « qualité » de l'emploi et de sa « bonne rémunération » et la sécurisation des approvisionnements en matières premières stratégiques, tout particulièrement en terres rares.
* 226 « Le verdissement de la politique industrielle », 8 juin 2023, Sarah Guillou.
* 227 « Les entreprises doivent aller au-delà du bilan carbone », Les Échos, 16 mai 2024, Julien Denormandie et Renaud Bettin dirigeants de Sweep.
* 228 « Transition écologique : faut-il sortir de la RSE ? », Les Échos, 14 juin 2024, Cédric Ringenbach.
* 229 Article L229-25 du code de l'Environnement.
* 230 Un premier amendement déposé le 16 octobre 2020 à l'assemblée nationale, visait à subordonner le bénéfice des subventions publiques directes et indirectes versées aux entreprises soumises à l'obligation de déclaration de performance extrafinancière, à la souscription et à la réalisation d'engagements en matière de réduction de leurs émissions de GES. Cet amendement ciblait les grandes entreprises et prévoyait une sanction en cas de non-respect des engagements pris.
Un second amendement, adopté le 27 octobre 2020, vise les plus petites entreprises. Il prévoyait qu'en contre partie du soutien de l'État dans le cadre du plan de relance, les entreprises de plus de 50 salariés publieraient un bilan d'émissions de GES simplifié avec l'aide d'un « outil informatique standardisé et gratuit » mis en place par l'État. Il précisait que la méthode simplifiée devrait être explicitée par décret et que le bilan ne prendrait en compte que les émissions du scope 1, c'est-à-dire les émissions directes produites par les sources d'énergie fixes et mobiles nécessaires aux activités de l'entreprise. Par ailleurs, il devra pouvoir être réalisé sans qu'il soit besoin de faire appel à des sous-traitants ou experts externes à l'entreprise. L'objectif de ce dispositif est de « fournir des estimations précises pour mieux orienter les mesures de soutien aux entreprises ». Du temps aurait été laissé aux entreprises bénéficiaires afin de s'adapter.
* 231 Le principe DNSH (« absence de préjudice important ») est au coeur de la stratégie de développement durable de l'Union Européenne. Intégré au règlement taxonomie de l'Union européenne ce principe impose aux acteurs économiques de ne causer aucun préjudice aux 6 objectifs environnementaux qui déterminent la durabilité d'une activité : l'atténuation du changement climatique ; l'adaptation au changement climatique ; l'utilisation durable des ressources marines ; l'économie circulaire ; la prévention/réduction de la pollution ; la protection/restauration de la biodiversité et des écosystèmes. En France, ce principe s'inscrit dans le cadre du projet « France 2030 » consacré à la finance durable et à la décarbonation de l'économie.
* 232 Voir notamment les travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.